Cérilly, le 29
[1] décembre 1909
Chère Madame,
Je vous remercie bien sincèrement de votre lettre de ce matin et de la peine que je vous donne pour le classement des affaires de mon cher Louis
[2].
Je vous adresse sous ce pli l'autorisation de donner congé au propriétaire du logement occupé par Louis.
Je compte sur vous, chère Madame, ainsi que sur ses amis pour me faire parvenir tout ce qui appartient à mon cher défunt dans son logement.
Je dois vous dire qu'il existe dans son logement divers objets mobiliers appartenant à Mademoiselle Coustol
[le][3] et notamment : un sommier dans le lit de la pièce en entrant (le reste de la literie étant la propriété de Louis).
Si vous connaissez l'adresse de Mademoiselle actuellement Madame [sic] je vous serais très obligée de bien vouloir lui faire part du décès de mon fils et du congé du logement.
La malle se trouvant dans le cabinet pourra servir à mettre les objets les plus précieux tels que photographies et autres menus objets lui appartenant.
Je compte sur tous ses amis, si cela ne vous donne pas trop de peine et de dérangement, pour faire emballer tous ces objets et mobilier [sic].
J'ai été bien sensible à tous les compliments de condoléances et amitiés qui m'ont été prodigués par tous les amis de mon cher Louis. J'aurais voulu tous les voir à son enterrement si cela eût été possible ; mais j'espère bien ne pas les avoir quittés pour toujours.
J'aurai beaucoup de plaisir à voir paraître chez moi quelqu'un de vous.
Je vous prie de bien vouloir remercier tous ses amis de la peine et recevoir pour vous, chère Madame, l'assurance de ma sincère amitié.
Veuve Philippe
S'il y a lieu de désinfecter les couches
[4] de Louis, vous voudrez bien le faire faire.
[1] Le 9 est écrit en surcharge.
[2] Véritable prénom de Charles‑Louis Philippe (les jumeaux s'appellent Louis et Louise), évidemment difficile à porter avec le patronyme. Notons que la plupart des amis (et même des commentateurs) du romancier l'appellent « Philippe », sorte de « nom‑prénom » sous lequel lui‑même signe (comme dans la lettre 1).
[3] Mademoiselle Coustolle est une connaissance dont Philippe parle à plusieurs reprises dans sa correspondance avec sa mère. La phrase curieuse du paragraphe suivant s'explique sans doute par le fait que Mademoiselle Coustolle s'est mariée en avril 1909 et semble ensuite être partie avec son mari à Vesoul.
[4] La literie, et en particulier le matelas.