215. Le train-train sans locomotive

Auteur(s) : Sassine, Williams

Les folios

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Sassine, Williams, 215. Le train-train sans locomotive, 1996/04/29

Claire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)

Consulté le 31/07/2025 sur la plate-forme EMAN : https://eman-archives.org/francophone/items/show/3557

Texte de l'article

Transcription

N°215, 29 avril 1996 : « Le train-train sans locomotive »

Ça ! Le train-train de Conakry, crie, hurle, vois ça : Le chef de gare tombe de sa toile d’araignée et court après les voyageurs sans billet, sans bagage, sans langue, asséchés. On les fait marcher, la bonne blague ! Voilà qu’ils troquent leurs espoirs : une télé contre de l’eau, une idée contre de la terre. Tiens, lui en voiture qui arrive, politicien sans permis qui hurle comme De Gaulle, des paroles volées aux enfants : « Amina ! Amina ».

La langue de ce perroquet albinos embobine les hommes, les bobines béates vont voter corruptionniste. Repos. Pan et jeu.

Tiercé : des chevaux « Foté » (blancs) portent des cavaliers « Forè » (noir et blanc), échiquier les fous font échec au drame. Nimba soit louée ! Les femmes procréent, la chute est promise et le Sida, malin comme un singe, colonise un missionnaire du grand avenir viral (GAV). Tout le monde se gave et l’armée à poil, arc des balais mène au peloton d’exécution photographique.

Ah ça ! Des espoirs il y en a. Des espoirs de voyage vers le fric de l’Amérique, vers l’homérique Afrique. D’état à état, des chefs de tas en chef des tas de fric, c’est le chaos. OK ? Quand c’est Zéro-Killed.

Les corps repaissent des âmes et des ânes broutent en toute impunité. Tout cela finit en feu.

Feu mon père, feu ma mère, feu naître. La reine mer vole et plane, indolente, portée par la lumière rouge, huile de palme du soleil de la place Sékou Touréa, ah ah ah »

Ces propos de Jean Georges Tartare, directeur de la troupe théâtrale « Générik Vapeur » sont écrits autour d’une table bruyante. L’homme se définit lui-même comme un Charlie Chaplin tombé dans un encrier, un lutin facétieux qui conjugue la grâce avec la plaisanterie. Un corps désarticuleux, comme une âme espiègle : c’est notre petit « Mamadou » de la troupe des Messagers, une fête que nous a offerte monsieur Jean Georges et ses comédiens. Il est à regretter que la plupart de ceux-ci, aient l’air de sortir d’une grande bouffe. Dans un pays où manger le minimum relève du maximum d’ingéniosité, il peut paraître inconvenant de faire promener dans les rues, des mastodontes et une fantomatique locomotive. Et puis qu’est-ce que tous ces gens avaient à faire semblant de nettoyer des places qui ne jouent pas du tout la comédie avec leurs poubelles. Elles viennent d’ailleurs de le prouver se vidant de leur gouverneur, l’ex Dan Fonio. Bienvenue à son remplaçant le futur ex ! Car au pays, plus ça change plus c’est la même chose.

La tragédie ne fait plus d’effet, depuis qu’elle court les rues. Un Siba Fassou, un Ansoumane Condé, un Kiridi Bangoura et bien d’autres d’ailleurs l’ont compris et encouragent Fanyé Touré. Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas qu’elles soient difficiles. Il faut Oser, même si dans ce mot il y a un Os.

Bon, je m’arrête là. Parce que je risque de m’aventurer loin et il paraît que nous sommes devenus un Os, pour un certain LEN-OS sous marin de l’arbitraire judiciaire, au lieu de se contenter de son rôle d’arbitre. Mais tout est peut-être dans l’ortho. Un arbitraire, n’est-ce pas un arbitre qui se donne de l’AIR, à la fin, ou parce qu’il a faim ? Mais attention ! Un caoutchouc à force d’être gonflé, pète. Comme une capote !

C’est comme au travail. Il n’y a pas très longtemps, il y avait un bonhomme qu’on usait à la Ertégé, notre grande Radio, juste avant qu’on nous branche sur la F’ « aime » de Jeannot et ce type nous exhortait :

« Yi lérima MA (à l’heure là)

Waliké tanaana (Il y a du travail) »

Il en est mort. Que Dieu ait son âme ! Que la terre lui soit légère « Pour le ciel, chacun pour soi. AMEN !

