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Sassine, Williams, 167. Souvenirs à venir, 1995/05/29

Claire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)

Consulté le 29/08/2025 sur la plate-forme EMAN : https://eman-archives.org/francophone/items/show/3509

Texte de l'article

Transcription

N° 167, 29 mai 1995 : « Souvenirs à venir »

On raconte que « partir c’est mourir un peu ». Ce n’est pas tout à fait vrai comme toutes les belles formules. Le « Lynx » devait quitter Conakry pour Niamey pour une série de conférences au Niger.

La veille, un homme en tenue venait de ba-lancer sa grenade dans un bar. Plusieurs morts. Un gars probablement qui pensait que les capotes ne faisaient pas assez leur boulot contre la démographie. Un précurseur, cet enragé dont la devise pourrait se résumer en ceci : « Une grenade dans le slip et ouille ». Une puissante philosophie, en somme, basée sur un humanisme scientifique, du genre : « Si l’homme a mis des millénaires pour faire du feu, c’est pour éclairer le monde à travers des incendies … ». Ceci n’est pas important. C’est la grenade qui l’est, puisqu’il est possible de rêver à une autre grenade plus juteuse devant de jeunes délinquants desséchés et télévisés quotidiennement, devant les chronophages et autres fabricants de notre actualité.

A Niamey, au Niger, on m’attendait : « Partir ce n’est pas mourir un peu ». Après 22 ans d’absence faite d’une aventure en pointillés dans l’enseignement, je revenais comme écrivain et journaliste dans le cadre du « Mois du livre ». J’ai donc parlé de livres avec des élèves, des enseignants, des écrivains, des étudiants, à travers des débats, des causeries, des conférences. Le livre étant devenu aussi rare qu’un caca de caïman, à cause de l’éloignement financier des ministères de la culture, des productions, comme un peu partout en Afrique. Ainsi que le cul et le nez qui vivent dans le même corps sans se sentir. Ainsi va la littérature dirigée par des mégalomanes ambitieux et opportunistes à l’instar des présidents des Associations des écrivains. Celui de Guinée voulant inviter le pape, et celui du Niger se faisant recevoir par Sa Sainteté illustre ce calcul intéressé.

Je ne parlerai pas trop du Niger parce que je serai tenté de comparer et la comparaison ne sera pas en notre faveur. Je me suis régalé de pintade rôtie à 4000 francs glissants et de bouillons de langues à 2 000 francs. Nous, nous n’avons que des mauvaises langues ici. Le genre qui chante devant des déchantés de la vie sociale. Ainsi nos artistes mâles ou femelles portent des noms d’animaux. Nous avons la « vache » du mandingue, Kerfala « l’oiseau » du Sankara…La dame « Chipe-chope ». La Rétégé souhaitait « bonne arrivée aux malades à l’hôpital ». J’étais en technicolor entre un pays au ciel gris et un pays à l’horizon reculant. Nous on parlait de barrer les eaux, là-bas, ils se battaient contre tout ce qui peut aplatir la terre.

Et finalement, dans le regard desséché de ces jeunes nourris de la vision de Dieu, j’ai senti une quête désespérée de l’homme debout. J’avais l’impression qu’ils voulaient coucher avec le ciel, comme on fait allonger une femme déshabillée pour pouvoir la lire, tentés qu’ils sont pour devenir une bibliothèque vide à brûler ou un vide à la bibliothèque », quoique le vide comme on le dit, n’aspire qu’à attirer.

Il est vrai que cette loi physique, qui est
devenue un théorème électoral, n’a de sens que le non sens. Parce qu’en écoutant les uns et les autres, en regardant les seins tombés et les démarches boiteuses, on se trouve en mal de choisir entre les édentés d’en haut et les édentées d’en bas. Injuste équilibre. Parce qu’il ne s’agit plus pour la jeunesse de mordre la vie, mais de ne pas en démordre.

Une littérature qui cherche à panser, a de la difficulté à penser. Car si l’évidence n’est plus à vider, elle se dévide d’elle même. Elle ressemble au métier à tisser des tisserands, ces laborieux du va-et-vient horizontal à l’ombre des grandes chaleurs sahéliennes, près des lions, couchés sur le dos, les pattes en l’air, comme pour empêcher la pesanteur de tomber.

Billet

« Un chat m’a conté »

Il était une fois

Il était deux fois

Il était trois fois

La Gomme

Comme tu es

Cent fois,

A dit Conté,

Débrouille-toi

Par Williams Sassine

Description & analyse

Auteur de l'analyseDegon, Elisabeth

Contributeur(s)Degon, Elisabeth (collecte et saisie)

Éditeur(s) de la ficheDegon, Elisabeth

Auteur(s) de la transcriptionDegon, Elisabeth

Informations générales

LangueFrançais

CoteLe Lynx, n° 167

Présentation

Date1995/05/29

GenreDocumentation - Presse

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Éditeur de la ficheClaire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)

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Notice créée par Elisabeth Degon Notice créée le 30/07/2019 Dernière modification le 01/09/2022

167. Souvenirs à venir

Auteur(s) : Sassine, Williams

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