Thresors de la Renaissance

Trésor de perfection


Auteur(s) : Collard, Philippe

Généralités

Titre long de la première édition identifiée (ou autre édition)
  • [page de titre manquante du seul exemplaire consulté au 7/09/2021]
  • Suite du thresor de perfection, tiré des epistres & evangiles qui se lisent en la messe durant l’année. Depuis le vendredy de la troisiesme sepmaine de Caresme, jusques au jeudy d’apres le dimanche des Rameaux. Par le R. P. D. Philippe François religieux benedictin (s.n., 1618)
Information sur l'auteur ou les auteurs
  • Collard, Philippe
  • D’après une encyclopédie théologique, le Trésor de perfection a été rédigé par Dom Philippe François, dont le vrait nom était Philippe Collard, né à Lunéville en 1579. La première édition du Trésor de perfection y est datée de 1615 et se composerait de 4 voumes in-12° (Migne, Jacques-Paul, Encyclopédie théologique ou Série de dictionnaires sur toutes les parties de la science religieuse, t. 1-50, 1844-1862 ; nouv, sér. t. 1-52, 1851-1866; 3e sér. t. 1-66, 1854-1873, France, n.p, 1853, col. 760).
  • Sur l’auteur, voir également "XXXIV. Vie de Dom Philippe François Colart, abbé de S. Airy de Verdun", 
    Documents rares ou inédits de l’histoire des Vosges: Histoire de l’abbaye de Senones : première partie, France, Dumoulin, 1878, p. 336-340.
    L’édition de 1618 du Trésor de perfection y est mentionnée (et non celle de 1615) : Trésor de perfection tiré des épitres et des évangiles qui se lisent à la messe pendant l’année, en 5 volumes in-12°. Imprimé à Paris chez Charles Chatelain, 1618 (mentionné p. 339).
Date de la première publication de l'œuvre1618

Description & Analyse de l'œuvre

Histoire éditorialeD’après l’Encyclopédie théologique de Jacques-Paul Migne (p. 760), la première édition du Trésor de perfection date de 1615.
WorldCat mentionne une première édition qui daterait de 1614 : notice WorldCat

Transcription et analyse des péritextes

Transcription des péritextes de toutes les éditionsA tres-digne et tres-vervueux [sic] Prelat, Jean des Porsellets, Evesque & Comte de Toul, Prince du S. Empire, &c. [s.n., 1618]
Monseigneur,
L’espouse aux Cantiques descrivant l’ordre de sa conversion, dict ainsi : j’ay ouye la voix de mon bien aymé qui frappoit : Elle veut dire que Dieu faict deux choses pour convertir & attirer les ames à soy, il leur parle, et les frappe : il leur parle par les sain- (ã 2 r°) ctes inspirations qu’il leur envoye, & par les mouvements & desirs de conversion qu’il excite en leur interieur : Car les sainctes inspirations, (ainsi que dict sainct Gregoire sur Job) sont comme des paroles secrettes que Dieu dit au cœur, ce sont comme des petits bruits que Dieu faict retentir en l’ame furtivement, et comme à la desrobée : mais non sans effect : car par ces paroles & bruits sourds (dict S. Prospere) Dieu donne entendement, il inspire conseil, il illumine le cœur, & le detrempe és affections & dispositions de sa divine volonté : mais pour l’ordinaire les pecheurs sont comme l’aspic, ils bouschent les oreilles de leur cœur à ces charmes cœlestes, pour l’ordinaire ils font les sourds & les endormis, & endurcissants leurs cœurs ne veulent point ouyr la voix du Seigneur : C’est pourquoy Dieu les vouslant forcer, sans neantmoins faire force à leur volonté, il adjouste le frapper au parler, il les frappe & les attire de force, tantost par benefices, par caresses & consolations extraordinai- (ã 2 v°) res, tantost par menaces & afflictions corporelles ou spirituelles, tantost par quelque nouvelle saillie de sa toute puissance, produisante quelque œuvre miraculeuse et surnaturelle, tantost par mille autres façons que sa sapience infinie invente toutes propres pour gaigner & amolir les cœurs des pecheurs, & les acheminer doucement à une bonne et saincte conversion.
