168. Pas de cadeaux !

Auteur(s) : Sassine, Williams

Les folios

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Sassine, Williams, 168. Pas de cadeaux !, 1995/06/05.
Claire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle).
Consulté le 20/04/2024 sur la plate-forme EMAN : https://eman-archives.org/francophone/items/show/3510

Texte de l'article

Transcription

N° 168, 5 juin 1995 : Pas de cadeaux !

J’ai de la chance. Moi, ma belle-mère, elle est comme ça ! A Fakoudou ! Elle boit Hiiii ! Elle entre bourrée tous les soirs. Elle a déjà enterré 4 types.

- Hic ! Hic ! Toi tu as tout. Moi, mon oncle, il ne boit jamais. Il donne à boire par con-contre. Il a toujours une bouteille. Même quand il va aux toilettes. Avec ça il m’a maudit pour abus.

- Vous n’avez pas de problème. Mon père est venu, je ne sais même pas si c’est mon vrai père. J’ai deux mètres de haut quand je suis couché, et ce c…là, ne fait même pas un mètre quand tu le poses sur un tabouret. Il dit tout le temps que Dieu est plus grand. Mais tout le monde est plus grand que ce type.

- Pardon, parlons de sérieux, quoi ? Moi on veut que je vote, sans me préciser pour qui, pourquoi. Au temps du parti unique, on n’avait pas le choix. C’était bon. A Fakoudou ! On est embrouillés. Il nous faut un homme fort, prêt à foutre tout le pays en l’air. Si l’Allemagne n’avait pas été détruite, elle ne serait pas aujourd’hui ce qu’elle est. Si le Japon n’avait pas été écrasé…Le Zaïre aussi. La chance de ce pays, c’est le Sida et maintenant la diarrhée rouge « Ebola » et le reste…On peut sauver ce pays comme le Rwanda, quand il n’y aura plus de Rwandais. Je ne suis pas un pessimiste, parce que même 2 zéros alignés horizontalement forment l’infini. A Fakoudou !

- Moi, je n’ai pas été à l’école. Je suis simplement chauffeur de taxi. Et ce gagne-pain n’a même pas de frein. Si Dieu m’a créé à son image, je ne me reconnais pas dans le rétroviseur. Beaucoup d’artistes ont été enterrés dans un vagin. Cela dit…Bon je pense en toute sincérité.

- Je vous arrête ! Moi, j’ai fait l’université. Il est possible que Descartes n’ait pensé qu’à sa panse, en faisant semblant de penser. Une mauvaise lecture d’Aristote ; mais avec le temps, un poisson peut devenir leader politique. C’est l’Ouïe qui donne le Oui. C’est pourquoi j’aime manger du poisson. Parce que chez moi, à Kankan, cette ville à nom d’épée, est traversée par une rivière qui se fait lire plutôt à Bamako. Sous des bibliothèques souvent vides. La barbiche ne fait pas le sage. Même si de nos temps, l’habit fait le moine. Une pute bien habillée et polie ressemble davantage à une grande dame qu’à une fille de petite vertu.

A propos de petite vertu, les nouveaux saints, avec des seins mille fois tétés et flétris, nous tombent du ciel, lâchés par Dieu pour polluer de promesses d’autres promesses jamais tenues, nous transformant ainsi en indépendan-tristes et plus près de nous en artistes défilant pour un barrage ou un garage qui n’ose pas dire son nom pour ne pas effrayer Mamie Wata. Il n’est plus temps de conter, mais de compter. Le sac de riz ne fait pas de campagne publicitaire pour se faire élire. Contrairement au parti au pouvoir et à l’opposition, qui ne vit que « d’annihilisme » selon l’expression d’un jeune philosophe ivoirien, Adou Koffi.

Mais tout se passe comme si les emmerdeurs officiels à longueur d’ondes radiophoniques ne nous inoculaient pas un sédatif. Le problème, c’est que nous n’avons pas de problèmes. Nous avons au contraire trop de solutions. Et ça, c’est un problème très grave ! Classée parmi les derniers pays du monde, la rubrique nécro de la Rétégé peut en témoigner. On nous raconte à l’intention des bailleurs de fonds pour ne pas qu’ils baillent au fond de la classe surchargée malgré la bonne volonté apparente de la femme chargée de former des futurs chômeurs, ces bailleurs de fonds baillent-ils par ennui ou par calcul ? On leur a trop souvent dit que nous avons du diamant, de l’or, de la bauxite. On oublie trop souvent notre richesse inépuisable, les moustiques. Ils ne peuvent être vaincus que grâce à l’Annihilisme aidé par une forte dose d’alcool.

