217. La panse d’une pensée

Auteur(s) : Sassine, Williams

Les folios

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Sassine, Williams, 217. La panse d’une pensée, 1996/05/13

Claire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)

Consulté le 11/08/2025 sur la plate-forme EMAN : https://eman-archives.org/francophone/items/show/3559

Texte de l'article

Transcription

N°217, 13 mai 1996 : « La panse d’une pensée »

J’ai bien fêté. Bien bu, bien enivré, pour voir double mon mouton. Mais comme il n’y avait pas de mouton, je me suis souvenu que le double de zéro, c’est toujours zéro. Je me suis énervé. Chers lecteurs et inconditionnelles lectrices, vous connaissez mon talent à trouver partout des solutions insolubles. J’ai appelé le barman, un zéro personnalisé, (Tout est rond en lui, la tête, le ventre, les bouteilles et même ses bêtises) et je lui ai dit : « Barman, couche-toi » Alors je suis monté sur son ventre, et j’ai demandé à la ronde « Un sur zéro ça fait combien ? »...

Au début, je n’ai rien compris. Je voyais des clients du maquis, entrer et sortir, avec toutes sortes d’ustensiles et des bourdonnements d’abeilles. C’est quand j’ai baissé les yeux que j’ai compris. Le barman laissait écouler par la bouche et les narines (heureusement que les oreilles étaient bouchées) du vin. En tout cas c’était rouge, le liquide. Pas grave ! Dans un maquis ou dans nos hôpitaux, qui a vu du sang ? On y meure vidé de tout, avant d’y arriver. Les plus prévoyants, avant de s’y rendre, se shootent au formol, on ne sait jamais. Avec ces coupeurs de courant, même à la morgue. Nous avons bien un musée, mais là-bas, c’est pour conserver les momies sûres, couchées dans du béton russe du temps de l’ex-Russie. Casques coloniaux, vieilles sandalettes ricanantes…Enfin ! Les rares touristes qui s’y aventurent sont vite conduits, dès leur entrée, au bar. Pour leur parler de nos passés individuels, personnalisés. « Moi j’étais riche avant » « Moi mon père avait 55 femmes, qui n’ont produit qu’un seul enfant. Les salopes… » « Moi, mon oncle, il a pendu 11 contre révolutionnaires, j’ai sa corde comme souvenir. Je suis prêt de la vendre… ». La seule raison d’exister de ce musée est qu’aucun ministère n’en veut. Il ne rapporte pas assez de sous. Dépend-il de la Jeunesse et des Sports (personne n’ose avouer qu’il est jeune, ça porte malheur. Pour les sports, on joue avec les capotes, c’est moins troué que les terrains). Dépend-il des Arts, de la culture, de l’Education, du tourisme, des Finances, des conseillés du Président, des fossoyeurs… ? Où sont les nouveaux Italo, Magloire, Kanté…Kourouma n’en sait rien. Il dirige le truc, avec la conviction que si les bons souvenirs durent, les mauvais durent plus longtemps. Peut être suffirait-il de lui donner les moyens de faire appel à tous nos « vieux artistes », car le soir de la vie, apporte avec soi sa lampe. Ainsi déménagement, certains minus-tres. Pour se refaire une nouvelle virginité dans les foires d’enfoirés d’intellectuels. Confiez par exemple Monsieur le président l’Agri-tout-cul à un vieux paysan. C’est le rossignol qui connaît la rosée. La prose, Fory Coco, ce n’est pas de la pause-café, pour les politotococologues.

Monsieur le président, où est mon coq ? Des années que je vous demande de le rendre. Vous nous avez rendu provisoirement Souleymane, contre le petit Leno que vous pouvez garder à volonté, pour pro-curer. A Fakoudou ! Votre chance, qui finalement peut ressembler à un charme, est votre opposition. Cette bande de vieilles sorcières passent leur temps à s’accuser de mariage non consommable devant un Biro. Il est vrai, que nos souvenirs, scolastiques, peuvent nous faire croire, que l’homme descend du singe. Par sa queue. « Ce n’est pas vrai, oh poutain ! Mais pourquoi les mains des singes sont bonnes, quand elles sont bien bouillies, se serait écrié un gorille pourchassé.

Pourquoi les doigts des écrivains et autres journagaleux, sont-ils succulents quand ils sont épicés au PPG (Piment Poivre, Gombo) d’un certain Tonneau qui se voulait président de l’Association des Encriers de Guinée, aujourd’hui remplacé par tous les non courtisans, par un homme de théâtre, un certain Fanié, ou Panier….