Il est vray, c’est la façon ordinaire que Dieu tient à convertir les pecheurs, il leur parle, & les frappe, c’est pourquoy son fils bien aymé estant venu du ciel en terre tout expres pour y negocier la conversion des pecheurs y a procedé en la mesme façon, il a parlé aux Pecheurs qu’il a converty, il les a frappé. Il leur a parlé : car il leur a faict plusieurs discours tous celestes & divins, tantost en particulier, tantost en public. Il les a frappé, tantost par les actes des vertus toutes heroiques & exemplaires qu’il a faict en leur presence. Tantost par les guerisons & autres œuvres surnaturelles qu’il a operé ou en leurs personnes, ou (ã 3 r°) à leur veuë. Tantost par les tesmoignages de bienveillance qu’il leur a donnné, beuvant mangeant, & conversant familierement avec eux. Tantost par menaces, tantost par promesses, tantost par souffrances. Il est vray, toutes les actions & passions du fils de Dieu ont esté autant de coups qu’il a donné contre les cœurs des Pecheurs revesches et obstinez, avec tant d’efficace que mesme les femmes prostituées, & les adulteres, les usuriers, les Publicains, les larrons, bref les Pecheurs les plus determinez & les plus desbordez de la Judée, ont esté comme contraincts & forcez de se lever du lict de leurs mauvaises accoustumances pour luy ouvrir la porte de leurs cœurs, & y recevoir & loger ses douces & gracieuses remonstrances.
Sans contredit (Monseigneur) le soin principal des Evesques & Prelats doit estre de gaigner & convertir les ames : car c’est la fin principale de leur ministere & vocation. Nostre seigneur le disoit ainsi aux premiers (ã 3 v°) Evesques de son Eglise ses bien aymez Apostres. Tout ainsi (disoit-il) que [note marginale : Ioann. 20.] Dieu mon pere m’a envoyé, aussi je vous envoye : voulant dire que comme Dieu son pere ne l’avoit envoyé au monde que pour mettre fin aux miseres des pauvres (ainsi que dict le Psalmiste,) [note marginale : Psalm. 11.] c’est à dire pour retirer les hommes du peché (ainsi qu’explique Didyme : car les pechez des hommes ont esté la cause mediate de l’incarnation de nostre Seigneur, comme la pure & simple misericorde de Dieu en a esté la cause immediate, ainsi que l’on parle aux Escholes : De mesmes les Apostres & leurs successeurs les Evesques & Prelats de l’Eglise n’auroient chose plus serieuse à faire que de reduire les Pecheurs, & les attirer à une bonne & saincte conversion.
Il est vray, les Evesques & Prelats sont le col spirituel du corps mistique de l’Eglise) dict sainct Gregoire de Nysse, [note marginale : Him. 7. in cant.] & partant c’est à eux de maintenir les fideles, qui sont les membres spirituels de ce corps misty- (ã 4 r°) que que bien unis et conjoincts avec Jesus-Christ, qui est leur chef. Mais leur devoir & besongner principal est de reunir avec ce mesme chef les membres qui par leur faute, & de leur plein gré s’en sont desunis : car c’est à eux de separer la chose precieuse qui est l’ame, de la chose vile, qui est le peché, ainsi que dict le Prophete Hieremie : [note marginale : Hierem. 15] c’est à eux de consolider ce qui est affoibly, guerir ce qui est malade, lier ce qui est rompu, restablir & remetre en estat ce qui est corrompu, & chercher ce qui est perdu, ainsi que dit le Prophete Ezechiel [note marginale : Ezech. 34]. Il est vray, c’est à eux a qui Dieu donne en garde les Pecheurs, lesquels il tient desja comme captifs avec les liens de ses sainctes inspirations & leur deffend de les laisser eschapper s’ils ne veulent respondre pour eux. Ce sont ces hostellains Evangeliques à qui on donne le soin de faire penser ces chetifs voyageurs, j’entends les Pecheurs qui ont esté volez, mis en chemise & blessez à mort par les esprits malins, en ce malheureux voyage qu’ils ont faict (ã 4 v°) de Jerusalem en Hierico, tombans de la grace au peché. Ce sont eux, dict S. Gregoire de Nazianze, [note marginale : In apolog.] qui doivent faire prendre aux pecheurs la medecine salutaire que le fils de Dieu leur a composé avec le bois de la Croix, & la rubarbe de ses peines & travaux. Ce sont eux (dict sainct Augustin) [note marginale : Math. 5.] qui comme un sel mistyque & spirituel doivent deseicher les ordures & sanies des pecheurs. Bref ce sont eux de l’entremise & concours, desquels Dieu se sert plus particulierement & plus puissamment en la conversion des pecheurs, & partant il faut qu’ils se moulent sur le moule qui leur est proposé dit sainct Gregoire, il faut qu’ils suyvent le fils de Dieu à la piste, & qu’à son exemple ils parlent aux pecheurs qu’ils ont a manier, il faut qu’ils les frappent.
