Thresors de la Renaissance

Œuvres morales et mêlées de Sénèque, Trésor de philosophie morale


Auteur(s) : Sénèque

Généralités

Titre long de la première édition identifiée (ou autre édition)Les Œuvres morales et meslées de Senecque. Traduites de latin en françois, & nouvellement mises en lumiere par Simon Goulart senlisien. Ce thresor de philosophie morale & naturelle est reduit en trois volumes, à chascun desquels est adjoustée par le translateur une preface generale : à tous les livres leurs annotations continuelles qui monstrent la suite des argumens & discours de l’autheur, la vie duquel est amplement descrite, & insérée au commencement du premier volume. (Jean Houzé, 1995)
Information sur l'auteur ou les auteurs
  • Sénèque
  • Philosophe stoïcien. - Auteur de tragédies. - Fils de : Sénèque le rhéteur.
Informations sur le traducteur
  • Goulart, Simon
  • Pasteur calviniste (à partir de 1566). - Modérateur de la Compagnie des pasteurs de Genève de 1607 à 1612.
  • Écrivit aussi en latin. - Traduisit du latin et du grec en français.
Date de la première publication de l'œuvre1595
Date de la dernière édition identifiée1606

Informations sur l'œuvre

Nature de la compilationSomme des écrits à nouveau traduits en langue française
Composition générale de l'œuvreD’après la notice de la BnF :
I. 1. La Vie de Sénecque recueillie des bons autheurs.
2. Sept livres traitans des Biensfaicts.
3. Discours de la providence de Dieu.
4. Extrait ou Brief recueil des sentences touchant la Pauvreté.
5. Discours en forme de devis entre le sens et la raison touchant les Remèdes contre divers accidens de ceste vie.
6. De la Cholère.
7. De la Clémence ou douceur.
8. Traité de la Vie heureuse.
9. Du Repos et contentement de l’esprit, premier livre (de la Tranquillité de l’âme), deuxième livre (de la Constance du sage).
10. Discours de la Briefveté de la vie.
11. Consolation à Polybius.
12. Consolation à Marcia.
13. Consolation à sa mère Helvia.
II. CXXIV Épistres, ou Divers discours philosophiques à Lucilius
III. Philosophie naturelle comprinse en VII livres [intitulez "Les Questions naturelles"]
.

Description & Analyse de l'œuvre

Date de la dernière édition identifiée1606

Transcription et analyse des péritextes

Transcription des péritextes de toutes les éditions
  • Extraict du Privilege du Roy. [Premier Livre – Jean Houzé, 1595]
    Par grace & Privilege du Roy, verifié au Parlement de Paris, ouy & consentant son procureur General, il est parmis à Jean Houzé, Libraire Juré en l’Université de Paris, d’imprimer ou faire imprimer Les Œuvres Morales de Senecque, nouvellement traduittes en François avecques Sommaires & Annotations, par Simon Goulart Senlisien : Avec defences tres-expresses à tous Imprimeurs, Libraires, & autres de quelque qualité & condition qu’ils soyent, d’imprimer ou faire imprimer, vendre ou distribuer, sinon de ceux qu’aura imprimé, ou fait imprimer ledit Houzé, jusques au temps & terme de dix ans, finis & accomplis, à commencer du jour & datte que ledit Livre sera achevé d’imprimer, sur peine de confiscation de tous les Livres qui se trouveront imprimez, d’amende arbitraire, & de tous despens dommages & interests envers ledit Houzé. Et outre voulons qu’en mettant au commencement ou à la fin de ce present Livre l’extrait susdit, il soit pour deuëment signifié, comme plus amplement est declaré és lettres patentes portans ledir Privilege, données à Paris le xx. jour de Fevrier, l’an mil conq cens quatre-vingts quize. Et arrest de verification d’icelles audit Parlement de Paris, du viii. jour d’Avril audit an ensuyvant.
    Achevé d’imprimer le 15. Avril 1595.
  • Portrait de Senecque avec quatrain [Premier Livre – Jean Houzé, 1595]
    Un sublime sçavoir qui maint erreur desfie,
    Une vive vertu qui fait au vice effort,
    Une mort qui combat la mort dedans la mort,
    Sont, Senecque, les fruits de ta Philosophie.
