Trésor de vie
Auteur(s) : Habert, François
Généralités
- Habert, François
- Poète et traducteur
Transcription et analyse des péritextes
[ē = e barré]
A tres noble et Magnanime Prince, François de Cleues, Duc de Nivernoys, Conte du Rethel, & Auxerre, Per de France, Gouverneur, & Lieutenant general pour le Roy, en ses pays de Champaigne, & Brye. François Habert son treshumble & obeissant serviteur donne salut. [Michel Fezandat et Robert Granjon, 1551]
Non sans raison ô Prince Magnanime
De vous escrirē ardent desir m’anime,
Veu que chascun apperçoit les vertus
Dont vous avez les esprits revestus.
Je dy vertus divines, & bien telles,
Qu’elles seront en tout temps immortelles,
Car si le corps subject a pourriture
Tost ou bien tard est mys en sepulture,
Ce noblē esprit que Dieu vous a donné
De ces vertus divines exorné
Vivra tousjours, & la grand renommée
De voz vertus, ne sera supprimée (A 2 r°)
Par dure Mort, dont la forcē & pouvoir
Dessus l’esprit vigueur ne peult avoir,
Mais elle peult subjuguer le corps tendre
Pour l’esprit fairē en plus hault lieu pretendre.
Et congnoissant ceste vertu illustre
Reluirē en vous par grand splendeur & lustre,
J’ay bien voulu mes Muses asservir
Pour (commē au Roy) humblement vous servir,
Et resjouyr vostre sens magnifique
De mon petit ouvrage poëtique,
En vous offrant pour estraine ce livre
Qui en voz mains liberales se livre,
Mieux augmenté que lors que de ma main
Il fut offert a vostrē œil tant humain,
Car J’ay voulu amplifier mon œuvre
Qui a voz yeux clair voyants se descueuvre,
Que J’ay osé aussi vous dedier,
Pour a jamais vostre los publier
Aux successeurs, si que de vostre gloire
Le temps ne puissē effacer la memoire.
Bien esperant qu’en tirerez plaisir
Quand de le lirē aurez quelque loysir,
Bien esperant qu’il sera delectable
A vostrē Espousē en vertus admirable,
De que l’sprit [sic] gratieux & benin
Rend lustrē en francē au sexe femenin,
Et a voulu raison que j’entreprinse (A 2 v°)
De saluer l’espouse d’un tel Prince
Que nous voyons d’incomparable pris.
Semblablement vostrē enfant bien apris
Auquel le los de perfaicte noblesse
J’ay consacré pour sa blonde Jeunesse,
Et a sa seur en graces estimée,
De nostre Roy filleule bien aymée.
Commē en leur nom Epistres on peut voir.
Si vous supply en gré de recevoir
Ce mien vouloir rempli d’obeissance,
Dont mes escripts vous donnent congnoissance.
En suppliant au celeste Recteur
Estre de vous curieux protecteur,
En permettant que la nouvellē année
Vous resjouysse, & vous soit fortunée. (A 3 r°)- A Tresnoble et illustre Princesse Marguerite de Bourbon, Duchesse de Nevers. F. Habert son treshumble serviteur donne Salut. [Michel Fezandat et Robert Granjon, 1551]
Sachant au vray que poëtiques Muses
Doibvent orner voz louanges diffuses,
Et qu’un chascun Orateur vous reserve
Un los egal a celuy de Minerve,
C’est bien raison (Duchesse de Nevers)
Que vous ayez tousjours par en mes vers,
Pour vous monstrer l’obeissance deue
Qui de par moy vous doibt estre rendue,
Et pour monstrer a tous les orateurs
De nostre Francē, illustres inventeurs,
Qu’ilz doibvent tous a ce s’estudier
Pour leur labeur tousjours vous dedier.
Et decorer vos graces tant nayves
Qui malgré Mort demourront tousjours visves.
Quant est de moy, je ne desire rien
Fors que Pallas me conferē un tel bien
De me donner autant richē escripture
Que vous avez de graces de Nature.
A celle fin que je chante le nom
De vous, qui tend a immortel renom,
Et que ma plumē a ce soit provoquée
Que vous soyez tousjours d’elle invoquée
En mes escripts, qui, certes, se fera, (A 3 v°)
Et desormais mon stile s’enflera
Si qu’a presant voz grances entendues,
Aux successeurs soint [sic] aussi estendues.
Et pour autant qu’a vostre noblēe espoux
J’ay dedié cest ouvragē a propos,
J’ay bon espoir qu’il le vous communique
Commē a sa vrayē esjouyssancē unique.
Ou vous verrez une traduction
Un oeuvrē aussi de mon invention.
C’est donc à luy que treshumblement s’offre
L’oeuvre petit, choysi dedans mon coffre,
Bien esperant qu’il vous en fera part,
Puis que son cueur tant noblē il vous depart.
Oultre verrez un œuvre poëtique
Qui de nouveau a vostre nom s’applique.
C’est le Thresor de viē & le traicté
Des quatrē amours, ou vostrē œil arresté
Prendra plaisir, soubs esperance telle
Qu’aux successeurs vous serez immortelle,
Qui penseront a vostre noble sang
Par mes escripts couché en digne rang.
A tant je pry au Createur celeste
Vous preserver de tout ennuy moleste.
