Texte : 1625 Germain Paris Histoire véritable d'une femme qui a tué son mari Histoire

Auteurs : s.n.

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TitreTexte : 1625 Germain Paris Histoire véritable d'une femme qui a tué son mari Histoire

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Histoire veritable d'une femme qui a tué son Mary, laquelle apres exerça des cruautez inouïes sur son corps.
Executée à Soiran en Bourgongne, distant d'une lieuë d'Aussonne, le 18. Janvier 1625.
Si les Siecles passez nous ont fourny plusieurs exemples de l'inhumanité & cruauté de quelques femmes, nous ne devons pas trouver estrange si celuy où nous sommes estant plus pervers que les precedents produit des monstres de nature, qui {A 2 r°} en effect son plus cruels que les bestes plus farouches. La cruauté d'une violente Espagnole, violente de nom & d'effect le fait bien paroistre, par l'inouye vengeance qu'elle prit sur celuy qui s'estoit vanté d'avoir couché avec elle. Un nombre infini d'Histoires tant anciennes que modernes nous font assez voir combien peut le courroux d'une femme portée à la vengeance, car oubliant la qualité de son sexe, qui naturellement doit estre doux & amiable, lors que la fureur essore les mouvemens de sa passion, il n'y a ny cruauté, ny meschanceté qu'elle n'exerce : elle devient une Progné & une Medée en ses bouillonnantes passions, ne pardonnant ny à maris ny à enfans.
A Soiran, Village distant d'une lieuë d'Aussonne, une femme nommée Marguerite, sçachant que son mary estoit à la taverne où il se resjouyssoit avec quelques amis, ayant mesmes envoyé querir deux poulets qu'il avoit à la maison. Ceste femme qui attendoit son mary avec impatience, le voyant venir avec un de sa compagnie, commence à vomir un torrent d'injures contre luy, l'appellant yvrongne, gourmand, desbauché, {A 2 v°} feineant, peuant, hapelourde, & autres paroles injurieuses que la colere luy suggerait. Estans entrez en la maison elle continuë ses boutades, de sorte que son mary voyant qu'il ne pouvoit l'appaiser recourt à un baston à deux bouts qu'il avoit en sa chambre, duquel comme il la veut charger d'apoinctement le pied luy glisse & tombe par terre. La femme prompte ne luy donne le temps de se relever, prend une selle à trois pieds de laquelle elle luy donne un si grand coup sur la teste qu'elle l'estourdit ; & redoublant ses coups fit en telle sorte qu'elle le rendit mort. Le voyant sans mouvement elle le traine vers le feu, luy donne du vin, mais c'est en vain, car il est vrayment mort. Voyant ce desastre elle pense aux remedes pour cacher ce meurtre, & ne pouvant le cacher à Dieu, elle pense en oster la connaissance aux hommes. Elle enleve le corps, le met sous la paillasse de son lict, où l'ayant laissé quelque temps le diable la pousse à exercer des cruautez inouyes. Elle tire ce corps de dessoubs cette paillasse, l'estend au milieu de la chambre, & sans etre esmeuë d'aucune compassion, commence à execu- {A 3 r°} ter sa rage par les parties honteuses qu'elle luy coupe : apres elle prend une hache de laquelle elle luy donne un grand coup, croyant de desguiser son sexe. Elle luy coupe la teste, le met en quatre quartiers, coupe les bras au dessous du coude, & les jambes au dessous du genouïl.
O bourrelle! n'as-tu point de regret dee charcuter ainsi ton pauvre mary ? Tes mains inhumaines peuvent-elles sans horreur se rougir ainsi de son sang ? de celuy, dis-je, qui a pendant tant d'années couché aupres de tes costez, & duquel tu as eu de beaux enfans ? Penses-tu que ton forfait demeure impuny, & que l'œil du Ciel qui descouvre toutes choses laisse ta cruauté sans chastiement ? Ne sens-tu point en ton ame les furies qui te bourrellent, & un ver rongeur qui ronge ta conscience ? Mais quoi ta rage n'est-elle pas encore assouvie, forcenée, & poussée du demon infernal ? tu veux joüer la penultiesme acte de cette sanglante tragedie, dont la catastrophe ne sera moins horrible.
Cette Megere prend cette teste, la roule, {A 3 v°} apostrophe dessus quelques paroles qu'elle jette hors d'une voix enrouée : apres le vint aux yeux qu'elle luy creve & tire avec la pointe d'un fuseau : Elle prend des tenailles avec lesquelles elle lui arrache le nez & les oreilles : Ce n'est pas tout, il luy reste encore quelque cruauté à executer ; elle lui arrache la barbe sans lui en laisser un seul poil.
Que fait-elle apres, elle ramasse ces pieces esparses ça & là, sçavoir la teste, les yeux, le nez, les oreilles, la partie des bras ou estoyent les mains, les jambes, les entrailles, & ensevelit toute cette charcuterie en un coin de la maison. Apres elle prend un sac, & met un des quartiers dedans : & le va jetter dans la riviere appellé Arvesan, & en fit de mesmes des autres trois restans. En fin la voila avec les mains encore toutes sanglantes qu'elle s'efforce d'effacer les marques du sang qui restoyent en sa chambre, plus elle y jette d'eau, plus ce sang se rend vermeil, la teinture en est si bonne que l'eau ne la peut decolorer.