  • A hault et puissant seigneur, messire Nicolas de Harlay seigneur de Sancy, Chevalier, Conseiller du Roy en son Conseil d’Estat et Privé, Capitaine de cinquante hommes d’armes des Ordonnances, Et premier Maistre d’Hostel de la maison de sa Majesté. [Premier livre - Jean Houzé, 1595]
    Monseigneur,
    Estant sur le point de mettre en lumiere mon Senecque François, j’ay prins la hardiesse de poser vostre illustre nom sur le front de l’œuvre, pour le rendre plus recommandé à ceux qui me verront caché sous vostre faveur. Ce qui m’induisit il y a assez long temps de m’esbatre apres ceste translation, fut le desir, auquel je continue, de faire cognoistre aux hommes de nostre nation qui n’entendent la langue Latine, les notables et nerveux enseignemens de ce Philosophe, lequel en l’estat ou sont reduites les affaires du monde, peut beaucoup servir aux esprits moins asseurez. Je confesse que nous avons des instructions et consolations tout-autres, et trop plus excellentes sans comparaison (* 3 r°) dedans les livres de la vraye et saincte Philosophie. Mais il ne nous est pas defendu de prester l’oreille à la grave-douce voix de ce tesmoin estranger, et recueillir de ses discours ce qui pourra aucunement se rapporter à la celeste et immuable verité. Quant aux raisons qui me conseillent de mettre en vos mains mes brouillis que nos miseres passées ont tenus cachez plus longuement que je ne pensois, me ramentevant le bon acueil qu’il vous pleut me faire durant quelques jours que je fus aupres de vostre personne, l’an mil cinq cens huictante neuf, notamment au siege et à la reddition du fort Chasteau de Ripaille assiegé par vous qui lors estiez Chef et Lieutemant en l’armée Royalle, et ce qu’il vous a pleu me tesmoigner depuis de la continuation de vostre bien-vueillance envers moy, ne pouvant vous remercier plus tost, ni mieux à propos, ni plus dignement, je commance aujourd’huy ; vous offrant ceste piece d’ouvrage assez mal tissue, au regard de mon industrie : telle ce pendant, que si vous ne la desdaignez, ce sera l’acomplissement d’un de mes souhaits, et un commandement secret d’achever quelques autres pieces à l’aide du seul Tout puissant, lequel je prie qu’il maintienne vous et les vostres en longue prosperité, pour servir à sa gloire et au bien de toute la France. Du Bourg de Sainct Gervais, ce 25. Jour de Juin, 1594.
  • Au Lecteur [Premier Livre - Jean Houzé, 1595, 1598 à quelques modifications graphiques près]
    Sonnet
    Ce Livre est composé, de mille belles fleurs,
    Dont la semence est prise en la Philosophie.
    Ces fleurs ont un effect qui l’esprit vivifie,
    Et qui le font resouldre aux plus preignants malheurs.
    Lecteur, si ton esprit veut gouster ses douceurs,
    Il n’y a passion que ton cœur ne déffie.
    C’est le Nepenthe vray, qui l’Ame purifie
    Du brouillard obscurcy de ses noires humeurs.
    Platon s’est abusé, de nous faire incognue
    La face de Vertu, comme non jamais veuë :
    Car en voicy le traict ô portraict immortel,
    Celuy qui n’est piqué de tes vives pointures,
    En voyant tes atraitz dans si belles peintures,
    Ne t’aymera jamais en ton vray naturel.