Sans feintise (Monseigneur) je voy en vous ce que l’espoux aux Cantiques [note marginale : Cant. I] promettoit autresfois à son espouse. Je voy en vostre col des belles chesnes d’or toutes marquetées d’argent : je vous voy tout comblé de gra- (ã 5 r°) ces surnaturelles, & tout riche en dons de nature. Il est vray, la nature a estably en vous ce qu’elle a de plus riche & de plus precieux : la grace y a mis ses plus riches pieces, & semble que l’une et l’autre vous cherissants à l’envy s’efforcent de vous rendre un Prelat tres-parfaict & tres-accomply. C’est pourquoy pour vous assortir des pieces qui vous sont plus necessaires à ces fins, elles vous font parler comme un Aaron, [note marginale : Exod. 4] elles vous donnent un discours vif, tout plein de moëlle, tout plein d’efficace, & plus penetrant qu’un glaive tranchant des deux costez. Elles vous donnent une Verge comme à un Moyse, c’est à dire la force & le courage de faire des œuvres vrayement heroïques & dignes d’un homme de vostre qualité. Tout vostre Evesché sçait ce que je dis, car il a ouy vostre voix pendant la reveuë que vous avez faicte en personne, de tout son district : il a ouy vos doctes & attirantes predications, il a entendu vos belles & rares instructions : il a (ã 5 v°) receu vos sainctes & salutaires admonitions, & à apprins d’icelles que vrayement Dieu a mis ses paroles en vostre bouche, [note marginale : Jerem. I] que vostre langue est l’organe & l’instrument de son sainct Esprit. Aussi a il veu le brillant de vos œuvres, & a recogneu par elles, que vrayement vous avez les perfections que le devot sainct Bonaventure moralisant sur les Seraphins que vit autrefois le Prophete Esaye requiert en un Prelat accomply, [note marginale : Intract de sex al.] c’est à dire un grand zele de Justice, une pieté toute pleine de compassion : une vie toute exemplaire, une patience invincible, une discretion circonspecte, et une devotion singuliere.
