Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Collection : 1854 (1er janvier-21 décembre) : Dorothée, une princesse russe, persona non grata à Paris (1850-1857 : Une nouvelle posture publique établie, académies et salons)

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Auteurs : Guizot, François (1787-1874)

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Voici mon Camélia. Il ne vous dira pas tout ce que je vous dirais. Ma contrariété est très vive de ne pas vous voir aujourd’hui. Mais, quoique je sois très bien, j'aurais tort de sortir par tant de neige, après tant de froid.
Depuis le 18 Janvier 1838 c’est la 17e fleur que je vous envoie au 1er Janvier. Cette année qui commence m'inquiète. J'y vois moins clair peut-être que dans aucune autre. Plus de ténèbres et plus d’orages que jamais. Que Dieu vous garde et vous laisse ici ! Qu’il vous garde partant, mais vous ne pouvez être bien qu'ici. Adieu, Adieu.
Je viens de me lever. J’ai très bien dormi. Dans deux ou trois jours, à moins d'accident ou de 20 degrés de froid, je reprendrai ma liberté. Adieu.

Dimanche 1er Janvier 1854

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Voici mon Camélia. Il ne vous dira pas tout ce que je vous dirais. Ma contrariété est très vive de ne pas vous voir aujourd’hui. Mais, quoique je sois très bien, j'aurais tort de sortir par tant de neige, après tant de froid.
Depuis le 18 Janvier 1838 c’est la 17e fleur que je vous envoie au 1er Janvier. Cette année qui commence m'inquiète. J'y vois moins clair peut-être que dans aucune autre. Plus de ténèbres et plus d’orages que jamais. Que Dieu vous garde et vous laisse ici ! Qu’il vous garde partant, mais vous ne pouvez être bien qu'ici. Adieu, Adieu.
Je viens de me lever. J’ai très bien dormi. Dans deux ou trois jours, à moins d'accident ou de 20 degrés de froid, je reprendrai ma liberté. Adieu.

Dimanche 1er Janvier 1854

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Voici mon Camélia. Il ne vous dira pas tout ce que je vous dirais. Ma contrariété est très vive de ne pas vous voir aujourd’hui. Mais, quoique je sois très bien, j'aurais tort de sortir par tant de neige, après tant de froid.
Depuis le 18 Janvier 1838 c’est la 17e fleur que je vous envoie au 1er Janvier. Cette année qui commence m'inquiète. J'y vois moins clair peut-être que dans aucune autre. Plus de ténèbres et plus d’orages que jamais. Que Dieu vous garde et vous laisse ici ! Qu’il vous garde partant, mais vous ne pouvez être bien qu'ici. Adieu, Adieu.
Je viens de me lever. J’ai très bien dormi. Dans deux ou trois jours, à moins d'accident ou de 20 degrés de froid, je reprendrai ma liberté. Adieu.

Dimanche 1er Janvier 1854

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Voici mon Camélia. Il ne vous dira pas tout ce que je vous dirais. Ma contrariété est très vive de ne pas vous voir aujourd’hui. Mais, quoique je sois très bien, j'aurais tort de sortir par tant de neige, après tant de froid.
Depuis le 18 Janvier 1838 c’est la 17e fleur que je vous envoie au 1er Janvier. Cette année qui commence m'inquiète. J'y vois moins clair peut-être que dans aucune autre. Plus de ténèbres et plus d’orages que jamais. Que Dieu vous garde et vous laisse ici ! Qu’il vous garde partant, mais vous ne pouvez être bien qu'ici. Adieu, Adieu.
Je viens de me lever. J’ai très bien dormi. Dans deux ou trois jours, à moins d'accident ou de 20 degrés de froid, je reprendrai ma liberté. Adieu.

Dimanche 1er Janvier 1854

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Voici mon Camélia. Il ne vous dira pas tout ce que je vous dirais. Ma contrariété est très vive de ne pas vous voir aujourd’hui. Mais, quoique je sois très bien, j'aurais tort de sortir par tant de neige, après tant de froid.
Depuis le 18 Janvier 1838 c’est la 17e fleur que je vous envoie au 1er Janvier. Cette année qui commence m'inquiète. J'y vois moins clair peut-être que dans aucune autre. Plus de ténèbres et plus d’orages que jamais. Que Dieu vous garde et vous laisse ici ! Qu’il vous garde partant, mais vous ne pouvez être bien qu'ici. Adieu, Adieu.
Je viens de me lever. J’ai très bien dormi. Dans deux ou trois jours, à moins d'accident ou de 20 degrés de froid, je reprendrai ma liberté. Adieu.

Dimanche 1er Janvier 1854

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Voici mon Camélia. Il ne vous dira pas tout ce que je vous dirais. Ma contrariété est très vive de ne pas vous voir aujourd’hui. Mais, quoique je sois très bien, j'aurais tort de sortir par tant de neige, après tant de froid.
Depuis le 18 Janvier 1838 c’est la 17e fleur que je vous envoie au 1er Janvier. Cette année qui commence m'inquiète. J'y vois moins clair peut-être que dans aucune autre. Plus de ténèbres et plus d’orages que jamais. Que Dieu vous garde et vous laisse ici ! Qu’il vous garde partant, mais vous ne pouvez être bien qu'ici. Adieu, Adieu.
Je viens de me lever. J’ai très bien dormi. Dans deux ou trois jours, à moins d'accident ou de 20 degrés de froid, je reprendrai ma liberté. Adieu.