    Nic. Richelet, Par.  (* 4 r°)
  • Au Lecteur, [Premier livre, deuxième édition, Jean Houzé, 1598]
    En ceste deuxiesme Edition de Senecque, j’ai adjousté à la fin des Questions naturelles plusieurs Fragmens, par moy recueillis des anciens Autheurs : Item un ample discours sur la doctrine des Stoiques, lequel comprend diverses remarques, et annotations sur leur Philosophie Rationnelle, Morale et Naturelle, notamment de Senecque. J’ai eu esgard en tout cela à vostre contentement : et combien que je n’ignore point qu’en autres escrits vous ne puissiez rencontrer plus solide instruction qu’en ceux-ci : j’ai pensé neantmoins que ceste docte et ancienne diversité ne vous seroit desagreable. Bien sçay-je, qu’elle ne vous prejudiciera point, sur tout quand vous aurez prins loisir de considerer ce que j’ai essayé de marquer sur les Dogmes de ces anciens Philosophes. J’avois entendu que plusieurs François dedans le Royaume et dehors, dés long temps ont travaillé sur Senecque. J’en pourrois nommer aucuns qui ont de l’entendement pour faire quelque chose d’exquis : mais afin de n’offencer ceux que je ne conoy point, et pour ne toucher à certains que je pense conoistre, et les mœurs desquels ont esté totalement contraires à la science & conscience des Stoiques, je ne nommerai pas ceux que je conoy. C’est un champ spacieux que le desir de servir au public en fait de livres. Si quelqu’un ci apres fait plus d’honneur à Senecque que moy, je l’en honorerai en ma pensée, voire l’en remercierai, si j’ose esperer qu’il y prenne plaisir. Entretant de beaux esprits que la France a eslevez, s’il s’en fust trouvé un qui m’eust devancé en l’edition de l’œuvre entier, en lieu de paroistre apres lui j’eusse volontiers supprimé ceste mienne version : mais apres longue attente, mesme depuis la premiere Edition publiée il y a pres de trois ans, et ne voyant aucun qui me donnast occasion de lever la main, j’ai repoli ce tableau, que ceste deuxiesme impression vous offre : en laquelle (comme en la presente) je vise à ce but d’adoucir et moderer les esprits bouillants de plusieurs en nostre nation, d’acourager les personnes vertueuses à la pratique de maints beaux enseignemens contenus en ce volume, et monstrer à ceux qui n’ont pas perdu toute honte, combien nous sera cher vendue († 2 r°) la profession du beau nom de Chrestien que nous portons, s’il nous est reproché devant ce Throne redoutable, irreprochable, et inevitable du Juge Souverain, que les Payens ayent condamné nostre vie et nostre mort par la leur environnée de mille beaux avertissemens, lesquels corrigez par la saincte Philosophie peuvent servir à ceux qui les empoignent de la main droite. Esperant, Lecteur, que vous serez de ce nombre, je vous prie que me sçachiez autant de bon gré de ma sincere affection, comme je vous souhaite de santé pour bien & heureusement vivre. De sainct Gervais ce premier jour de l’an mil cinq cents quatre-vingts & dix-huict. († 2 v°)
  • Le contenu en tout ce volume des œuvres morales et meslées de Senecque, et des autres stoiques. [2 pages]
  • Privilege du Roy [Jean Houzé, 1598]
    Henry par la grace de Dieu Roy de France et de Navarre, A noz amez et feaux Conseillers les gens tenans nos Cours de Parlements, Prevost de Paris, Seneschaux de Lyon, Thoulouse, Provence, et à tous nos autres Justiciers & Officiers, ou leurs Lieutenans, Salut. De la partie de noste bien amé Jean Houzé, marchant Libraire juré en nostre Université de Paris, Nous a fait remonstrer qu’il auroit recouvert, non sans grands frais et labeurs, Les œuvres morales & meslées de Senecque, fait François, par Simon Goulart, corrigé et augmenté par ledit Goulart, en ceste seconde Edition de Fragmens, de plusieurs anciens Philosophes Stoiques, recueillis en un corps avec un ample discours sur leur doctrine, non encores imprimé, à ces causes, desirant l’illustrer desdicts Fragmens, Sommaires & Annotations, il auroit entrepris de le r’imprimer ou faire imprimer, mais d’autant qu’il craint que si tost qu’il l’aura imprimé ou faict imprimer et exposé en vente, et fait grandes et excessives despences, quelques Libraires, marchans ou autres le