- L’édition de la correspondance de Gaspard Monge en quelques dates
- Chronologie biographique de Gaspard Monge (1746-1818)
-
Édition de correspondance et enjeux biographiques
- Les motifs de l'action publique des savants
- Interroger ensemble l’engagement révolutionnaire et la pratique scientifique du géomètre
- L’idée de progrès : coordination de la pratique scientifique et de l’action publique
- L'idée de progrès : un instrument de réforme de la pratique scientifique
- L’idée de progrès : ses postures scientifiques et ses deux procédures
- Les différentes réceptions de l’application cartésienne, les différences entre les œuvres des mathématiciens
- L’idée de progrès est outil de réforme des rapports entre domaines mathématiques, entre mathématiques et techniques
- Le corpus Taton 1795-1799 : l'engagement public et révolutionnaire
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17. Monge à Prieur
Auteurs : Monge, Gaspard
Transcription & Analyse
Transcription linéaire de tout le contenu
Florence, le 5 thermidor de l'an IV de la République française
Dans nos recherches, mon cher Prieur[1], nous n'avons pas oublié notre École polytechnique. Nous avons trouvé dans le cabinet de physique de l'Institut de Bologne un microscope pour la nuit et un microscope solaire monté pour faire voir les objets opaques ; tous deux de fabrique anglaise.[2] Si ces deux instruments avaient été de quelqu'utilité aux sciences entre les mains des Bolonais, nous les aurions respectés. Mais ni le professeur de physique, ni le mécanicien qui lui monte et démonte les machines n'ont pu seulement nous en montrer l'usage.[3] Nous n'avions pas le temps de le chercher nous-mêmes et nous avons été forcés de prendre tout ce qui se trouvait dans l'armoire, pour ne rien laisser qui fit partie des deux machines et nous en avons fait une caisse adressée à l'École polytechnique. Ainsi quand le convoi de tous les objets recueillis en deçà des Apennins arrivera à Paris, ce dont tu seras vraisemblablement informé, il faudra que l'École envoie chercher chez le ministre des Relations extérieures[4] le petit lot qui lui revient.
Ce premier convoi renferme en 71 caisses des objets bien précieux surtout en tableaux. La bibliothèque nationale aura aussi une riche part dans cette collection et nous adressons au Jardin des plantes des objets d'histoire naturelle auxquels il attachera beaucoup d'intérêt.
Je viens d'écrire à Carnot, et je lui ai parlé du parti miraculeux que l'on a tiré en Lombardie des canaux d'irrigation pour la fertilité du sol. Pour ne pas abuser de ses moments, j'ai été court dans ma lettre. Comme je suis moi-même assez pressé, je ne te répéterai pas ce que je lui mande[5] ; mais j'ajouterai ici que le Milanais, du moins la partie que nous en avons vue, est compris entre deux rivières à peu près parallèles qui descendent des Alpes et qui vont se jeter dans le Pô. Ces deux rivières contiennent beaucoup d'eau pendant l'été, à cause de la fonte des neiges qui se fait dans les hautes montagnes. On a dérivé de chacune d'elles un canal, et ces deux canaux viennent se joindre à Milan qui est à peu près au milieu ; en sorte que Milan communique avec facilité d'une part au lac Majeur par le Tessin, et de l'autre au lac de Iseo par l'Adda, et que cette ville tire des bords de ces deux lacs situés au pied méridional des Alpes tous les beaux matériaux que fournissent les hautes montagnes, tels que les bois et les pierres. Les masses énormes de granit et les beaux marbres sont très communs à Milan. L'emploi des colonnes d'une seule pièce y est très fréquent et je crois me tromper en-dessous en assurant qu'il y en a bien 20 000 dans toute la ville. Il y en a déjà 1 000 dans le seul Hôpital Majeur, ce qui donne à ce monument un aspect auquel nous autres Français ne sommes pas accoutumés.[6] Mais cet avantage de la commodité des communications n'est presque rien en comparaison de celui de l'irrigation. L'eau des deux canaux qui coule en très grande abondance - car ces canaux forment deux grandes rivières très rapides - se partage en un nombre immense d'autres petits canaux qui se distribuent et se croisent à différents niveaux, pour arroser successivement toutes les parties du terrain compris entre les deux rivières, le canal et le Pô. Pour cela, le petit canal est disposé de manière que quand il est plein, l'eau est plus élevée que la surface horizontale du champ latéral. En barrant par une vanne le petit canal, il se remplit d'eau ; celle-ci se répand dans le champ et le couvre entièrement pendant quelques heures ; et le champ est arrosé pour une quinzaine de jours au bout desquels on recommence. Cette opération se fait successivement tout le long du petit canal dont la pente est assez grande pour porter l'eau abondamment à une assez grande partie du territoire. Ces canaux sont très multipliés ; dans plusieurs endroits nous en avons rencontré 5 parallèles entre eux et séparés seulement d'un ou deux prés, mais placés à différentes hauteurs suivant celles de leurs destinations ; et ces canaux étaient quelquefois traversés par deux ou trois autres également parallèles entre eux, et qui avaient leurs ponts particuliers pour passer sur les précédents.
