181. Le saladier

Auteur(s) : Sassine, Williams

Les folios

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N° 181, 4 septembre 1995 : « Le saladier »

Le bruit ne fait pas de bien, parce que le bien ne fait pas de bruit. Les têtes de turc de notre opposition l’ont oublié quand ils ont décidé de transformer notre capitale en « ville morte ». Mais où enterrer une ville morte sans enterrer ses habitants ? Si le Conakryka en général est vivant, c’est parce qu’il cherche à manger. Et si Fory Coco le prési lui est vivant, c’est parce qu’il n’a pas faim. Il a bien déclaré : « moi, ma femme ne va pas au marché ». De quelque côté qu’on se tourne, l’opération « ville morte » contenait un élément absorbant, comme le zéro dans la multiplication. C’est la faim.

Nous avons montré dans un de nos précédents numéros d’après une proposition de Georg Cantor, mathématicien génial, qu’une partie de quelque chose peut contenir le tout. C’était pour inciter toute l’opposition à entrer à l’Assemblée Nationale. Mais tout le monde n’a pas compris le message. Apparemment pas grand-chose, chez certains. Et pourquoi « ville morte » dans un pays mort ? On va arrêter de remuer le couteau dans la plaie des mousquetaires sans moustiquaires de notre oppo-sens. La pluie a sauvé leur honneur le dernier jour de leur « ville morte ». Le mercredi 25 août, en effet, il était difficile de sortir à cause de la pluie.

Il paraît que nos Aya-tollés veulent supprimer bars, maquis, night-clubs et autres abreuvoirs, qu’ils créent plutôt des emplois avec les cheiks barrés qu’ils reçoivent des arabes. Ces endroits fermeront d’eux-mêmes. Sinon beaucoup de tenanciers et de P… se retrouveront au chômage. Ce sont des pères et des mères de famille. Oh, poutain !

Un homme qui boit dort bien. Et un homme qui dort bien, ne pêche pas. Donc il sera sauvé par Dieu. Et puis les buveurs ont beaucoup aidé dans l’affaire « ville morte ». Dès que les gens ont vu les maquis ouverts à 7h du matin, ils ont eu le courage de sortir.

La prohibition de l’alcool a souvent créé de sérieux problèmes. Al Capone aux Etats-Unis, Ould « Ataya » en Mauritanie, Sékou en Guinée…On peut voir le bon Dieu sans se coucher sur le dos. Kalil « le Général » des bandits ne buvait pas. Nos sportifs à ma connaissance ne boivent pas…..Pourtant on se fait botter partout ! Nos condamnés à mort ont de la chance. On ne va pas les trimbaler d’aéroport en aéroport avant de les exécuter, comme notre Thöröya de footballeurs Club. A Conakryme (2-0), au Nigeria (2-0). Des rafaleurs, (comme l’aurait dit Mathias), ces gens-là. Je me demande pourquoi nos adversaires n’ont jamais pitié de nous. Pourtant ils doivent savoir que notre minus-tère des sports est dirigé par des hadjettes qui confondent mosquées et terrains de jeu. A Fakoudou !

Monsieur le président, si vous acceptez de laisser tuer Mathias et ses copains, acceptez d’abord de balayer tout ce minus à terre.

Fory Coco, on dit que vous n’êtes pas une lumière. Comme je ne suis pas de la société de coupure de courant, je ne pourrais pas en témoigner. Mais la lumière étant l’ombre de dieu, j’ose croire monsieur le président, s’il n’est pas trop tard, qu’écouter nos voix, c’est vous faire une voie vers la démocratie.

Je voulais changer de pays, mais malheu-reusement, je me suis parachuté sur les antennes de la radio locale. On faisait parler Aïcha Koné.

- Aïcha vous avez grossi
- Je comprends pas (rires)
- Aïcha vous avez divorcé ?
- J’ai changé de mari, c’est tout !
- Aïcha, comment vous trouvez notre belle capitale ?
- Cé sale partout. Hi ! Hi ! Hi !