Au-delà des maux et des mots, il nous faut aller plus loin, car derrière tout obstacle détruit, il n’existe que le néant. La religion vient avant, mais non après. Car à la naissance du monde, il n’a existé qu’un verbe : « Que la lumière soit et la lumière fut » Evidemment, Dorank Arafat notre minus-tre du courant n’était pas dieu. Merci ! Mais Garafiri était déjà là. Depuis tout le temps, dieu a créé les eaux, pour nous montrer que la ligne droite n’est pas le chemin le plus court, que l’électricité n’est pas la voie idéale pour aller aux votes, que la peur n’est pas la meilleure façon de mourir, que la Tabaski, n’est pas faite pour tabasser, que la démocratie n’est pas démocrasse. Il est coutume de dire que le linge sale se lave en famille. Mais où est le savon ? L’eau ? La famille ? Bon tout ça, ce n’est pas grave. Adam Ève s’en passaient sans problème. Mais aujourd’hui, malgré les prêches des prophètes, nous ne sommes ni meilleurs, ni pires. Seulement, depuis le temps, on chie plus. La terre ralentit sa course solaire, parce que l’humanité pense à sa panse. Et il arrive que dans les pays développés (soi-disant) c’est la panse qui se soucie des pensées. (Il est intéressant de pouvoir écrire une thèse de doctorat, là-dessus).

Bon revenons à nos moutons. Comme la plupart de mes compatriotes, j’ai passé une bonne fête de Tabaski. J’ai collé sur la tête de mon coq, deux cornes ramassées. J’ai découpé dans ma vieille peau de prière, un morceau, et j’ai habillé mon faiseur de Cocorico. Bon, il ne savait pas bêler, ce n’est pas grave. Qui a vu les moutons crier à Conakry ? On dirait que les voisins leur coupent la langue, de peur d’être pris pour des voleurs riches. Pour les 4 pattes, je pourrai toujours répondre que mon mouton est infirme. Qui ne l’est pas dans ce pays ? Nous avions l’homme le plus grand d’Afrique. Nous l’avions même exposé pour le public. Eh bien comme il avait l’air équilibré le type, on lui a coupé une jambe afin qu’il ressemble à tout le monde. De même les débats parlementaires commençaient à être médiatisés, en direct. Le temps d’écrire un Merci, le courant de notre satisfaction, est lui aussi parti en courant. La panse de notre pensée, devra se contenter de se mirer ou de s’auto-écouter comme la radio nationale Gbantama.

Laissons cette littérature. Il faut vraiment que je pense à ma panse. Il paraît que le président a égorgé un mouton pour tous les Guinéens. Un mouton, divisé par 6 millions. Sans compter les réfugiés. Je n’ai pas de dents, Monsieur le président. Mais où est ma part, si petite soit-elle ? On est en démocratie non ?

En tout cas nous ne mangeons pas un confrère, comme Barry « I am » Sorry, pilé comme un arôme magique dans les cadre d’un reportage à partir du campus de notre poly, qui est en train de devenir un Univers à Citer, autant que le camp Boiro.

Quelqu’un racontait : « Affaire des mutins là, a arrangé beaucoup de gens. On dirait que ce sont les mutins qui ont transformé notre pays, en pays en voie de sous-développement. Dès que tu demandes maintenant à quelqu’un si ça va, il répond : on a pillé mon magasin de riz et volé mes cinq voitures…Ils ont emporté mes 50 000 dollars…Ils ont brûlé mes 3 villas…Ils ont égorgé mes 4 vaches…Mes 5 containers de poisson ont disparu…Moi c’est mon poste radio qui me fait pleurer. Je n’avais que chat…Pauvres mutins ! A Fakoudou !

Bon, moi je vais au travail, même si notre minustre des « journées chômées, fériées et payées » n’est pas d’accord. On organise une fête du travail quand il n’y a pas de travail. On organise la fête du mouton quand il n’y a pas de mouton pour la fête…hé kéla, pour le défilé des bidasses, il n’y a pas de godasses.

COMMUNIQUÉ CECI ET CELA

- Les salaires sont annulés
- Les déchets sont abandonnés

- Les grèves sont interdites

- Les mutineries déplacées, sont des dons du ciel

Ce communiqué s’adresse à tous ceux qui croient encore aux fins de mois et à la faim du Moi.

Billet

Vous prenez de ce médicament

- 4 cuillerées à café le matin
- 4 cuillerées à café à midi
- 10 cuillerées à café avant de dormir

Quelques temps après, le malade revint

- Docteur, votre médicament n’est pas bon du tout
- Et pourquoi ? Calmez vous mon cher. Alors ?
- J’ai vidé toutes les boites de café du quartier

(L’overdose de Démocratie donne les mêmes résultats).

Par Williams Sassine

Description & analyse

Auteur de l'analyseDegon, Elisabeth

Contributeur(s)Degon, Elisabeth (collecte et saisie)

Éditeur(s) de la ficheDegon, Elisabeth

Auteur(s) de la transcriptionDegon, Elisabeth

Informations générales

LangueFrançais

CoteLe Lynx, n° 217

Présentation

Date1996/05/13

GenreDocumentation - Presse

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Fiche : Elisabeh Degon, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes, CNRS-ENS ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)

Éditeur de la ficheClaire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)

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Notice créée par Elisabeth Degon Notice créée le 30/07/2019 Dernière modification le 01/09/2022

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