C’est la verité (Monseigneur) le petit monde de vostre Evesché à descouvert pendant vostre visite le zele de Justice qui va devorant & consommant vostre belle ame, car il a estré tesmoin oculaire des peines & fatigues que vous avez soustenuës en quatre années pour defricher & bannir de son district tout ce qui s’y (ã 6 r°) estoit glissé au prejudice de la foy et au desadvantage des bonnes mœurs. Aussi, y a-il veu les esclats de vostre pieté, il a veu les effects de vostre charité : Je dis plus : il les a gousté, car elle a esté comme un clair & lumineux Soleil de la chaleur duquel personne ne s’est peu cacher, il est vray, les affligez s’en sont ressentis, car vous les avez consolé, les pauvres s’en sont ressentis, car vous les avez soulagé : les ignorants s’en sont ressentis, car vous les avez enseigné : les gens de bien s’en sont ressentis, car vous les avez grandement resjoūys : les pecheurs s’en sont ressentis,car vous avez versé du vin & de l’huyle dans leurs playes, vous les avez fort bien pensez. Bref comme un sainct Paul vous vous estes accommodé à tous ; vous estes faict toutes choses à tous afin de les gaigner tous & les ranger tous à leur devoir. Mais qui pourroit descrire les rares exemples de vertus que vous leur avez tracé par vostre conversation ? Certes jamais Geomettrien ne jetta si à propos figure en (ã 6 v°) sable pour faire comprendre ses demonstrations, que vous avez representé en vos actions ce que vous vouliez inculquer à vostre peuple : Il est vray, vostre gravité temperée d’une humilité, vostre retenue attrempée d’une familiarité, vostre modestie & vostre temperance luy sont demeurées tellement imprimées au cœur, que le seul souvenir retient encore à bien faire ceux qui ont l’ame mieux faicte. Mais quelle patience avez vous tesmoigné en cette visite de sept à huict cent paroisses que contient vostre Dioceze : Certes vos predecesseurs ont eu raison de vous reserver l’honneur & le merite de ce chef d’œuure, car il falloit avoir un courage aussi relevé que le vostre, il falloit avoir une constance aussi ferme que la vostre, pour venir à bout d’une œuvre si peineuse & si laborieuse, & ne point ceder aux traverses & difficultez qui s’y sont presentées. Mais que diray-je de la prudence & discretion que vous avez monstrée aux rencontres plus difficiles de ceste vi- (ã 7 r°) site ? Vous avez desmeslé les choses les plus embroüillées, vous avez esclaircy les plus obscures et les plus douteuses, vous avez remis en estat les plus desesperées. Par vostre industrie vous avez gaigné les cœurs les plus revesches & les plus rebelles, & les avez porté ou vous avez voulu, par vostre dexterité vous avez rendu l’esperance aux desesperez, le courage aux foibles, & l’asseurance aux timides : Bref vous avez doucement & prudemment conduit et acheminé toutes choses à bon port, & avez tellement mesnagé vostre zele, que ceux que vous avez rudoyé (la raison le voulant ainsi) vous ayment, vous cherissent & vous honorent.
Les murailles & parois des Eglises & temples materiels seroient tesmoings de vostre devotion s’ils pouvoient parler, car ils diroient que maintefois ils vous ont tenu dans leur circuit depuis le matin jusques au soir pendant les chaleurs plus cuisantes de l’Esté, tantost à consacrer & reconcilier les Eglises, les Cemetieres & (ã 7 v°) autels portatifs tantost à escouter les confessions auriculaires & sacramentales, tantost à donner le sainct Sacrement de Confirmation à un monde presque infiny de personnes : tantost à donner la saincte Communion quelquefois à trois, quatre, & cinq milles personnes en une journée. Mais qui pourroit rapporter le fruict & le bien que tout vostre Evesché a tiré de ceste visite ? C’est chose averée que plus de deux cent mil personnes ont receu le sainct sacrement de confirmation par l’imposition de vos mains toutes sacrées : les pecheurs publiqs se sont recogneus les ennemis se sont reconciliez, les Heretiques se sont rangez les scandales ont esté retranchez, les mauvaises coustumes ont esté abrogées, les abus & superstitions ont esté supprimées, bref comme un autre Josias [note marginale : 4. Reg. 23.] vous avez repurgé, renouvellé & sanctifié le temple du Seigneur, vous avez repurgé, renouvellé, & sanctifié tout vostre Evesché : vous en avez eliminé tout ce qui pouvoit adulteriner la sincerité de la (ã 8 r°) foy, & prejudicier à la pureté des mœurs.
