La correspondance inédite du géomètre Gaspard Monge (1746-1818)

La correspondance inédite du géomètre Gaspard Monge (1746-1818)


89. Monge à sa femme Catherine Huart

Auteurs : Monge, Gaspard

Transcription & Analyse

Transcription linéaire de tout le contenu
Rome, le 9 floréal de l'an V de la République française une et indivisible
 
Il y a longtemps, ma chère amie, que vous avez dû recevoir à Paris la nouvelle des articles de paix convenus entre le général Bonaparte et l'Empereur Roi.[1] Vous êtes même vraisemblablement plus instruits que nous car, si le Directoire a approuvé les articles, il a pu les laisser publier ; tandis que nous les ignorons complètement. Le courrier qui nous a apporté la nouvelle que les articles étaient convenus, nous a assuré qu'au camp le bruit général était que la Lombardie serait libre, et nous sommes disposés à le croire. Ah ma chère amie, qu'il serait beau être actuellement à Milan. Quant à nous, nous avons démontré notre joie avec quelque éclat. Nous avons illuminé deux jours de suite le palais de l'Académie de France ; et parce que ce palais, un des plus beaux de Rome, est placé dans la plus belle rue de la ville, cela a fait un grand effet.[2] Il y avait longtemps que cet imbécile de peuple de Rome n'avait rien vu de joyeux; et quoiqu'il plût à seaux le second jour, tout le monde était là avec ses parapluies de toile cirée pour voir et admirer notre illumination faite de bas en haut en torches de cire blanche. Demain dimanche nous donnerons chez nous un concert où les ambassadeurs amis viendront, et où nous avons invité ceux des Romains qui veulent du bien aux Français. Beaucoup de ceux qui voudraient bien y venir n'oseront pas le faire, crainte de se rendre suspects au gouvernement; et de passer pour jacobins. Car les jacobins sont presque aussi détestés à Rome que de la plupart des journalistes de Paris, et ici jacobin signifie ami de la République et de son gouvernement actuel.
Je n'ai toujours pas de tes nouvelles, ma chère amie, et si la citoyenne Berthollet[3] n'était pas aussi paresseuse que toi, j'aurais quelques inquiétudes ; mais je ne puis supposer que toutes deux vous soyez malades, et j'aime mieux croire que, sachant par ma lettre de Tolentino que je quittais le général pour aller à Rome, vous n'aurez pas eu l'esprit de nous adresser vos lettres à Rome.[4] Depuis quelque temps nous ne voyons que des journaux royalistes; à les entendre, tout va le mieux du monde pour eux. Je crois que ces messieurs se trompent fort[5] ; mais encore nous voudrions bien avoir un petit mot des amis de la République. Adieu, ma chère amie, je t'embrasse tendrement, ainsi que nos enfants,[6] Fillette et tout son ménage,[7] mon frère et sa femme,[8] et compte sur le bien sincère attachement de ton ami.

[1] François II (1768-1835). Le 29 germinal an V [18 avril 1797] signature des préliminaires de Leoben : l’Autriche cède la Belgique et récupère la Vénétie (sauf Venise) en échange de la Lombardie. Voir les lettres n°90, 176 et 177.

[2] Le palais Mancini est sur la via del Corso, voie centrale du quartier historique construit entre les XVe et XVIIe siècles. Elle mène en ligne droite de la Piazza Venezia à la Piazza del Popolo.  Voir la lettre n°66.

[3] Marie-Marguerite BAUR (1745-1829) épouse de Claude-Louis BERTHOLLET (1748-1822).

[4] Voir la lettre à Anne Françoise HUART, n°63.

[5] Les royalistes sortent largement victorieux des élections législatives d’avril 1797. Monge n’est pas immédiatement alarmé par la victoire des royalistes. Il fonde ses espérances sur les victoires d’Italie qui rendent la République victorieuse de ses ennemis extérieurs et renforcée par ses sœurs italiennes. (Voir la lettre n°90). Il se montre beaucoup plus inquiet en août 1797. Voir les lettres n°118 et 119. Sur la montée des Royalistes et la réponse du Directoire avec le coup d’état du 18 fructidor voir les lettres n° 90, 110, 116, 127, 131, 132 et 135.

[6] Louise MONGE (1779-1874), Émilie MONGE (1778-1867) et son mari Nicolas-Joseph MAREY (1760-1818).

[7] Anne Françoise HUART (1767-1852), son mari Barthélémy BAUR (1752-1823) et leur fils Émile BAUR (1792- ?).

[8] Louis MONGE (1748-1827) et sa femme Marie-Adélaïde DESCHAMPS (1755-1827).

Auteur(s) de la transcriptionDupond, Marie
Auteur de l'analyseDupond, Marie

Relations entre les documents


Collection 1796-1797 : Première mission en Italie, La commission des sciences et des arts Prairial an IV - vendémiaire an VI

Ce document a pour thème Politique comme :
90. Monge à son gendre Nicolas-Joseph Marey
110. Monge à sa femme Catherine Huart
116. Monge à sa femme Catherine Huart
127. Monge à sa femme Catherine Huart
131. Monge à sa femme Catherine Huart
132. Monge à sa femme Catherine Huart
135. Monge à sa femme Catherine Huart

Collection 1796-1797 : Première mission en Italie, La commission des sciences et des arts Prairial an IV - vendémiaire an VI

90. Monge à son gendre Nicolas-Joseph Marey a pour thème Campagne militaire (Italie) comme ce document
129. Monge à sa femme Catherine Huart a pour thème Campagne militaire (Italie) comme ce document

Collection 1798 : Seconde mission en Italie Institution de la République romaine et préparation de l’expédition d’Égypte Pluviôse – prairial an VI

168. Monge à sa femme Catherine Huart
a pour thème Esprit public (Opinion publique) comme ce document

Collection 1796-1797 : Première mission en Italie, La commission des sciences et des arts Prairial an IV - vendémiaire an VI

113. Monge à sa femme Catherine Huart a pour thème Politique comme ce document
118. Monge à sa femme Catherine Huart a pour thème Politique comme ce document
119. Monge à sa femme Catherine Huart a pour thème Politique comme ce document
128. Monge à sa femme Catherine Huart a pour thème Politique comme ce document

Collection 1798 : Seconde mission en Italie Institution de la République romaine et préparation de l’expédition d’Égypte Pluviôse – prairial an VI

167. Monge à sa femme Catherine Huart
a pour thème Politique comme ce document
Notice créée par Marie Dupond Notice créée le 08/11/2016 Dernière modification le 11/02/2022