Texte : 1567 Jan van Waesberghe Histoires tragiques H04b Histoire

Auteurs : Bandello, Matteo ; Boaistuau, Pierre (traducteur) ; Belleforest, François de (traducteur)

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Quatrieme histoire. L'ancienne & generale coustume des gentilshommes Piedmontois & damoiselles, a tousiours esté d'abandonner les villes fameuses, & murmures de republiques, pour se retirer aux champs en leurs chasteaux & autres lieux de la vie, avec plus grand repos, & contentement que ceux, qui s'occupent à demesler les troubles de la chose publique, ce qui se gardoit, si curieusement avant que les guerres eussent preposteré l'ordre de l'ancienne police, qu'à peine eussiez vous trouvé un gentilhomme oisif en une ville: ainsi se retiroient tous en leurs maisons champestres avec leur famille, lesquelles estoient si bien ordonnées & dressées, que vous partiriez aussi content, & bien edifié de la maison d'un simple gentilhomme, que vous feriez en quelque grosse ville, de celle de quelque sage & prudent Senateur : mais ainsi que le monde a commencé à vieillir, il a retourné en enfance, de sorte que la pluspart des villes ne sont pour le iourd'huy peuplées que de gentilshommes oisifs : qui y font seiour, non pour y proffiter mais pour augmenter leurs delices, & ne se corrompent pas seulement eux mesmes, mais qui pis est, ils infectent ceux avec lesquels ils frequentent. Ce que j'ay voulu deduire un peu plus loing, d'autant que la damoiselle de qui je veux descrire l'histoire, avoit tout le temps de son jeune aage esté nourrie en l'une des plus delicieuses villes du Piedmond, & se ressentant encores de ceste premiere nourriture, elle ne la peut si bien reformer ( estant aux champs retirée avecques son mary ) qu'elle ne tombast en fin en tresgrand mespris & vitupere, comme vous entendrez par le subiect de nostre histoire. Au temps que madame Marguerite d'Austriche, fille de Maximilan l'empereur fut menée en Savoie vers son mary, il y avoit un grand seigneur vaillant & genereux en quelque contrée du Piedmond, duquel ie tairay le nom, tant pour la reverence de ses plus proches parents qui vivent encor pour le iourd'huy, que pour la trop severe justice de laquelle il usa envers sa femme, l'aiant surprinse en faute. Ce grand seigneur, combien qu'il eust grand nombre de chasteaux & belles terres en Piedmond, si est ce que la pluspart du temps il suivoit la court, par le commandement du Duc, qui le retenoit tousiours pres de sa personne, usant de son conseil le plus souvent en les affaires grandes. Ce seigneur en ce temps espousa une damoiselle de Thurin de moyenne beauté, laquelle il print pour son plaisir, n'aiant esgard à la grandeur du lieu dont il estoit issu : & par ce qu'il avoit bien cinquante ans lors qu'il l'espousa, elle s'accoustroit tant modestement, qu'elle ressembloit mieux (G 4) veu[v]e que mariée, & sceut tant bien gaigner ce bon homme l'espace d'un an ou deux, qu'il se reputoit tres-heureux d'avoir trouvé telle alliance. Ceste damoiselle estant servie & honorée en telle grandeur, ennuyée de trop de repos, elle commença à s'enamourer d'un ieune gentilhomme sien voisin, lequel par intervalle de temps, elle sceut si bien practiquer par regards, & autres gestes lascifs, qu'il s'en apperceut aisement. Toutesfois pour le respect de la grandeur de son mary il ne faisoit les approches que de loing. Or ceste amitié gelée, peu à peu apres commença à s'eschauffer : car la damoiselle ennuiée d'une si longue attente, ne se pouvant contenter de regards trouvant un jour ce jeune gentilhomme à propos, ainsi qu'il se pourmenoit pres de sa maison, elle commença à l'arraisonner, & le mettre en termes de l'amour, luy remonstrant qu'il vivoit trop solitairement, veu la jeunesse ou il estoit, & que quant à elle, elle avoit tousiours esté nourrie aux villes en grande compagnie: de sorte que maintenant estant aux champs, elle ne pouvoit aisement digerer l'incommodité de la solitude, specialement pour la continuelle absence de son mary, lequel à peine demeuroit trois moys en tout un an à la maison. Et tombans ainsi d'un propos en l'autre, amour les aguillonna si bien qu'ils feirent en fin ouverture de ce qui les passionnoit si fort, & specialement la damoiselle, laquelle