Archives Marguerite Audoux

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Lettre de Marguerite Audoux à Valery Larbaud

Auteur(s) : Audoux, Marguerite

Description
  • « Les Cahiers d'aujourd'hui, publication bimestrielle, paraîtra de 1912 à 1914, puis après une interruption liée à la guerre, de 1920 à 1924. Conjuguant la littérature avec les autres arts, la revue faisait appel à la participation bénévole d'écrivains et d'artistes. […]. Outre des biographies et des souvenirs, Les Cahiers d'aujourd'hui proposaient des écrits engagés inédits sur l'art et la politique. Par exemple, l'architecte viennois Adolf Loos s'élevait contre la barbarie de l'ornement, le musicien Schönberg exposait sa méthode de composition avec douze sons, tandis que Tristan Bernard y dénonçait la guerre, Henri Wallon le taylorisme. […]
    Dans une conférence faite le 9 décembre 1913, au salon d'automne et dont des extraits furent publiés par Les Cahiers d'aujourd'hui, Léon Werth dévoile l'origine des Cahiers d'aujourd'hui et fournit une explication quant au changement du titre et de l'orientation de la revue. Il apparaît que le choix initial du titre Forces nouvelles – « un peu prétentieux », de l'aveu même de George Besson – fut remis en cause avant la première parution et que le contenu, strictement artistique au départ, fit une place de plus en plus grande aux questions sociales et politiques. D'après Léon Werth, George Besson justifia cette nouvelle stratégie par l'inadéquation du combat pour l'art à l'époque. »
    [Duverget (Chantal), George Besson, critique d'art et collectionneur (1882‑1971), thèse de doctorat soutenue à Rennes II le 9 juillet 1997, Diffusion ANRT (Atelier national de reproduction des thèses), juillet 2003, p. 119‑122].

    N. B. : Nous citons avec parcimonie et prudence cet ouvrage, dans la mesure où nous y avons trouvé un certain nombre d'erreurs qui ne figurent pas dans les errata [Charles‑Louis Philippe qui, de sa tombe, signerait des articles dans cette revue (p. 119), ou encore les notes 1 et 4 de la p. 124 qui affirment que Marcel Ray, en 1910, traduit Marie‑Claire en allemand (au lieu d'Olga Wohlbrück l'année suivante), et que Marguerite Audoux (au lieu de Lucie Couturier) signe un article sur Paul Signac dans le n° 7].
  • Fargue - Annonce de la parution de la revue de Besson - Difficultés à travailler

  • George Besson (1882-1971) crée donc, en octobre 1912, une revue qui devait initialement s'appeler Les Forces nouvelles, et qui sera Les Cahiers d'aujourd'hui, revue d'art et de littérature, orientée par des idées de gauche (bien que des personnalités comme Sacha Guitry y signent des articles), d'où la coopération et la sympathie de Francis Jourdain et de Léon Werth. En 1912, un numéro est consacré à Mirbeau, et dans le n° 5 de juin 1913 figure « Le Suicide », première esquisse de suite à Marie‑Claire, dont certains passages réapparaîtront avec des variantes dans De la ville au moulin.
    En août 1910, Marguerite Audoux se trouve chez les Besson, dans le Jura, comme en témoigne une chronique d'Alain‑Fournier dans Paris‑Journal, où le jeune journaliste donne la parole à la romancière :
    « 8 août 1910. – Marguerite Audoux.
    Je ne pense pas que le public de Paris‑Journal s'intéresse à la toute petite bonne femme que je suis : cependant, je puis toujours vous dire que je pars demain pour Saint‑Claude (Jura), où je verrai, pour la première fois de ma vie, la montagne ».
    C'est dans ce cadre franc‑comtois que va naître « Valserine », le plus long des contes de La Fiancée.