Débrouiller, ce n’est pas voler, notre minus-tre de l’insécu connaît la formule, ainsi que minus-tre au BOA dormant qui « s’étonne » qu’on coupe les arbres, pendant qu’on « coupe » les femmes, nous coupant ainsi du 7è ciel. A Fakoudou ! Pas de cadeaux !

Le petit Guillaume Alexandre était, lui, aux nues pour fêter ses 60 jours terrestres. Son père un confrère et sa mère, l’Arôme Magique de la famille étaient aux anges. Le petit Alexandre le grand, n’étant pas indésirable a toutes les chances d’être beau et bon. Fragile pour le moment, nous lui souhaitons plus tard des plumes pour raconter de merveilleuses histoires à Papa et maman, une forme d’essai sur la vie qu’est l’annihilisme.

Car on peut vivre et mourir (d’après Antoine Brunet dans son précis d’histoire de la civilisation occidentale, paru en 1979 chez Hachette). On peut donc vivre et mourir dans des conditions inhumaines sans même se plaindre, parce qu’on n’en a pas conscience, qu’on ne voit pas comment changer, qu’on ne croit pas pouvoir changer…

Nous voilà au cœur du problème en pleine aporie. Nous ne vivons pas la vie, mais la mort parce que nous ne pouvons pas remettre la vie en cause. Et pourtant, il faut faire le procès des jeunes bandits en ce moment passant d’un bar à la barre illustre notre propos. Chacun d’eux peut dire : « Si je ne suis rien, c’est parce que je ne suis personne ».

Pour la fête des mères, offrez une capote. Quant aux enfants, ils attendent leur bonbon annuel. Bonne fête à ceux qui ne sont ni femme ni enfant. A Fakoudou ! Pas de cadeau pour eux. Seul le Lynx pense à leur solitude.

Quelqu’un racontait : « J’ai 6 enfants et 1 policier. Je ne sais pas comment sa mère a fait. Mais chat ne fait rien. Moi, père d’un policier ? On aura tout vu. En plus le type, il raconte partout que lui, il est utile, alors qu’il crée des embouteillages comme Fory Coco. Je crois que c’est lui qui a volé hier ma capote super blindée. Je vais faire mon enquête.

Communiqué Ceci et cela

Les personnes ci dessous sont convoquées :

1) Les gens qui n’ont rien à foutre

2) Les gens qui veulent tout foutre

3) Les bêtes qui sont foutues

4) Les cigarettes non fumées

5) Les poissons fumés

6) Les électeurs en fumée

Nous reprenons notre communiqué

On vous le rendra un jour

Ou dans deux jours

Parce qu’ici, il n’y a pas de petits problèmes

On a également ramassé

Un porte-feuille vide

Avec un dentier

De quelqu’un qui aime se mordre les fesses

Pardon ! Arrêtez vite vos radios

On vient de nous couper le courant.

Billet

« Un chat m’a conté »

La chauve-souris dort

La tête en bas pour rêver

Elle n’a pas de plumes mais elle vole

Elle a des canines mais elle n’est pas carnivore

Elle donne à téter mais elle n’a pas de soutien

Elle ne voit pas mais elle est noctambule

Etc…

Quand une s’accroche à une branche

Toutes les chauves-souris la suivent

Jusqu’à ce que la branche casse

Si vous n’avez jamais vu de chauve-souris

Regardez nos leaders politiques

Par Williams Sassine

Description & analyse

Auteur de l'analyseDegon, Elisabeth

Contributeur(s)Degon, Elisabeth (collecte et saisie)

Éditeur(s) de la ficheDegon, Elisabeth

Auteur(s) de la transcriptionDegon, Elisabeth

Informations générales

LangueFrançais

CoteLe Lynx, n° 168

Présentation

Date1995/06/05

GenreDocumentation - Presse

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Fiche : Elisabeh Degon, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes, CNRS-ENS ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)

Éditeur de la ficheClaire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)

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Notice créée par Elisabeth Degon Notice créée le 30/07/2019 Dernière modification le 01/09/2022

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