Au moyen de cette disposition, les champs, quand ils portent du maïs donnent une récolte abondante, et souvent le maïs est une seconde récolte ; et quand ils sont en prairie, ce qui arrive au bout de quatre ans, et environ pour trois ou quatre autres années, ils donnent jusqu'à 5 ou 6 récoltes la même année, parce que dès qu'une récolte est faite, on y met l'eau, et l'herbe repousse comme au printemps.
Il est bien probable que toute cette distribution d'eau qui s'est établie successivement n'est pas faite avec la même économie que si le projet en avait été fait à l'avance et d'après des calculs fondés sur des mesures actuelles, et si l'on faisait quelque chose de semblable en France, on pourrait faire la distribution plus exacte.[7]
Adieu, mon cher Prieur, Berthollet[8] me charge de te faire ses compliments. Fais les pour nous deux à tous les membres du Conseil de l'École polytechnique.[9]
Nous les prions de se ressouvenir quelquefois de nous, et de compter sur notre tendre attachement.
Lorsque le mémoire que le cit. Lagrange doit publier dans le Journal de l'École sera imprimé, il serait bon d'en envoyer un exemplaire à chacun des savants dont les noms suivent[10] :
L'abbé Fontana, professeur de math. à Pavie[11]
Fossombroni,[12] " à Florence
Paoli,[13] " à Pise
Oriani,[14] " à Milan
Salut et fraternité.
Monge.
Lorsque tu auras l'occasion de voir les citoyens et citoyennes Oudot, Berlier et Florent-Guyot, rends-moi le service de me rappeler à leur souvenir. Mille choses aimables à Guyton et à Fourcroy[15].
[1] Claude-Antoine PRIEUR DE LA CÔTE-D’OR (1763-1832)
[2] Voir les lettres n°15 et 43. Monge saisie aussi une machine électrique à Milan pour l’École polytechnique. Monge ne cesse de vouloir montrer à ses collègues de l’École que son absence ne signifie pas un abandon des engagements qu’il a pris envers l’École. Voir la lettre n°77.
[3] Monge montre peu d’admiration pour les savants de Bologne. Voir les lettres n°14 et 21. Alors que Thoüin rencontre Galvani qui effectue des expériences en sa présence, Monge n’en dit rien. La description de Thoüin offre un jugement plus favorable sur l’Institut de Bologne. THOÜIN A. (1841), pp. 191-195. La description du cabinet de physique, p. 194 et la rencontre avec les Volta p. 196.Voir aussi la lettre n°22.
[4] Charles DELACROIX (1741-1805). Voir la lettre n°15.
