Texte : 1568 Pierre Rollet Histoires tragiques H04b Histoire

Auteurs : Bandello, Matteo ; Boaistuau, Pierre (traducteur)

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D'une Gentilfemme Piedmontoise, qui surprinse en adultere, fut punie cruellement par son mary.
Quatrieme Histoire.

L'ancienne & generale coustume des gentilshommes Piedmontois & damoiselles, a tousjours esté d'abandonner les villes fameuses, & murmures des republiques, pour se retirer aux champs en leurs chasteaux & autres lieux de plaisance, à fin de decevoir les ennuieuses parties de la vie, avec plus grand repos, & contentement que ceux, qui s'occupent à demesler les troubles de la chose publique, ce qui gardoit si curieusement avant que les guerres eussent preposteré l'ordre de l'ancienne police, qu'à peine eussiez vous trouvé un gentilhomme oisif en une ville, ains se retiroient tous en leurs maisons champestres avec leur famille, lesquelles estoient si bien ordonnées & dressées, que vous partiriez aussi content, & bien edifié de la maison d'un simple gentilhomme, que vous feries en quelque grosse ville, de celle de quelque sage & prudent Senateur: mais ainsi que le monde a commencé à vieillir, il a retourné en enfance, de sorte que la plus part des villes ne sont pour le jourd'huy peuplées que de gentilshommes oisifs, qui y font sejour, non pour y profiter, mais pour augmenter leurs delices, & {K 6 v°} ne se corrompent pas seulement eux mesmes, mais qui pis est, ils infectent ceux avec lesquels ils frequentent. Ce que j'ay voulu deduire un peu de plus loin, d'autant que la damoiselle de qui je veux descrire l'histoire, avoit tout le temps de son jeune aage esté nourrie en l'une des plus delicieuses villes du Piedmont, & se ressentant encores de ceste premiere nourriture, elle ne la peut si bien reformer (estant aux champs retirée avecques son mary) qu'elle ne tombast en fin en tresgrand mespris & vitupere, comme vous entendrez par le subject de nostre histoire. Au temps, que madame Marguerite de Austriche fille de Maximilian l'Empereur, fut menée en Savoievers son mary, il y avoit un grand seigneur vaillant & genereux en quelque contrée du Piedmont, duquel je tairay le nom, tant pour la reverence de ses plus proches parents qui vivent encor pour le jourd'huy, que pour la trop severe justice de laquelle il usa envers sa femme, l'aiant surprinse en faute. Ce grand Seigneur, combien qu'il eust grand nombre de chasteaux & belles terres en Piedmont, si est ce que la pluspart du temps il suivoit la cour, par le commandement du Duc qui le retenoit tousjours pres de sa personne, usant de son conseil le {K 7 r°} plus souvent es affaires grands. Ce seigneur en ce temps espousa une damoiselle de Thurin de moienne beauté, laquelle il print pour son plaisir, n'aiant esgard à la grandeur du lieu dont il estoit issu: & par ce qu'il avoit bien cinquante ans lors qu'il espousa, elle s'accoustroit tant modestement, qu'elle resembloit mieux veufve que mariée, & sceut tant bien gaingner ce bon homme l'espace d'un an ou deux, qu'il se reputoit tresheureux d'avoir trouvé telle alliance. Ceste damoiselle estant servie & honorée en telle grandeur ennuiée de trop de repos, elle commença à s'enamourer d'un jeune gentilhomme sien voisin, lequel par intervalle de temps, elle sceut si bien practiquer par regards, & autres gestes lascifs, qu'il s'en apperceut aisement. Toutesfois pour le respect de la grandeur de son mary il ne faisoit ses approches que de loing. Or ceste amitié gelée peu à peu apres commença à s'a[e]chauffer: car la damoiselle ennuiée d'une si longue attente, ne se pouvant contenter de regards, trouvant un jour ce jeune gentilhomme à propos, ainsi qu'il se pourmenoit pres de sa maison, elle commença à l'araisonner & le mettre en termes de l'amour, luy remostrant qu'il vivoit trop solitairement, veu la jeunesse ou il estoit, & que quant {K 7 v°} à elle, elle avoit tousjours esté nourrie aux villes en grande compaignie: de sorte que maintenant estant aux champs, elle ne pouvoir aisément digerer l'incommodité de la solitude, specialement pour la continuelle absence de son mari, lequel à peine demeuroit trois moys en tout un an à la maison. Et tombans ainsi d'un propos en l'autre, amour les aguillonna si bien qu'ils feirent en fin ouverture de ce