Archives Marguerite Audoux

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Lettre de Marguerite Audoux à Valery Larbaud

Auteur(s) : Audoux, Marguerite

Description
Annonce du départ pour le Jura, traduction de Larbaud dans la NRF, affaires matérielles (santé, appartement de Larbaud), Cahiers nivernais
Texte
[Paris, début août 1910]
Mon cher Valery,
Je serai lundi soir[1] près des gentils Besson à Saint‑Claude (Jura).
Depuis que je suis rentrée à Paris j'ai mal à la tête. Le temps sera sans doute aussi mauvais là‑bas qu'ici, mais au moins l'air sera plus pur.
Je n'ai pas eu le plaisir de lire votre traduction dans la NRF[2] car Gide est absent de Paris depuis deux mois[3] et comme il prenait sous son bonnet (non, pas sous son bonnet). Je ne sais comment dire. Enfin il me l'envoyait gentiment comme à une fidèle abonnée, mais du moment qu'il est au diable il m'y envoie aussi et je me brosse pour la NRF [Sic].[4]
Je serai heureuse de vous voir dans les premiers jours de septembre.
Je vous montrerai une lettre que m'a envoyée le Docteur Coulom[5] de Fronton, à votre sujet. Il prétend que vos médecins ne savent pas vous soigner, et que lui vous guérirait certainement.
Rouart et Gide le tiennent en haute estime comme médecin, mais moi je ne voudrais pas vous influencer à ce sujet. Cependant si vous me demandez la lettre en question je vous l'enverrai car il ne faut rien négliger pour avoir de la santé.
Si vous n'avez rien décidé pour l'automne peut‑être pourriez‑vous vous entendre avec lui.
Enfin, mon cher Valery, je serais si heureuse de vous voir solide comme tout le monde, aussi je vous prie de me pardonner de vous parler de cela.
Je n'ai encore rien décidé pour l'appartement mais je crois que je ne l'habiterai pas[6]. Il y a à cela beaucoup de raisons, mais la plus forte est que j'adore habiter un sixième étage, avec une fenêtre donnant sur le ciel où passent les hirondelles en été, et en hiver les fumées des hautes cheminées d'usines. Il ne faut pas oublier, mon cher Valery, que j'ai toujours habité en haut, et que les hauteurs ont été longtemps pour moi la campagne et la mer. Je peux presque dire que je serais incapable de travailler à mon livre si je n'avais pas le ciel directement devant moi. Ma pensée suit son vol à travers les nuages ou le ciel bleu, ou les étoiles, ou les fumées, tandis que chez vous j'aurais une autre maison devant moi. La cour est large, sans doute, mais pas assez pour que mes yeux n'aillent pas à chaque instant fouiller chez le voisin ou la voisine d'en face. Cependant si personne n'habite chez vous, je serai contente de m'y installer quelquefois, soit dans les moments de grandes chaleurs, ou en cas d'une petite maladie qu'il me faudrait soigner à domicile.
Quand vous viendrez nous parlerons de tout cela, et nous irons acheter ensemble les mille et un petits objets indispensables à l'usage des gens qui ont un chez‑eux.
Je ne vous ai pas oublié pour Les Cahiers nivernais[7]. J'avais fait envoyer les autres directement par Cornu, et je comptais vous en envoyer un moi‑même.
Je le tiens tout près pour quand vous viendrez à Paris car je ne sais pas si vous êtes encore à Vichy et je crains qu'il ne s'égare en route.
Au revoir et bonne santé, mon cher Valery, et recevez un bon baiser affectueux de votre
Marguerite Audoux
Chez George Besson 6, rue Reybert
Saint‑Claude
Jura
Michel, qui vient de m'écrire, vous envoie ses bonnes amitiés.

[1] Ou mardi, si l'on se réfère à la chronique d'Alain‑Fournier pour Paris‑Journal :

« 8 août 1910. – Marguerite Audoux.

Je ne pense pas que le public de Paris‑Journal s'intéresse à la toute petite bonne femme que je suis : cependant, je puis toujours vous dire que je pars demain pour Saint‑Claude (Jura), où je verrai, pour la première fois de ma vie, la montagne. ».

C'est dans ce cadre franc‑comtois que va naître « Valserine », le plus long des contes de La Fiancée.

(Fournier, Alain, Chroniques et critiques, Textes inédits réunis et présentés par André Guyon, Le Cherche Midi éditeur, 1991, p. 308).

[2] Sans doute Marguerite Audoux commet‑elle une confusion. Il s'agit à l'évidence, dans le numéro du 1er août 1910 de la NRF, de la traduction, par Paul Claudel, des Paradoxes du christianisme de G. K. Chesterton ‑ laquelle traduction, il est vrai, est précédée d'une note signée V[alery] L[arbaud] ‑.

[3] Gide se trouve dans le sud de la France, avant d'entreprendre son « voyage en Andorre ».

[4] Nous reproduisons ce paragraphe tel quel, c'est‑à‑dire dans son incohérence syntaxique, la construction de départ ayant été interrompue par la parenthèse, puis définitivement oubliée.

[5] Lettre que nous n'avons pas, pour l'heure, retrouvée. Le Docteur Camille Coulom (1862‑1936) fut le médecin généraliste de la commune de Fronton entre 1900 et 1930 (Marguerite Audoux l'a donc vraisemblablement connu par l'intermédiaire de Michel Yell). En dehors du domaine médical, ce fut aussi un allié politique de Rouart : républicain de gauche, il soutenait celui‑ci dans ses campagnes électorales. (Renseignements dus à l'amabilité du Professeur D. H. Walker, de l'Université de Sheffield).

[6] Il s'agit de l'appartement de Larbaud du boulevard Montparnasse [voir la note 3 de la lettre 27].

[7] Larbaud avait été contacté par Paul Cornu, le directeur de cette revue, en janvier 1910, pour le numéro de février‑mars consacré à la mémoire de Philippe. Il accepta ainsi d'écrire un article sur Le Père Perdrix. Marguerite Audoux vient juste de publier son premier recueil de contes, Le Chaland de la Reine, dans les 21e et 22e fascicules (juin‑juillet 1910) de la même revue. C'est à l'évidence ce numéro double dont il est question ici.

Lieu(x) évoqué(s)Fronton, Paris, Saint-Claude, Vichy

Lettres échangées


Collection Correspondants

Cette lettre a comme destinataire :
LARBAUD, Valery

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Notice créée par Bernard-Marie Garreau Notice créée le 17/12/2017 Dernière modification le 03/05/2024