Pour vray (Monseigneur) trois choses semblent vous relever le courage, & vous obliger à choses grandes : la noblesse de vostre extraction vous y porte, car tout est grand en elle, tout y est noble, tout y est relevé : Elle est noble selon Dieu & selon le monde. Selon le monde, les Royaumes de Castilles d’Arragon, de Sicile, de Navarre, les Espaignes, l’Italie, se vantent des Princes des Rois & de plusieurs autres grands hommes que la tres-noble & tres-ancienne maison des Porceblets leur a fourny : Selon Dieu, les villes d’Arles et de Digne, & toute la Provence honore deux siens fleurons pour grands saincts : feu Monsieur de Maillane vostre Pere a esté un homme consommé en toute sorte de perfections, & semble avoir eu en bloc tout ce que ses ayeulx ont eu en detail : il est vray, entre les sages ç’a esté un Achitophel, entre les doctes ç’a esté un Soleil : entre les courageux ça esté un Aod, entre les (ã 8 v°) zelez ç’a esté un Phinées, entre les vertueux, ç’a esté un Phenix : feu Madame Hester d’Aspremont vostre bonne Mere, a esté une Dame des plus vertueuses & des plus accomplies de son temps : un Religieux de grande saincteté & perfection, la qualifia saincte le jour de son deceds, & asseura de sa felicité : Je sçay bien qu’ au dire d’un Poëte, & selon la verité mesme, tout cela n’est point vostre : Je sçay bien que les histoires sacrées ne font aucune mention ny du Pere ny de la Mere, ny de la race du grand Prestre Melchisedech, tout expres, dit sainct Ambroise escrivant à l’Eglise de Vercelle, [note marginale : Epist. 82.] pour monstrer que les Evesques & Prelats de l’Eglise ne doivent point estayer leur estime & reputation sur la noblesse de leur maison, ny sur les merites de leurs Ancestres, neantmoins il n’y a point de doute que la noblesse ne soit un esguillon bien vif à la vertu, s. Charles Boromée l’honneur des Prelats de ces derniers siecles l’a dit ainsi, & l’a experimenté en soy mesme. (ã 9 r°) Sans doute les beaux faicts des ancestres sons des esperons bien picquants à leur posterité : et partant je dis avec S. Paul, [note marginale : ad. Ro. II.] que puisque la racine est saincte il faut que les branches & les rameaux qui en pullulent soient saincts : il faut dis-je que comme jadis les victoires & trophées de Miltiades rompaient le sommeil au Capitaine Themistocles, ainsi les actions relevées de vos Ancestres, & nommement du bon S. Reinaud Evesque, comme vous, vous poulsent tousjours à choses plus grandes & ne vous permettent de vous arrester au chemin de la vertu.
Mais qui ne jugera de la juste hauteur d’un bastiment à la simple veue de fondement qui est posé ? qui ne dira que ce bon naturel que Dieu vous a donné, ceste bonne temperature & complexion corporelle dont vous jouyssez, ce bel esprit, ce beau jugement, & ce sçavoir relevé qui se voyent en vous, ne soient les fondements et les soubassements d’une perfection relevée & transcendante ? (ã 9 v°) L’estre de grace suppose l’estre de nature, aussi la grace suit la nature, & s’accommode à sa portée, & partant il est à croire que Dieu vous donnant ce bel attirail de nature comme un sage Architecte a faict en vous un fondement pour porter le faix d’une grande grace.
Mais que diray-je de la dignité des Evesques ? Ce sont des Phares, ce sont des flambeaux, ce sont des chandelles allumées qui doivent esclairer le camp spirituel de l’Eglise. Ce sont des Seraphins entre les Hierarchies de l’Eglise Militante (dit sainct Denis Areopagite.) Ce sont des Maistres, dit le Docteur Angelique sainct Thomas, qui font leçon de perfection. Les Religieux qui font estat de suivre la perfection Evangelique ne sont que simples escholiers, ils ne sont que simples apprentifs aupres d’eux, & partant à ce qu’ils puissent enseigner par exemple, qui est la meilleure façon, d’enseigner (ainsi que dit sainct Jean Chrysost. [note marginale : In 2. ad Thessal.] il est bien necessaire, que le rational qui couvre leur poictrine soit (ã 10 r°) chargé de quatre rangs de pierres precieuses, qui soient tellement arrangées, qu’en chacun rang il y en ait trois, et que toutes soient enchassées en oy chacune en son rang) & que les noms des enfans d’Israel soient gravez sur chacune pierre. C’est à dire (dit le venerable Bede moralisant là dessus) Il faut qu’ils soient ornez de toutes sortes de vertus & morales, & Cardinales, et Theologales : il faut qu’ils ayent des vertus non triviales, non superficielles & seulement apparentes, ains relevées, solides, transcendantes & exemplaires & du tout semblables à celles qu’ont practiqué les premiers Prelats de l’Eglise, les Apostres & tous ceux qui les ont suivy à la piste. Car comme dit sainct Gregoire de Nazianze, c’est vice au reste des hommes de faire des actions vitieuses & dignes de blasme & punition, mais à un Evesque c’est vice & chose blasmable de n’estre qu’a demy bon et à demy vertueux : Aussi Dieu jadis en l’Apocalypse, blasmoit un Evesque de ce qu’il alloit lachement en beson- (ã 10 v°) gne, & estoit decheu de sa premiere ferveur.
