Dates1868-1955
Notice biographique
Claudel ne manifestera que des réactions négatives par rapport à Marguerite Audoux. Le 10 décembre 1910, il écrit à Jacques Rivière que « [l]e livre de Mlle Audoux sue [...] le procédé, la malice et le mensonge[1]. » et le 26 du même mois, à Gide : « Je suis agacé du bruit que l'on fait autour du livre parfaitement insipide de Mademoiselle Audoux tandis que notre cher et grand Philippe n'a jamais pu de son vivant parvenir à la notoriété[2]. » C'est sans doute, précisément, à travers le numéro spécial de la NRF consacré à Charles‑Louis Philippe, auquel Claudel et la romancière participent, que l'auteur de L'Otage entend parler d'elle pour la première fois. C'est en réalité l'idylle entre l'aumônier et sœur Marie‑Aimée qui, dans Marie‑Claire, irrite au plus haut point l'écrivain catholique. Il a d'ailleurs, dans les mêmes termes qu'à Rivière et Gide, fait part de sa réaction à Marcel Ray, lequel écrit à Larbaud le 31 décembre : « A la réflexion, je ne suis pas trop étonné de ce jugement – entier et tout d'une pièce comme il convient à Claudel. J'en trouve deux raisons également fortes, quoique l'une soit puérile et l'autre sérieuse. 1° Il suffit que Claudel, comme Léon Bloy et tous les fanatiques (je serais bien en peine d'en citer un troisième de cette envergure) soit blessé d'un détail comme la «faute» du curé et de Sœur Marie‑Aimée, pour qu'il se détourne du livre entier comme d'une ordure. 2° La force de Claudel est exactement l'inverse du talent de Marguerite. Saint Paul à Athènes. Mesure et démesure. Goût du prophète pour les sauterelles du désert, et mépris des gâteaux à pâte trop fine. Ajoutez, si vous voulez, l'amertume trop humaine de Claudel sevré de gloire en présence du succès d'autrui[3]. » Gide lui‑même écrit dans le post scriptum de la lettre 78 adressée à la romancière : « Quelle gaffe vous avez faite d'envoyer votre livre à Claudel !! Je croyais vous avoir conseillé de n'en rien faire. Vous ne saviez donc pas qu'une religieuse ne pouvait pas avoir d'enfant !!? »
[1] Correspondance Paul Claudel – Jacques Rivière (1907–1924), Gallimard, Cahiers Paul Claudel, n° 12, 1984, p. 173.
[2] Correspondance Paul Claudel – André Gide (1899‑1926), Gallimard, 1949, p. 158.
[3] Valery Larbaud – Marcel Ray, Correspondance (1899‑1937), Gallimard, 1980, tome deuxième, p. 78.