199. Pardon, né me parle plus de moi. Par Pitié !

Auteur(s) : Sassine, Williams

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Sassine, Williams, 199. Pardon, né me parle plus de moi. Par Pitié !, 1996/01/08

Claire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)

Consulté le 10/08/2025 sur la plate-forme EMAN : https://eman-archives.org/francophone/items/show/3541

Texte de l'article

Transcription

N° 199, 8 janvier 1996 : Pardon, né me parle plus de moi. Par Pitié !

Pardon, ne mé parlé pas de moi. J’ai 13 ans, on dit que je chuis un enfant, mais je suis plus vié que le monde. Ché moi qui donne à mangé à mon papa. Lui il a accidenté. Son pied, refuge de marché. Cé moi qui doit allé au marché. Alor je dois vandre pétrol en cassette, parcé que c’est interdit sur goudron. Mai estachion d’essence c’est sur bord de goudron. Pourquoi la-ba, ce n’est pas interdit ?

Pardon, ne parlé pas de moi. Je né suis pas un enfant, même si j’ai 13 ans. Quand j’ai gagné 8 ans, mon père me disê, toi ta mère, tu verras plus elle. Tu n’as qu’à pleuré jusqu’à demain. Ta mère est bordel. Et puis…je compris que peut-être maman n’est pas ça. Elle est mort. Maman ne peut pas partir, san me dire qu’elle est morte.

Pardon, ne parlé pas de moi. Vous disé que moi jé suis un enfant, que vous éte vieu, qué vous connaissé le monde. Mais qui fabrik bombes, faim, orphelins, someurs, prizons.

Pardon, né parlé plus de moi.J’ai compri bocou bocou de chose. Jé 13 ans, je ne veu pas ine fondation pour les enfants. Est-ce qu’on a demandé à un anfant s’il vé ine fondation ? Han ? Cé nous les anfants, le fondation de la vie.

Pardon ne faisez plus de fête pour donné petits bonbons, alos que vous recevé million dolor, vous les ex-pères et ex-mère. Mai Dieu voi tout. Cé pourquoi, il fabriqué des anfants et leur donne mitrallette pour tué vieu con

Pardon, ne mé parlé plus de moi

Excusé mon francé. Mais mon père n’a pa l’argen pour mé acheté livres. Mon maitresse, ne pé pas nou aidé. Elle a di quel ne gagne pas bien sa vie. Moi cé la vie qui doit gagné l’home ou cé l’home qui doi gagné sa vie.

Pardon, ne parlé pas de moi. On di que jé sui un enfant. Cé moi qui parlera de vou un jour. Cé moi qui passe dans rue, avec 100 franc pour me débrouillé a mangé, le matin. J’ai pas chaussure, mon kaki a plus de trou que la case où on dor. Un rat a mordi ma sœur, et elle est parti. On me dit que je la verra plus, qu’elle a voyagé comme notre mère.

Pardon, ne parlé plus de moi. Ne me meté plus dans vos discour. Pardon. Si je sui encore vivan, cé parcequé je suis mor depui longtemps. Cé pour vous faire honte. Mossé le prési, chanté de verre, dé fer, dé bauxite, de Aluminium, de banani, dé tomati, dé kobiri, dé mon coq volé que l’oposition maide à retrouvé ce coq modi. Si tu a le temps de me répondre, ne passe pas au « Lynx ». Ils son con.

Vous me permettez, chers lecteurs et lectrices, d’arrêter cette écriture sous la dictée phonétique, d’un jeune Guinéen, encore sous l’influence d’enseignants prolétarisés, de manuels. Jambe de bois de dirigeants poltrons. C’est un enfant comme celui–là qu’il faut mettre à la tête de l’éducation. Et non de vieux machins ou de vieilles machines. Car en réalité, l’enseignement qui n’entre que par les yeux et les oreilles ressemble à un repas pris en rêve. A travers ce que vous venez de lire, l’essentiel est que le père de l’enfant n’a même pas atteint le stade de chômeur. Son vieux ne sait rien faire, il a été formé pour apprendre à ne rien faire, comme beaucoup de nos jeunes ingénieurs en ceci, docteurs en cela. Il faut reconnaître que l’état ne reconnaît que les chèques qu’on lui donne ou qu’il va quémander à notre nom. Dans mon quartier, il faut que le coq chante, pour que le muezzin se réveille. Vous me demanderez peut-être où est le rapport ? Le rapport, c’est qu’on veut attendre que les pauvres crient pour que les gouvernants s’ébrouent et s’approuvent peu après, malheureusement. Et on recommence. C’est pourquoi nous avons toujours pensé qu’un haut responsable à sa nomination doit déposer publiquement l’inventaire de ses biens. Après on vérifiera. Même nos chers représentants de l’Assemblée n’osent pas relever le défi. Opposition comprise. Nous avons deux ou trois bavards dedans. Comme Doré le Lapin sec, et Bâ Banque Route le leader. Bon j’enlève ces gars gelés dans la démocratie et j’enlève aussi Biro alias Ibro, le jeune vieillard. Il y a aussi mon ami Famani, lui, ce n’est pas compliqué. Il est abandonné (sic : abonné ?) à une pharmacie de l’école ECA à Bonfi. C’est pour prendre un paquet de somnifère et écouter après, les gens du PUP. Je lui donne raison. Tous des renégats du Pédégé. Si Sékou était vivant, il les aurait pendus, avec les « viva » du peuple. Peut-être que le responsable suprême n’aurait pas trouvé assez de cordes, mais nous les diaspos, on l’aurait aidé pour une fois avec nos cravates. A Fakoudou ! Et avec plaisir, A Fakoudou encore ! De quelque côté où je me tourne.

Je constate que si la terre tourne, malgré l’aveu déchirant des Galilée ainsi que le vin local, notre pitance quotidienne est détournée. Ce n’est pas grave, puisque le guinéen bien « nourri » est celui qui meurt avant les autres. Les médecins peuvent en témoigner. Enfin ceux d’entre eux qui ne passent pas leur temps à nous parler du palu à l’adresse des touristes. Nous on est blindés contre les moustiques, le choléra, le tétanos, puisqu’on doit crever avant 40 ans. Alors le Sida fait rigoler, non ?

Communiqué Ceci et Cela

Il est organisé une loterie pour

- Les pauvres qui se cachent

- Les infirmes

- Les déflatés

- Les étudiants

- Les alcooliques

- Les femmes abandonnées

Les lots sont nombreux. Mais ils sont à retirer au cimetière

Ce communiqué s’adresse à ceux qui croient que l’année 96 leur portera bonheur

Nous reprenons notre communiqué, il y a des jaloux.

Billet

« Un chat m’a Conté »

Lamine Kouyaté, le magicien de Taouyah

Peut faire sortir

- Des billets de banque
- Des cigarettes
- A boire
- Des couteaux
- Des galons

Mais quand il se fouille

Il ne trouve pas la démocratie

Hé Kélà !

Par Williams Sassine

Description & analyse

Auteur de l'analyseDegon, Elisabeth

Contributeur(s)Degon, Elisabeth (collecte et saisie)

Éditeur(s) de la ficheDegon, Elisabeth

Auteur(s) de la transcriptionDegon, Elisabeth

Informations générales

LangueFrançais

CoteLe Lynx, n° 199

Présentation

Date1996/01/08

GenreDocumentation - Presse

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Fiche : Elisabeh Degon, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes, CNRS-ENS ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)

Éditeur de la ficheClaire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)

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Notice créée par Elisabeth Degon Notice créée le 30/07/2019 Dernière modification le 01/09/2022

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