oubliant l'honneur qui accompaigne ordinairement les grandes dames, luy declara privément l'amitié qu'elle luy avoit longuement portée, laquelle toutesfois elle avoit dissimulée, attendant qu'il se mist le premier au devoir que font les gentilshommes, de requerir plus volontiers que d'estre requis des dames. Ce gentilhomme entendant à demy mot sa maladie, luy remonstra qu'encor que son amitié eust esté extreme, toutesfois se reputant indigne d'un si haut subject, il avoit tousiours celé son mal, lequel d'autant luy avoit esté plus importable, que la crainte le contraingnoit de le tenir caché. Toutesfois puis qu'il luy plaisoit de tant s'abbaisser, & luy vouloir faire l'honneur de l'accepter pour serviteur, qu'il mettroit peine de recomponser par humilité, & humbles services, ce que la fortune luy avoit en autres choses denié. Et ayant donné ce fondement à leurs amitiez, ils n'eurent pour ce jour autre contentement l'un de l'autre que le devis, mais il pourvenrent si bien à leurs affaires pour l'advenir, qu'ils n'eurent plus besoing de haranguer : car estans voisins, & le mary souvent absent, le grand chemin leur estoit ouvert, pour conduire leurs entreprinses à leur effect desiré. Dequoy ils se sceurent si bien aquiter qu'ils vesquirent en ce contentement l'espace de sept ou huit mois, sans qu'on s'en apperceust. Toutesfois par traict de temps ils ne peurent si bien maistriser leurs passions, ne les moderer par telle discretion, que les serviteurs de la maison ( pour la trop frequente communication du gentilhomme avec la damoiselle ) ne commençassent à s'en douter,& avoir leur maistresse en tresmauvaise reputation, encores qu'aucun ne fust si hardy de luy en oser parler, ou faire aucun semblant d'y rien entendre. Amour estant en pleine possession di cueur de ces deux amans, les aveugla si bien que lachant la bride trop longue à leur honneur, ils devisoient en privé & en public à toutes heures l'un avec l'autre sans aucun respect. Et ainsi que le seigneur retourna quelque voyage en sa maison, estant au service du Duc, il trouva sa femme tant propre, & gaye outre son accoustumée maniere de faire, qu'il s'en estonna fort au commencement. Et la voyant quelque foys refuser & penser en autres choses, lors qu'il parloit à elle, il commença à observer plus curieusement ses gestes & contenances : & estant homme (G5) fort acort & experimenté, se persuada aisement, qu'il y avoit quelque anguille soubs roche, & pour en sentir au vray ce qui en estoit, il luy faisoit meilleur visage que de coustume, ce qu'elle luy sçavoit tresbien rendre. Et vivant en ceste simulation, tous deux taschoient chacun de son costé, de si bien jouer leur rolle, que le moins rusé d'eux deux n'eust voulu estre decouvert. Ce jeune gentilhomme voisin de ce seigneur, fasché outre mesure de sa venuë, passoit & repassoit souvent devant la porte de son chasteau, pensant avoir quelque traict d'œil, de sa damoiselle, toutesfois il n'y avoit ordre pour la crainte de son mary, lequel n'estoit point si sot, qu'apres l'avoir veu passer plusieurs fois devant sa porte, sans aucune apparente occasion, il ne jugeast aisément qu'il avoit quelque amytié secrette entr'eux. Quelques iours apres, afin de s'insinuer en la bonne grace du seigneur, & d'avoir entrée à sa maison, il luy envoya un tresexcellent tiercelet de faucon, & de fois à autres luy faisoit presens des gibiers qu'il prenoit à la chasse : mais ce seigneur qui sçavoit tresbien qu'on caresse souvent un laid mary pour iouyr d'une belle femme, afin de n'estre point veu ingrat, luy envoyoit aussi quelques nouveautez, & continuerent ces courtoisies si longuement, que le seigneur le voulant prendre au filé, l'envoia prier de venir disner avec luy, ce que l'autre luy accorda liberalement pour la devotion qu'il avoit à la sainct[é] du chasteau. Et apres que les tables furent decouvertes, ils s'allerent pourmener à la campagne ensemble, ou pour mieux le gratifier, il pria sa femme d'y vouloir venir, à quoy elle ne feit la retifue. Et apres avoir devisé de diverses choses, le seigneur luy dist : Mon voisin & amy, ie suis vieux & melancholique, comme vous cognoissez, parquoy i'ay besoing desormais de me resiouir, ie vous prie bien fort venez souvent boire & manger