Quelques jours se passe qu'on est estonné {A 4 r°} de ne voir plus son mary, mesmes le Seigneur du lieu luy demanda où il estoit. Elle luy respondit qu'il estoit sorty de la maison un soir bien tard tout en chemise, & que depuis elle ne l'avoit point veu. La Dame de Charon luy faisant la mesme demande, elle dit qu'il estoit allé à la guerre.
En fin le Sieur de Soiran envoye un de ses serviteurs vers cette femme pour s'en enquerir plus particulierement, lequel luy demande où estoit son mary, elle fit response qu'il estoit allé à Chalom, & que si elle avoit d'argent elle l'iroit chercher.
Ces trois responses differentes, sont trois tesmoins irreprochables, qui semblent suffisamment accuser le crime de cette meschante femme : neantmoins Dieu veut manifester son delict par des preuves de beaucoup plus evidentes & plus claires, & veut que les soupçons & indices soyent esclaircis par la mesme verité.
Voicy donc le jour des Rois comme l'on faisoit la Procession à l'entour de l'Eglise de Soiran, le Seigneur du lieu la voyant au long de la Riviere vint à elle, & luy deman- {A 4 v°} de qu'elle y faisoit : Elle dit qu'elle regardoit quelques Corbeaux & Pies qui estoient au long de la dite riviere, qui estoit grandement decreuë depuis qu'elle y avoit jetté les quartiers de son mary, & en avoit desja aperceu un, suivant ce qu'elle confessa depuis.
Il sembloit que Dieu se voulait servir de ces Oiseaux funestes, comme il fit jadis des Grues qui servirent de tesmoins contre les voleurs qu avoient tué Ibicus. Le Sieur de Soiran entra en quelque doute la voyant ainsi seule & pensive au long de la riviere, & ces Corbeaux croassans, sembloyent dire en leur langage que la charongne n'estoit pas loin, qui l'occasionna de luy demander si elle avait point tué son mary : Elle nie fort & ferme, disant que la verité se descouvriroit bien.
Alors ledit Sieur de Soiran se representant les differentes responses qu'elle avoit faites touchant l'absence de son mary : son veritable soupçon s'accroit, & remet la partie apres la Messe pour tas- {B r°} cher de descouvrir cette verité qu'elle disoit.
La Messe parachevée, il prend un bon nombre des Parroissiens, ses sujets, qui se mirent en cherche au long de la Riviere, où ils trouverent trois des quarties du deffunct, & un chien trouva le quatriesme, qu'il sortit de l'eau. Encor qu'on ne peust pas recognoistre ces membres estant ainsi mutilez & sans teste, neantmoins le dit Sieur de Soiran la fait saisir & emprisonner, & comme on les luy fait toucher, le sang en sort en abondance.
Après on va chez elle, où l'on trouve le lieu où elle avoit fait cette boucherie tout sanglant, quoy qu'elle se fust efforcée, comme nous avons desja dit de le laver. Voila encor des nouveaux indices qui crient vengeance contre cette cruelle femme : quand bien elle ne s'accuseroit de sa propre bouche ils sont suffisans pour luy faire son proces, & luy faire sentir la peine deuë à ses demerites.
Finalement le Juge ayant tiré la verité par sa propre confession, elle fut condam- {B v°} née à faire amande honnorable en chemise avec la torche au poing, & crier mercy à Dieu, au Roy, & à Justice, & apres estre pendue & estranglée, son corps bruslé, & les cendres jettées au vent.
Apres qu'elle eut fait amande honorable devant l'Eglise de Soiran, elle fut menée dans une charrette au bois de Bouteran sur le grand chemin de Dijon, où la potence estoit dressée.
Voila son Confesseur qui l'exhorte à recourir à la Majesté divine, implorer sa misericorde pour recevoir pardon de ses fautes, & recognoistre que notre Seigneur a tousjours les bras ouverts pour recevoir le pecheur qui s'humilie & vient à penitence, mesmes le Sieur de Soiran lui disoit, courage Marguerite, criez mercy à Dieu d'un cœur contrit & humilié, demandez luy pardon, recevez la mort en gré, & repentez-vous d'avoir ainsi massacré vostre mary.
Cette miserable, telle je l'ose nommer, rejette toutes ces sainctes remonstrances, demeure endurcie & obstinée en son {B 2 r°} peché, n'amollit son cœur de rocher pour tesmoigner per quelques larmes quelque contrition. Mais helas ! il semble que le Demon la possede, luy suggerant à dire que ce qu'elle avoit fait estoit bien faict, & que s'il estoit à faire qu'elle le feroit encore.
Ha ! chetisve à quoy penses-tu, où te porte le desespoir ? Ne vois-tu point l'Enfer ouvert si tu ne changes de volonté ? & que le Diable te tient en ses serres pour t'y precipiter ? Recours recours à la misericorde de ton Sauveur qui ne veut point la mort du pecheur, mais qu'il se convertisse. Fay resjouyr les Anges Celestes pour ta conversion. Mais helas ! je ne voy point que tu vueilles desmordre ton opiniastrise, puis que tu poursuis en ton obstination.
Tu es proche du port où tu peux retrouver ton salut, mais tu aimes mieux faire naufrage.
En fin cette meschante femme ce monstre horrible, mourut en son obstination, & ne voulut par une vraye contri- {B 2 v°} tion recevoir patiemment ce supplice temporel, petit à l'egal de son crime, pour eviter les tourmens eternels.
Fin. {B 3 r°}
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Transcripteur.riceVianello, Erica