[5] Sur la question des canaux d’irrigation voir les lettres n° 9, 10, 13 à Catherine, lettre n°16 à Carnot et n°22 à N.J. Marey. Monge décline sa description selon le destinataire. Alors qu’avec Carnot, il insiste sur l’utilité d’un système de canaux du point de vue de la communication et de l’irrigation en soulignant les enjeux pour les savants de participer à des grands projets de travaux publics, Monge adresse à Prieur, collègue scientifique, bénéficie de la version la plus précise, d’un point de vue topographique et technique.Prieur un problème destiné aux élèves. Monge ne considère plus seulement l’utilité publique des systèmes de canaux mais aussi leur fécondité théorique en hydraulique, domaine consacré à l’étude « de la conduite et de l’élévation des eaux et des machines propres pour cet effet », et en hydrodynamique. Monge connait ces domaines depuis qu’en 1780, il devient l’adjoint de l’abbé Bossut, titulaire de la chaire d’hydrodynamique du Louvre, et qu’il est chargé de l’enseignement d’hydrographie. L’hydrodynamique s’est séparée de l’hydraulique pour constituer une branche de la mécanique qui se réserve l’étude « des lois générales du mouvement des corps fluides ». D’Alembert souligne la jeunesse du développement théorique de ce domaine dans l’Encyclopédie à l’entrée « Hydraulique » et « Hydrodynamique » en indiquant que D. Bernoulli est le premier à employer le terme d’hydrodynamique dans son Traité publié en 1738, Hydrodynamica, sive de viribus et motibus fluidorum commentarii.[…]. Dans cette lettre, apparait un autre signe de la préoccupation incessante de Monge pour l’École polytechnique et de sa volonté de continuer sa tâche de constitution du « matériel des études » (voir la lettre n°3). Le perfectionnement de l’enseignement de la mécanique constitue un enjeu essentiel non seulement pour le progrès des sciences et des applications mathématiques mais aussi pour l’École. (Voir infra). Quelques mois plus tard au début de l’an V [en octobre 1796], c’est justement sur la qualité de l’enseignement en mécanique que porte la critique de l’École par Laplace. (Voir la lettre n°77). Dans une lettre du 20 brumaire an V [10 novembre 1796], Deshautschamps, directeur de l’École, fait part à un membre du Directoire, certainement Carnot, de la critique de Laplace : « Il n’en admettra que deux pour l’artillerie et arguera «que la connaissance de la mécanique est indispensable et [qu’il a] trouvé généralement les élèves peu versés dans cette partie importante des mathématiques » (GRISON E. (1991), « Les premières attaques contre l’École polytechnique (1796-1799), Bulletin de la Société des Amis de la Bibliothèque de l’École polytechnique, n°8. [en ligne consulté le 27 septembre 2012] http://www.sabix.org/bulletin/b8/prieur.html.) Au sujet des attaques contre l’École polytechnique, voir les lettres n°43 et 95.
[6] La description de l’acheminement des blocs de granit et de marbre permet d’illustrer la question de la communication, mais Monge veut attirer l’attention sur l’irrigation.
[7] Dans la lettre précédente à Carnot, Monge envisage l’application d’un tel système aux landes de Bordeaux. Si l’Italie donne de très beaux exemples de l’art de l’aménagement et de l’architecture hydrauliques, ce que propose Monge est le perfectionnement de l’application de l’analyse au mouvement des fluides en initiant un mouvement de rationalisation des techniques. Il s’agit alors de dégager les principes, de les ordonner et de déterminer les méthodes et les conditions de leur application. Cela est semblable à ce que Monge a accompli et à ce qui l’a conduit à la fondation de la jeune Géométrie drescriptive. On assiste ici à la mise en rapport féconde des arts techniques et des sciences. Et la technique n’est plus simplement le résultat et le domaine d’une application théorique, mais la source de l’élaboration théorique. En 1751, à l’entrée « hydrodynamique », D’Alembert indique que la méthode d’application est encore en discussion notamment entre Euler et lui, et conclut : « On peut donc s'en tenir, ce me semble, dans le plus grand nombre des cas à la méthode que j'ai donnée en 1744, dans mon Traité des fluides, méthode qui donne des résultats assez conformes à l'expérience, quoiqu'elle ne soit pas dans la rigueur mathématique. » D’Alembert présente son traité de 1744 comme la suite de son Traité de Dynamique publié en 1741. Son traité d’hydrodynamique vise non seulement à compléter ses travaux sur l’application de l’analyse à la mécanique mais il s’inscrit aussi dans le processus de simplification, de réduction et de mise en ordre des principes de l’ensemble du domaine de la mécanique.
[8] Claude-Louis BERTHOLLET (1748-1822).
[9] Le conseil de perfectionnement de l’École polytechnique gère l’activité scientifique en veillant à l’adéquation aux buts fixés par la loi. Il surveille aussi les examens d’entrée et de sortie, et aménage la pédagogie. (DHOMBRES N. et J. (1989), p. 562). Le conseil est constitué des professeurs, alors appelés instituteurs, de leurs adjoints, du directeur, des sous directeurs et d’un secrétaire. (Procès verbaux des Séances du Conseil de l’École polytechnique de l’an III (1794) à l’an VII (1799)).