avec moy, & usez privement des biens de ma maison, comme vous feriez des vostres : ce que l'autre accepta volontiers, le suppliant au reste de luy commander en tout ce qu'il luy plairoit & qu'il ne le trouveroit point autre que son treshumble & tresobeissant serviteur. Ceste pantiere tendue, ce jeune gentilhomme venoit ordinairement une fois le jour visiter ce seigneur & sa femme. Et tant continua ceste façon de faire, que le seigneur ( faignant un jour d'estre malade ) commanda que personne n'entrast en sa chambre, par ce qu'il s'estoit trouvé mal toute la nuict, & n'avoit fceu reposer, dequoi le gentilhomme fut incontinant adverti par une vieille duicte (?) à leur message, de laquelle nous feront bien tost mention. Estant arrivé au chasteau, il demanda en quelle disposition estoi monsieur, & s'il y avoit ordre de l'aller voir, auquel il fut faict response que non, & qu'il reposoit, mais que Madamoiselle estoit au jardin seule, qui se pourmenoit, & laquelle on alloit avertit de sa venuë : je ne lui donnerai, dit il, pas ceiste peine, mais je l'irai trouver au jardin. Arrivé au jardin & acertené de l'indisposition de monsieur, il commença à continuer ses anciennes privautez avec la damoiselle, & la baisa & rebaisa par plusieurs fois, jusques à lui mettre la main au sein, & user, d'autres petit preparatifs d'amours, que ne doivent estre permis avec telle privauté qu'au seul mari, mais ce pendant qu'il se donnoient là du bon temps, le mari ne dormoit pas, lequel estoit sorti de sa chambre passé à deux heures, & estoit monté en la plus haulte tour de son chasteau, à une petite fenestre treillissée, de laquelle il pouvoit veoir tout ce qui se faisoit au circuit de sa maison. Et advisant lors toutes ces caresses, il n'attendoit finon que le gentil-homme se meist en devoir de passer outre, afin de descharger sa mortelle cholere sur tous deux : mais se craignants que le trop long sejour qu'ils faisoient au jardin leur apportast quelque (fin de page?) ennui, s'en retournerent au chasteau avec propos deliberé de contenter leurs desirs, si tost que l'opportunité se presenteroit. Le Seigneur ayant observé tous ce qui s'estoit passé entre-eux, retourna en sa chambre & se mist au lict, faignant estre malade, comme il avoit fait tout le jour. (,) L'heure de souper venuë, madame lui alla demander s'il lui plaisoit souper en sa chambre ou en la salle : à laquelle il feit response ( avec un visage masqué de joie ) qu'il se commençoit à trouver bien, & qu'il avoit reposé toute l'apres disnée, & qu'il estoit deliberé de souper en bas, & manda ce soir mesme ce jeune gentil-homme, pour lui faire compagnie à souper, & sceut tant bien dissimuler son juste courroux, que ni sa femme, ni le gentil-homme ne s'en aperceurent aucunement. Et continua encores l'espace de quinze jours ou trois sepmaines, le seigneur avec sa femme ( la cherissant aussi soigneusement que le premier mois qu'il l'espousa ) de forte que lors que ceste pauvre miserable pensoit estre victoirieuse du mari, & de l'ami, c'estoit l'heure ou fortune ordissoit petit à petit la toille, & le filé auquel elle la vouloit enclore. Ce seigneur ne pouvant plus supporter son mal, outré d'une extreme cholere, voyant qu'il n'y avoit ordre de les surprendre ( estant present ) se delibera de bient tost mourir, ou d'y pourvoir, & pour mieux executer son vouloir, il va contrefaire une lettre du Duc, deguisant son escriture, & la porta secretement à la poste lui seul, qui n'estoit gueres esloignée de là, & commanda au postillon qu'il la lui apportast le jour sequent au chasteau, & faignist que le Duc la lui envoyoit. Ce que le postillon sceut si bien deguiser, qu'il la lui presenta pendant qu'il souppoit. Et afin de mieux entretenir sa femme en son erreur, apres qu'il l'eust leuë, la lui offrit pour lire, laquelle ne conenoit autre chose, sinon que le Duc lui commandoit partir soubdain en diligence (fin page?) avecques son train, pour aller en ambassade en France. Ca fait il lui dist: Ma-mie vous voyez comment je suis contrainct de partir en diligence ( encore que soit a mon grand regret ) commandez que mes gens soient prest le matin, & qu'ils s'en aillent devant m'attendre à Thurin, ou est monseigneur le Duc à present. Je partirai demain au