Archives Marguerite Audoux

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Lettre de Marguerite Audoux à André Gide

Auteur(s) : Audoux, Marguerite

Description
Nouvelles de l'appartement de Charles-Louis Philippe et protestations de sympathie
Texte
[Paris, 29 décembre 1909]

Cher Monsieur,

Je n'ai pas trouvé l'adresse de Ray sur le petit carnet noir[1], alors j'ai écrit de suite à Régis Gignoux pour qu'il vous l'envoie.
Nous sommes retournés Jourdain et moi dans l'appartement du quai Bourbon[2]. Nous avons retrouvé quelques feuilles de Charles Blanchard[3], mais pas de lettres d'amis, seulement quelques‑unes de vous, de Jammes, de Ruyters je crois (car je ne connais pas son écriture) que Francis vous remettra afin que vous les reconnaissiez. Je me chargerai de renvoyer celles de Larbaud, que je connais, et Francis celles de Delaw.
Nous n'avons retrouvé aucune des anciennes de nous, cependant il en avait de Iehl, de Chanvin et de moi dont il faisait grand cas.
Je retourne aujourd'hui à l'appartement, je ne laisserai pas un coin sans l'avoir visité.
J'ai trouvé votre lettre[4] sous ma porte en rentrant très tard hier soir, et en reconnaissant votre écriture j'ai eu tout de suite une joie. Elle était là comme une amie qui vous attend pour vous consoler des chagrins du dehors, et il m'a semblé que c'était vous‑même qui me tendiez la main.
Je vous remercie de la sympathie que vous voulez bien me témoigner ; croyez bien que de mon côté elle est très vive. Quand vous êtes entré dans la chambre où notre cher Philippe finissait de vivre, quelque chose en moi vous a reconnu[5] et je suis allée à vous comme à un sentiment qui venait augmenter l'amitié qui me liait à notre cher ami.
Je vous tiendrai au courant de mes recherches d'aujourd'hui et vous prie d'agréer mes meilleurs sentiments.
Marguerite Audoux

[1] Voir le début de la lettre 12.

[2] Au 45, chez Charles‑Louis Philippe.

[3] Le dernier roman, inachevé, de Charles‑Louis Philippe (NRF, 21 juillet 1913). Voir les notes de la lettre 9.

[4] Lettre 12.

[5] Contrepoint parfait à la formule gidienne de la lettre 12 (« [D]ès que je vous ai vue, il m'a semblé que je vous connaissais depuis longtemps. »)

Notes

RUYTERS (André) (1876‑1952)

André Ruyters (1976-1952) (parfois orthographié /Ruijters/, notamment par Gide) est, à Bruxelles, le condisciple d'Henri Vandeputte (l'ami de Charles-Louis Philippe). Tous deux écriront, dans la manière de Loti, des romans dont ils s'infligeront réciproquement la lecture, puis fonderont L'Art jeune. Ruyters tentera de relever une autre revue, Antée, tout en exerçant sa veine symboliste, puis travaillera dans la banque avant de rejoindre André Gide à la NRF. C'est Ruyters qui « flaire » le succès éditorial que pourrait représenter Marie‑Claire pour leur maison, et cela dès le 31 août 1909, date à laquelle il écrit à Gide : « Je viens de lire le manuscrit de Mme Audoux (je ne garantis pas cette orthographe, mais tu sais de qui je parle). Très remué, ma foi, et en suis à me demander pourquoi nous ne publierions pas ça. L'as‑tu lu ?... Il n'y a pas à en douter, nous nous trouvons là en présence d'un phénomène stupéfiant. C'est Philippe qui me l'a passé[1]. » L'on connaît la suite. Et les regrets de Gide seront amers : « [I]l est tout de même bien fâcheux que la NRF n'ait pas pu s'associer à cela[2]. », écrira‑t‑il à Jean Schlumberger


[1] André Gide – André Ruyters, Correspondance, Presses universitaires de Lyon, 1980, tome second, p. 77.

N. B. : dans son introduction, consacrée à André Ruyters (tome premier, p. IX‑XXVIII), Victor Martin‑Schmets souligne l'extrême difficulté d'établir, faute de documents suffisants, une biographie de Ruyters.

[2] André Gide – Jean Schlumberger, Correspondance (1901‑1950), Gallimard, 1993, p. 332.

Lieu(x) évoqué(s)Paris

Lettres échangées


Collection Correspondants

Cette lettre a comme destinataire :
GIDE, André

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Notice créée par Bernard-Marie Garreau Notice créée le 17/12/2017 Dernière modification le 14/03/2025