Le général en chef Bonaparte
[2] m'a renvoyé à Rome votre lettre du 11 ventôse
[3] à laquelle était joint un mémoire du citoyen Duboy-Laverne, qui demandait pour l'Imprimerie nationale les poinçons des caractères exotiques de l'Imprimerie de la Propagande.
[4] Cette demande était difficile à satisfaire d'après le traité de Tolentino.
[5] Mais le Directoire nous ayant fait parvenir un mémoire postérieur du citoyen Duboy-Laverne, en date du 12 germinal,
[6] et par lequel l'administrateur de l'Imprimerie nationale se borne à demander des matrices de tous les caractères exotiques, la chose est actuellement de nature à avoir son entière exécution. Le ministre Cacault
[7] a trouvé pour cet objet auprès du secrétaire d'état
[8] toutes les facilités possibles. J'ai été aujourd'hui à l'imprimerie de la Propagande où j'ai vu donner tous les ordres nécessaires. J'espère qu'avant la fin de notre mission, nous pourrons faire entrer ces matrices dans le convoi qui portera à Paris les 500 manuscrits et, dans le compte de cette opération que je rends aujourd'hui au général, je le prie d'en autoriser la dépense.
[9] Le nombre total des caractères est de 5 511 ; la célérité avec laquelle nous désirons servir la République fera peut-être monter le prix de chaque matrice à 1 f 10 sous de France et dans ce cas le prix total serait d'environ 8 266 f.
Je vous adresse en même temps, citoyen ministre, une ancienne épreuve du plus grand nombre de ces caractères, que je vous prie de faire parvenir au citoyen Duboy-Laverne, avec un catalogue des livres imprimés à la Propagande.
À l'occasion de cette mission ici, j'ai cherché à voir des épreuves des caractères exotiques de Bodoni, imprimeur à Parme. Je les ai trouvés d'une beaucoup plus belle exécution que ceux de la Propagande, et les directeurs de cette dernière imprimerie, à qui j'en ai parlé, en sont convenus.
[10] Mais ils m'ont assuré que les formes n'en étaient pas parfaitement exactes, et que tous les connaisseurs donnaient la préférence à leurs caractères.
Je crois néanmoins qu'il serait utile de procurer ces autres caractères à la Bibliothèque nationale. En conséquence, je vais faire écrire à Bodoni pour savoir s'il serait possible d'avoir des matrices frappées avec les poinçons de tous ses caractères exotiques, et à quel prix il voudrait les vendre. Je vous rendrai compte de cette négociation et j'exécuterai avec le plus grand zèle les ordres que vous voudrez bien me donner en conséquence.
[11]
Monge.
[1] Philippe-Antoine MERLIN DE DOUAI (1754-1838).
[2] Napoléon BONAPARTE (1769-1821).
[4] Philippe Daniel DUBOY-LAVERNE (1755-1802), directeur de l’imprimerie nationale. Voir lettre n°88. La propaganda Fide est une congrégation fondée au XVIIe siècle qui a pour mission l’évangélisation. Dans la notice qui lui est consacrée dans le Dictionnaire raisonné de bibliologie (PEIGNOT (1804), Villiers, Paris p. 110), il est souligné que « c’est d’après ses notes qu’a été tirée de l’imprimerie de la propagande à Rome la nombreuse collection de poinçons matrices et caractères exotiques. » Dès 1787, son prédécesseur, alors directeur de l’Imprimerie royale, Anisson Duperron a à cœur de mettre en usage les caractères arabes de Vitré, que possédait l’Imprimerie. Louise écrit à son père à ce sujet de Paris le 10 messidor an V [28 juin 1797] : « J’oubliais de te dire que Roederer a mis dans son journal de Paris que tu avais fait la découverte de caractères arabes ; nous ne savons pas si cela est vrai comme tu ne nous en parles pas dans une lettre que nous avons reçue hier. »
[5] Le Traité de Tolentino du 19 février 1797 signé avec le pape évite une occupation militaire de la ville de Rome. Voir la lettre n°88.
[7] François CACAULT (1743-1805), ministre plénipotentiaire à Gênes envoyé en mission à Rome.
[8] Giuseppe Maria DORIA PAMPHILI (1751-1816) secrétaire d’État du Vatican depuis mars 1797.
[10] Giambattista BODONI (1740-1843) imprimeur, graveur et typographe.
[11] Voir les lettres n°109, 114, 133 et 134. Les recherches que Monge effectue à cette période lui sont utiles lors de la préparation de l’expédition d’Égypte en 1798. Voir les lettres n°153 et 165.