Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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21 Val Richer, Jeudi 23 Juin 1853

Je suis charmé de vous savoir arrivée à Ems. Il y viendra du monde. Pourtant, si la pluie continue la vallée de la Lahn ne sera pas bien gaie ; il y faut le soleil. Je suis ennuyé de la pluie, mais qui ne m'ennuie guère. Je vais aujourd’hui voir un site et un vieux château qu’on dit pittoresques, à cinq lieues. J'espérais hier du beau temps ; mais le soleil ne paraît que pour donner des espérances trompées.
Ce que vous me dites des dispositions du Roi Léopold et de ses soins pour ne causer ici aucun déplaisir ni aucun ombrage ne m'étonne pas.
Voici un détail qu’on m'écrit et qui s'accorde parfaitement avec votre impression. A la fin de sa conférence avec l'Empereur d’Autriche pour arranger le mariage du Duc de Brabant, le Roi Léopold dit à l'Empereur : " V. M. trouvera bon sans doute que j'informe sans retard la Reine Victoria d'un événement si glorieux pour ma famille et si heureux pour la Belgique L'Empereur approuva avec empressement. Le Roi fit quelques pas pour sortir du cabinet ; puis, se retournant : " La Belgique doit son indépendance et sa nationalité à la France au moins autant qu’à l’Angleterre, et moi, je leur dois ma couronne, la France est toujours la France pour la Belgique et pour moi ; je voudrais que l'Empereur Napoléon fût informé du mariage de mon fils en même temps que la Reine Victoria : V. M. y consent elle ? - Ne craignez-vous pas que cette politesse ne lui semble un peu ironique ? Du reste, vous en jugerez ; je n’y fais, pour moi, aucune objection. "
Le Roi Léopold fit venir Bourqueney, et lui communiqua le mariage. Avec du bon sens et de bons procédés, on surmonte ou du moins on ajourne bien des difficultés de situation et bien des mauvais vouloirs.
Je n’ai rien de nouveau à vous dire sur la grande question. Je persiste. On a à Londres trop d’esprit pour ne pas comprendre que la difficulté consiste aujour d’hui à tirer votre Empereur d’embarras, et on veut trop la paix pour ne pas s'y prêter. On y aidera sans doute d’ici. Donc tout s’arrangera. Même en admettant que de tout cet incident, vous feriez un pas de plus en Turquie, vous l'aurez payé cher, en Europe.
On me dit que Paris est un vrai désert. Mad. de Boigne est partie pour Pontchartrain ; le Chancelier pour Sassy, chez sa belle fille. Ils se réuniront ces jours-ci à Trouville où il n’y a encore que fort peu de monde. Le Duc de Noailles, à ce qu’on me mande, est sans cesse sur le chemin de fer de Chartres à Paris. On commence à parler beaucoup de ses préoccupations de bourse, et ses amis s'en chagrinent. On trouve que c’est assez d’un duc de Mouchy.

10 heures Adieu. Je pars pour ma course, et comme je n’attends point de lettre aujourd’hui, le facteur me touche peu. Je reviendrai dîner ici. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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37 Val Richer. Lundi 25 Juillet 1853

Je ne m'étonne pas que vous vous soyiez un peu étonné de ne pas trouver dans mon premier langage sur la seconde circulaire de M. de Nesselrode, tout ce que vous y attendiez. C'est ma disposition de voir d’abord, dans les choses l’intention réelle et générale qui est au fond ; la critique des déviations et des fautes vient ensuite. J’ai vu d’abord la paix, puis l'humeur. D'ailleurs, quoique je ne vous dise jamais que ce que je pense, je ne vous dis pas, même de près, tout ce que je pense ; à plus forte raison de loin.
Je ne vous ai pas encore dit d’où est venu, à mon avis, tout l’embarras de votre Empereur dans cette affaire, et ce que je crois qu’il a voulu, au fond. Je vous le dirai quand l'affaire sera finie.
On m'écrit que Kisseleff et Hübner ne doutent pas que l'affaire ne s’arrange d'après les bases convenues en commun à Constantinople. Ils se louent beaucoup de la conduite de l'Empereur Napoléon et de celle de Lord Aberdeen. Autre bruit de Paris, l'Empereur doit aller, vers la fin d'Août, faire une visite à la Reine Victoria à Osborne. On croit très généralement que l'Impératrice est grosse, et que cela l'empêchera d’aller dans les Pyrénées.
Je n'ai vu à Trouville, en fait de gens de ma connaissance, que le chancelier et Mad. de Boigne, M. de Tracy et M. de Neuville. Mad. Roger vient d’y arriver, et elle a loué une maison pour Thiers qui doit y venir, en effet dans les premiers jours d'Août. On avait dit que la Princesse Mathilde avait loué le château de Trouville, et allait y arriver. Il n'en est rien. Le chancelier et Mad. de Boigne sont vraiment très bien, et toujours contents de leur maison sur la plage. Ils sont parvenus à y avoir un jardin vraiment très joli, couvert de fleurs.
Avez-vous connu Sheridan ? Je lis, dans le Galignani d’hier dimanche, un extrait d’un article du Quarterly review, de notre ami Croker, sur le roi George IV et Sheridan, qui m’a intéressé. Je voudrais savoir si ces détails sont vrais. Croker est très favorable à la mémoire de George IV, et toujours prêt à le défendre.