Dimanche 1er Janvier 1854

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Voici mon Camélia. Il ne vous dira pas tout ce que je vous dirais. Ma contrariété est très vive de ne pas vous voir aujourd’hui. Mais, quoique je sois très bien, j'aurais tort de sortir par tant de neige, après tant de froid.
Depuis le 18 Janvier 1838 c’est la 17e fleur que je vous envoie au 1er Janvier. Cette année qui commence m'inquiète. J'y vois moins clair peut-être que dans aucune autre. Plus de ténèbres et plus d’orages que jamais. Que Dieu vous garde et vous laisse ici ! Qu’il vous garde partant, mais vous ne pouvez être bien qu'ici. Adieu, Adieu.
Je viens de me lever. J’ai très bien dormi. Dans deux ou trois jours, à moins d'accident ou de 20 degrés de froid, je reprendrai ma liberté. Adieu.

Dimanche 1er Janvier 1854

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Voici mon Camélia. Il ne vous dira pas tout ce que je vous dirais. Ma contrariété est très vive de ne pas vous voir aujourd’hui. Mais, quoique je sois très bien, j'aurais tort de sortir par tant de neige, après tant de froid.
Depuis le 18 Janvier 1838 c’est la 17e fleur que je vous envoie au 1er Janvier. Cette année qui commence m'inquiète. J'y vois moins clair peut-être que dans aucune autre. Plus de ténèbres et plus d’orages que jamais. Que Dieu vous garde et vous laisse ici ! Qu’il vous garde partant, mais vous ne pouvez être bien qu'ici. Adieu, Adieu.
Je viens de me lever. J’ai très bien dormi. Dans deux ou trois jours, à moins d'accident ou de 20 degrés de froid, je reprendrai ma liberté. Adieu.

Dimanche 1er Janvier 1854

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Voici mon Camélia. Il ne vous dira pas tout ce que je vous dirais. Ma contrariété est très vive de ne pas vous voir aujourd’hui. Mais, quoique je sois très bien, j'aurais tort de sortir par tant de neige, après tant de froid.
Depuis le 18 Janvier 1838 c’est la 17e fleur que je vous envoie au 1er Janvier. Cette année qui commence m'inquiète. J'y vois moins clair peut-être que dans aucune autre. Plus de ténèbres et plus d’orages que jamais. Que Dieu vous garde et vous laisse ici ! Qu’il vous garde partant, mais vous ne pouvez être bien qu'ici. Adieu, Adieu.
Je viens de me lever. J’ai très bien dormi. Dans deux ou trois jours, à moins d'accident ou de 20 degrés de froid, je reprendrai ma liberté. Adieu.

Dimanche 1er Janvier 1854

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Voici mon Camélia. Il ne vous dira pas tout ce que je vous dirais. Ma contrariété est très vive de ne pas vous voir aujourd’hui. Mais, quoique je sois très bien, j'aurais tort de sortir par tant de neige, après tant de froid.
Depuis le 18 Janvier 1838 c’est la 17e fleur que je vous envoie au 1er Janvier. Cette année qui commence m'inquiète. J'y vois moins clair peut-être que dans aucune autre. Plus de ténèbres et plus d’orages que jamais. Que Dieu vous garde et vous laisse ici ! Qu’il vous garde partant, mais vous ne pouvez être bien qu'ici. Adieu, Adieu.
Je viens de me lever. J’ai très bien dormi. Dans deux ou trois jours, à moins d'accident ou de 20 degrés de froid, je reprendrai ma liberté. Adieu.

Dimanche 1er Janvier 1854

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Voici mon Camélia. Il ne vous dira pas tout ce que je vous dirais. Ma contrariété est très vive de ne pas vous voir aujourd’hui. Mais, quoique je sois très bien, j'aurais tort de sortir par tant de neige, après tant de froid.
Depuis le 18 Janvier 1838 c’est la 17e fleur que je vous envoie au 1er Janvier. Cette année qui commence m'inquiète. J'y vois moins clair peut-être que dans aucune autre. Plus de ténèbres et plus d’orages que jamais. Que Dieu vous garde et vous laisse ici ! Qu’il vous garde partant, mais vous ne pouvez être bien qu'ici. Adieu, Adieu.
Je viens de me lever. J’ai très bien dormi. Dans deux ou trois jours, à moins d'accident ou de 20 degrés de froid, je reprendrai ma liberté. Adieu.

Dimanche 1er Janvier 1854

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Voici mon Camélia. Il ne vous dira pas tout ce que je vous dirais. Ma contrariété est très vive de ne pas vous voir aujourd’hui. Mais, quoique je sois très bien, j'aurais tort de sortir par tant de neige, après tant de froid.
Depuis le 18 Janvier 1838 c’est la 17e fleur que je vous envoie au 1er Janvier. Cette année qui commence m'inquiète. J'y vois moins clair peut-être que dans aucune autre. Plus de ténèbres et plus d’orages que jamais. Que Dieu vous garde et vous laisse ici ! Qu’il vous garde partant, mais vous ne pouvez être bien qu'ici. Adieu, Adieu.
Je viens de me lever. J’ai très bien dormi. Dans deux ou trois jours, à moins d'accident ou de 20 degrés de froid, je reprendrai ma liberté. Adieu.