Pardonnez moy, Monseigneur, si je passe les bornes de mon devoir, l’affection me transporte, l’obligation que je vous ay, & pour mon particulier, & pour tout le corps duquel (quoy qu’indigne) je doibs estre membre, me force & poulse ma plume. Je me souviens tousjours, & me souviendray, tant qui je seray, du bien que j’ay reçeu par vous, car Dieu m’a parlé par vous ; il m’a frappé par vous, il s’est servy de vous comme desja d’un Evesque futur pour me gaigner, & me faire chercher les moyens de luy rendre ce que desja je luy avois promis. Il est vray, apres Dieu vos sages conseils et vos religieux advis, vos discours tous pleins de Zele & de devotion envers sainct Benoist & ses vrays & legitimes enfants, les grands tesmoignages que souventesfois vous m’avez donné du resentiment qu’avez du desordre de son ordre tant desolé, les nobles projects que desja vous faisiez de contribuer tout vostre pos- (ã 11 r°) sible à son restablissement m’ont faicts franchir le saut, & m’ont faict resouldre à me ranger à une vie reformée, & partant comme je mets ce benefice entre ceux de la premiere classe que j’ay receuz de mon Dieu, aussi ne se peut-il faire que je ne vous honore de tout mon possible, & ne me tienne vostre obligé. Mais le bien commun ne me touche pas moins, je ne ressens pas moins l’honneur que vous faictes à tout le corps de nostre congregation : et qui ne le resentiroit ? Vous l’honnorez d’une bien-veillance particuliere : vous avez un soing particulier de son accroissement, quand il est question de son bien, les frais ne vous sont rien, les peines ne vous sont que jeu, les difficultez ne vous sont pas plus que des toilles d’araignees, bref il semble que vous ne soyez faict que pour la maintenir, la stabilier, et la poulser tousjours à quelque chose de plus grand.
Sans feintise Monseigneur, vous avez grandement obligé sainct Benoist, par vostre Zele vous avez restably (ã 11 v°) l’Observance de sa Regle en cinq Monasteres de son Ordre qui n’en n’avoient retenu, ny traces ny vestiges, par vostre liberalité vous en avez reparé & rebasty deux autres qui estoient tous ruynez, tous desmolis et demantelez & devenus presque inhabitables, bref vous ne cessez de luy tesmoigner & paraffer par bien-faicts continuels la devotion sincere que vous luy portez, aussi est-il à croire qu’il s’en revangera et aura autant de soin de vos affaires au Ciel, que vous en avez de celles de son Ordre en terre : il l’a ainsi promis & s’est tousjours monstré fidelle en ses promesses envers ceux qui luy ont faict service. Permettez donc s’il vous plaist que ses enfans imitent sa recognoissance selon leur foible pouvoir : permettez que puisque ils ne peuvent rien faire pour vostre service qui approche tant soit peu des obligations inumbrables qu’ils ont vostre endroit, pour le moings ils confessent & publient par tout que jamais ils ne sçauroient vous payer ce qu’ils vous doivent : Permet- (ã 12 r°) tez disié que le plus petit d’iceux responde pour tous les autres, et vous offre ce petit present comme un gasge de la bonne volonté que luy et tous ceux de sa robbe vous ont voüé: C’est.
Monseigneur,
Vostre plus humble, plus obeissant & plus dedié serviteur.
D. Philippe François. (s.n., 1618)
Topoï dans les péritextesqualités du dédicataire comme des richesses

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Collection créée par Anne Réach-Ngô Collection créée le 28/06/2018 Dernière modification le 07/09/2021