voulussent imprimer ou faire imprimer, contrefaire, corriger, changer le nom du traducteur, et par ce moyen le frustrer de ses peines, frais et labeurs qu’il a faits, et convient faire pour le parachevement dudict Œuvre, si par nous ne luy estoit sur-ce pourveu : Requerant humblement nos lettres de permission, et deffenses à ce requises. Nous à ces causes, et pour autres considetations à ce nous mouvans, Avons permis et octroyé de nostre certaine science, grace speciale, pleine puissance et authorité royalle, permettons et octroyons, voulons et nous plaist, par ces presentes, qu’il soit loisible, et permis audit Houzé, suppliant, d’imprimer ou faire imprimer, vendre et distribuer lesdicts Œuvres de Senecque en François, avec les augmentations, Fragmens de plusieurs Stoiques, et ce jusques au temps et terme de dix ans consecutifs, finis et accomplis, à compter du jour et datte qu’il sera achevé d’imprimer : Et avons inhibé et deffendu, inhibons et deffendons à tous Libraires, Imprimeurs, et autres marchans de quelque qualité et condition qu’ils soient, de nostre Royaume, n’en imprimer ou faire imprimer, vendre ou distribuer en cestuy nostre Royaume, soit par eux ou autres personnes interposées, sinon de ceux qu’aura imprimé ou faict imprimer ledit Houzé : Et ce sur peine de six cens escus d’amende, moitié applicable à nous, et l’autre moitié audict Houzé, et de confiscation de tous les exemplaires qui se trouveront autres que de ceux qu’aura imprimé ou faict imprimer ledict Houzé. Et sont faictes deffences aux mesmes peines à ceux qui en seront trouvez saisiz. Voulons aussi que mettant le present privilege au bref, au commencement ou à la fin de chacun desdicts livres, que cela ait forme de signification, tout ainsi que si l’original estoit particulierement signifié à chacun, nonobstant oppositions ou appellations quelsconques, pour lesquelles, et sans prejudices d’icelles, ne veut aucunement estre differé : Auquel en tesmoin de ce nous avons faict mettre nostre seel. Donné à Paris le douziesme jour d’Aoust, l’an de grace, mil cinq cents quatre vingts-dix-huict. Et de nostre regne le dixiesme. Par le Roy en son Conseil. Renouard. († 4 v°)
  • A la fin de l’ouvrage, reprenant la foliotation et la pagination à zéro :
    Fragmens de plusieurs anciens philosophes stoiques. Nouvellement recueillis en un corps, avec un ample discours sur leur doctrine, par S. G. S. (A 1 r°)
    Au Lecteur S.
    Courant de l’œil les fragmens que je vous presente, vous conoistrez qu’il n’a esté besoin les acompagner de preface pour en montrer l’intention et l’usage, qui se descouvrent incontinent. Ce qui m’a meu de les joindre en ceste edition  à Senecque, avec le discours sur la philosophie des Stoïques, a esté en general le desir de servir & profiter au public. En particulier, de vous donner en un volume toute la Philosophie Stoïque, ou du moins les plus utiles & memorables extraits d’icelle. Si ceste lecture de la deposition de tant de tesmoins estrangers vous picque l’ame quelquesfois, & la rend plus affectionnée au bien, je n’aurai pas perdu le temps. Beaucoup fait qui sert à un de ses prochains, & s’essaye de le maintenir en quelque devoir. Adieu. (A 1 v°)
  • Au Lecteur. [Jean Houzé, 1604, Deuxiesme volume]
    Ayant essayé és traitez precedens les difficultez qu’il y a de bien representer en François les discours d’un si severe et sententieux autheur Latin, qu’est Senecque, j’estoy’ comme deliberé de laisser la piece entiere à quelque autre. Mais venant à jetter l’œil sur les lettres à Lucilius, j’ay trouvé tant d’erudition & d’instruction pour toutes sortes de personnes, & sur tout en ce dernier temps ; que je n’ay peu me retenir, ains pousuivant l’œuvre encommencé me suis essayé d’exprimer le plus proprement et familierement qu’il m’a esté possible, les conceptions de ce grand Philosophe. Je ne veux excuser ni accuser ma version, car ce seroit tomber en des extremitez vicieuses : mais je vous en laisse le jugement & la censure equitable. Si le sieur de Pressac, qui en a traduict quelque partie, eust achevé, (** 2 r°) je me fusse gardé d’y toucher. Mais puis qu’il en a laissé plus des deux tiers, & que parfois il a retranché des clauses entieres, & presenté seulement ce qu’il estimoit le plus convenable, c’eust esté lui faire tort si j’eusse meslé son labeur parmi le mien. Qu’il jouisse de l’honneur acquis par ses peines. De moy j’ay commencé par un bout, & poursuivi tout d’un train jusques à l’autre, avec l’ordre et l’enrichissement que j’ay pensé estre requis pour rendre la lecture moins ennuyeuse. Je desire que mon petit effort vous soit autant agreable & profitable, que j’ay prins de peine & de plaisir pour vostre contentement. (** 2 v°)
