Compte rendu de La Tragédie en prose
Description & Analyse
Description"La seconde nouveauté que les Comédiens Français, qui ont resté à Paris, ont donnée pendant l'absence de ceux qui sont allés à Fontainebleau; n'a pas été plus heureuse que la première. Elle a pour titre, la Tragédie en Prose; c'est plutôt un Prologue qu'une Comédie. Comme personne n'ignore ce qui a donné lieu à cette pièce, nous nous restreindrons à la pièce seule; voici comment s'y est pris l'Auteur anonyme. La scène est dans les foyers de la Comédie Françoise. Le sieur de Montmeni (sic) & la Dlle d'Angeville (sic) la niece, font l'exposition; quelques personnes de l'un et de l'autre sexe ont demandé une lecture de la Tragédie en Prose, avant la représentation; l'Auteur n'a pu leur refuser cette satisfaction. C'est aux foyers que cette lecture doit être faite; un Chevalier & une Comtesse s'y rendent les premiers; la dite d'Angeville les laisse avec son camarade, sur quelque prétexte. La Comtesse et le Chevalier trouvent fort mauvais que l'Auteur se donne les airs de se faire attendre, on s'assemble successivement; trois des invités viennent, du nombre desquels est un géomètre, qui ne parle qu'avec poids et mesure, et toujours en termes de l'art; pour les autres ils sont déjà prévenus contre la pièce par le seul titre qu'il en ont lu dans l'affiche. La quatrième personne invitée qui arrive, est une femme habillée de noir; on lui demande si elle est en deuil, elle répond que non, et dit qu'elle est toujours en noir, parce que c'est la couleur la plus convenable aux gens de Lettres. Elle ajoute, par manière de confidence, qu'elle est mariée clandestinement avec M. Hanetton, auteur de la pièce qu'on va lire, elle prie le sieur de Montmeni d'envoyer chez Procope (p. 1004) où apparemment son époux doit être; M. Hannetton vient enfin; il prie le sieur de Montmeni de lire pour lui. La Tragédie en Prose dont il s'agit, est intitulée les douze Pairs de Charlemagne, ce titre révolte deux des auditeurs; le géomètre en juge plus favorablement, ce qui donne lieu à des contestations de part et d'autre. Les interruptions sont si fréquentes, que le lecteur ne peut parvenir à dire un seul mot de la pièce. Le Chevalier même, qui jusques-là avait paru favorable à l'ouvrage, par la seule raison qu'il lui paraissait très-nouveau et très neuf, se déclare contre l'Auteur, parce qu'il lui dit que les Chevaliers qui doivent faire le divertissement de sa pièce, loin d'être vieux, comme on le présume, sont aussi modernes que lui; le Chevalier piqué de l'insulte, le menace de le faire siffler; cette contradiction générale oblige M. Hanetton à retirer sa pièce , et en s'en allant il fait un défi au Chevalier, qui dit fièrement à la Comtesse qu'il va sortir par la porte de derrière. Le sieur de Montmeni se plaint de ce qu'on leur fait perdre une pièce dont ils espéraient beaucoup, et dit aux spectateurs, que puisqu'ils n'en sont plus les maîtres, ils se trouvent réduits à n'en donner que le divertissement, ce qui est exécuté. On a trouvé la pièce bien et vivement écrite, mais le sujet n'étant pas à la portée de tout le monde, en a empêché le succès."