Lettre de Marguerite Audoux à Yvonne Arbogast
Auteur(s) : Audoux, Marguerite
Description
- Remerciements pour un envoi d'agrumes et de fleurs - Etat de santé - Alice et Octave Mirbeau - La Fiancée
- Voir la partie DESCRIPTION des lettres 318 BIS et 384 BIS
Texte
M. A.
[Paris,] 3 février 1936[1]
Ma très gentille amie,
Les oranges, les citrons et les fleurs ont fait merveille ici. Comme tout cela était frais, et comme les fleurs embaumaient ! Elles embaument encore, du reste, et les fruits continuent à contenter ma gourmandise.
Je vais mieux, j'ai pu sortir un peu hier et je compte bien pouvoir reprendre, régulièrement, ma promenade de chaque jour. Tout de même, il y a eu de dures journées. Et les nuits, donc ! Je suis sans doute plus solide que je crois pour les avoir supportées. Allons, tout est bien. Il fait un temps doux, très doux même. Sans soleil, bien sûr, mais il pourrait faire si froid à cette époque-ci. Comme je suis très bien chauffée je peux dormir les fenêtres ouvertes. Je crois que cela m'a beaucoup aidée à guérir.
Comptez-vous rester tout le temps à Menton ? Lorsque l'envie d'écrire vous prendra, vous me le direz, n'est-ce pas ? ce qui vous touche m'intéresse. Et puis je lis plus facilement, maintenant[2].
Il y a ceci que je voulais toujours vous dire et que j'oubliais toujours.
Il y a longtemps, bien longtemps déjà, un jour que je me trouvais à Cheverchemont Mme Mirbeau qui venait de recevoir une lettre et la lisait à côté de moi dit à son mari : « C'est la petite Arbogast. » Et tout en mettant la lettre dans sa poche elle ajouta : « Elle est gentille, cette petite-là ! » Et Mirbeau a répondu avec un beau sourire : « Ah oui ! elle est gentille ! » Il devait vous suivre en pensée parce qu'il garda longtemps son sourire. Il ne se doutait pas, alors, que moi aussi je vous trouverais gentille un jour.[3]
Avez-vous reçu La Fiancée ?
Je vous embrasse très affectueusement.
M. A.
[1] Lettre envoyée le 3 et reçue le 4
[2] Voir la lettre 376 BIS du 14 décembre 1934, où Marguerite Audoux évoque ses problèmes oculaires
[3] Faute de place, Marguerite Audoux a écrit la suite sur la première page, en biais et à l'envers, à gauche de la formule d'appel.
Lieu(x) évoqué(s)Cheverchemont, Menton, Paris