  • Les cent vingt-quatre lettres, ou divers discours philosophiques de Senecque, A Lucilius. Sommaire. [Jean Houzé, 1604, Deuxiesme volume]
    La principale intention de Senecque en ses 124. lettres qui nous restent de celles qu’il a escrites à son ami Lucilius, personnage de grande autorité, est de mettre l’esprit en quelque assiette ferme au milieu de tant de tempestes et de traverses de ceste vie. Il se sert de toutes les aides que fournit la Philosophie morale, pour façonner un siege propre  pour cest effect : et n’y a rien de notable es enseignemens des Stoïques, ou des autres qui ont faict profession de telle doctrine, qui ne soit mis ici en avant, avec des mots et sentences d’eslite, qui ont du taillant et de la pointe, si on les considere arriere des prece- (A 1 r°) ptes de la Sagesse Divine : mais estant raportez aupres d’une telle clairté, ce ne sont que conseils pueriles et miserables. Entre divers fondemens et apuis que nostre philosophe donne à ce repos d’esprit, j’y en remarque deux, desquels tous les autres dependent. Le premier est, le contentement que l’homme vertueux doit et peut trouver en son cœur, qui mesprise toutes choses humaines. Le second est, la mort qu’il peut aisément trouver, et qu’il doit cercher et prevenir, si elle ne vient assez tost : afin que despestré de tous liens, proches et eslongnez, il soit lors du tout à soy-mesme. Quant au premier, cela est tres-vray, qu’il n’y a rien de ferme au monde : tout ce que void le Soleil est vain, caduque et perissable. D’avantage, tant plus l’homme se tourne, moins trouve-il d’arrest et de repos. Mais que pourtant il puisse recouvrer ce bien en soy-mesme, et se donner ce qu’il n’a point et dont il est conjuré ennemi, s’il est despouillé de la pure conoissance et crainte du vray Dieu, c’est cercher le ciel en la terre, et mesler le souverain bien avec le malheur extreme. Tout cela donc que Senecque et les autres disent du contentement que la vertu aporte, est recevable : si par ce mot de vertu nous entendons la droite pieté, hors laquelle (A 1 v°) la condition de l’homme mortel est plus miserable que celle des creatures destituées de raison et de sentiment. C’est une grande vertu voirement d’estre libre au milieu de cent chaines, d’estre content de peu, de vivre joyeusement et vertueusement par tout où l’on se trouve, d’estre coy parmy les dangers, de monstrer un cœur invincible et inexpugnable à la bonne et mauvaise fortune. Mais si la mere des vertus, la vraye religion, ne domine par-dessus tous ces biens-la, ce seront autant de masques et de faux apuis. Cependant il faut confesser que Senecque fouille bien avant es consciences les plus endormies, et fait des leçons excellentes à ceux qui se glorifient de la vraye sagesse : n’estant possible qu’un homme  de cœur honneste, et qui a quelque sens, ne se sente atteint au vif, s’il daigne lire des deux yeux, ou prester attentivement l’oreille à celui qui lira les discours qui lui sont ici presentez. Toutesfois, souvenons nous que c’est un Stoïque qui parle en ces epistres ici, non pas un Theologien, afin de laisser tousjours les Philosophes de ceste secte en leur rang, sans les eslever ou abaisser plus qu’il ne convient. Au regard du deuxiesme fondement il y a double mesconte. L’un en ce que Senecque pense que la mort soit (A 2 r°) la fin des maux de ceste vie, en lieu qu’il falloit user d’une distinction, laquelle il a obmise, dont je ne m’estonne pas : car il l’ignoroit. C’est a scavoir, quant aux hommes conoissans et honorans Dieu, vrayement la mort est le commencement de vie : aux profanes