Je suis descendu des antennes à cause de la foudre, avec la même volonté que nos « magbana » se rendant en Chine, ne sachant pas que ces jaunes là, n’aiment pas les mammifères. Elles commencent déjà à se griffer pour le billet d’avion.

A Bonagui, (attention pas le nom Toma), j’ai aperçu l’une des patronnes de la boite. Elle semblait revenir de la Mecque. Rayonnante comme bénie, en portant fièrement son nom prédestiné de Tété. Ses grands enfants ne s’en privent pas d’ailleurs. On ne peut pas en dire autant des autres patrons de société. Une candidate valable chez les bridés. Mais comme dans le pays, les dés sont pupés…Heureusement que Dieu a créé la mère. Heureusement que la Mère n’est pas du genre qui gueule à la radio pour se plaindre de ses douleurs de l’enfantement. Personne ne l’a obligée à se « donner » à un homme. Elle aurait dû savoir que la vie ne fait pas de cadeau. Tu as pris pour saint celui qui a fait tomber tes seins. Console-toi. Un grand mal ou un grand bien ne dure pas. Mais une vieille ride ne s’efface jamais, même quand on se perce le nez.

J’en étais là dans mon brouillon pour mériter mon gagne-peine, quand une espèce de monstre née probablement, mentalement entre la semaine où on pleurait la mort du premier « prési » et celle où on applaudissait l’arrivée du second. On est venu me demander :

- Ton article-là, sur les mutants, c’est quoi chat ?
- Oui, il en existe. J’en connais quelques uns. Le plus proche travaille dans les sous-sols de Bonagui. A ton âge vu les cheveux blancs, tu aurais dû…
- Attention ! J’ai 12 ans sur la carte d’identité, c’est tout ! En vérité mon frère, je ne sais pas qui je suis. Je cherche de l’argent, beaucoup même, pour sortir du pays. Mais où aller ? Si au moins je savais voler, j’allais passer à la télé devant notre procurieur, après j’aurais gagné de l’argent avec applaudissements. Mais la vie ne veut pas de la mort. Mais chat ne fait rien. Ma vie et ma mort se sont déjà rencontrées. Elles se sont mal séparées. Bon, je retourne à la maison ! Mon épouse est sortie pour…ce qu’elle appelle la « fête des femmes ». Je suis déflaté, le prix du riz ne fait que grimper, notre fils ainé est sorti de l’université depuis 2 ans, pour se retrouver dans la rue…Avec tout ça, elle dit que c’est la fête des femmes. Quelqu’une racontait : Je ne comprends rien. Mon mari vient de mettre le feu à sa boutique ; Quand je lui ai demandé la raison, il m’a botté. Après son départ, moi aussi, j’ai botté notre chatte. Parce que quand elle me regarde, on dirait qu’elle rigole. Ensuite la chatte a sauté sur notre coq et lui a arraché sa crête. Je ne comprends rien.

Heureusement qu’une souris est arrivée. C’est elle qui a fait fuir la chatte. Hé kéla ! Je ne sais plus qui est fou dans la maison. C’est comme le pouvoir et l’opposition.

Billet

« Un chat m’a Conté »

Celui qui boit, est un boiteur

Un bandit est un rafaleur

Un député-parlementeur

Un enseignant est à saigner

La politique donne des politricheurs

Au foot, on devient footbailleur

La liste est longue, chers lecteurs.

Mais on trouve tout chat dans le pays

Par Williams Sassine

Description & analyse

Auteur de l'analyseDegon, Elisabeth

Contributeur(s)Degon, Elisabeth (collecte et saisie)

Éditeur(s) de la ficheDegon, Elisabeth

Auteur(s) de la transcriptionDegon, Elisabeth

Informations générales

LangueFrançais

CoteLe Lynx, n° 181

Présentation

Date1995/09/04

GenreDocumentation - Presse

Mentions légales

Fiche : Elisabeh Degon, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes, CNRS-ENS ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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Éditeur de la ficheClaire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)

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Notice créée par Elisabeth Degon Notice créée le 30/07/2019 Dernière modification le 01/09/2022

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