[10] Joseph-Louis LAGRANGE (1736-1813). La publication du J.E.P. postérieure à la lettre de Monge est le 5ème cahier en mai 1798. Lagrange y publie deux mémoires LAGRANGE J.L. (1798), « Essai d’analyse numérique sur la transformation des fractions », pp. 61-70 et « Sur le principe des vitesses virtuelles » pp. 115-118. J.E.P., 5ème cahier, Prairial an VI. Le mémoire auquel Monge fait référence semble être le deuxième. La question des vitesses virtuelles est l’objet d’un mémoire de Lagrange mais aussi du premier article scientifique de Fourier et d’un autre de Prony dans le même 5ème cahier du J.E.P. Prony y fait référence au mémoire de Fassombroni de 1796. (Voir infra.) Monge, à l’instar de Lagrange qui est l’instigateur, a la volonté de développer un réseau de mathématiciens français et italiens autour d’une même préoccupation l’application de l’analyse à la mécanique et l’élaboration de traités élémentaires. Il détermine ainsi une pratique scientifique collective à vocation pédagogique dirigée vers le progrès des sciences. (Voir infra)
[11] Il y a deux professeurs de mathématiques à l’université de Pavie à cette période qui s’appellent Fontana : Gregorio FONTANA (1735-1803) et Mariano FONTANA (1746-1808). Les deux sont appelés père Fontana. Le premier remplace Ruggiero Giuseppe BOSCOVICH (1711-1787) à la chaire de Mathématiques pures et le second occupe celle de Mathématiques appliquées à la mécanique et à la statique. Il publie, d’ailleurs, un cours de Dynamique en trois volumes de 1790 à 1795. Il est donc probable qu’il s’agisse de ce dernier. Pourtant, si l’analyse est le domaine de recherche de Gregorio FONTANA, il l’envisage aussi dans ses applications à la mécanique, l’optique et l’astronomie. De même à Pavie son enseignement de l’analyse est orienté vers les questions physico-mathématiques comme cela est souligné dans l’« Avviso dell’editore » qui précède la publication de ses Lezioni sul Calcolo Infinitesimale, e sua applicazione alla Fisica (1793). Mais il est connu des mathématiciens français bien avant la commission des sciences et des arts, pour ses travaux en analyse dans un autre domaine qui correspondent aussi aux préoccupations scientifiques des mathématiciens français. En effet, vers 1781, dans une note inédite sur l’ « application de l’analyse à la population et à la mortalité », Condorcet fait référence à sa traduction commentée de la seconde édition du Traité des annuités d’A.de Moivre (1756) publié en Italie en 1776. Cet ouvrage est diffusé en France dès 1778. La première page indique qu’il s’agit d’une thèse sous la direction de Gregorio Fontana. Pourtant, Fontana est considéré, et spécialement par Condorcet, comme l’auteur de cet ouvrage. Ce dernier n’est pas seulement constitué d’une traduction du Traité, de tables mais aussi de notes explicatives et d’un « Discorso preliminare », au travers de ces différents éléments sont rassemblées des réflexions de Fontana sur le calcul des probabilités. (CONDORCET, (1994) Arithmétique politique : textes rares ou inédits (1767-1789), ed. BRU B. ET CRÉPEL P., p. 341.)
[12] Vittorio FOSSOMBRONI (1754-1844) (1796), Memoria sul principio delle velocita virtuali, Florence. Il est cité par Prony « Je ne saurais trop engager les élèves, conclut Prony, à se rendre familier l’usage et la considération du principe des vitesses virtuelles dans les différents systêmes de corps, et en général dans la solution des problèmes de mécanique rationnelle et pratique […] Je dois aussi indiquer aux élèves un ouvrage dont il leur sera très utile de réunir la lecture et l’étude aux instructions qu’ils reçoivent à l’École sur la matière ; c’est un mémoire italien publié à Florence en 1796 par M. Fossombroni et intitulé Memoria sul principio delle velocita virtuali. Ce traité leur offrira une foule d’exercices très profitables surtout à ceux qui veulent étudier la mécanique analytique. » in PRONY (1798) « Sur le principe des vitesses virtuelles, et la décomposition des mouvements circulaires » J.E.P. 5èmecahier, pp. 191-208, p. 204. Fossombroni fait partie d’un réseau de mathématiciens italiens et français déjà constitué. En 1795 et 1798 Lacroix reçoit des lettres du géomètre italien. (Ms 2396 et 2397, papiers de S.F. Lacroix, BIF). Il faut ajouter que les deux mathématiciens italiens Fossombroni et Pietro Paoli sont distingués des autres Italiens par l’ambassadeur Miot de Melito dans ses Mémoires. MIOT DE MELITO A.F. (1858), p. 136.