Chanter pour le travail ! Ça ne porte pas bonheur. Regardez nos fonctionnaires honnêtes, passer le matin, le dos courbé sous des sacs, pleins de factures, de reconnaissances de dettes, de promesses des ex-futures promesses d’avancement, d’ordonnances, de morceaux de pain arrachés à leurs bébés qui refusent de grandir pour ne pas se trouver bientôt sans allocations, ni autres pensions. Les allocations annuelles des meilleurs vœux présidentiels et autres députés rechargeront les batteries des batteurs. Un travail comme un autre.

Mais qu’on ne vienne pas nous raconter, que le travail est le sel de la vie. Nos ménagères le savent. Elles se lèvent tôt et se couchent tard, pour avoir passé leur temps à saler poissons, viande, langage.

« I tan

I mouché ché Nata

Si tu né compré rien cha veu dire

Toi, tu vau même pas 1 franc du pays

Toi tu n’é même pas salé

Tu fatigué vite au lit

Porê ! Travaillé, il y en a partout. On a 60 tonnes de salités par jour. Après, vous disé que le prési-fait rien. Mêêê pour boire, tu pé soulevé tout alcool du monde pour mettre dans son ventre que ne fait que pipi. Pas de caca. Après ces gentilles remarques, tu fais comme Ulysse. Tu changes d’air, en promettant tout à la Pénélope, à ton retour. En ce jour du retour béni, ta dulcinée a pondu 10 enfants pour l’Unicef, un pour SOS enfants, ½ pour reporters désabusés, deux pour rien ou par habitude quand les voleurs passent en courant plus vite que le courant. Les autres, c’est Dieu qui l’a donné. Ils seront envoyés plus tard, ceux-là, pour des causes qui ne tiennent qu’à un « BECAUSE », qui veut dire en réalité « ETRE-CAUSE ». Il est vrai que nous abordons là un genre problème métaphysique, du genre « La Guinée a t-elle une capitale ?». En tout cas à partir du kilomètre 36, on peut se demander. Et on ne découvre non seulement des capitales mais des capitoles. Et des capitaines, sans peur et cent reproches, car il y a des reproches qui louent et louanges qui médisent.

Ainsi, il en va des orchestres. Kélétigui, Balla, Camara Kala, Askèn, Zambo : c’est le rossignol qui connaît la rose. Confisqués dans leur âme, transformés en confiture locale pour touristes de musée, l’art est le plus cher des bruits. Si votre musique peut être aussi dangereuse qu’une poudre à canons, je vous salue tous, doyens sans démagogie de nabots amuseurs de foire. Vous obtiendrez, vos instruments de musique promis. C’est le président des Guinéens qui nous a promis.

COMMUNIQUÉ CECI ET CELA

Gnamankoro sera enterré à 14 h

Koïkoï sera enterré à 16 h

Hadja Mèrèmèrè, elle c’est à 17h30

Elhadj Cent-cons, pour ceux qui n’ont pas de montre, c’est tout à l’heure

Alpha Tournevis, c’était hier

Nous reprenons notre communiqué. Les décédés étant canadiens, sont déjà enterrés à cause du décalage horaire.

Billet

C’est la fête

Léno cherche un mouton

Il n’a pris qu’un Lynx

Les mutins voulaient s’offrir un palais

Ils n’ont trouvé qu’un polililolocolologue

En attendant les moutons se frottent les cornes

Qui tabasse qui ?

Bonne fête aux moutons qui n’ont pas été égorgés

Par Williams Sassine

Description & analyse

Auteur de l'analyseDegon, Elisabeth

Contributeur(s)Degon, Elisabeth (collecte et saisie)

Éditeur(s) de la ficheDegon, Elisabeth

Auteur(s) de la transcriptionDegon, Elisabeth

Informations générales

LangueFrançais

CoteLe Lynx, n° 215

Présentation

Date1996/04/29

GenreDocumentation - Presse

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Éditeur de la ficheClaire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)

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Notice créée par Elisabeth Degon Notice créée le 30/07/2019 Dernière modification le 01/09/2022

215. Le train-train sans locomotive

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