    Lettres de George Besson à Marguerite Audoux : 74, 125 et 187


Texte


Lundi 9 septembre [1912[1]]

Carbonat

Par Arpajon

Cantal[2]

Mon cher Valery,

Où es‑tu, que fais‑tu, comment vas‑tu ? Il me semble qu'il y a un siècle que je ne t'ai vu, et je suis presque sûre que je ne reconnaîtrais plus le son de ta voix.
Comme tu vois, me revoilà en Auvergne, dans ce petit village de Carbonat, qui n'est pas laid du tout. Je compte y rester jusqu'au 20 septembre, si le temps le permet. Mais s'il faisait trop vilain temps, je rentrerais à Paris à la fin de la semaine[3].
Fargue est‑il[4] venu près de toi[5] ? Dans sa dernière lettre, qui date d'un mois déjà[6], il me disait qu'il irait te retrouver à Saint‑Yorre. Si par hasard il y était encore, embrasse‑le bien, et dis‑lui que je l'aime toujours.
Tu sais sans doute que Besson fonde une revue qui paraîtra le 15 octobre, Les Forces nouvelles[7]. J'espère bien qu'on y verra de ta prose, vieux bûcheur ![8]
Je n'en ai pas fichu lourd, moi. J'ai un hanneton qui me bat dans le cerveau et qui ne me laisse guère de repos. Aussitôt que je veux travailler, mon hanneton se fiche sur le dos et il me grafougne avec ses pattes, et toutes mes idées de génie foutent le camp dans toutes les directions.
J'ai passé un bon mois à l'Île‑d'Yeu. Si nous n'avons pas eu beaucoup de soleil, nous n'avons pas eu beaucoup de pluie, et vraiment la mer y était magnifique. Je ne rêve que d'y retourner l'année prochaine[9].
Allons, mon cher Valery, prends ta bonne plume et réponds‑moi un petit mot. Donne‑moi des nouvelles des Ray, si tu en as[10] et dis‑leur mes amitiés lorsque tu leur écriras.
En attendant de te voir, je t'embrasse bien, bien affectueusement.

Marguerite



[1] 1911 a été ajouté par la Médiathèque de Vichy. Mais le calendrier perpétuel infirme cette hypothèse (le 9 septembre 1911 est un samedi) ; d'autre part, la revue de Besson, dont la fondation est évoquée ici, voit bien le jour en 1912. Enfin, le 2 septembre 1912, la romancière écrit une carte postale de l'Île‑d'Yeu à son amie Louise Dugué, où elle lui indique qu'elle envoie des rouleaux de photos rue Léopold‑Robert. Elle charge Louise de les porter à développer pour les lui renvoyer à Carbonat, où elle retourne. (Collection François Escoube).

[2] Les vacances à l'Île‑d'Yeu auront donc bien été une parenthèse dans le séjour à Carbonat auprès d'Antonin Dusserre.

[3] Aucun document ne nous permet pour l'heure de dater le retour à Paris.

[4] est‑il est précédé d'un même est‑il biffé.

[5] Larbaud n'aura entrevu Fargue que lors d'une étape à Paris, comme il l'écrit à Ray le 14 août de sa Thébaïde (Leur correspondance, Gallimard, tome deuxième, p. 195). Malgré les promesses répétées de l'insaisissable piéton de Paris, celui-ci ne viendra pas à Vichy. Larbaud le verra de nouveau lors d'un bref passage dans la capitale fin septembre (Correspondance Fargue‑Larbaud, p. 131).

[6] Lettre non retrouvée. Les deux seules que le fonds d'Aubuisson nous ait livrées sont du 17 juillet 1910 (49) et du 31 mars 1911 (111).

[7] La revue paraîtra effectivement, mais sous le nom des Cahiers d'aujourd'hui. « Le Suicide » (la suite projetée de Marie‑Claire) y sera publié en juin 1913. (Voir la lettre 149).

[8] Deux articles de Larbaud paraîtront dans Les Cahiers d'aujourd'hui : « Questions militaires » (août 1913), et « Mirbeau l'essayiste » (juillet 1922, n° 9, numéro spécial sur Mirbeau).

[9] On la retrouvera, en août 1913, à La Haie-Fouassière, près de Nantes, où habite la grand‑mère de Quasie, la fille d'Émilie Legrand.

[10] Il en a, comme sa correspondance avec son ami le confirme.

Lieu(x) évoqué(s)Carbonat, Île-d'Yeu
État génétiqueVoir la note 4 de la transcription

Géolocalisation

Notice créée par Bernard-Marie Garreau Notice créée le 17/12/2017 Dernière modification le 20/05/2022