[13] Pietro PAOLI (1759-1839) auteur notamment des Elementi d’Algebra publiés en 1794. Lacroix ne fait pas de référence à Paoli dans la première édition de 1797-1798 de son Traité du Calcul différentiel et du Calcul intégral. Par contre dans l’édition abrégée de 1802 Traité élémentaire de calcul différentiel et de calcul intégral Paoli est cité à deux reprises : sur la fonction arbitraire qui rentre dans l’intégration d’une équation différentielle partielle (p. 517) et sur le Calcul aux différences mêlées (p. 626). Enfin dans l’édition de 1819, Tome 3, Lacroix cite des travaux de Paoli en référence bibliographique notamment les Elementi, (1780) Liburnensis Opuscula analytica, Opusc. I. (p. xiii) et (1788), « Sull’equazioni a differenze finite / del medesimo », Memorie di Matematica e fisica della Societa italiana, T.4, pp. 455-472. Comme avec Fossombroni, Lacroix échange avec Paoli quelques lettres en 1798. (Ms 2396, papiers de S.F. Lacroix, BIF).
[14] Barnaba ORIANI (1752-1832). Astronome italien. Il est le directeur de l’Observatoire de la Brera. Il est bien connu des savants français. L’astronome français Lalande a d’ailleurs chargé le naturaliste André Thoüin d’une commission : « Un des plus beaux établissements de cette grande ville est le collège de la Brera. Les astronomes attachés à l’observatoire qui en fait partie étaient des savants de premier ordre ; MM. Oriani, Coesaris et Reggio. Je leur portai un paquet dont M. de Lalande m’avait chargé pour eux ; ils furent très sensibles au souvenir de leur bon et ancien correspondant. » THOÜIN A. (1841), p. 47. Voir la lettre n°8. Oriani est officiellement élu correspondant à la première Classe de l’Institut national, section d’astronomie le 11 messidor an XII [2 juillet 1804]. Bonaparte ne manque pas de contacter le savant lorsqu’il est à Milan afin de l’informer des nouveaux rapports entre le pouvoir politique et les sciences inaugurés par l’institution de la république en France. Favoriser le progrès des arts et des sciences, c’est favoriser les échanges entre savants et c’est étendre le domaine de leur action. Dans Le Moniteur n°292 du 22 messidor an IV [10 juillet 1796] sont mentionnées des lettres de Bonaparte à l’astronome. Il lui écrit le 5 prairial an IV [24 mai 1796] de Milan. C’est cette seule lettre qui est publiée dans la CGNB : « Les sciences, qui honorent l’esprit humain, les arts, qui embellissent la vie et transmettent les grandes actions à la postérité, doivent être spécialement honorés dans les gouvernement libres. Tous les hommes de génie, tous ceux qui ont obtenu un rang distingué dans la république des lettres, sont Français, quel que soit le pays qui les ait vus naître. Les savants dans Milan n’y jouissaient pas de la considération qu’ils doivent avoir. Retirés dans le fond de leur laboratoire, ils s’estimaient heureux que les rois et les prêtres voulussent bien ne pas leur faire de mal. Il n’en est pas ainsi aujourd’hui ; la pensée est devenue libre dans l’Italie. Il n’y a plus ni inquisition, ni intolérance, ni despotes. J’invite les savants à se réunir et à me proposer leurs vues sur les moyens qu’il y aurait à prendre, ou les bseoins qu’ils auraient, pour donner aux sciences et aux beaux-arts une nouvelle vie et une nouvelle existence. Tous ceux qui voudront aller en France seront accueillis avec distinction par le gouvernement. Le peuple français ajoute plus de prix à l’acquisition d’un savant mathématicien ; d’un peintre de réputation, d’un homme distingué, quel que soit l’état qu’il professe, qu’à celle de la ville la plus riche et la plus populeuse. Soyez donc, citoyen, l’organe de ces sentiments auprès des savants distingués qui se trouvent dans Milan. » (627, CGNB). Bonaparte ne semble pas seulement vouloir saisir en Italie des objets utiles pour le progrès des arts et des sciences mais aussi des savants et des artistes. De Bologne le 3 messidor an IV [21 juin 1796], il écrit au Directoire