Midi
Votre lettre est bonne. J'en jouis moins vivement que d'autres, y ayant toujours compté. Adieu, adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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48 Schlangenbad le 17 août 1853

J’ai vu hier lady Jersey arrivant de Londres. Très opposition, mais disant que le Ministère se soutiendra. Prévoyant la chute de l'Angleterre. Elle ne reste debout que pas l’amour et le respect qu’on a pour la Reine.
La G. D. Olga fait furrore. C'est une admiration extraordinaire. Voilà tout Lady Jersey. Mme Rothschild me mande de Paris que Lord Cowley se plaint du gouvernement français qu'il trouve trop russe, ou plutôt trop pressé de la paix. Il me semble que l'Angleterre ne l’est pas moins. On ne sait rien encore de sûr de Constantinople, et il y a encore bien des difficultés à vaincre. Il pleut ici, j'en suis bien fâchée, cela gâte mes derniers moments. C’est mardi le 23 que je quitterai ceci. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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67. Paris Samedi le 1er octobre 1853

Quel malheur que vous ne soyez pas pour un moment à Londres, ou pour deux mois à Paris. Aberdeen me paraît faire fausse route tout-à-fait. Il court à la guerre & tout de suite. Je m'étonne que vous n'ayez pas lu notre seconde dépêche même date que la première 7 sept. Intitulée examen des modifications turques, et qui donnait notre interprétation de la note de Vienne. On a trouvé à Londres & ici que cet examen ramenait la question à la proposition Menchikoff, et dès lors on a pris fin. Tout le monde même impartial ici on a porté le même jugement. C'était dans tous les journaux. C’est sur cela qu’est venu la recrudescence & l'impossibilité de s’entendre.
Le Cabinet Anglais est convoqué pour après demain le 3. On fait revenir la reine le 5. Ce sera pour la déclaration de guerre ou la convocation du Parlement. Les meetings vous se succéder. Tout le monde est à la guerre en Angleterre. Le mot d’ordre est que la Russie a voulu duper les Anglais. Lord Lansdowne tient le même langage. Il a vu hier l’Empereur, & part demain. Il était ici hier soir, monté contre nous, tout le monde est fou. Le ministère anglais est très uni, il n’est pas question de changement. Constantin m'écrit d'Olmentz grande intimité. Les trois cours dans la plus grande entente. Mon [Empereur] très poli pour les off. français. Il les a invités à Varsovie.
C’est dans le journal des Débats du 24 sept. que vous trouverez la pièce diplomatique qui fait aujourd’hui l'objet de la querelle. Benoist Fould est devenu subitement fou. On dit qu’Achille Fould va quitter le ministère pour prendre la direction de la maison. C'est à la bourse que se débite cette dernière nouvelle. La première (la folie) est positive. On parle d'envoyer 30 m. hommes occuper Constantinople comme on occupe Rome. Croyez- vous cela ? On ajoute que dans ce cas l'Angleterre irait occuper Alexandrie et le faire ! Strange times. Adieu. Adieu.
J’avais hier soir Molé, Lansdowne, Montebello, Kisseleff, d'autres diplomates. Mon salon se reforme. Il faudra quitter tout cela s'il y a guerre. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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83 Val Richer, Vendredi 2 Juin 1854

