222. Sékou Gouré et les autres

Auteur(s) : Sassine, Williams

Les folios

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Sassine, Williams, 222. Sékou Gouré et les autres , 1996/06/17.
Claire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle).
Consulté le 26/04/2024 sur la plate-forme EMAN : https://eman-archives.org/francophone/items/show/3564

Texte de l'article

Transcription

N° 222, 17 juin 1996 : « Sékou Gouré et les autres »

Quand vous ne voyez pas le Lynx, le Lynx vous voit. Alors achetez-le ! Notre directeur Yala s’ennuyait à côté de Baïlodur de la distribution qui compte plus vite que son ombre. Je veux parler des numéros invendus. Que le fisc ne vienne pas nous emmerder après, avec sa TéVéAh ! Alors que les autres cherchent leur TéGéVé. Bon, ne parlons pas de train pour ne pas blesser les Kankanais et autres cancaneurs !

Donc Yala s’ennuyait. Il y avait longtemps que le procureur de l’Instant de Conakry I ne l’avait pas arrêté. Baïlo le réconfortait.

- Patron, ne vous en faites pas ! Tout ce qui est terminé par « No » n’est pas méchant. Les Tolno, Millimono, Tonguino, Solano..…peut-être même Sano et Nino. Qui sait ?

- Oui mon cher Baïlo, c’est comme les « gui »…J’ai envie d’une Bonagui !

- C’est vrai patron. Moi aussi ! Je connais la patronne de cette boîte. Une certaine Nabé à téter.

Les No, pardon Monsieur le Pro-cureur de L’Instant de Conakry one. Arrêtez notre directeur une fois de plus. Il a donné un coup de pied l’autre jour à un arbre. J’ai été témoin ! Mais relâchez-le à la fin du mois. Question de salaire, quoi. C’est promis ? Ou bien il faut attendre que Saliflouflou donne le feu vert ?

Le Lynx est comme l’hyène. Tout le monde le connaît, mais lui il ne connaît personne. Il est comme le courant national qui passe en courant. De passage, il souhaite une rapide guérison au deuxième général particulier de la 3è Roue publique. Puisqu’apparemment le premier général particulier se moque de tout. C’est mon petit doigt qui me le dit.

Comme tout bon Guinéen, j’avais deux bons problèmes. Trouver mon « bandé » (riz) d’abord et …je connaissais une petite fille presque gratuite picolarde à volonté, que le Sida n’osait pas approcher. Elle avait dépassé l’âge de la mort guinéenne c’est à dire 40 ans. J’ai sorti une pièce de monnaie. La prendrai-je cette fois à pile ou en face ? Je jetais la pièce. Le mendiant d’en face bondit et ramassa la pièce. C’était son jour. Pourquoi n’organiser(i)ons-nous pas un mois du mendiant ? Le pays lui-même est un mendiant. Et puis après tout, mieux vaut tendre la main que le cou.

Je rentrais. Le Palais du Peuple, Sékou Gouré me remplit la tête.

« Peuple de Guinée, mon peuple. Une journée finit, une journée commence. L’heure d’un bilan doit être multiforme et globale. Car l’homme est cette connue, inconnue et en même temps inconnue connue. D’abord pardonnez-moi, mon chéri peuple, mes crimes et les crimes qui ont été commis à mon nom. Les auteurs de ces forfaitures sont toujours parmi vous. Ces renégats sont toujours parmi vous. Ils parlent haut et fort, aussi bien que moi. Mais, pardon, qu’ils ne parlent pas pour moi. Je les méprise si bien que j’ai préféré mourir dehors.

Désormais, que personne ne parle en mon nom. De là-haut je vois mieux le monde. Et ce monde ne cesse de me tourmenter. Les vivants doivent juger les vivants. Les morts, les morts. Afin que le ciel et la terre soient toujours séparés. Pardonnez moi et je vous pardonnerai. Si j’ai été pris par un parti, et que j’ai eu des partis-pris, je n’ai laissé aucun héritier. Ma mémoire est près de moi. Laissez la dormir en paix. Attendez de nous juger pour nous réhabiliter. Souvenirs. Souvenirs charniers. Bordels, Camp Boiro. Pendaisons publiques. Humiliations. Peuple de Guinée. PéDéGé.

Nous sommes les héritiers de nos enfants. Ils nous ont confié un pays, un « scandale géologique ». Ceux qui sont au pouvoir aujourd’hui doivent faire en sorte que ces enfants, quand ils seront grands trouvent un pays propre et bien géré. Je le répète. Nous sommes les Héritiers de nos enfants. Mais de grâce, il n’est pas arrivé le temps des procès. Et je ne veux pas être jugé par mes partisans. De là-haut, je vois tous les jours, monter les malédictions des autres. Le jugement dernier a déjà commencé.

