183. Le bruit des nôtres ! (1)

Auteur(s) : Sassine, Williams

Les folios

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Sassine, Williams, 183. Le bruit des nôtres ! (1), 1995/09/18.
Claire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle).
Consulté le 20/04/2024 sur la plate-forme EMAN : https://eman-archives.org/francophone/items/show/3525

Texte de l'article

Transcription

N°183, 18 septembre 1995 : Le bruit des nôtres ! (1)

Il est 10 heures. Quelqu’un chantait désespérément à la radio :

« Wo wali tongo sèmbèra(prenez le travail au sérieux !)

Comme s’il y avait du travail ! Porêê ! Même les cireurs de chaussures baillent toute la journée.

Il est 10 heures. Fory Coco s’est barré pour la Malaisie. Je relis l’interview qu’il m’a accordée :

Monsieur le prési, qu’est-ce que vous pensez du nouveau chef des dépités ?

Chi vous parlez de Biro-la-pipe, on l’a nommé parche que vu son âge incalculable, il peut casser sa pipe bientôt. Dans le pays les jeunes sont trop pressés. Quand ils seront vieux, on va leur lécher la place !

Vous êtes prêt à vous rendre en Malaisie, vos impressions ?

C’est un pays très riche. J’ai envie de trouver un bateau pour l’amener ici. Mais j’ai peur, mes compatriotes sont capables de le transformer en quelques mois, en pays super sous-développé. Si je gagne là-bas de l’argent, je ne sais plus à quel voleur le confier. Alors je vais le garder.

Monsieur le président, est-ce que vous pouvez faire quelque chose pour le petit pont minable et mobile de Taouya ? Les enfants du vieux Demba comment à être fatigués de le réparer…

C’est quel pont ça ? Et puis ce n’est pas moi qu’il faut voir. C’est la maire de Matam-tam qui connaît les ponts.
Et puis à mon grand étonnement, il a souhaité du succès à tous les comédiens de la troupe du théâtre national et du Boulevard d’Afrique : « Il ne faut pas jouer comme le Fini National, hein ? Je ne regarde pas seulement les films de cow-boys. Wallahi ! ».

Il est 10 heures.Devant moi, des maisons croulantes, des moustiques triomphants, des maires élus fatigués d’attendre les résultats, des pluies qui font trembler. On dit que le pays ne bouge pas, dieu merci : parce que s’il bougeait, on va se retrouver après quelques secousses, sous des décombres. Le garage Harakiri noiera le reste. Opposition et pouvoir compris, avec leurs voleurs et autres voleurs.

Il est toujours 10 heures. C’est peut-être la montre « garantie 5 ans » que je porte, qui respecte la démarche d’un pays immobile. Mais je préfère me souvenir de Sékou « Philo » et de l’hypocrisie officielle qui a auréolé son enterrement. L’autre grand Sékou a été pleuré et oublié en une semaine. Eux, leurs montres n’étaient pas des chronophages. Le temps, dans sa durée romantique est bien loin. Les capotes sont là, avec leur cohorte d’indépendantristes, de spermatozoïdes emprisonnés ou assassinés au Rwanda et autres poussières du pays.

Il était la même heure. De toute façon, pourquoi se presser ? Un citron se presse t-il pour être pressé ? Si l’on te demande : « As-tu vu un âne noir ? » Réponds : « Je n’en ai vu ni un noir, ni un blanc ». Et cela t’évitera bien des ennuis entre nos maitres actuels et leurs prétendus héritiers. C’est que quelque part en nous, quelque chose nous dit que nous sommes une horde menée vers un Jéricho par des trompettes à ultra-sons. Nous devenons des envahisseurs, du côté de la vie qui vient, du côté du changement, avec des démarches latérales de crabes, pour un changement d’âge et de pensée. Même malheureux, nous cherchons à comprendre, pour mieux adhérer à ce qu’on nous présente. Car tout ce qui est compris est bien. Surtout la démocratie.

Il est toujours et encore la même heure, où les morts se souviennent et les vivants oublient l’heure à laquelle la mort et la vie se heurtent. Erreur ou folie ? Accident ou fatalité ? Heure de l’obscurité ou heure de renaissance.

Un gars racontait : « Un mec se disait, j’en ai marre de Conakry ! C’est sale, c’est plein de chômeurs et de mécontents. Alors il vit un chalutier qui s’apprêtait à voguer vers les Amériques. Il réussit à y pénétrer en clandestin. Il ne savait pas que le bateau avait des ennuis mécaniques. Après quelques jours et nuits, il ouvrit sa cachette, et vit un grand immeuble bien éclairé. Pour lui c’était New York. Il plongea et finit par arriver dans l’immeuble où buvaient des Blancs. Il lança en passant, How are you ? Tellement il se croyait aux Etats Unis. Ensuite il traversa l’hôtel Camayenne et déboucha sur le quartier voisin, où des enfants chiaient dans les rues, éclairées par des lampes à huile, avec des maisons délabrées aux toitures surchargées de vieux pneus et de cailloux. Alors le mec s’arrêta, se gratte la cervelle et finit par s’exclamer : « Mais on dirait que je connais cette ville-là ! » En effet, il connaissait la ville. C’était Conakry.

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Billet

« Un chat m’a Conté »

Vous connaissez la loi 112.000 ?

Pourtant dans certains de nos hôpitaux, on la pratique.

Dans ces hôpitaux, souvent un malabar vous coince dans un couloir et vous tape dans le ventre.

Si vous criez, il vous propose une opération de l’appendice

C’est 112.000 F. A Fakoudou !

Par Williams Sassine

Description & analyse

Auteur de l'analyseDegon, Elisabeth

Contributeur(s)Degon, Elisabeth (collecte et saisie)

Éditeur(s) de la ficheDegon, Elisabeth

Auteur(s) de la transcriptionDegon, Elisabeth

Informations générales

LangueFrançais

CoteLe Lynx, n° 183

Présentation

Date1995/09/18

GenreDocumentation - Presse

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Fiche : Elisabeh Degon, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes, CNRS-ENS ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)

Éditeur de la ficheClaire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)

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Notice créée par Elisabeth Degon Notice créée le 30/07/2019 Dernière modification le 01/09/2022

183. Le bruit des nôtres ! (1)

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