et vicieux, c’est l’entrée à misere et punition eternelle. Et combien que leurs corps semblent estre delivrés, la mort leur est seulement un delai, lequel expiré elur condition sera d’autant plus malheureuse que la patience du juste juge aura esté longue. L’autre mesconte est, en ce qu’il veut que le sage s’affranchisse et delivre soy mesme quand il voudra, sans attendre le mandement et congé du souverain : en quoi se descouvre la vanité de la discipline des Stoïques, refutez et condamnez tant par l’expresse defense de l’auteur de vie, que par les loix humaines, voire par les tesmoignages d’une conscience qui ne sera pas du tout stupide ou furieuse. Or ayant discouru ailleurs amplement sur ce point, notamment en la vie de Senecque, il n’est pas besoin d’en parler plus au long. Seulement j’adjousteray quelque mot de l’usage et du fruit qu’on peut recueillir des discours philosophiques que contient ce volume. C’est par une sin- (A 2 v°) guliere providence que le Tout puissant a voulu que tant de beaux escrits des Payens, sur tout de Senecque nous soyent demeurez. Ils peuvent beaucoup servir à ceux qui ont vrayement au cœur l’amour de vertu, et qui en font bonne preuve en leurs vocations. Nous aprendons en ce volume (autant que la sagesse des Stoïques se peut estendre) à porter paisiblement le tracas et mespris du monde, à ne tenir conte des choses perissables, et à ne faire estat d’aucuns biens sinon de ceux que la mort mesme ne nous scauroit piller. Ce nous sera une grande honte, si quelque jour il nous est reproché devant les Anges et les hommes, que les pauvres incredules ont esté plus sages que nous. Sur tout, qui regardera combien soigneusement ils se sont efforcez de tenir leurs passions en bride et à couvert, quelle a esté leur droiture, moderation, prudence et haute courage : combien ils ont esté resolus en tous dangers ; combien retenus et craintifs quand tout leur rioit : venant puis apres à baisser la veuë sur nos injustices, dissolutions, sottises, laschetez et arrogances, il void que les Payens sont plus hauts par desus beaucoup d’hommes qui se disent faits à l’image de Dieu, que nous n’avons de prerogative et d’avantage par-dessus les bestes brutes. Et quand à ce mespris (A 3 r°) de la mort : acompagné d’une joyeuse attente, et d’un ardant desir d’icelle, qui ne confessera que les exhortations de Senecque sont infiniement necessaires aujourd’hui ? veu que nous sommes spectateurs de la misere de toutes sortes d’hommes, qui pour eviter ce qui est inevitable barguignent honteusement apres je ne scai quel reste de vie langoureuse ou acablée de folles delices, pour demeurer enlacez en toutes les difficultez qu’il est possible de penser, et mourir cent fois le jour, afin de ne mourir pas si tost. Je n’aprouve nullement les extremitez des Stoïques : mais je di que celles de tout tant que nous sommes (ou de la pluspart) sont sans comparaison plus vicieuses, par consequent plus dangereuses. Je ne dispute point ici de la vie ni de la mort de Senecque, ni ne veux curieusement recercher s’il a ratifié par effect ses beaux enseignemens touchant le mespris du monde. Quelquefois il rend assez la raison pourquoy possedant de grands biens, il louoit neantmoins la pauvreté. Je ne le presente pas afin qu’il serve de patron que l’homme vertueux soit tenu de suyvre : car je scai bien qu’il y a eu autant ou plus de defaut en ses actions, qu’en ces preceptes. Mais je di que ses discours sont recevables, pour les raisons que le lecteur discernera ai- (A 3 v°) sément. Autant en di-je de quelques sentences qu’il emprunte d’Epicurus : pource qu’en matiere de doctrine qui redresse et forme l’esprit, l’homme vertueux ne s’areste gueres à l’auteur de qui elle procede. Il y a au reste quelques autres sujets et argumens de ces lettres, comme aussi j’ai tasché de les marquer au commencement de chacune, ajoustant outreplus quelques annotations plus speciales, afin d’esclaircir de plus en plus cest autheur, qui ne s’est pas soucié de parler subtilement, ou avec methode fort exacte : mais a visé à ce but de picquer & resveiller les ames pour les induire à bon escient à l’amour de la vertu.