Dimanche 1er Janvier 1854

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Voici mon Camélia. Il ne vous dira pas tout ce que je vous dirais. Ma contrariété est très vive de ne pas vous voir aujourd’hui. Mais, quoique je sois très bien, j'aurais tort de sortir par tant de neige, après tant de froid.
Depuis le 18 Janvier 1838 c’est la 17e fleur que je vous envoie au 1er Janvier. Cette année qui commence m'inquiète. J'y vois moins clair peut-être que dans aucune autre. Plus de ténèbres et plus d’orages que jamais. Que Dieu vous garde et vous laisse ici ! Qu’il vous garde partant, mais vous ne pouvez être bien qu'ici. Adieu, Adieu.
Je viens de me lever. J’ai très bien dormi. Dans deux ou trois jours, à moins d'accident ou de 20 degrés de froid, je reprendrai ma liberté. Adieu.

Dimanche 1er Janvier 1854

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Voici mon Camélia. Il ne vous dira pas tout ce que je vous dirais. Ma contrariété est très vive de ne pas vous voir aujourd’hui. Mais, quoique je sois très bien, j'aurais tort de sortir par tant de neige, après tant de froid.
Depuis le 18 Janvier 1838 c’est la 17e fleur que je vous envoie au 1er Janvier. Cette année qui commence m'inquiète. J'y vois moins clair peut-être que dans aucune autre. Plus de ténèbres et plus d’orages que jamais. Que Dieu vous garde et vous laisse ici ! Qu’il vous garde partant, mais vous ne pouvez être bien qu'ici. Adieu, Adieu.
Je viens de me lever. J’ai très bien dormi. Dans deux ou trois jours, à moins d'accident ou de 20 degrés de froid, je reprendrai ma liberté. Adieu.

Dimanche 1er Janvier 1854

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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Voici mon Camélia. Il ne vous dira pas tout ce que je vous dirais. Ma contrariété est très vive de ne pas vous voir aujourd’hui. Mais, quoique je sois très bien, j'aurais tort de sortir par tant de neige, après tant de froid.
Depuis le 18 Janvier 1838 c’est la 17e fleur que je vous envoie au 1er Janvier. Cette année qui commence m'inquiète. J'y vois moins clair peut-être que dans aucune autre. Plus de ténèbres et plus d’orages que jamais. Que Dieu vous garde et vous laisse ici ! Qu’il vous garde partant, mais vous ne pouvez être bien qu'ici. Adieu, Adieu.
Je viens de me lever. J’ai très bien dormi. Dans deux ou trois jours, à moins d'accident ou de 20 degrés de froid, je reprendrai ma liberté. Adieu.

Dimanche 1er Janvier 1854

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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1 Bruxelles Vendredi 24 février 1854

Ah que j'ai de tristesse dans l'âme. Quel triste voyage ! Et quelle fatigue. Je ne suis arrivée qu’à 10 1/2 Chreptovitch était à la gare pour me recevoir. Je n'ai encore vu que lui. Je vous écris de bonne heure.
J’ai eu une lettre de Berlin. On a à peu près chassé Seymour sans vouloir le voir. Son collègue Castelbajac a été comblé et après avoir ici son audience, c’est l'Empereur lui même qui lui a remis ses passeports & lui a dit ensuite. Puisque vous n'êtes plus le représentant de la France, laissez-moi vous remercier de la conduite noble & chevaleresque que vous avez su tenir dans cette triste affaire. Il lui a remis lui- même alors les insignes de l'ordre de St Alexandre accompagnés d'un écrit de sa propre main. En disant adieu, le général a fondu en larmes.
Ecrivez-moi beaucoup. Chreptovitch dit qu'un on ne sait rien, absolument rien. Il ne fait pas froid & je suis assez bien logée. Adieu, donc & encore. Adieu, quel malheur de vous avoir quitté, d’avoir quitté tout !

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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3 décembre 1854

Je suis bien malade. Je vois et vous me dites qu’à Londres, on se fait un monde de mon retour à Paris. Certainement je n’aime pas les Anglais autant que vous et je n’adore pas votre alliance, mais je vous aime, j’aime votre empereur et je ne voudrais pas lui créer le moindre ennui. Quand à mon salon, pourrais-je en avoir ? Et si j’en avais un il serait encore plus ce qu’il était quand j’étais libre c.a.d. une influence favorable à l’Empereur et à l’Impératrice. Elle peut se le rappeler mais que je suis loin de ces deux sauveurs. Seulement l’Empereur attend un succès. Que veut-il de plus que la gloire de ses armes et le traité avec l’Autriche. La prise de Sébastopol. Mais je ne serai plus de ce monde. Je crache le sang.
Je voudrais revenir me soigner, voir mon monde, retrouver mon lit, des portes qui ferment et fermer une porte même à mes amis s’il le faut. Et puis si je pars de suite on en pensera ce qu’on voudra, l’escapade sera faite mais si on apprend a Pétersbourg ma démarche et qu’on me demande d’aller à Paris, alors je deviens en état de vraie révolte et ma situation pour moi et ma famille peut en être très changée.

Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Sans numéro Bruxelles le 17 Décembre 1854

Je commence ceci pour une occasion. Je suis frappé. tout à coup de l’idée que M. ne désire plus mon retour à Paris, et voici comment j’arrive à ce soupçon. La bonne volonté de l’Empereur. pour moi s’est arrêtée devant les objections de Lord Palmerston. Il n’a pas que les trouver sérieuses, il a trop d’esprit pour ne pas savoir, que fussent elles fondées, il dépendait de lui d'empêcher toutes mes iniquités et toutes mes trames et que venant dans les C'est bien triste tout cela. Mais j’ai assez d’équité dans l’esprit pour comprendre tout cela & même pour le pardonner. Je voudrais cependant qu'on s'est à quel point je mérite peu ce qu’on peut craindre de moi. Revenue à Paris, ma correspon dance Russe cesse tout à fait, cela m’a été insinué pas intermédiaire car secrétement on n'a rien à en dire encore, je n’y ai pas donné lieu. Le bonheur de retrouver encore mon home & mes amis me fera donner à tous les. ... (C’est affreux ce que je n'ose pas dire là) toute pensée de me mêler de quoique ce soit que puisse donner ombrage. Je veux bien que M. me néglige. Je croirai cependant toujours qu'il m’aime. Et comme je l'aime moi, je serais bien fâchée de lui donner du tracas. Son silence, son impuissance seraient inexplicables, s’ils n'étaient expliqués par tout ce que j’ai dit là.

Midi
Voilà votre lettre 228 triste, triste lettre. Non, pour n’obtenir que le passage, je n'écrirai pas. Pau ? L'ennui me ferait mourir et le divorce avec la Russie serait aussi complet qu’à Paris. Voulez-vous y venir avec moi ? Ah que Je m'y abonnerais volontiers. Je ne sais pas au fond pourquoi je n'essayerait pas mon crédit en Angleterre. Le pire serait de ne pas réussir, mais évidement il n’y a rien à gâter. Je ne sais dans quel état vous aurez cette lettre. Le courrier prussien qui la portera travera ici la nuit. Il faut donc que je la remette le soir. Mais cela peut tarder des jours dans ce cas, j’ajouterai tous les jours. Pour aujourd’hui Adieu.

Le 19. Je n’avais rien de plus à dire, & je n’avais pas la force de dire. J’ai passé toute la journée dans mon lit. Votre lettre m’avait renversée. J’ai eu une attaque violente de bile. Conséquence infaillible de toute émotion. J’ai vu le médecin plusieurs fois dans la journée. Adieu. Adieu.Je crois que je me suis trompée de N° dans ma lettre de ce matin je devais dire 193.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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233 Paris, Jeudi 21 décembre 1854

Montebello n’est pas venu hier me parler de sa visite. Je présume qu’il en sera sorti trop tard, et je compte qu’il viendra aujourd’hui dans la matinée. Votre lettre d’hier me montre que la résolution d’agir directement peut vous venir tout à coup. Vous aurez vu que j'étais de votre premier avis, et que les moyens indirects me semblaient devoir suffire. Vous me direz sans doute aujourd’hui à quoi vous vous arrêtez.
Voilà le Ministère anglais hors de danger. C'est bien ridicule qu’il y ait eu là, pour lui, un danger. Ridicule pour le pays et pour son bon sens. Il faut qu'à côté de la puérile opposition du pays à la mesure, l’intrigue combinée de toutes les oppositions dans le Parlement, et de toutes les ambitions cachées, ait été bien forte pour ameuter 202 voix contre le Cabinet.
Je n'ai rien appris hier. Je ne suis pas sorti du tout le matin. Le soir, chez Mad. de Staël, peu de monde. Mad. d’Haussonville, M. de Sahune, Viel-Castel. Conversation rétrospective ou littéraire. Les absents reviennent presque tous la semaine prochaine, Broglie, Duchâtel, Montalembert, Molé. Vous ai-je dit que le feu avait pris dans la maison de Duchâtel, feu sourd, provenant du calorifère, et qui a été découvert par la désobéissance d’un concierge qui est entré par curiosité dans un salon où on lui avait défendu, d’entrer ? Il a trouvé le parquet ombragé. Il y avait, dans ce salon, de beaux tableaux, entre autres, un Téniers que M. Vitet venait d'acheter pour Duchâtel 25 000 francs Rien du tout n'a souffert. Le feu a été éteint sur le champ. Je vous l’ai peut-être déjà dit.

1 heure
Je suis obligé d'aller de bonne heure à l'Académie où j’ai une commission. Je sors sans avoir eu de lettre. Montebello viendra me voir à 5 heures. Il sait qu’il n’a réussi trouver sa visite que ce matin. Adieu, Adieu. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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232 Paris, Mercredi 20 déc. 1854

Pourquoi n’ai-je pas eu de lettre hier ? En temps ordinaire, une lacune d’un jour ne m'inquiéterait pas ; mais aujourd’hui tout m'inquiète. Je suis bien pressé de la porte d'aujourd’hui.
J’ai vu hier Montebello, il fera aujourd’hui, de votre lettre, l’usage que vous désirez. J’ai achevé de le mettre bien au courant. Il a encore son fils, le marin, pour quelques jours, et le second fait, ces jours-ci même, ses examens pour entrer à l'Ecole militaire.
On veut avoir un grand nombre de jeunes officiers à sa disposition. On a plus que doublé le chiffre des admissions à l'Ecole. Montebello ne savait rien d'ailleurs, ni aucune des personnes que j'ai vues. La guerre, en se prolongeant ne gagne pas en popularité. On m’a dit hier soir que le projet de loi pour le nouvel emprunt avait été porté le matin au Conseil d'Etat. On n'en savait pas le chiffre.
A en croire les apparences, le cabinet anglais s'est créé une assez grosse difficulté, en demandant à former une légion étrangère. L'opposition à ce sujet est bien absurde. Pour quoi n'épargnerait-il pas les vies et les douleurs anglaises s’il trouve au loin de bons soldats à employer au loin ? J’ai peine à croire du reste que l’embarras soit sérieux.