qui les passionnoit si fort, & specialement la damoiselle, laquelle oubliant l'honneur, qui accompaigne ordinairement les grandes dames, luy declara privement l'amitié qu'elle luy avoit longuement portée, laquelle toutes fois elle avoit dissimulée attendant qu'il se meist le premier au devoir que font les gentilshommes, de requerir plus volontiers que d'estre requis des dames. Ce gentilhomme entendant à demy mot sa maladie, luy remonstra qu'encor que son amitié eust esté extreme, toutesfois se reputant indigne d'un si haut subject, il avoit tousjours celé son mal, lequel d'autant luy avoit esté plus importable, que la crainte le contraingnoit de le tenir caché. Toutesfois puis qu'il luy plaisoit de tant s'abbaisser, & luy vouloir faire l'honneur de l'accepter pour serviteur, qu'il mettroit peine de recompenser par humilité, & {K 8 r°} humbles services, ce que la fortune luy avoit en autres choses denié. Et aiant donné ce fondement à leurs amitiez, ils n'eurent pour ce jour autre contentement l'un de l'autre que le devis, Mais ils pourveurent si bien à leurs affaires pour l'advenir, qu'ils n'eurent plus besoing de haranguer: car estans voisins, & le mary souvent absent, le grand chemin leur estoit ouvert, pour conduire leurs entreprinses à leur effect desiré. Dequoy ils se sceurent si bien acquiter qu'ils vesquirent en ce contentement l'espace de sept ou huict mois, sans qu'on s'en apperceust. Toutesfois, par traict de temps ils ne peurent si bien maistriser leurs passions, ne les moderer par telle discretion, que les serviteurs de la maison (pour la trop frequente communication du gentilhomme avec la damoiselle) ne commençassent à s'en douter, & avoir leur maistresse en tresmauvaise reputation, encores qu'aucun ne fut si hardi de luy en oser parler, ou faire aucun semblant d'y rien entendre. Amour estant en pleine possession du coeur de ses deux amans, les aveugla bien que laschant la bride trop longue à leur honneur, ils devisoient en privé & en public à toutes heures l'un avec l'autre sans aucun respect. Et ainsi quand le seigneur retourna quelque voiage en sa maison estant au service du Duc, {K 8 v°} il trouva sa femme tant propre, & gaye outre son accoustumée maniere de faire qu'i[l] s'en estonna fort au commencement. Et la voiant quelque fois resver & penser en autres choses, lors qu'il parloit à elle, il commença à observer plus curieusement ses gestes & contenances: & estant homme fort accor & experimenté, se persuada aisément, qu'il y avoit quelque anguille sous roche, & pour en sentir au vray ce qui en estoit, il luy faisoit meilleur visaige que, de coustume, ce qu'elle luy scavoit tresbien rendre. Et vivant en ceste simulation, tous deux taschoient chacun de son costé, de si bien jouer leur rolle que le moins rusé d'eulx deux n'eust voulu estre descouvert. Ce jeune gentilhomme voisin de ce seigneur, faché outre mesure, de sa venue, passoit & repaissoit souvent devant la porte de son chasteau, pensant avoir quelque traict d'oeil de sa damoiselle, toutesfois il n'y avoit ordre, pour la crainte de son mary, lequel n'estoit point si sot, qu'apres l'avoir veu passer plusieurs fois devant sa porte, sans aucune apparente occasion, i[l] jugeast aisement qu'il y avoit quelque amitié secrete entr'eux. Quelques jours apres à fin de s'insinuer en la bonne grace du seigneur, & d'avoir entrée à sa maison, il luy envoia un tresexcellent nercelet de faulcon {L 1 r°} & defois à autres luy faisoit presens des gibiers, qu'il prenoit à la chasse: mais ce seigneur qui scavoit tresbien qu'on caresse souvent un laid mari pour jouir d'une belle femme, à fin de n'estre point veu ingrat, luy envoioit aussi quelques nouveautez, & continuerent ces courtoisies si longuement, que le seigneur le voulant prendre au filé l'envoia prier de venir disner avec luy, ce que l'autre luy accorda liberalement pour la devotion qu'il avoit à la saincte du chasteau. Et apres que les tables furent decouvertes, ils s'allerent pourmener à la campaigne en semble, où pour mieux le gratifier, il pria sa femme d'y vouloir venir, à quoy elle ne feit la retifue. Et apres avoir devise de diverses choses, le seigneur luy dist: Mon voisin & amy, je suis vieux & melencholique, comme vous cognoissez, parquoy j'ay besoin desormais de me resjouir, je vous prie