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ECuMe – Édition Censure et Manuscrit


Les manuscrits dits de souffleur de la Comédie Française

Des manuscrits pour la troupe

Le manuscrit de souffleur est une copie du texte théâtral à valeur fonctionnelle. Propriété de la troupe aujourd'hui encore, il sert d'une part, pendant la répétition, pour caler le texte qui sera joué et d'autre part, pendant le spectacle, pour "envoyer" le texte en cas de besoin. En effet les acteurs devaient mémoriser de nombreuses pièces, dont certaines n'avaient parfois qu'un petit nombre de représentations et comme aujourd'hui, ils pouvaient jouer plusieurs pièces parallèlement et dans la même journée, en fonction de la distribution encore largement tributaire des rôles, ce qui rendait le souffleur indispensable pour certains spectacles.

La fonction de souffleur, instituée dès 1698, prévoit l'obligation "de se trouver non seulement en personnne aux représentations depuis le commencement jusqu'à la fin des pièces, mais aussi aux répétitions des pièces nouvelles et des autres pièces qui auront besoin de répétitions" (cité par A. Sanjuan et M. Poirson, Comédie Française. Une histoire du théâtre, Seuil, 2018, p. 77). A partir de 1770, elle se double de la fonction de secrétaire, qui a en charge de veiller aux archives de la troupe. Delaporte est le premier souffleur investi de ce nouveau rôle, décisif.

Les manuscrits de souffleur portent de nombreuses interventions de la troupe, rarement identifiables et datables sauf quand elles émanent d'une main connue comme celle de Lekain, et qui peuvent être éventuellement stratifiées dans le temps en cas de reprise. Ces interventions sont pour l'essentiel de nature dramaturgique (abrégeant telle scène, agrégeant des répliques, allégeant tel rôle...) mais pas exclusivement: elles peuvent porter sur le texte lui-même, "censuré" par la troupe pour des raisons idéologiques ou esthétiques. Il est ainsi fréquent que l'on demande à l'auteur, présent ou non lors des répétitions aux côtés des acteurs, de reprendre son texte.

Des documents juridiques

Le manuscrit de souffleur du XVIIIe siècle est également un document à valeur juridique. Paraphé par le censeur de la police chargé des théâtres qui numérote les feuillets en haut à droite de chaque verso, il peut être corrigé et/ou faire l'objet de cancellations, d'ajouts marginaux ou interlinéaires, d'ajouts sous forme de becquets épinglés ou collés. La dernière page du manuscrit porte la formule d'approbation et la signature du censeur, ainsi que celle du lieutenant de police qui autorise définitivement la représentation. Parfois, le censeur de la police donne le permis de représenter en lieu et place du lieutenant de police, par délégation: un double visa du censeur figure alors à la fin de la pièce.

On observe une assez grande stabilité de la fonction de censeur de la police chargé des théâtres tout au long du siècle. Ainsi, d'après les nécrologies du Mercure de France et l'Année littéraire rédigées à sa mort, Prosper Jolyot de Crébillon (1674-1762), dit Crébillon père, dramaturge lui-même, exerça la fonction de censeur de la police de 1735 à 1762 pour pas moins de cinq lieutenants de police: René Hérault (1725-1739), Charles Henry Feydeau de Marville (1739-1747), Nicolas René Berryer (1747-1757), Henri Bertin (1757-1759), Antoine de Sartine (1759-1774). Son écriture fine et serrée particulièrement reconnaissable permet de distinguer ses interventions de celles de la troupe.

Les manuscrits paraphés mis en ligne par ECuME

Pour l'Ancien Régime, sur un fonds comptant 375 manuscrits de souffleur, la Bibliothèque-musée de la Comédie Française possède 176 manuscrits de souffleur paraphés et/ou annotés par le censeur de la police, soit près de 47% de l'ensemble.

Dans son état livré au 31/12/2021, ECuMe présente les images de 77 manuscrits dits du souffleur à ce jour inédits issus des fonds de la Bibliothèque-musée de la Comédie Française, dans l'attente d'une numérisation ultérieure du fonds. Ont été choisis pour cette première campagne, selon un critère chronologique, les 50 premiers manuscrits du souffleur paraphés par la censure, auxquels s'ajoutent 27 autres manuscrits de souffleur paraphés choisis pour leur complexité codicologique et /ou leur forte valeur patrimoniale.

En cohérence avec le reste du corpus, ces manuscrits du souffleur constituent le noyau d'une collection en devenir, notamment lorsqu'aucune édition issue de la Bibliothèque numérique Gallica/BnF n'est disponible: dans ce cas, la collection est constituée du seul manuscrit de la Comédie Française au 31/12/2021.

Les manuscrits sont propriété de la troupe de la Comédie Française et les images numérisées de ce site ne peuvent faire l'objet d'aucune utilisation sans autorisation expresse de la Bibliothèque-musée de la Comédie Française.

Comment citer cette page

Laurence Macé, "Les manuscrits dits de souffleur de la Comédie Française"
Site "ECuMe – Édition Censure et Manuscrit"
Consulté le 26/04/2024 sur la plateforme EMAN
https://eman-archives.org/Ecume//ecume/manuscrits-du-souffleur
Page créée par Laurence Macé le 29/11/2021
Page modifiée par Laurence Macé le 18/02/2022