Une heure
On me dit qu’il sera sérieux. Je viens de voir deux ou trois personnes, et des lettres de Londres qui croient à la chute du Cabinet. Je n'y crois pas. Ce serait trop absurde. Pourtant je ne crois plus qu'aucune absurdité soit impossible. Ce serait l'Angleterre livrée à Lord John et à Lord Palmerston, et à sa passion populaire du moment. Nous saurons bientôt ce qui en est. Mais je suis bien plus pressé d'avoir une lettre de Bruxelles. Pourquoi n'est-elle pas encore venue ?

2 heures
La voilà. Je craignais bien cette attaque de bile. Je vous le demande en grâce, par affection pour moi, ayez du courage, vous êtes bien triste, vous avez bien des raisons d'être triste ; mais il y a des maux bien pires. Et si vous avez du courage les vôtres, les nôtres ne deviendront pas pires. J’attends votre réponse à ma lettre d’hier. Vous aurez vu que j’avais, sur la lettre à écrire, la même impression que vous. Je crois qu’on doit et qu’on peut vous en dispenser. Montebello doit venir me voir ce soir, ou demain matin, après sa visite. Nous verrons ce qu’on peut attendre de ce côté. Adieu. Adieu. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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231 Paris mardi 19 Déc 1854

Quand je vous dirai que vos quelques lignes d’hier m’ont désolé, je vous dirai bien peu. Les paroles sont si peu. Et des paroles de loin. Je trouve que vous avez raison de ne pas faire une démarche directe pour un demi-résultat. Je vous aime fière dans votre tristesse. Je ne puis pas ne pas croire que si vous voulez accepter le demi-résultat, vous l'aurez sans le demander directement. C'est bien le moins qu’on vous doive, après vous avoir promis tout autre chose. Je tiens pour impossible que M. et F. ne s'y emploient pas efficacement. Maintenant faut-il insister auprès d'eux. Voulez-vous de ce demi résultat, obtenu sans la demander directement. Voulez-vous aller passer l'hiver à Nice, ou à Pau, en traversant la France et en vous arrêtant quinze jours à Paris pour consulter votre médecin ? Je tourne et retourne dans mon âme cette question-là. Si votre santé continue à souffrir du climat de Bruxelles, si l’hiver, qui n’a pas encore commencé, devient rude, si vous ne parvenez pas à vous défendre là du froid et de l'humidité, assez pour ne pas être vraiment malade, il n’y a pas à hésiter ; il faut aller passer l'hiver dans le midi et agir indirectement pour l'obtenir. A votre ennui. Le climat vaudra beaucoup mieux cela, une chance est toujours attachée, une bonne chance qui sait ce qui arrivera quand vous passerez par Paris, pendant les quelques jours que vous y passerez ? Sébastopol peut être pris pendant ce temps-là, et alors ! … Vous voyez que je ne compte pour rien le triste plaisir de nous voir un moment pour nous séparer sitôt. C'est votre santé qu’il faut consulter ; si elle a absolument besoin du midi, le midi à tout prix. Je dis à tout prix, car je ne me dissimule pas qu’à Nice ou à Pau, vous aurez comme société, comme conversation, moins de ressources qu’à Bruxelles. Point de diplomates, ni petits, ni grands ; point d'atmosphère politique, point de passants. Des indigènes qui vous ennuieront, des étrangers malades qui ne vous distrairont pas. Paris plus loin. Je résume en quelques mots ce qui nous fournirait d’interminables conversations si nous causions. L'affection remplit de charme le rabâchage, et on n’a tout dit que lorsqu’on a rabâché. Mais enfin, pesez, comme je le fais tous ces pour et ces contre votre santé avant tout. Seulement, pour votre santé, tenez compte de votre ennui. Le climat vaudra beaucoup mieux dans le midi, l'ennui y sera plus grand. Mais ne vous permettez pas le laisser aller désespéré, les sentiments sinistres. Puisque vous savez combien je vous aime, vous ne pouvez pas vous les permettre. Ceci est un défilé détestable, déplorable, avec de la patience et du courage, nous le passerons ; nous arriverons à la paix ; et la paix revenue, vous n'aurez plus besoin de la bonté, ni peur de la timidité de personne. J’ai eu ce matin, indirectement des nouvelles de Hübner ; il est plein de confiance dans la paix, convaincu qu’on la désire ici, que votre Empereur la désire vivement, et qu’il faudra bien que l'Angleterre l'accepte. Mais je vois bien, sans qu’il le dise, que c’est toujours sous la condition de Sébastopol pris. On croit généralement à une grande attaque prochaine, bataille contre l’armée Russe, assaut contre la place. Nos troupes le demandent à grands cris l'immobilité dans la boue leur est insupportable.
J’ai passé hier chez Montebello sans le trouver. Je viens de lui écrire pour le prier de venir me voir avant dîner, ou demain matin. Il faut qu’il cause avec M. Mais dites-moi votre dernier mot en réponse à mes questions. Je n'irai revoir M. et lui dire que vous vous refuserez à la démarche directe pour un demi résultat, que lorsque je saurai positivement. Si vous voulez, ou non, du demi-résultat. J’ai dîné hier chez le chancelier ; Noailles, Villemain, Cousin, duc de Fésenzac, Flavigny, Vitet & Pure conversation académique. J’ai pourtant causé de vous avec le Duc de Noailles. Je suis rentré de bonne heure pour me coucher, et j'aurais mieux fait de ne pas sortir. Je me renrhume. Pour ma santé, le Val Richer vaut beaucoup mieux que Paris. Adieu, dearest, Adieu. G