soir apres soupper, & m'en irai toute la nuict en poste, à la frescheur : & afin de mieux decevoir ceste pauvre malheureuse, il s'en va à son cabinet, print sa bougette ou estoit la plus part de ses Thresors, & la lui offrant : lui dist, qu'il craignoit de faire long sejour en France, & partant qu'il la lui lassoit pour survenir à ses necessitez. Et apres que tout son train fut parti, il se reserva seulement un vallet de chambre, duquel il avoit autre-fois esporovué la fidelité, & tout le jour ne cessa de cherir & caresser sa femme avec plus grand signe d'amitié qu'il n'avoit accoustumé : mais la pauvrette, laquelle ne prevoit pas que c'estoient les faveurs du crocodile, qui applaudit quand il veut decevoir. Apres qu'il eut souppé il feist une particuliere remonstrance à sa femme, comme elle devoit ordonner des affaires de sa maison en son absence, & print congé d'elle, en la baisant à la Iudaique. À peine avoit ce seigneur chevauché deux ou trois mille, qu'elle envoya la vieille advertir son amant du departement de son mary, & qu'il pouvoit venir en toute seureté coucher avecques elle au chasteau, consideré que tous les serviteurs s'en estoient allez accompaigner leur maistre, & qu'il ne restoit que quelque vallet & ses deux damoiselles, lesquelles n'avoient de coustume de coucher en sa chambre. Ce gratieux message entendu le gentilhomme ne fut paresseux de comparoistre à ceste assignation, & la vieille le sceut si bien guider qu’elle le feit entrer en la chambre de madame, ou amour les aveugla si bien qu’ils se coucherent ensemble au lict, ou monseigneur avoit accoustumé de coucher, & la vieille se coucha en un autre lict en la mesme chambre, & ferma la porte par dedans sur eux : mais pendant que ces deux pauvres passionnez amants pensoyent avoir attainct au comble de toute felicité, & iouir à pleine voile des faveurs de ce petit Dieu, fortune voulut estre de la partie, qui pour le dernier mets de la feste leur appresta des confitures si ameres, qu’il leur feist couster la vie à tous deux par une si cruelle mort, que si ceux qui font profession de semblable chose, y prenoient exemple : il y auroit moins de femmes diffamées, & peu de marys trompez. Ce seigneur pour ce soir ne feist pas longue traicte,car il alla descendre de cheval chez un fié chastelain qu’il cognoissoit fidele , auquel present son vallet de chambre, il feist le discours des amours du gentilhomme & de sa femme, & luy commanda de s’armer promptement, & de prendre une couple de pistoletz, de harquebouses pour le suyvre, à quoy l’autre obeist, & arrivez à la porte du chasteau , il dist à son chastelain, frappez à la porte & feignez estre seul, & dictes que passant par vostre maison ie vous ay laissé un memoire pour apporter à madame. Et pource que c’est chose de consequence, & qui requiert celerité, vous avez esté contrainct l’apporter de nuict. Ayant frappé à la porte assez legerement ( de peur que ceux qui estoyent aux chambres l’entendissent) quelque vallet se leve, qui couchoit au portail , lequel entendant la voix du chastelain (par ce qu’il estoit des plus favoriz de monsieur ) luy ouvre la porte , & la premiere chose qu’ils feirent ils allumerent une torche , & monterent tous trois à la chambre de monsieur,sans permettre que personne avertist madame de leur venue : arrivez à la porte de la chambre le chastelain heurte,le bruit duquel fut incontinent entendu par la vieille, laquelle, sans ouvrir, demanda qui c’éstoit,c’est moy tel (dit le chastelain) qui apporte une lettre à madame,de la part de monseigneur, lequel allant ceste nuict à Thurin en poste, a passé par ma maison , & m’a expressement commandé la luy faire tenir, à quoy ie n’ay aucunement voulu faillir. Ce qu'entendu de la dame (qui n'eust iamais pensé que son vassal, homme simple eust voulu bastir une telle trahison)dist à la vieille, recevez la lettre à la porte sans qu'il entre, & ie feray le contenu.La vieille qui pensoit seulement entr'ouvrir la porte, & recevoir la lettre, fut estonnée quand le chastelain ( luy donnant un coup de pied en l'estomac ) la iecta à la renverse , ou elle fut plus d'un quart d'heure sans parler,ny se mouvoir.Et lors entrans tous trois de furie en la chambre,ayans les pistolets en main,trouverent ces