Lettre de Léona Queyrouze à Émile Zola datée du 2 mars 1898
Auteur(s) : Queyrouse, Léona
Transcription
Texte de la lettreNouvelle-Orléans, le 2 Mars 1898
Monsieur Émile Zola
Paris, France
Monsieur,
Je vous prie de vouloir bien excuser la liberté que je prends de vous adresser le sonnet fait, il y a quelques mois, sous l'impression que m'avait laissée la récente lecture de votre œuvre dont la vaste étreinte me paraît embrasser l'humanité entière. Vous m'avez fait penser sainement et fructueusement, et je suis heureuse de pouvoir vous le dire ; c'est comme un tribut dont je m'acquitte. Maintenant que vous avez eu l'honneur d'être condamné pour avoir, avec tant de vaillance et de désintéressement, pris en main la cause du malheur, je ne puis résister au grand désir que j'éprouve depuis déjà quelque temps, de vous exprimer mon admiration. Et même si je m'étais persuadé que dans cette émouvante affaire le bon droit est du côté de celui que vous défendez, je dirais, moi aussi : Mal enm Platone errare quam enm exteris recke sentire.
Je gagne ma vie en écrivant, verset prose, en Français et en Anglais, et chaque fois que j'ai pu vous lire, mon courage s'est fortifié et j'ai senti que c'était la Vérité qui passait devant moi Je ne sais pourquoi j'ai la prescience que nous aurons le bonheur de vous voir, quelque jour, aux Etats-Unis.Il me semble qu'il est réservé à vous, entre tous, d'y analyser les grandes questions qui ont échappé aux autres.
Je me permets aussi de vous envoyer quelques journaux de notre pays qui racontent une effroyable scène de lutte et de carnage, entre l'ingénieur et le chauffeur d'une locomotive emportée à toute vitesse. Ce récit m'a naturellement ramenée aux pages si saisissantes de « La Bête Humaine » dans lesquelles j'avais lu « Ce duel épouvantable de deux hommes en train de se dévorer pendant que la foudre les emportait »
Et j'ai pensé qu'il y aurait, peut-être, quelque intérêt pour vous à retrouver dans l'actualité l'épisode si dramatique et si émouvant que vous avez créé dans le livre. C'est la prescience du génie et sa conception lumineuse du possible aux confins de l'impossible.
En terminant ma lettre, je vous prie, Monsieur, de vouloir bien recevoir, avec mes très respectueux hommages, l'assurance de mon profond respect pour votre grande et immortelle œuvre et votre noblesse de sentiments.
Léna Queyrouze
nouveau 525 Saint Louis
New Orleans
Louisiana
Sonnet
Hommage respectueux
à
Monsieur Emile Zola
_______________________________________
Sans honte et sans dégoût tu t'es penché vers Elle,
Palpant sa chair putride et sentant palpiter
Son cœur gonglé d'angoisse, et sans fin haleter
Sa poitrine qu'oppresse une ardeur éternelle.
Et tes lèvres ont bu, sur sa lèvre rebelle,
Les râles, les regrets qui soudain font douter,
Et les cris de désir qu'on ne peut écouter
Sans frémir dans son être. Alors, sanglante et belle,
Sous ton souffle puissant la sombre Humanité
Tout-à-coup s'est dressée et, dans sa nudité,
La vierge séculaire a classé, triomphante :
Vers l'avenir viens donc, toi qui n'as pas douté,
Viens, car tu m'as conquise et si j suis tou (sic) amante
Laissez passer, vous tous ; je suis la Vérité.
Léona Queyrouze
(Constant Beauvais)
New Orleans
Louisiana
Monsieur Émile Zola
Paris, France
Monsieur,
Je vous prie de vouloir bien excuser la liberté que je prends de vous adresser le sonnet fait, il y a quelques mois, sous l'impression que m'avait laissée la récente lecture de votre œuvre dont la vaste étreinte me paraît embrasser l'humanité entière. Vous m'avez fait penser sainement et fructueusement, et je suis heureuse de pouvoir vous le dire ; c'est comme un tribut dont je m'acquitte. Maintenant que vous avez eu l'honneur d'être condamné pour avoir, avec tant de vaillance et de désintéressement, pris en main la cause du malheur, je ne puis résister au grand désir que j'éprouve depuis déjà quelque temps, de vous exprimer mon admiration. Et même si je m'étais persuadé que dans cette émouvante affaire le bon droit est du côté de celui que vous défendez, je dirais, moi aussi : Mal enm Platone errare quam enm exteris recke sentire.
Je gagne ma vie en écrivant, verset prose, en Français et en Anglais, et chaque fois que j'ai pu vous lire, mon courage s'est fortifié et j'ai senti que c'était la Vérité qui passait devant moi Je ne sais pourquoi j'ai la prescience que nous aurons le bonheur de vous voir, quelque jour, aux Etats-Unis.Il me semble qu'il est réservé à vous, entre tous, d'y analyser les grandes questions qui ont échappé aux autres.
Je me permets aussi de vous envoyer quelques journaux de notre pays qui racontent une effroyable scène de lutte et de carnage, entre l'ingénieur et le chauffeur d'une locomotive emportée à toute vitesse. Ce récit m'a naturellement ramenée aux pages si saisissantes de « La Bête Humaine » dans lesquelles j'avais lu « Ce duel épouvantable de deux hommes en train de se dévorer pendant que la foudre les emportait »
Et j'ai pensé qu'il y aurait, peut-être, quelque intérêt pour vous à retrouver dans l'actualité l'épisode si dramatique et si émouvant que vous avez créé dans le livre. C'est la prescience du génie et sa conception lumineuse du possible aux confins de l'impossible.
En terminant ma lettre, je vous prie, Monsieur, de vouloir bien recevoir, avec mes très respectueux hommages, l'assurance de mon profond respect pour votre grande et immortelle œuvre et votre noblesse de sentiments.
Léna Queyrouze
nouveau 525 Saint Louis
New Orleans
Louisiana
Sonnet
Hommage respectueux
à
Monsieur Emile Zola
_______________________________________
Sans honte et sans dégoût tu t'es penché vers Elle,
Palpant sa chair putride et sentant palpiter
Son cœur gonglé d'angoisse, et sans fin haleter
Sa poitrine qu'oppresse une ardeur éternelle.
Et tes lèvres ont bu, sur sa lèvre rebelle,
Les râles, les regrets qui soudain font douter,
Et les cris de désir qu'on ne peut écouter
Sans frémir dans son être. Alors, sanglante et belle,
Sous ton souffle puissant la sombre Humanité
Tout-à-coup s'est dressée et, dans sa nudité,
La vierge séculaire a classé, triomphante :
Vers l'avenir viens donc, toi qui n'as pas douté,
Viens, car tu m'as conquise et si j suis tou (sic) amante
Laissez passer, vous tous ; je suis la Vérité.
Léona Queyrouze
(Constant Beauvais)
New Orleans
Louisiana
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