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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230 Paris, lundi 18 déc. 1854

Je suis resté hier soir chez ma fille, à faire une partie de Whist. Je n’ai vu le matin que Mad. Mollien qui ne m’a rien appris, et trois ou quatre personnes pour des questions d'Académie. Les Académie m'assiègent, M. Léon Faucher vient de mourir à Marseille. On le ramène à Paris. C’était la règle que, comme président, je fisse un discours sur sa tombe. J’ai dit non ; cela ne me convenait, ni pour ma santé, ni à cause du personnage. Deux discours d'ailleurs en huit jours, c’est trop pour aujourd’hui, nous ne sommes plus au temps des discours tous les jours. Mais il a fallu arranger que le vice Président s'en chargeât. Delà des billes à écrire, des visites à recevoir, Mignet, Thierry & Bref, cela s'est fait comme il le fallait bien, et je resterai demain chez moi.
Autre affaire d’Académie. M. de Falloux, est arrivé hier et m'a demandé un rendez-vous. Je le verrai ce matin. Je sais que quelques personnes l’engagent à persister dans sa candidature malgré celle du Duc de Broglie. Il se ferait le plus grand tort dans l'avenir pour avoir, dans le présent, un gros échec. Je ne vois rien dans les journaux. Je suis assez curieux de savoir comment a été pris, dans l’intérieur du Cabinet anglais, le discours, de Lord John sur le traité autrichien, et jusqu'à quel point les articles du Times sont l'écho d’une humeur de collègues. Je dîne aujourd’hui chez le Chancelier, avec le duc de Noailles, Berryer &. On dira là quelque chose.
3 heures
M. de Falloux sort d’ici. Longue conversation spirituelle. Mais pas de lettre de vous encore. Je suis bien ennuyé qu’on me les apporte, si tard. Et encore plus triste qu'ennuyé. Je ne vous montre pas toute ma tristesse. Je voudrais lutter contre la vôtre. Adieu, Adieu

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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229 Paris, Dimanche 17 déc 1854

Beaucoup de monde hier matin à l’Académie ; mais comme déraison, point de conversation. Le discours a bien réussi. Le soir, chez Mad. de Boigne ; le Chancelier, les Salvo, la Princesse Grasalcovich et son acolyte, Mad. de La Grange, la jeune et jolie qui est devenue énorme, le général d'Arbouville Boislecomte & d'Arbouville, intéressant à entendre sur la guerre de Crimée, triste de n’y pas être un Changarnier, non exilé ; convaincu qu’on prendra Sébastopol et qu’on chassera de Crimée, le Prince Mentchikoff. Mais quand ?
Dieu veuille que vous ayez raison dans l'impression que vous avez en ce moment ; sur les intentions du gouvernement anglais ! Une chose, une seule me le fait un peu partager ; c’est le ton plus décidé, et plus confiant de Lord Aberdeen. Sans sortir de sa réserve et de sa brièveté, il parle en homme qui se croit sûr de son fait et son fait, c’est certainement la paix. Plus j'y pense, plus je me persuade que le traité autrichien est vers ce but un très grand pas. Et la satisfaction qu’on en témoigne ici indique qu'ici aussi on désire la paix. Je suis curieux de voir si le Moniteur répétera ce matin l'article du Times sur le discours de Lord John. Bien vif et bien mérité.
Une heure
Le Moniteur n’a pas répété le Times. C’est plus convenable. Je suis bien fâché que Van Praet vous manque le soir, sa conversation avec vous me reposait un peu la pensée. Vous avez bien fait de ne pas répondre à votre neveu. Il ne faut pas discuter ces choses-là.
J’ai tous vos numéros. Je vous ai envoyé hier les livres dont vous aviez besoin. Le texte du traité autrichien ne m’apprend rien de plus. On me dit toujours qu’il y a un article secret, où l'alliance de guerre est plus expressément stipulée. Adieu, Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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228 Paris, samedi 16 déc 1854

J’ai reçu hier, tard, vos deux lettres par occasion, 187 et 189. Leur tristesse et leur tendresse me vont au cœur. Non certainement, je n’ai pas perdu l'espoir ; il me semble impossible qu’on vous refuse ce que vous demandez aujourd’hui. Et quand une fois nous aurons obtenu cela, nous verrons. Je n’ai pas trouvé M. Hier ; il était sorti. Je lui ai écrit en rentrant ; il m’a donné rendez-vous pour ce matin avant midi. J’irai tout à l'heure, dés que ma toilette sera faite, et je vous dirai tout de suite ce qu’il m'aura dit. Je n’ai pas voulu parler de M. à Montebello, avant d'en avoir causé avec M. Je crains toujours de gâter quelque chose de ce côté-ci qui est le seul efficace. Ce soir, ou demain d'après ma conversation avec M. Je verrai Monteb, et je le mettrai en mouvement s'il le faut. Il fera certainement, et de bon cœur, tout ce qu’il pourra. Mais je doute qu’il aille vous voir avant le départ de son fils. Il ne vous l’amènera pas au moment de le perdre pour trois ans, la mère ne voudra pas s’en séparer trois jours.
J’ai vu hier Lord Mahon qui retourne à Londres, revenant de Rome, et Sir Henry Ellis qui reste toujours à Paris. Ni l’un ni l'autre ne m’a rien appris. Ellis est toujours très sensé et assez clairvoyant. Frappé du peu d'habilité et du peu de convenance du discours de Lord John qui ne peut plaire ni à Vienne ni à Paris. Frappé aussi de la principale conséquence de ce traité qui est de rendre l'Emp. Nap arbitre de la paix ; le jour où il la voudra, il sera deux contre un. Et trois, si la Prusse adhère au traité, comme on le croit en général.
Deux nouvelles d'Italie qui ne vous intéressent guère ; les Jésuites sont expulsés de Naples et le cardinal Antonelli vient de tomber à Rome. Le plus capable des cardinaux, peut-être le seul capable ; mais il a un frère dont la vénalité et le décri ont, dit-on, fait sa chute.

