Lettre de Marguerite Audoux à André Gide
Auteur(s) : Audoux, Marguerite
[1] Il s'agit des deuxièmes épreuves de Marie‑Claire. La fin de la lettre atteste que Gide s'est déjà penché sur les premières.
[2] La scène se situe au moment où l'orpheline de cinq ans est menée dans la classe de sœur Marie‑Aimée. Celle‑ci la fait asseoir sur un petit banc, dans le creux de son pupitre, où la fillette s'endort. « Quand je m'éveillais, l'oreiller se transformait en table. La même main [que celle qui appuyait la tête sur les jupes entre les genoux] y déposait des débris de gâteaux, de menus morceaux de sucre, et quelques bonbons. » [Audoux (Marguerite), Marie‑Claire (1910), Grasset, Les Cahiers Rouges, 1987, première édition, p. 24 (c'est nous qui soulignons)].
[3] Ce passage se trouve à la fin de la première partie du roman. L'héroïne, avant de partir en Sologne, se souvient de sœur Agathe, qui lui avait soigné une engelure. « Le troisième jour, mon pied était complètement guéri, et quand je demandai le nom de ce remède merveilleux, sœur Agathe me répondit avec un rire malicieux : / ‑ Bête, c'était de l'onguent Arthur Divain. » [Ibid., p. 85 (c'est nous qui soulignons)].
[4] Pour l'un et l'autre passage, Gide jugera donc que la romancière a raison, puisque ce qu'elle suggère correspond à la version définitive. Notons que dans toute la correspondance alducienne qui nous est passée entre les mains, ces deux premiers paragraphes sont le seul exemple où Marguerite Audoux parle explicitement et concrètement de son œuvre.
[5] Le 27 avril 1910, Francis Jourdain, dans une lettre à Madame Philippe, écrit qu'un paquet de livres va bientôt lui être envoyé ; mais il lui demande d'écrire directement à Madame Mc Kenty « pour lui réclamer la belle édition qu'elle possède, provenant de la bibliothèque de Louis » ‑ tout en lui proposant d'ailleurs d'accomplir cette démarche, si cela la gêne – (Médiathèque Valery-Larbaud de Vichy [Ph‑Jou 13]). Dans une autre lettre, postérieure ([Ph‑Jou 14]), Francis Jourdain remercie Madame Philippe de la lettre qui lui accuse réception des livres, lui précise qu'il a écrit à Emma Mc Kenty, et qu'il est sûr qu'elle va envoyer le fameux livre (toujours anonyme) à Cérilly. La bibliothèque de Charles‑Louis Philippe contient trois titres de Viélé‑Griffin : Phocas le Jardinier (Mercure de France, 1898) ; Sainte Agnès (H. C. 1900) où figure un envoi (« à Monsieur Charles‑Louis Philippe / avec tous les remerciements de son admirateur / Francis Viélé‑Griffin ») ; et L'Amour sacré (1903), « Exemplaire offert au poète Charles‑Louis Philippe » (hommage imprimé). Vraisemblablement, la belle édition dont le titre n'est jamais donné dans les correspondances consultées serait l'un des deux derniers ouvrages.
Notons que le 27 février 1908, Charles‑Louis Philippe écrivait à Francis Vielé‑Griffin pour lui soumettre le premier chapitre d'un roman encore inachevé : Marie‑Claire… Cela s'ajoute donc aux autres démarches de cet ami actif : notamment auprès d'Anna de Noailles, et même Giraudoux, comme le laisse apparaître le P. S. d'une lettre non datée [mais qui ne saurait être que de 1909] : « J'ai une excellente nouvelle de Mme Audoux, la personne du manuscrit que vous avez. Je vous l'apporterai. » (BnF, Naf 25418, microfilm 4896).
[6] Le style indirect libre dans lequel s'inscrit à l'évidence l'adjectif l'affecte d'une connotation ironique. Les soulignements qui suivent et la réduplication jouent le même rôle. Ce paragraphe et le suivant présentent un intérêt stylistique certain qui montre la variété de la palette alducienne. La plume, à travers les accumulations, les répétitions, les anaphores, se met ici au service d'une certaine animation (aucune des trois femmes ne trouvera grâce auprès de la romancière), tempérée par la lucidité de la prosopopée finale (« Si Philippe me voyait, il me dirait… »).
[7] Nous maintenons cette syntaxe relâchée, rendue prolixe et fautive par l'emportement qui l'anime.