Je suis bien aise de savoir Mlle Cerini auprès de vous. Elle me paraît réunir les qualités essentielles aux convenances extérieures. Je souhaite qu'à l'user elle vous plaise, et que cela dure. Mettez du vôtre. Ce qu’elle a est déjà assez difficile à trouver. Ne vous querellez pas avec Constantin. C'est un excellent homme et il a de l'affection pour vous. Que vous importe son plus ou moins d’esprit ? Vous ne vivez pas avec lui. Il se conduira toujours honorablement, et il vous sera toujours dévoué. Ne lui en demandez pas d'avantage. Vous ne lui donneriez pas l'esprit qu’il n’a pas et vous lui ôteriez les bons sentiments qu’il a.
Génie m’écrit que demain samedi ; il vous aura renvoyé votre bail paraphé et signé. J'en suis charmé, non seulement pour votre repos d’esprit, mais pour notre avenir de Paris auquel je crois toujours très décidément, sans entrevoir comment il reviendra. La foi ferme est dans ma nature. J’y ai été souvent trompé, mais pas toujours. J’ai eu quelquefois raison d'espérer contre toute apparence, assez pour ne désespérer jamais.
On me dit qu’entre l’Autriche et la Prusse, indépendamment de l'article addi tionnel qui a été publié et qui spécifie les cas de guerre, il y a un article secret par lequel l’Autriche s’engage à ne rien entre prendre d'effectif, contre vous sans une entente préalable avec la Prusse. Je suis assez porté à y croire. Savez-vous qu’on vient de frapper à la Monnaie de Paris une médaille destinée à consacrer le souvenir de l'alliance Franco- Anglo-Turque ? Sur une face, l'Empereur Napoléon III donnant la main droit à la Reine Victoria, et la gauche, au sultan Abdul Medjid, avec ces mots autour. Catholicisme, Protestantisme, lslamisme, Civilisation ; Dieu les protége - sur l'autre face : - sous le règne de l'Emp. Napoléon III et sous celui de la Reine Victoria, la France et la Grande Bretagne se sont unies pour assurer la paix du monde. Il faut convenir qu'elles n’ont pas pris, vers la paix, le chemin le plus court. On prétend que cette médaille a été distribuée à tous les Évêques Français. Mauvaise plaisanterie. Mais quant à la médaille même, on m’assure qu'elle existe, et qu’on l’a vue. Quand je l'aurai vue, je vous le dirai.
Je suppose que je vous écrirai encore demain à Bruxelles, et puis à Ems. Vous me donnerez vos instructions. Je pense avec plaisir que la Princesse Kotchoubey et sa charmante fille sont encore pour deux ou trois mois avec vous. Remerciez les je vous prie, de ma part, de leur aimable souvenir. Et quand vous quitterez Bruxelles, soyez assez bonne pour dire un mot de moi à M. Barrot. J’ai été touché et point surpris de sa courtoisie. C'est dommage que M. Van Praet n'aille pas aussi à Ems ; vous ne remplacerez pas sa conversation.
Onze heures
Je n’ai rien de vous ce matin. Adieu donc. J'espère bien que vous n'êtes pas malade. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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99. Ems le 15 juillet 1854

Je ne crois pas un mot de la lettre que vous me citez de mon empereur au roi de Prusse. Si une telle lettre pourrait exister, elle ne serait pas connue. On reste très curieux de ce que sera la réponse de Vienne. Certainement il y a hésitation je n’en vois hélas aucun à Londres & à Paris si j’en juge sur les journaux.
Hier l’Indépendance annonçait une rencontre entre votre Empereur & la Reine d'Angleterre. Si cela se confirme ce serait un fait bien grand et bien brillant pour l’Empereur. Je suis curieuse de la confirmation. Dans ce moment une lettre de Greville. L’Autriche n’avance pas, nous restons, et on s’attend à une grande bataille sur le Danube. Les alliés pourrait bien y prendre part. La Prusse lie les mains à l’Autriche. Il est évident qu’elle fait tout pour se détacher de l’alliance et se joindre à nous. Mais osera-t-elle provoquer l’inimitié de l’Occident. [?] which are in a considerable fix.” Voilà la lettre de mon correspondant. Il n'accuse pas l’Autriche. Son traité avec la Prusse lui interdit de rien faire sans se concerter avec elle. J’attends avec beaucoup d’impatience ou des coups, ou le débrouillement de la situation des Allemands. Je pars décidément pour Schlangenbad jeudi le 20. C'est là duché de Nassau que vous m’adresserez vos lettres. Adieu. Adieu.
Paul est arrivé hier.
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