La correspondance inédite du géomètre Gaspard Monge (1746-1818)

La correspondance inédite du géomètre Gaspard Monge (1746-1818)


24. Les commissaires du gouvernement français à la recherche des objets de sciences et arts au ministre des relations extérieures

Auteurs : Monge, Gaspard

Transcription & Analyse

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Rome, le  8 Fructidor de l’an IV de la République
 
Les commissaires du gouvernement français à la recherche des objets de sciences et arts, au ministre des relations extérieures de la République française pour lui rendre compte de leurs travaux :
 
Citoyen Ministre,[1]
Il y a un mois que nous sommes arrivés à Rome : nous nous sommes occupés aussitôt du choix des objets qui doivent être livrés en exécution de l’armistice. Mais nous avons attendu que les travaux de l’emballage fussent commencés par les ordres du gouvernement romain pour vous rendre compte de nos opérations.

Notre arrivée avait été préparée par le citoyen Miot[2] ; nous étions partis à son invitation. Nous reçûmes un accueil amical de M. Azara[3] qui a continué de nous donner des preuves de loyauté et d’attachement. Mais le peuple romain était dans d’autres dispositions. Bientôt les nouvelles de nos revers, infiniment exagérés par la malveillance, donnèrent libre essor à son caractère.[4] Notre position devint très fâcheuse et ce qui occupait seul notre pensée, l’accomplissement de l’armistice, était éludé. Enfin, malgré les efforts ridicules des ennemis de la République, les succès de nos héros ont été connus. L’assassinat et la perfidie sont rentrés dans les ténèbres, et les travaux que nous n’avons cessé de solliciter ont commencé.[5]
Hier nous avons vu les lieux destinés à l’encaissement préparés, et la plupart des statues descendre de leurs piédestaux. Nous espérons que les travaux ne se ralentiront pas, parce que nous sommes persuadés que la victoire nous sera fidèle et parce que le général Bonaparte rassemble un corps de troupes à Bologne.[6] 

Nous divisons les objets en deux envois. Nous avons demandé pour éviter tous les embarras, que les voitures fussent conduites par des bœufs donnés en paiement, qui de Rome se rendront à Paris par le col de Tende.

Les arts qui doivent embellir la République ne devaient pas seuls nous occuper. Nous ne devions pas négliger ce qui pouvait être utile à notre agriculture. Nous avons donc demandé douze taureaux et vingt-quatre génisses de belle espèce qui pourront servir à perfectionner nos races. Nous avons encore demandé quatre buffles mâles et douze buffles femelles, avec lesquels on pourra tenter de naturaliser dans les parties marécageuses de la France, cet animal utile par sa peau, par les chaires des veaux, par sa chétive nourriture et sa constance au travail.

Nous demandons que les taureaux et les génisses soient conduits jusqu’au département du Mont Blanc, jusqu’à celui de l’Ain. Le ministre de l’Intérieur[7] les aura là à sa disposition pour en faire l’usage qui sera jugé le plus avantageux par le conseil d’agriculture. Nous espérons que le départ de ces animaux ne tardera pas.[8]
Le Citoyen Cacault vous a communiqué la liste complète des objets que nous avons choisis.[9] Néanmoins nous en joignons ici une copie. Nous travaillons avec beaucoup de soins à former celle des manuscrits.

Nous avons vu avec quelque surprise que des Français s’élevaient contre le projet de placer l’Apollon[10] dans le Muséum oú l’appellent la gloire et la liberté. Les envoyés de Rome doivent être du même avis.[11]
Loin de Paris, nous avions besoin d’entendre la voix de nos familles. Toutefois nous n’en recevons point de nouvelles et nous aurons lieu de craindre que vos bureaux ne négligent les lettres que vous aviez permis qu’on y déposât pour nous.
Salut et respect.
Berthélemy, Berthollet, Thoüin, Tinet, Monge.[12]

[1] Charles DELACROIX (1741-1805).

[2] André-François MIOT DE MELITO (1762-1841). Voir lettres n°13 et 14.

[3] José-Nicolas (chevalier d’) AZARA (1731-1804).

[4] Voir les lettres n°18, 21 et 22.

[5] Voir la lettre n°22 sur les événements d’août 1796.

[6] Voir les lettres n°21 et 22.

[7] Pierre BÉNÉZECH (1749-1802).

[8] Voir les lettres n°21, 29, 48, 111 et 115.

[9] François CACAULT (1743-1805) ministre plénipotentiaire à Gênes mais il est envoyé à Rome afin de veiller à la bonne exécution des clauses de l’armistice de Bologne du 25 juin 1796 par lequel le pape Pie VI s’engage à payer des indemnités à la France.

[10] L’ Apollon du Belvédère qui était exposé dans la cours du Belvédère au Vatican.

[11] Sur la réception en France des travaux de la commission des sciences et des arts voir les lettres n°19, 20, 28 et 34.

[12] Les commissaires Jean-Simon BERTHÉLÉMY (1743-1811), Claude-Louis BERTHOLLET (1748-1822), André THOÜIN (1747-1824), Jacques-Pierre TINET (1753-1803). MOITTE est à Milan (voir la lettre n°25)  et La Billardière est chargé du premier convoi des saisies effectuées dans le nord de l’Italie. Voir les lettres n°14 et 15.

Analyse Copie de la transcription établie par Eugène Eschassériaux dans Notes pour servir à la vie de Monge, pp. 138-140.

Relations entre les documents


Collection 1796-1797 : Première mission en Italie, La commission des sciences et des arts Prairial an IV - vendémiaire an VI

Ce document a pour thème CSA- Italie (Réception en France) comme :
19. Monge à sa femme Catherine Huart
20. Monge à sa fille Louise
28. Monge à sa femme Catherine Huart
34. Monge à sa femme Catherine Huart
Ce document a pour thème CSA- Italie (Saisies) comme :
14. Monge à sa femme Catherine Huart
15. Les commissaires au ministre des relations extérieures
Ce document a pour thème Campagne militaire (Italie) comme :
21. Monge à sa femme Catherine Huart
22. Monge à son gendre Nicolas-Joseph Marey

Collection 1796-1797 : Première mission en Italie, La commission des sciences et des arts Prairial an IV - vendémiaire an VI

27. Monge à sa fille Émilie Monge a pour thème CSA- Italie (Saisies) comme ce document
Notice créée par Marie Dupond Notice créée le 12/01/2018 Dernière modification le 11/02/2022