4 heures
Je reviens de présider la séance publique de l'Académie. Il est tard. Je vous rendrai compte un peu à la hâte de ma conversation avec M. Trois quart d'heure. Même bon vouloir de l'Empereur Nap ; mais bon vouloir mêlé de tristesse et d'humeur. On a de nouveau fortement insisté de Londres. Il a répondu : " J’ai promis ; mais il a fait la concession. Après la prise de Sébastopol. " Si Sébast. était pris demain, vous auriez demain votre passeport pour venir vivre à Paris. Mais aujourd’hui il faut attendre. On est piqué et un peu honteux ; j’ai dit " entre nous ce n’est pas agréable de n'être pas plus puissant pour une si petite chose." On en tombe d'accord. J'en suis venu au passeport pour Nice en s'arrêtant à Paris pour consulter votre médecin, et vous reposer un peu : " Cela ne peut pas être refusé ; quelle le demande directement à l'Empereur lui- même, par une lettre sur ce thème en deux parties. 1ère Partie. " Je ne puis comprendre les méfiances dont je suis l'objet ; leur conséquence me désespère et leur injustice me révolte. Quand je voyais beaucoup de monde, je n’ai jamais été, pour l'Empereur, la cause du moindre embarras, du moindre ennui. A plus forte raison quand mon intérêt m'en ferait une loi et ma reconnaissance un devoir. Je vivrais dans la retraite la plus absolue ; je ne verrais personne, je n'écrirais à personne, absolu ment à personne. 2ème partie " si, en ce moment cela est jugé impossible, je prie instamment qu’on me donne un passeport pour traverser la France, consulter à Paris mon médecin, et me rendre dans un climat doux dont ma santé, ma vie ont absolument besoin. " Nommez Nice et Pau, une ville de France dans le midi, aussi bien qu’une ville étrangère ; l’un ne sera pas plus difficile à obtenir que l'autre, et il y aura avantage à pouvoir rester en France, si cela vous convient.
Envoyez votre lettre à Fould, en le priant de la remettre à l'Emp. Comme ministre d'Etat, c’est sa charge naturelle. Il est au courant de tout ce qui vous touche, et a bonne envie de vous servir. Morny a envoyé à l'Emp. votre longue lettre, celle dont je vous avais transmis le thème. Il a écrit à l’appui en l'envoyant. Mais l'Emp. ne lui en a point parlé depuis, ni lui à l'Emp. La timidité est grande. J’ai essayé d’insinuer la prolongation, de votre séjour à Paris un passage indéfini. Je suis forcé de vous dire que cela a fait peur, grand peur. Non qu’on demande un terme fixe, au passage, un nombre de jours déterminé ; mais la tentative de profiter du passage pour le trans former en séjour à toujours ne réussirait évidemment pas. A moins qu’il ne survînt quelque événement favorable, Sébastopol pris des négociations ouvertes, un armistice. Tout cela est possible.
Je vous demande deux choses, du courage et de prendre les faits, comme ils sont aujourd’hui en en tirant tout le parti qu’on en peut tirer aujourd’hui. On en tirera davantage avec le temps. Le point capital c’est de rentrer en France d'être revue à Paris. Si Pau ne vous paraît pas trop solitaire, je l’aimerais mieux que Nice. Il est plus aisé de se rapprocher quand il n’y a pas de frontière à passer. Le traité modéré autrichien donne de l'humeur à Londres, à l'opinion passionnément guerrière.
On sent qu’il donne à la paix des chances et à l'Emp. Nap de l’indépendance. Lord John l’a bien indiqué. On ne veut pas donner à cette humeur des prétextes de plus, même les plus petits. Vous en seriez un. Tout l’essentiel est là. L’essentiel comme résumé de ce qui s'est dit, et comme indication de la conduite à tenir. Dearest, je vous le demande encore : du courage, et ce qu’il faut pour votre santé. Nous ressaisirons peu à peu le reste.
Adieu, adieu. Mon fils va porter ceci chez Hatzfeld. Adieu. Ma fille va bien. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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227 Paris, Vendredi 15 Dect 1854