  • L’imprimeur au lecteur. [Jean Houzé, 1604, Deuxiesme volume]
    Pour ne vous presenter du papier blanc, nous auons obtenu du Translateur le discours suyuant, qui ne se rapporte pas mal à ceux de Senecque. Vous ne perdrez rien de la lecture d’icelui, comme nous esperons. (ZZ 2 r°)
  • Sommaire de la Philosophie naturelle ou Meterologie de Senecque, comprinse en sept Livres intitulez, Les Questions Naturelles. [Troisième volume, Jean Houzé, 1595]
    Il y a tousjours à dire, & à penser, quand l’on ouvre les livres de Senecque, duquel combien que j’aye representé beaucoup de traits, tant en sa vie qu’és Prefaces sur les deux premiers Volumes : toutesfois m’estant assujetti à quelque ordre, pour en rendre la lecture plus agreable nos François peu exercez encore és discours de la Philosophie Stoique, j’adjousteray icy quelque mot sur le sujet dont est question en ceste derniere partie de ses œuvres. Du commencement que je me mis apres ceste traduction, je ne pensois point au volume des Questions Naturelles : mesme l’ayant un peu couru, encores que je conusse Senecque estre meilleur Physicien que Dialecticien, toutesfois & les defectuositez de ses disputes, & les paradoxes qui y sont meslez, avec beaucoup de redites, & un stile trop enflé pour chose qui semble devoir estre troussée plus court, m’avoyent fait presque resoudre de n’y toucher point. Mais le conseil de quelques amis, & le desir de certains autres, qui ont assez de puissance sur moy, finalement ont amené ma volonté à ce point, que j’ay baillé ce Volume pour compagnon aux deux autres, qui (peut estre) seront de nouveau recommandez par le divers argument de celuy ci, lequel n’a pas voirement une methode exacte pour faire (* 2 r°) voir la Philosophie Naturelle, comme on la trouve en Aristote : mais s’est contenté d’en descouvrir ores un bras, ores un pied ou autre membre, à la façon des hommes de sa secte, qui se donnent ceste licence, sans se soucier des preceptes analytiques. Mesmes il a cela, que ne pouvant oublier son principal but de la Philosophie Morale, il ne s’est peu contenir demesler parmi ses diputes Naturelles, des exhortations pour les mœurs, comme les commencemens & fins de ces sept livres en font foy. Il semble bien avoir en intention de toucher plus amplement ces matieres, mais soit que ses autres occupations ou son inclination ; ou les malheures des temps ne l’ayent permis, nous sommes contrains de nous contenter de ce qui est lumiere. Encores a il semé dedans ce jardin de Physique beaucoup de graines mauvaises, & des opinions qui n’ont point de fondement ni en naturelle ni en supernaturelle Philosophie, & qui se refutent d’elles mesme, comme ce qu’il traicte de Dieu, du deluge, & d’autres articles que le Lecteur remarquera aisément. Or quoy que d’un costé, il y ayt du trop peu, & de l’autre du trop, si doit on reconnoistre qu’entre-deux il y a des questions bien debatues, & doctement resolues : outre ce qu’en ce recueil d’opinions se trouvent beaucoup de fragmens de l’ancienne Philosophie qui ne se rencontrent pas ailleurs, & ne sont de mauvais usage, comme les Sommaires particuliers sur chasque livre le monstreront du premier coup. Davantage, les matieres sont deduites assez plaisamment pour un Stoique, ce qui rend tant plus supportable quel petite longueur acompagnée voirement en quelques endroicts d’un certain flux de langage, ou il y a aussi beaucoup de choses ramentues plus d’une fois, mais cela ne se decouvre que par ceux qui y prenent de bien pres garde : & puis la nouveauté de tels enseignemens peu conus de la pluspart des hommes aporte esbahissement & plaisir conjoinct à quelque profit. Ja (* 2 r°) n’est besoin de discourir ici sur les louanges de la philosophie naturelle, nous laissons cela aux declamateurs : ni de proposer le sommaire d’icelle apres Aristote & plusieurs modernes, dont les Commentaires ne se peuvent comprendre en lecture de quelques semaines, ains demandent des ans & des siecles. Ce sera assez de dire que Seneque, en