Je sortis de mes élucubrations. Le taxi boiteux qui me transportait venait de s’arrêter à cause d’un flic nerveux. On lui avait refusé de prendre « Brésilien de Tahoua », un carrefour casse-tête chinois en réalité. Bon, le Guinéen arrive toujours, en vérité sans la vérité. C’est le mensonge qui nous emmerde. Demandez à Fory Coco, Honoriche Cosaque de prononcer Politologue. Il préféra donner la langue au chat. Mais on chen fout !

Un prési n’est pas fait pour parler. On l’a vu avec Sékou Gouré qui s’est gouré de Révolution.

Je pensais toujours à ma vieille anti-sida. Elle volait quand même une capote. Moi je cherchais une capote qui s’allumerait au premier coup. Pour prévenir quoi ? A Fakoudou, une chanteuse demandait à la radio.

Mets moi dehors

Remets moi chat

C’est bon. Haaa !

One more !

Tout le monde parle anglo en ce moment. Quand les réfugiés seront plus nombreux peut-être que ça ira mieux. Je le répète. Ce qui gêne la Guinée, ce sont les Guinéens. Sans Guinéens on serait premiers. A Fakoudou !

Regardez même en foot, quand on gagne, c’est grâce aux Guinéens de l’ex.

Je continuais à penser pour ma vieille. Pourvu qu’on ne me colle pas une tévéhaa ! Pour flagrant de lit ou de natte. La tévéha des capotes, c’est pour quand ? Chat viendra. C’est sûr !

Ma peau contre ta peau

Quel pot ?

Je t’aime, tu m’aimes

Quelle veine

Descartes qui racontait : « Je pense donc je suis »a dû confondre être et suivre. Ce n’est pas cela qu’Aristote son inspirateur a voulu dire. A Fakoudou !

« Achetez le Lynx. Un journal qui ne se rend pas » braillait un orchestre à la radio en attendant notre courant qui passe en courant.

Bon, il était temps de me pourvoir quinze topettes de whisky + 5 topettes de pastis + 5 verres de vin. Une journée bien remplie. Pour compléter il me fallait 8 bouteilles de bière. Un El Hadj devant me rendre visite, on ne sait jamais. Déjà que nos mosquées sont phagocytées par des maquis ». On chen fout ! Même qu’un charbonnier venait de s’installer à côté de moi. Il m’accompagnera en enfer avec un sac de charbon pour activer le feu. Allah est grand ! C’est la preuve que la Guinée est une famille. On doit s’aider. Quand le prési était dans les feux dans son palais, est-ce que Biro alios Ibro a fait mieux ? A Fakoudou !

Quelqu’un racontait : « Je ne comprends vraiment rien. Avant, ma femme et moi, on mangeait un sac de riz. Mais depuis qu’elle a une grossesse de 5 mois, elle seule, bouffe un sac de riz chaque semaine. Quand je m’étonne, elle me dit que c’est l’enfant. Mais quand ce bébé va venir…Enfin ce monstre, comment je vais le nourrir ? Moi je ne suis pas membre du gouvernement. Non je ne comprends rien. Un ami me doit 25 000 francs depuis 5 ans. La dernière fois que j’ai été chez lui, sa femme me dit qu’il dort et j’ai trouvé le type effectivement en train de ronfler une cigarette allumée à la bouche. Comment fait-il ? C’est moi le connard ou c’est lui ? Hein ? Dans le pays, les problèmes ne sont pas petits. Hé kéla ! »

Billet

UN CHAT M'A CONTÉ

Cigarettes garafiri

Bonbons garafiri

Barrage garafiri

Femme garafine

Parlement garafin ?

Mais

Pourquoi pas

Des capotes garafinis ?

Pour éviter qu’on ne s’écoule

Comme l’argent des projets

Par Williams Sassine

Description & analyse

Auteur de l'analyseDegon, Elisabeth

Contributeur(s)Degon, Elisabeth (collecte et saisie)

Éditeur(s) de la ficheDegon, Elisabeth

Auteur(s) de la transcriptionDegon, Elisabeth

Informations générales

LangueFrançais

CoteLe Lynx, n° 222

Présentation

Date1996/06/17

GenreDocumentation - Presse

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Éditeur de la ficheClaire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)

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Notice créée par Elisabeth Degon Notice créée le 30/07/2019 Dernière modification le 01/09/2022

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