deux miserables amants tous nuds: lesquels se voyans surprins en tel estat , furent aussi honteux qu'Eve & Adam, lors que leur peché fut manifesté devant Dieu: & ne sçachant que faire,eurent refuge à leurs larmes : mais à l'instant mesme ils lierent les bras , & les jambes du pauvre gentil-homme avec les licols de leurs chevaulx,qu'ils avoient apportez expres . Et lors le seigneur commanda que les deux damoiselles qui estoient au chasteau , & quelque reste de vallets fussent appellez pour assister & prendre exemple à ce beau spectacle.Et estant ainsi tout ce menu peuple congregé, le seigneur s'addressant à sa femme,luy dist: Viença louve, vile & detestable, puis que tu as eu le cueur si traistre & desloial,d'introduire ce ruffien infame de nuict en mon chasteau , non seulement pour me derober l'honneur lequel ie prefere à la vie,mais qui plus est , pour rompre à perpetuité le sainct & precieux lien de mariage , par lequel nous estions liez & unis ensemble.Aussi veux-je maintenant que de tes propres mains,par lesquelles tu me donnas le premier tesmoignage de ta foy, il soit maintenant pendu & estranglé en presence de tous , ne sçachant inventer autre supplice plus grand,pour satisfaire à ta coulpe, que te contraindre de meurtrir celuy , lequel tu as preferé à ta reputation,à mon honneur, & à ta vie. Et ayant prononcé cest arrest fatal,il envoya querir un gros cloud de charette,qu'il feist attacher [à] la poultre de la chambre, & feist apporter une eschelle,& lors la contraignit d'attacher le collier de l'ordre des malheureux,au col de son triste amant, par ce qu'elle ne pouvoit seule satisfaire à une charge si grieve & pesante,il ordonna,qu'ainsi que la vieille avoit esté loyalle ministre des amours de sa femme, ainsi la seconderoit elle en l'accomplissement de ce chef d'euvre . Et furent par ce moyen reduites à telle extremité ces deux pauvres miserables qu'elles estranglerent de leurs mains cest infortuné gentilhomme:de la mort duquel le seigneur n'estant encores satisfait , feist brusler le lict , la coitte & les draps , ausquels ils avoient receus leurs plaisirs passez. Et feist oster le reste des autres utencilles qui estoient en la chambre: & voulut seulement qu'on y laissast autant de paille qu'il en faudroit pour coucher deux chiens. Puis il dist à sa femme.Femme malheureuse entre les malheureuses , puis que tu n'as eu esgard au rang d'honneur, auquel fortune t'avoit appellée : aiant esté (par mon moyen) faicte de simple damoiselle, grande dame : & que tu as preferé l'accoinctance lascive d'un mien subiect , à ma chaste amitié aussi veulx-je que tu luy faces desormais continuelle compagnie, sans que partesiour de ta vie d'aupres de luy, tant que son corps putrifié ait donné fin à la tienne.Et deslors il feist murailler toutes les fenestres & la porte mesme tellement qu'il estoit impossible d'en sortir: & feist seulement laisser un petit pertuis ouvert , par lequel on luy donnoit du pain & de l'eau: donnant la charge de cecy à son chastelain. Et demeura ceste pauvre malheureuse en la misericorde de ceste obscure prison, n'aiant autre compagnie que celle d'un corps mort . Et apres avoir demeuré quelque temps en ceste puanteur,sans air,ou consolation, vaincue de douleur , & d'extreme martyre,rendit l'ame à Dieu. Fin de la quatrième Histoire.
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Transcripteur.rice

Caruso, Lorenzo
Dall'Oglio, Giulia

Chargé.e de la révisionDall'Oglio, Giulia

Analyse de la nouvelle

Lieux communs

Femme adultère
Vengeance

Formulation explicite d'une moraleL'intention moralisante est présente dans la nouvelle à travers les commentaires de l'auteur, qui souligne l'exemplarité du récit qu'il est en train de raconter.
(Sonia Morocutti).

Informations sur la notice

ÉditeurÉquipe Tragiques Inventions, Magda Campanini (Univ. Ca' Foscari-Venezia), Anne Réach-Ngô (UHA, IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)

Mentions légalesFiche : Équipe Tragiques Inventions, Madga Campanini (Université Ca' Foscari), Anne Réach-Ngô (UHA, IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)

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Notice créée par Anne Réach-Ngô Notice créée le 13/04/2020 Dernière modification le 15/04/2023