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Sassine, Williams, 213. Prospérité-Unité-Progrès (PUP), 1996/04/15

Claire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)

Consulté le 10/08/2025 sur la plate-forme EMAN : https://eman-archives.org/francophone/items/show/3555

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Transcription

N°213, 15 avril 1996 : « Prospérité-Unité-Progrès (PUP)

Bon, notre Général Fory Coco a sauté les classes pour devenir Docteur. Après avoir sauté les grades pour pouvoir se faire féliciter comme un Général particulier. Une carrière fulgurante. Du jamais vu ! Comme tout ce qui passe dans ce royaume déguisé en républi-relations dont les acteurs principaux viennent de rentrer d’une tournée en « Guinée profonde ». D’après la radio que personne ne veut voler. Ces acteurs en grec Iprocritis étaient donc dans le pays profond pour parler aux populations de Prospérité, Unité, Progrès. Un autre Pé Ou Pé, je vous assure. Guinée profonde ! Mais de quel côté elle est profonde ? Son ciel ? On a harcelé tellement le bon dieu depuis 40 ans avec nos misères dans le bon pays qu’il nous a offert, qu’il préfère aller se reposer dans les endroits où l’on prie en travaillant. La Guinée profonde dans ses souterrains ? Ce côté est surpeuplé de tous ceux qui ont voté pour la mort à « courte maladie ».

Bon, laissons cette Guinée dite « profonde » ! Car ceux qui aiment en parler, au delà du vocabulaire, de façon inconsciente, sont ceux-là même qui cherchent à diviser anatomiquement le corps de la terre guinéenne. La peau ne couvrant que les côtes. Vive les piqûres épidermiques ! Le barrage Harakiri sera bientôt là pour éclairer ces nouveaux spécialistes de l’Euthanasie économique, pratiquant la respiration artificielle de temps en temps sur nos régimes enclavés à souhait. Kankan en est un exemple. A force de ne jamais voir le train, sa gare est transformée en maquis, les wagons en bordel. J’y ai bu un jour, ma table posée sur les rails, pendant qu’un des minustres immobiles (comme tous nos minustres de transport d’ailleurs) menaçait de Conakry à 800 km « que le train arriverait bientôt, qu’il écraserait tout le monde… » Tout Kankan s’est fendu de rire. A Fakoudou ! Ça fait 5 ans de cela. La première et dernière tentative de nos cheminots, a amené la locomotive au niveau de Mamou (à 250 km de la capitale). Et puis elle est redescendue des montagnes du Fouta, en marche arrière, malgré les efforts du conducteur. La bête a raison. Il est plus facile à un pèlerin d’ailler à la Mecque, que de voir un jour un de nos trains à Kankan. Wallahi !

A propos de transport, son minus-tre, celui qui va de Charybde en Scylla s’est permis de déclarer devant notre assemblée : « Qui peut reprocher quelque chose à notre président ? » Cette inertie, il la pose, devant l’opposition. Il n’est pas le seul à aller aussi loin dans la démago. On se souvient, quand le type était aux Affaires Etranges, on se souvient de ses déjeuners avec la presse, style Giscard recevant ses éboueurs nègres : « Tenez mon brave, cette dinde pour votre réveillon ! » ; dîners avec les vieux (heureusement, chez nous les vieux ne vivent pas longtemps, puisqu’ils meurent jeunes. Excepté un Biro).

