Archives Marguerite Audoux

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Lettre de Marguerite Audoux à Paul d'Aubuisson

Auteur : Audoux, Marguerite

Description
- Paul d’Aubuisson (1906-1990) est l’aîné des trois petits-neveux de Marguerite Audoux. C’est son fils adoptif préféré, celui qui jusqu’à sa mort veille sur la mémoire de la romancière, le flambeau ayant été repris par ses deux enfants, Geneviève et Philippe (à qui Bernard-Marie Garreau doit l’accès au fonds d’Aubuisson, qui se trouve à présent chez lui), ainsi que par son neveu Roger (fils de Roger). Une abondante correspondance entre Paul et sa mère adoptive s’inscrit dans le corpus des lettres familiales et familières (dont l’identifiant commence par le chiffre 0). B.-M. Garreau a rencontré Paul d’Aubuisson en 1987, et réalisé plusieurs enregistrements de leurs entretiens.
- Olivier et M. Martinguay n'ont pu être identifiés.
- Les « Trott », désignés la plupart du temps par Paul et la romancière par ce diminutif, renvoient à Madeleine et Lucien Trautmann (dit Tatu), ce dernier étant un vieil ami de Léon-Paul Fargue et de Charles Chanvin, que l’on trouve dès 1912 à L’Île-d’Yeu avec ces quelques membres du Groupe de Carnetin. Voir la lettre (identifiant 185) d’août 1912 de Marguerite Audoux à Antonin Dusserre et la lettre (identifiant 247) adressée le 11 novembre 1917 à Antoine Lelièvre par la romancière.
Texte
                                                                   13 Mars 1930
Mon Paul,
J'ai une bonne lettre d’Olivier qui est tout disposé à donner satisfaction à M. Martinguay. Il demande que M. Martinguay aille le voir au Grand Palais, porte C . Tatu te dira, sans doute, à quelle heure on rencontre facilement et sûrement notre Commissaire général.
Dis à l'oncle d'André que je lui souhaite bonne chance, et aussi qu'Olivier est un bon et brave type d'ami.
En fait de chance, tu me parais avoir perdu la tienne en ce moment. Qu'est-ce donc que cette barre qui t'empêche d'aller ton chemin ? Quand je dis barre, je pense plutôt à éteignoir. Il y a comme cela dans la vie des choses ou des gens qui vous portent malheur et dont on ne se méfie pas. Jusqu'alors, des mains affectueuses avaient écarté de toi tout ce qui pouvait te nuire. Est-ce que ces mains là n'ont plus de pouvoir ?
Tu parles beaucoup des jeunes gens qui s'en vont aux colonies, et tu les envies. Pourquoi ne fais-tu pas comme eux si tel est ton désir ? Tu es libre comme l'air, tu ne laisseras personne derrière toi qui puisse te tourmenter ou te donner de l'inquiétude. Alors ?
Embrasse bien André pour moi le jour de son départ. Un bon baiser bien tendre sur le front pour qu'il n'oublie pas que je l'aime comme l'un des miens. J'espère que cela ne l'ennuiera pas car ce n'est pas ma faute si j'aime ce garçon. On ne peut pas plus expliquer la sympathie que le contraire.
Dis-moi, est-ce que c'est une nouvelle mode d'écrire aux gens sans commencer sa lettre par Monsieur ou Madame, ou encore par une appellation familière ou affectueuse ? J'ai cru, tout d'abord, à un oubli de ta part, puis j'ai compris que c'était une chose voulue. C'est drôle parce que, ainsi, tes lettres ne sont adressées à personne, et j'ai toujours l'impression en les ouvrant que je lis une lettre adressée à quelqu'un d'autre. Ce n'est pas extrêmement agréable. En m'écrivant, tu écris à ta tante, que tu le veuille ou non. Mais je ne te fais là aucun reproche, crois le bien, et je te laisse libre d’ignorer cette parenté.
Quant à moi, il me semble que tu n'as pas cessé d'être l'enfant que J'ai toujours aimé et que j'embrasse très tendrement.
                                                                       M. Audoux
Notes
À propos de la remarque de l'épistolière quant à l'absence de formules d'appel dans les lettres de Paul, elle use, comme parfois, d'une belle prétérition en affirmant à la fin de ce passage qu'elle ne lui fait aucun reproche ! Procédé qui lui est familier, qui s'inscrit, plus généralement, dans une rhétorique cauteleuse, et qui souligne une possessivité latente dans ses rapports avec l'aîné. (Voir, dans cet esprit, la lettre de Marguerite Audoux à Gide du début novembre 1910 - identifiant 62 - où une longue incidente pour déprécier Mily, ancienne maîtresse de Charles-Louis Philippe, devient en réalité le coeur même de la lettre).
Lieu(x) évoqué(s)Saint-Raphaël, Paris, les "colonies"
État génétique
- Un point d'interrogation biffé dans la deuxième page
- Le soulignement est de l'épistolière.
Notice créée par Bernard-Marie Garreau Notice créée le 21/02/2025 Dernière modification le 14/03/2025