pour rendre compte de sa rencontre avec le savant : « J’ai vu à Milan le célèbre Oriani. La première fois qu’il vint me voir, il se trouva interdit et ne pouvait pas répondre aux questions que je lui faisais. Il revient enfin de son étonnement : Pardonnez, me dit-il, mais c’est la première fois que je rentre dans ces superbes appartements mes yeux ne sont pas accoutumés… Il ne se doutait pas qu’il faisait, par ce peu de paroles, une critique amère du gouvernement de l’archiduc. Je me suis empressé de lui faire payer ses appointements , et de lui donner ls encouragements nécessaires. Vous trouverez ci-joint les copie des lettres que je lui ai écrites dès l’instant que j’ai reçu la recommandation que vous m’avez envoyée pour lui. » (709, CGNB) Lorsque la commission est à Milan, Bonaparte organise un dîner avec les membres de la commission et des savants milanais, Thouin en fait le récit en soulignant la capacité de Bonaparte à désorienter ses interlocuteurs sans nommer Oriani : « M. Monge avait reçu du vainqueur des troupes piémontaises et autrichiennes une invitation pour tous les membres de la Commission, avec prière à chacun d’engager de savants et artistes les plus distingués de la ville, qui se réuniraient aux personnes que le général avait invitées lui-même. Notre choix tomba sur MM. le docteur Moscati, Razori, jeune médecin qui se livre particulièrement à l’anatomie ; Franchi, sculpteur estimé ; le père Pini, professeur au collège de Saint-Alexandre et directeur d’un beau cabinet de minéralogie ; Amoretti, secrétaire perpétuel de la Société d’Agriculture et des Arts, et enfin l’architecte qui a construit le théâtre de la Scala. Mes collègues, MM. Berthollet, Monge, Moitte, Berthélemy, Tinet et moi, accompagnés de ces six messieurs, nous nous rendîmes chez le général en chef, où nous trouvâmes MM Oriani, astronome de l’Observatoire de la Brera ; Appiani, Gros, peintres ; Wicar, dessinateur, ces deux derniers Français et connus par un rare talent, et enfin sept ou huit autres artistes ou savants recommandables. La table était de vingt-cinq couverts ; le général Berthier, chef d’état-major, était du nombre des convives. Mme Bonaparte fit les honneurs du dîner avec autant de grâce que de prévenances ; le général en chef fêta aussi beaucoup les personnes invitées en rappelant à chacune ce qu’elle avait produit de plus marquant, et parlant de leurs ouvrages en homme de goût. Le dîner, à un seul service, sans profusion, sans ostentation, dura environ une heure et demie. Au lever de table, la conversation devint plus animée. Elle avait commencé sur les arts, elle continua sur les sciences, la chimie, la minéralogie ; et quoique ces matières n’eussent pas un rapport direct avec l’objet des études du général, il les discutait d’une manière si judicieuse qu’il embarrassait quelquefois ses interlocuteurs. Après un entretien de deux heures, tout le monde se retira. » THOUIN A. (1841), pp. 78-79. Dès sa rencontre avec le général Bonaparte, Monge a dû être sensible à cette volonté de stimuler les échanges scientifiques, à son attention sur les savants et à son intérêt pour les différents domaines scientifiques, des mathématiques à la médecine.
[15] Monge constitue deux groupes. Le premier est constitué de trois Conventionnels de la Côte-d’Or (Charles-François OUDOT (1755-1841) ; GUYOT DE SAINT-FLORENT (1755-1834) ; Théophile BERLIER (1761-1844)) et le second de deux chimistes collègues de l’École polytechnique (Antoine-François FOURCROY (1755-1809) et Louis-Bernard GUYTON DE MORVEAU (1737-1816)) avec lequel Prieur et Deshautchamps défendent l’École lors de l’absence de Monge. Le seul qui ne soit pas originaire de la Côte-d’Or est Fourcroy. Par contre tous ces hommes ont été ou sont députés.
NotesLettre autographe signée, 3 p. portant le cachet des Archives de l'École polytechnique et la cote Art. VI, § 1, Sect. b 2, n° 8. R.T.
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