Justement, prenons le cas de notre Biro, alias Ibro, le maître chanteur (j’ai dit CHILENCHE !) de notre assemblée saladière. Ce jeune rompu aux exercices périlleux entre le Pédégé et le Pé Ou Pé, d’après lui, était resté en contact avec le président pendant que le palais brûlait. Au lieu de s’y rendre directement. Quelle bravoure ! Ainsi, si ça avait mal tourné, on pouvait toujours changer de maître : « J’ai eu plusieurs fois le chef au bout du fil. Il était calme, plus que calme, dans son palais qui brûlait. Depuis ce jour, je l’admire plus que tout… » Voilà à peu près, ce que Biro alias Ibro, a dit devant l’assemblée dont une partie a applaudi « mécaniquement » comme l’a dit Doré. Admirer quelqu’un en train de cuire au lieu d’aller éteindre le feu ! C’est chat l’amitié et la solidarité à la guinéenne ! Et puis, pour des besoins de sécurité, il n’avait pas besoin de révéler qu’il possède votre numéro de téléphone monsieur le Président, n’est-ce pas la Gomme mais toi, en tant que minustre de tout, tu étais planqué dans une ambassade. Ou bien ?

Bon, laissons passer ça aussi ! Le coup de balai viendra plus tard pour tous ceux qui étaient sous leurs lits ou loin d’eux, pendant ces événements. Revenons à l’actualité. Ce palais est devenu notre Mur de lamentations. Chaque fois qu’une personnalité est de passage, on lui fait visiter, notre temple où notre démocratie a été accouchée. Temple devenu aujourd’hui une merveille revue et corrigée par un Néron pyromane au meilleur de sa forme. Mais seulement pour visiter notre mur de lamentations, il faut banquer. Nous avons déjà reçu (je ne parle pas de vous ou de moi) quelques milliers de tonnes de riz, quelques milliards de nos francs. À ce prix, je mettrai bien le feu à tout ce que je possède, en particulier aux livres qui font ma gloire ailleurs, en attendant qu’un journagaleux de la Rétégé ait le courage de m’interviewer.

Notre directeur est libéré. Je ne l’ai pas vu encore. Je suis comme Saint Thomas. Il faut que je touche pour croire. La prochaine fois que je le rencontrerai, il me faudra le gifler pour vérifier si c’est vrai. De toute façon, on ne peut pas « libérer » un intellectuel. Parce que tout simplement, on ne peut pas l’arrêter. On peut pas arrêter son intelligence, son imagination, ses rêves, ses aspirations. Notre regretté Kaba 41, le grand poète en a fait l’expérience. 10 ans de camp Boiro. Sorti vivant, il a eu le temps d’assister à l’enterrement de ses bourreaux. De même, monsieur le procureur Léno, vous étes trop petit pour pouvoir libérer un Souleymane. On ne peut que le Relaxer, même si un jour vous réussissez à le faire condamner encore. Libérer et relaxer ! Le français est votre outil de travail. Apprenons à nous en servir. Car la Justice du prince importe plus au peuple que la bonne récolte. Heureusement que monsieur le chef de l’Etat, veut mettre de l’ordre chez vos hommes de robe rouge, parce qu’il s’est rendu compte que quand le juge est aussi accusateur, c’est le triomphe de la force et non de la loi. A Fakoudou !

Billet

"UN CHAT M'A CONTÉ"

Le président n’a pas de palais

Les trains n’ont pas de gare

Les étudiants pas de bibliothèque

Les orchestres attendent leurs instruments de musique

Les médecins pas de téléphone

Les voleurs n’ont pas de lumière

Les électeurs manquent d’élections.

Par Williams Sassine

Description & analyse

Auteur de l'analyseDegon, Elisabeth

Contributeur(s)Degon, Elisabeth (collecte et saisie)

Éditeur(s) de la ficheDegon, Elisabeth

Auteur(s) de la transcriptionDegon, Elisabeth

Informations générales

LangueFrançais

CoteLe Lynx, n° 213

Présentation

Date1996/04/15

GenreDocumentation - Presse

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Fiche : Elisabeh Degon, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes, CNRS-ENS ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)

Éditeur de la ficheClaire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)

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Notice créée par Elisabeth Degon Notice créée le 30/07/2019 Dernière modification le 01/09/2022

213. Prospérité-Unité-Progrès (PUP)

Auteur(s) : Sassine, Williams

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