bien fort venez souvent boire & manger avec moy, & usez privement des biens de ma maison, comme vous feriez des vostres ce que l'autre accepta volontiers, le suppliant au reste de luy commander tout ce qu'il luy plairoit, & qu'il ne le trouveroit point autre que son treshumble & tresobeissant serviteur. Ceste pantiere tendue, ce jeune gentilhomme venoit ordinairement une fois le jour visiter {L 1 v°} ce seigneur & sa femme. Et tant continua ceste façon de faire, que le seigneur (feignant un jour d'estre malade[)]( commanda que personne n'entrast en sa chambre, par ce qu'il s'estoit trouvé mal toute la nuict, & n'avoit sceu reposer, dequoy le gentilhomme fut incontinent adverty par une vieille duicte à leur message, de laquelle nous ferons bientost mention. Estant arrivé au chasteau, il demanda en quelle disposition estoit monsieur, & s'il y avoit ordre de l'aller veoir, au quel il fut fait response que non, & qu'il reposoit masqué. Madamoiselle estoit au jardin seule, qui se pourmenoit, & laquelle on alloit adverty de sa venue: je ne luy donneray, dit-il, pas ceste peine, mais je l'iray trouver au jardin. Arrivé au jardin & acertené de l'indisposition de monsieur, il commença à continuer ses anciennes privautez avec la damoiselle, & la baisa & rebaisa par plusieurs fois, jusques à luy mettre la main au sein, & à user d'autres petits preparatifs d'amours, qui ne doivent estre permis avec telle privauté, qu'au seul mari: mais ce pendant qu'ils se donnoyent là du bon temps, le mari ne dormoit pas, lequel estoit sorti de sa chambre basse à deux heures, & estoit monte en la plus haute tour de son chasteau, à une petite fenestre treillisée, de laquelle il {L 2 r°} pouvoit voir tout ce qui se faisoit au circuit de sa maison. Et advisant lors toutes ces caresses, il n'attendoit sinon que le gentilhomme se meist en devoir de passer outre, à fin de decharger sa mortelle colere sur tous deux: mais se craignant que le trop long sejour qu'ils faisoyent au jardin leur apportast quelque ennui, s'en retournerent au chasteau avec propos deliberé de contenter leurs desirs si tost que l'opportunité se presenteroit. Le seigneur ayant observé tout ce qui s'estoit passé entr'eux, retourna en sa chambre, & se mit au lict, feignant estre malade, comme il avoit fait tout le jour. L'heure du souper venue, madame luy alla demander s'il luy plaisoit souper en sa chambre, ou en la salle, à laquelle il fit responce (avec un visage masqué de joye) qu'il se commençoit à trouver bien, & qu'il avoit reposé toute l'apres disnée, & qu'il estoit deliberé de souper en bas, & manda ce soir mesme ce jeune gentilhomme pour luy faire compaignie à souper & sceut tant bien dissimuler son juste courroux, que ny sa femme ny le gentilhomme ne s'en apperceurent aucunement. Et continua encores l'espace de quinze jours ou trois sepmaines, le seigneur avec sa femme, (la cherissant aussi soigneusement que le premier moys qu'il l'espousa) de sorte que lors que {L 2 v°} ceste povre miserable pensoit etre victorieuse du mary, & de l'amy, c'estoit l'heure où fortune ourdissoit petit à petit la toille, & le filé auquel elle la voulait enclorre. Ce seigneur ne pouvant plus supporter son mal outré d'une extreme cholere, voiant qu'il n'y avoit ordre de les surprendre (estat present) se delibera de bientost mourir, ou d'y pourvoir: & pour mieux executer son vouloir, il va contrefaire une lettre du Duc deguisant son escripture, & la porta secretement à la poste, luy seul, qui n'estoit gueres esloingnée de là, & commanda au postillon qu'il la luy apportast le jour suivant au chasteau, & feignist que le Duc la luy envoioit. Ce que le postillon sceut si bien deguiser, qu'il la luy presenta pendant qu'il souppoit. Et à fin de mieux entretenir sa femme en son erreur, apres qu'il l'eut leuë, la luy offrit pour lire, laquelle ne contenoit autre chose, sinon que le Duc luy comandoit partir soudain en diligence avecq son train, pour aller en embassade en France. Ce fait il luy dist: Mamie, vous voyez comment je suis contrainct de partir en diligence, (encores que soit à mon grand regret) commandez que mes gents soient preits le matin, & qu'ils s'en aillent devant m'attendre à Turin, ou est mon Seigneur le Duc à present. Je partiray demain { L 2 v°} au soir apres soupper, & m'en