sa methode envelopée & imparfaicte, a resolu beaucoup de belles questions, dont je me rapporte à ceux qui le voudront conferer avec les anciens & nouveaux, lesquels de propos deliberé sont entrez en la consideration de nature. Seneque ne s’accorde pas en plusieurs endroicts avec les autres, ou les refute & censure vivement : mais en telles escarmouches n’est enclose la paix publique. Davantage, en contentions de choses tant eslongnées de nos sens, comme celles dont il parle, les diversitez d’avis donnent occasion aux bons esprits de baisser la veue dans le puits de Democrite, pour y trouver la verité. Et en ces matieres tel pense estre Docteur bien subtil, & desja monté sur l’epicycle de Mercure, qui rampe contre terre, & seroit bien empesché de descouvrir la moindre des causes cachées au sein de la nature. Quant à nostre auteur, vray est qu’il s’estend en plusieurs endroicts : mais ayans ses discours esté distinguez par livres & sections, il sera aisé de se desgager de l’ennuy qu’on pourroit concevoir ou de sa longueur ou de l’eloquence qu’il a un peu affectée par ci par là. Vray est qu’on n’en pourra presque rien remarquer en ce vulgaire François, duquel j’ay taillé un tel quel habilement à Senecque. Mais je seray tres-joyeux si mon rude langage peut attirer quelques uns qui ne me seront ennemis à recercher en Senecque mesme, si j’ay bien rencontré en ce petit effort. Plusieurs ont promis des long temps d’y mettre la main. Je pense qu’ils auroyent mieux fait, s’ils m’eussent devancé : s’ils viennent apres, & que j’aprene d’eux, comme ils peuvent estre plus que suffisans pour m’enseigner, je (* 3 r°) leur en demeureray d’autant plus redevable. Seulement j’adjousteray ce mot, qu’és versions des anciens auteurs, sur tout de Senecque, il y a du plaisir, mais tres-cherement vendu par du travail. Or je ne me repen point d’y avoir employé quelques mois : & si Dieu le permet, je ne pren pas si precisement congé de Senecque, que je ne le revoye encore quelquesfois, pour essayer de reduire cest essay à quelque poinct qui me rende encore mieux voulu de tous ceux qui avec la langue Françoise ont conjoint l’amour de vertu. (* 3 v°)
  • In opera Senecæ Galicè reddita. [Troisième volume, Jean Houzé, 1595] (42 pages)
    Hic centum liber artium
    Migrat Romuleo de lare, Gallici
    Latè sceptra per imperi,
    Auctoris soboles inclyta maximi,
    Fracis apta laboribus :
    O nostris iterum scriptu vergrandibus
    Tempestina malis, gravi
    Nutantes animos vulnere, fortia
    Firmis reddere sedibus.
    Si quem nempe malis astibus abripie
    Iræ præcipitem furor
    Crudelis, subitò fræna furentibus
    Flammis hic libert injicit,
    Sedatùmque premit molliter impetum.
    Si quis caca volubilis
    Fortunæ queritur munera, dum malis,
    Credit moribus arbitros
    Indulgere deos, séque fluentibus
    Votis porgere pessimis :
    His præcepta libris indita perlegat,
    Et statum sciet omnia,
    Quæ sol cumque videt, nutibus optimis
    Flecti numinis optimi,
    Arcanàque sua lege potentiæ,
    Rectum semper ad exitum.
    Si te letiferi denique vulneris
    Horror nubilis obsidet,
    Exhaustàmque domum vastat, inambulans
    Telo Parca nefario :
    Te centim miserè cladibus obrutum,
    Consolabitur hic liber,
    Turbatúmque loco sistet in optimo.
    Fœlix Gallia, cui, velut
    Astrum purpureis ignibus emicans,
    Nautis saxa per aspera,
    Stella hæc occiduæ lucida Cordubæ
    Affulget, placidæ docens
    Ripæ multiplices leniter ambitus,
    Queis mens fracta vadis agat.

    Nic. Richelet, Paris. (* 4 v°)
Topoï dans les péritextes
  • "pièce d’ouvrage assez mal tissue"
  • annotation
  • clarté
  • concentration en un volume
  • diversité
  • fleurs
  • fruit
  • ordonnancement
  • public non savant
  • recueillir
  • semence
  • traduction
  • usage
  • utilité
  • utilité publique
  • visée didactique
Collection créée par Anne Réach-Ngô Collection créée le 27/01/2017 Dernière modification le 26/07/2022