Puis quand viendra l’heure du dernier jour
Il vous reçoivē au celeste sejour. (A 4 r°) - Aux amateurs de poesie françoise. Le traducteur donne Salut. [Michel Fezandat et Robert Granjon, 1551]
Comme la varieté des choses, ou paincture de diverses couleurs est grandement delectable aux yeux des hommes experts, & clair voyants, & comme l’estomac rejecte une viande trop accoustumée, se delectant de nouvelle, aussi l’esprit fasché de s’employer aux graves estudes des loix concernants le regime & utilité de la Republique, prent bien souvent merveilleuse recreation, d’intemettre ce plus grand travail, & prendre repos par mesmes lettres, mais un peu plus doulces, comme a la Poësie entremeslée de Chrestienne Philosophie. et aux dicts moraux des anciens, & ainsi l’esprit sollicité, & vexé de grave estude par la leçon de plus gracieuses lettres se recrée, et reprent vigueur, comme ceux qui mords par le Scorpion, par icelluy mesme cherchent & trouvent le remede de leur guerison, cela me meut d’escrire aucunefois plusieurs differentes matieres pour l’entretien & decoration de nostre françoise Poësie, qui desja par noz Poetes françois s’en va si riche, & illustre, qu’elle s’ose desja accomparer aux Grecz et Latins, mais pource que tant de bons esprits de nostre temps quoi se mettent a escrire, souillent leur beau stile, et veine elabourée d’amours impudiques, dù nom de Juppiter, de Pluton, Neptune, & autres faulx Dieux adorez par l’idolastre antiquité, la varieté des choses en cest endroit ne doibt, & ne peult plaire, sinon a ceux qui sont adorateurs (A 4 v°) de mesme farine, comme Ciceroniens, Epicuriens, Platoniciens, Ateistes, Anabaptistes, mondains, seducteurs, au mespris, & deshonneur de nostre foy chrestienne approuvée par tant d’oracles des Dieux et esprits Demoniacles contraicts de la confesser : approuvée par tant de Sybilles, & propheties avant la venue de Christ, au nom duquel tout œuvre debvroit estre commencé & fini. Et au lieu de produire tant de vaines poesies, ne permettre sortir en lumiere, sinon que celles qui seroient entremeslées des fleurs Evangeliques, des graces & biensfaicts de nostre Dieu, de ses promesses, de sa benediction, de l’esperance des fideles : du divin salaire promis aux enfants et esleus de Dieu, ou pour le moins que les œuvres qui sortiroient en lumiere, fussent pleins de bonnes meurs, approchants de la saincteté des celestes escriptures, comme on peult faire de plusieurs anciens autheurs, tant Grecz que Latins. Desquelz la traduction en nostre langue françoise ne seroit que proffitable, & ne seroit en rien contre la saincte doctrine de nostre Redempteur, pour laquelle chose imiter apres avoir exposé en lumiere plusieurs ouvrages poëtiques de pure & saincte leçon, il ne m’a semblé mauvais de destourner ailleurs ma plume, & luy donner le choix de tant de fleurs morales des latins, pour en transmuer une a sa fantasie, ce qu’elle a faict, en s’arrestant sur Philippe Berolade, homme de grand erudition, qui pour dignement louer la vraye et perfaicte amytié, se dict avoir traduict du vulgaire de Boccace, en langue Latine, l’hystoire de Titus, & Gisippus, la mutuelle amytié desquelz passe celle d’Enée, & Acathes, de Pylades & Orestes, d’Achilles & (A 5 r°) Patroclus, de Castor & Pollux, de Theseus & Pirithous. Et pource que la matiere ne m’a semblée esloignée de bonnes meurs : dilection de son prochain, principal edict de Jesuschrist : j’ay bien voulu persuader a ma plume de transmuer un transmueur, et interpreter en rime françoise ladicte hystoire de. Berolade, se disant l’avoir traduicte de Boccace ne s’estant assubjecti a le rendre mot a mot, usant de l’authorité du sententieux Horace. Lequel edict approuvant, je ne me suis aussi rendu subject a cela, ayant decorée ladicte traduction de doulces fleurs Poetiques, pour resjouyr les doctes aureilles de vous, lecteurs debonnaires, adonnez a nostre Poesie françoise : & pour user de celle delectable varité, mentionnée cy dessus, j’ay adjousté a ladicte hystoire de Titus & Gisippus, la traduction d’un autre petit œuvre dudict Beroalde, ascavoir la fable du Roy Tancredus contenant les pitoyables amours de deux amans, la traduction de laquelle pourroit sembler repugnante a ce que j’ay dict de rejecter les leçons impudiques, si le scavant lecteur ne mettoit devant ses yeux, qui est quelque foys necessaire de scavoir le mal, pour l’eviter, et n’user d’icelluy, aussi en lisant ces lamentables amours, on apprent a s’en abstenir, & a vivre chastement, & telle leçon rend heureux celluy qui par la ruyne d’autruy, devient caut, & sage : esperant amy lecteur que les petites traductions avecques le plaisir t’apporteront fruit & utilité. Oultre tu verras de mon invention le traicté des quatre Amours : Le Thresor de vie, l’exaltation de perfaicte Noblesse, & le nouveau Cupido, œuvres (a mon jugement) de non moindre delectation, que proffit. Adieu. (A 5 v°)