iray toute la nuict en poste, à la fraischeur: & à fin de mieux decevoir ceste povre malheureuse, il s'en va à son cabinet, prent sa bougette, où estoit la pluspart de ses tresors, & la luy offrant luy dit, qu'il craignoit de faire long sejour en France, & par tant qu'il la luy laissoit pour sourvenir à ses necessitez. Et apres que tout son train fut parti, il se reserva seulement un valet de chambre, duquel il avoit autres fois esprouvé la fidelité, & tout le jour ne cessa de cherir & caresser sa femme, avec plus grand signe d'amitié qu'il n'avoit accoustumé: mais la pourete laquelle ne prevoioit pas que c'estoient les faveurs du crocodile, qu'applaudit quand il veut decevoir. Apres qu'il eust soupé, il feist une particuliere remonstrance à sa femme, comme elle devoit ordonner des affaires de sa maison en son abscence, & print congé d'elle en la baisant à la Judaique. A peine avoit ce seigneur chevauché deux ou trois mille qu'elle envoia la vielle avertir son amant du departement de son mari, & qu'il pouvait venir en toute seureté coucher avec elle au chasteau, consideré que tous les serviteurs s'en estoient allez accompaigner leur maistre, & qu'il ne restoit que quelque valet & ses deux damoiselles, lesquelles n'avoient de { L 3 r°} coustume de coucher en sa chambre. Ce gratieux message entendu, le gentilhomme ne fut paresseux de comparoistre à celle assignation, & la vielle le sceut si bien guider qu'elle le fit entrer en la chambre de madame, où amour les aveugla si bien qu'ils se coucherent ensemble au lict, où monseigneur avoit accoustume de coucher, & la vieille se coucha en un autre lict en la mesme chambre, & ferma la porte par dedans sur eux: mais pendant que ces deux povres passionez amans pensoyent avoir attaint au comble de toute felicité, & jouïr à plein voile des faveurs de ce petit dieu, fortune voulut estre de la partie, qui pour le dernier mets de la feste leur appresta des confitures si ameres, qu'il leur fit couster la vie à tous deux, par une si cruelle mort, que si ceux qui font profession de semblable chose, y prenoyent exemple, il y auroit moins de femmes diffamées, & peu de maris trompez. Ce seigneur pour ce soir ne fit pas longue traitte, car il alla descendre de cheval chez un sien cha[s]telain qu'il cognoissoit fidele, auquel present son varlet de chambre, il fit le discour des amours du gentilhomme & de sa femme, & luy commanda de s'armer promptement, & de prendre une couple de pistolets, de harquebuses pour le suyvre, à quoy l'autre { L 3 v°} obeist, & arrivez à la porte du chasteau, il dist à son chastelain: frappez à la porte & feignez estre seul, & dites que passant par vostre maison je vous ay laissé un memoire pour apporter à madame. Et pource que c'est chose de consequence, & qui requiert celerité, vous avez esté contrainct l'apporter de nuict. Aiant frappé à la porte allez legerement (de peur que ceux qui estoient aux chambres l'entendissent) quelque varlet se leve, qui couchoit au portail, lequel entendant la voix du chastelain (parce qu'il estoit des plus favoriz de Monsieur) luy ovre la porte, & la premiere chose qu'ils feirent, ils allumerent une torche, & monterent tous trois à la chambre de monsieur, sans permettre que personne avertist madame de leur venue: arrivez à la porte de la chambre le chastelain hurte, le bruit duquel fut incontinent entendu par la vieille, laquelle sans ouvrir demanda qui c'estoit, c'est moy tei (dit le chastellain) qui apporte une lettre à ma dame, de la part de monseigneur, lequel allant ceste nuict à Thurin en poste, a passé par ma maison, & m'a expressement commandé la luy faire tenir, à quoy je n'ay aucunement voulu faillir. Ce qu'entendu de la dame (qui n'eust jamais pensé que son vasal, homme simple eust voulu bastir une telle { L 4 r°} trahison) dist à la vieille, recevez la lettre à la porte, sans qu'il entre, & je feray le contenu. La vieille qui pensoit seulement entreouvrir la porte, & recevoir la lettre, fut estonée quand le chastelain (luy donnant un coup de pied en l'estomach) la getta à la renverse, où elle fut plus d'un quard d'heure sans parler, ny se mouvoir. Et lors entrans tous trois de furie en la chambre, aians les pistolets en mains trouverent ces deux miserables amants tous nuds: lesquels se voians surprins en tel