Archives Marguerite Audoux

Archives Marguerite Audoux


Lettre de Marguerite Audoux à Léon Werth

Auteur(s) : Audoux, Marguerite

Description
  • « Suzanne Canard, [que Werth] épouse en 1922, n'est pas précisément une fille du peuple. Elle est issue d'une famille assez fortunée de la région de Tournus avec, dans la branche des de Rollepot, quelques militaires de haut rang. De dix ans sa cadette, l'ex‑mademoiselle Canard, sculptrice talentueuse, que Werth a rencontrée chez Victor Margueritte, a effectué ses humanités dans une école religieuse assez stricte où on lui contait que Voltaire dévorait ses excréments. Ce qui eut pour effet, à défaut de la dégoûter des Lumières, selon Claude Werth, de la rendre anticléricale. Léon Werth ne parlera d'elle que dans Déposition, sur un ton qui montre l'amour et l'admiration qu'il lui portait. »
    [Heuré (Gilles), L'Insoumis Léon Werth (1878‑1955), Viviane Hamy, 2006, p. 143]
    N. B. : Suzanne Canard est née le 25 juin 1888 à Tournus. Le mariage a lieu le 19 août 1922. (Renseignements dus à l'amabilité du fils, le docteur Claude Werth, qui naîtra en 1925 et exercera la médecine en tant que généraliste à Issoudun).


  • Rédaction laborieuse de L'Atelier de Marie-Claire - Projet de prépublication - Chaleur - Dépression - Delange - Louise Roche - Suzanne Canard
Texte

[Paris,] Samedi, 23 août 1919

Mon cher vieux,

C'est que j'attendais d'avoir des choses intéressantes à te dire, et ça manque. Je me suis abrutie sur mon dernier chapitre[1], que j'ai bûché, bûché, bûché. Le voilà enfin net. Ou du moins je le crois. Je demanderai à Louis[2] de me faire mes virgules. Je viens de recevoir une lettre de Tentria[3] qui m'apprend que Marie‑Claire va passer au Journal du Peuple[4] après le roman en cours. De mon Atelier je ne sais pas grand' chose. Delange[5] est venu il y a quinze jours. Ça paraissait marcher pour Excelsior[6]. Il devait venir me donner une réponse ferme, et je ne l'ai pas revu. Je ne m'en fais pas pour ce bouquin, mais je m'en fais pour la chaleur. Depuis plus d'une semaine, j'ai 39 degrés ici, tous les jours. C'est fou, et je suis salement déprimée. Louise Roche m'a trouvé une chambre à Brunoy. Sais‑tu où est Brunoy ? Ce n'est pas un pays, c'est une banlieue. J'y serai demain pour un mois, ou moins ; enfin, jusqu'à ce que les grosses chaleurs soient parties.
Delange a vu le raté de mon deuxième chapitre. Je vais le reprendre. À Brunoy, j'aurai moins chaud, et j'y verrai plus clair. J'ai dans l'idée comme ça que tu n'es pas malheureux dans ton Villars. Puisque Mlle S. C[7]. écrit sur la même carte que toi, c'est donc que vous êtes voisins, très voisins même. Alors, dis‑lui que je l'aime toujours bien, et que je pense souvent à elle. Et même, si cela est possible, embrasse‑la pour moi. C'est vrai que je l'aime, cette grande‑là. J'ai le sourire en lisant son petit mot.
Moi aussi, je t'aime, mon bien cher vieux, et je t'embrasse fort.

Marguerite

[1] De L'Atelier de Marie‑Claire
[2] Correcteur non identifié
[3] Nom propre peu lisible
[4] Ce projet ne s'est pas concrétisé.
[5] Journaliste à L'Excelsior (premier journal quotidien reposant sur une illustration photographique abondante et en grandes dimensions, ancêtre du France Soir de Pierre Lazareff)
[6] L'Atelier de Marie‑Claire paraîtra bien en prépublication dans L'Excelsior (du 21 décembre 1919 au 3 février 1920).
[7] Suzanne Canard (voir la partie DESCRIPTION)


Lieu(x) évoqué(s)Brunoy, Paris, Vilars

Géolocalisation

Notice créée par Bernard-Marie Garreau Notice créée le 17/12/2017 Dernière modification le 03/05/2024