Chargé.e de la révisionSchileo, Anna

Analyse du péritexte

Nature du texte transcritHistoire

Analyse de la nouvelle

Lieux communs

Corps du mari découpé en morceaux
Vengeance

Analyse des personnages-typesFemme cruelle et violente qui veut se venger.

Lieu(x) du récitSoiran, Bourgogne, Fr

Formulation explicite d'une moraleAu début de la nouvelle se trouve condamnée la cruauté de la femme. Le recours à la morale religieuse en constitue un argument important concernant la question de la repentance finale.

Informations sur la notice

ÉditeurÉquipe Tragiques Inventions, Magda Campanini (Univ. Ca' Foscari-Venezia), Anne Réach-Ngô (UHA, IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)

Mentions légalesFiche : Équipe Tragiques Inventions, Madga Campanini (Université Ca' Foscari), Anne Réach-Ngô (UHA, IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)

Citer cette page

Texte : 1625 Germain Paris Histoire véritable d'une femme qui a tué son mari Histoire Notice rédigée par Vianello, Erica (responsable de la notice) ; Master Ca' Foscari 2019-2020 Équipe Tragiques Inventions, Magda Campanini (Univ. Ca' Foscari-Venezia), Anne Réach-Ngô (UHA, IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) Consulté le 20/04/2024 sur la plate-forme EMAN : https://eman-archives.org/tragiques-inventions/items/show/5

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Notice créée par Erica Vianello Notice créée le 02/03/2020 Dernière modification le 08/05/2023