estat, furent aussi honteux, que Eve & Adam, lors que leur peché fut manifesté devant Dieu: & ne scachans que faire, eurent refuge à leurs larmes: mais à l'instant mesmes ils lierent les bras, & les jambes du povre gentilhomme avec les licols de leurs chevaulx qu'ils avoient apportez expres. Et lors le seigneur commanda que les deux damoiselles qui estoient au chasteau, & quelque reste de varlets fussent appellez, pour assister, & prendre exemple à ce beau spectacle. Et estant ainsi tout ce menu peuple congregé le seigneur s'adressant à sa femme luy dist: vien ça louve vile, & detestable, puis que tu as eu le coeur si traistre & desloyal, d'introduire ce ruffien infame de nuict en mon chasteau, non seulement pour me derober l'honeur, lequelle prefere à la vie, mais qui { L 4 v°} plus est pour rompre à perpetuité le sainct & precieux lien de mariage, par lequel nous estions liez & unis ensemble. Aussi veux-je maintenant que de tes propres mains, par lesquelles tu me donnas le premier tesmoignage de ta foy, il soit maintenant pendu & estranglé en presence de tous, ne scachant inventer autre supplice plus grand pour satisfaire à ta coulpe, que te contraindre de meurtrir celuy, lequel tu as preferé à ta reputation, à mon honeur, & à ta vie. Et aiant prononcé cest arrest fatal, il envoia querir un gros clos de charrette, qu'il feist attacher à la poutre de la chambre, & feist apporter une echelle, & lors la contraingnit d'attacher le collier de l'ordre des malheureux, au col de son triste amant, par ce qu'elle ne pouvoit seule satisfaire à une charge si griesue & pesante, il ordonna, qu'ainsi que la vieille avoit esté loyalle ministre des amours de sa femme, ainsi la seconderoit elle en l'accomplissement de ce chef d'œuvre. Et furent par ce moien reduites à telle extremité ces deux povres miserables, qu'elles estranglerent de leurs mains cest infortuné gentilhomme: de la mort duquel le seigneur n'estait encores satisfaict, feist brusler le lict, la coutre & les draps, ausquels, ilz avoient receus leurs plaisirs passez. Et feist oster le reste des autres { L 5 r°} utensiles qui estoient en la chambre: & voulut seulement qu'on y laissast autant de paille qu'il en faudroit pour coucher deux chiens. Puis il dit à sa femme: femme malheureuse entre les malheureuses, puis que tu n'as eu esgard au rang d'honneur, auquel fortune t'avoit appellée: aiant esté (par mon moien) faicte de simple damoiselle grande dame: & que tu as preferé l'accointance lascive d'un mien subiet, à ma chaste amitié: aussi veux je que tu luy faces desormais continuelle compaignie, sans que tu partes jour de ta vie d'aupres de luy, tant que son corps putrifié ait donné fin à la tienne. Et deslors il feit mursiller toutes les fenestres & la porte mesme, tellement qu'il estoit impossible d'en sortir: & feit seulement laisser un petit pertuis ouvert, par lequel on leur donnoit du pain et de l'eau: donnant la charge de cecy à son chastelain . Et demeura ceste povre malheureuse en la misericorde de ceste obscure prison, n'aiant autre compaignie que celle d'un corps mort. Et apres avoir demeuré quelque temps en ceste puanteur, sans air, ou consolation, vaincue de douleur, & d'extreme martyre, rendit l'ame à Dieu.
Fin de la quatrieme Histoire.
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Transcripteur.rice

Lagnena, Michela
Meschini, Giada
Morocutti, Sonia

Chargé.e de la révision

Bonifacio, Luca
Iacampo, Simona

Analyse de la nouvelle

Analyse des personnages-types

Amant martyr
Femme infidèle
Mari jaloux-vengeur

Lieu(x) du récitPiémont, It

Formulation explicite d'une moraleL'intention moralisante est présente dans la nouvelle à travers les commentaires de l'auteur, qui souligne l'exemplarité du récit qu'il est en train de raconter.
(Sonia Morocutti).

Informations sur la notice

ÉditeurÉquipe Tragiques Inventions, Magda Campanini (Univ. Ca' Foscari-Venezia), Anne Réach-Ngô (UHA, IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)

Mentions légalesFiche : Équipe Tragiques Inventions, Madga Campanini (Université Ca' Foscari), Anne Réach-Ngô (UHA, IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)

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Notice créée par Anne Réach-Ngô Notice créée le 20/04/2020 Dernière modification le 08/05/2023