Œuvre : Contes amoureux

Les Comptes amoureux par Madame Jeanne Flore, touchant la punition que faict Venus de ceulx qui contemnent & mesprisent le vray Amour sont un recueil qui soulève des problèmes aussi bien d’attribution (derrière le nom de Jeanne Flore se cache une pluralité d’auteurs non déterminés avec certitude) que de datation. La première édition, que les études de W. Kemp (2004) et de K. Yoshihiro (2004) ont permis de dater vers 1542, paraît sans lieu ni date et l’identification de l’imprimeur (Denis de Harsy, actif à Lyon) n’est possible qu’en raison de la marque typographique sur la page de titre.
La structure du recueil s’inscrit dans le sillage du Décaméron : les sept contes qui le composent sont enchâssés dans un récit-cadre animé par des personnages uniquement féminins. Leur composition est fondée sur la pratique du réemploi et de la réécriture, ce qui fait ressortir une épaisseur intertextuelle importante. Le tissu textuel des Comptes se construit sur l’agencement d’emprunts, citations, traductions, remaniements de sources littéraires italiennes, latines et françaises qui se greffent sur la trame narrative autour de noyaux thématiques dont chaque conte est présenté (non sans ambiguïté) comme un cas d’application exemplaire: la « religion d’amour », la condamnation de l’« impareil mariage » et le motif de l’amor omnia vincit. Une visée didactique ambiguë qui défend la liberté amoureuse des femmes et leur droit au plaisir des sens tout en proclamant la toute-puissance d'Amour et la nécessité impérieuse de lui obéir caractérise ce recueil dont la morale hédoniste s'inscrit dans un univers où l'imaginaire païen rencontre le merveilleux médiéval.

L’histoire éditoriale complexe des Comptes amoureux montre leur dérivation d’un recueil de quatre contes (La Pugnition de l’Amour contempné) paru en 1540 chez François Juste, à Lyon, et censé être « extrait » – comme l’atteste la page de titre – d’un recueil perdu, intitulé L’Amour fatal.

L’émergence d’une auctorialité plurielle et d’un vaste réseau de circulation de livres témoignant de l’assimilation des modèles littéraires ainsi que les échos de la Querelle des femmes inscrivent profondément ce recueil dans le débat culturel et dans les pratiques d’écriture et de lecture du milieu littéraire lyonnais de l’époque.

• Contes amoureux par Mme Jeanne Flore. Texte établi d'apres l'édition originale (Lyon, 1537 env.), avec introduction, notes, variantes et glossaire par le Centre lyonnais d'étude de l'humanisme (CLEH), sous la direction de Gabriel-André Pérouse, Paris-Lyon, Éditions du CNRS-Presses universitaires de Lyon, 1980.
• Les contes amoureux par Mme Jeanne Flore, texte établi et annoté par Régine Reynolds-Cornell, Saint-Étienne, Publications de l'Université de Saint-Étienne, 2005.