On ne parlait hier soir que des deux discours, celui de la Reine et celui de Lord John. On trouve l’un bien sec et l'autre bien moqueur. Le traité Autrichien n’a pas plu à Londres autant qu’à Paris. Les quelques phrases d'Aberdeen, à ce sujet ont été bien modestes. Personne n’a dit le fond de sa pensée. Quelle glace à rompre dans ce Parlement s’il y avait quelqu’un qui n’eût pas peur de se couper les doigts en la rompant !
Evidemment il n’y aura pas même un commencement de négociation sérieuse tant que Sébastopol ne sera pas pris, et détruit.
Serez-vous assez bonne pour remercier de ma part, le capitaine van de Velde qui m’a envoyé, sur les événements et l'état actuel de la guerre en Crimée, une brochure pleine d’intérêt et frappante de clarté ?
Je n’ai pas cru hier soir à la dépêche télégraphique de Vienne qui donnait au Sun les plus mauvaises nouvelles de la santé de votre impératrice. Vous en auriez su et vous m'en auriez dit quelque chose. J'espère que vous n'aurez pas de chagrin. Pauvre femme ! Elle quitterait ce monde triste, mais dispensée peut-être de bien autres tristesses. Avez-vous quelque idée de l'effet que produisait ce malheur sur votre Empereur, s'il en était frappé ?

1 heure et demie
Je n’ai pas encore votre lettre, et je sors pour aller me promener aux Champs- Elysées. Je viens de lire attentivement le discours de Lord John que je n’avais fait que parcourir. C'est comme toujours le soin exclusif de sa position personnelle, et la constante cajolerie des opinions, et des préventions, et des passions momentanées, de son parti. Adieu, Adieu. Ne vous conseille t-on pas de prendre, pour vous aider à dormir, un peu de codéine, comme j'entends dire ici. Mon médecin assure que c’est efficace et innocent. Mes filles s’en sont souvent bien trouvées.
Adieu. G. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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226 Paris, Jeudi 14 déc. 1854

Je n’ai eu votre lettre hier qu'après 4 heures, en rentrant de l’Académie. J'écrivais à Montebello pour le prier de me venir voir ce matin quand il est entré. Je l’ai mis au courant. Il sera discret. Il a vraiment de l’amitié pour vous. Du reste comme vous le dites, il n’y a plus de mystère. On a beaucoup parlé de vous, et de vos désirs, et de ce qu’on vous avait répondu. Evidemment les indiscrétions étaient anglaises, et ils ne disaient point les obstacles qu’ils apportaient eux-mêmes. Hatzfeld, qui est venu me voir avant hier, savait à peu près tout, vaguement et inexactement pourtant. Il n’y avait de ce côté, nulle envie de vous nuire. On parle moins de vous depuis quelques jours. Cela vaut mieux. Si M. ne vient pas me voir aujourd’hui, j’irai chez lui demain ou après-demain. Il faut lui laisser le temps de faire usage de votre nouvelle lettre. Je lui remettrai votre P. S. que je trouve à propos.
Montebello veut toujours aller vous voir. Il a ici, pour quelques jours encore, son fils le marin qui va partir pour le tour du monde, trois ans d'absence ; et un autre fils qui va faire un nouvel examen pour entrer à l'Ecole militaire ; il a manqué le premier. Le père dit qu’il ira vous voir tout de suite après. J’espère que ce sera trop tard.
On trouve en général le discours de la Reine d'Angleterre un peu sec, sec sur toutes choses, et pour tout le monde. Impression Française ; il faut ici plus de démonstration et de variété. Du Parlement, je n’ai encore vu que les commencements insignifiants du Débat. J’attends la fin aujourd’hui, Aberdeen et Sidney Herbert.

2 heures
Ma fille Pauline vient d'accoucher d’un gros garçon qui se porte très bien, et elle aussi. Cela s'est passé aussi régulièrement et aussi promptement que possible. Je reverrai Montebello. Je n’ai vu personne ce matin. Je vais à l'Académie. Adieu, adieu. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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225 Paris, Mercredi 13 Déc. 1854

Votre lettre ne m'est arrivée hier que tard, et j’ai reçu hier aussi seulement les livres que vous m'avez envoyés, et dont je vous remercie. Les préoccupations sont toujours les mêmes. Votre Empereur veut-il réellement la paix ? L'Empereur Nap veut-il réellement la paix ? Personne ne sait répondre positivement. Pour mon compte, je suis disposé à dire, ou pour l’un et pour l'autre ; car à mon avis, ils ont l’un et l'autre un grand intérêt à la paix. Votre Empereur en a besoin, car il ne peut résister à toute l'Europe, et pour l'Empereur Nap ce sera un succès capital de rétablir la paix après avoir fait la guerre avec éclat. Mais à quelles conditions ? Si Sébastopol était pris, tout serait bien plus facile, car les Anglais disent toujours : we must have Sébastopol, et pour eux, l'[?] est là. Mais Sébastopol n’est pas pris et ne le sera probablement pas avant le printemps prochain. Comment suppléer à ce fait ? On dit que la limitation, pour tous les Etats du nombre de vaisseaux de guerre que chacun d'eux pourra entretenir, ou faire entrer dans la Mer Noire devenue libre, serait considérée à Londres, et ici comme une des garanties les plus efficaces, et que votre Empereur pourrait l'accepter. Tenez pour certain que, tant que Sébastopol ne sera pas pris, on me déplait beaucoup. J’ai peur que Mad. exigera beaucoup plus de vous. On parle d’un arrangement qui assimilerait la libre navigation du Danube et de ses embouchures à celle du Rhin, en lui donnant pour garantie l'établissement d’une commission mixte et permanente qui veillerait incessamment au maintien de cette liberté, et à l'abolition de tous les obstacles que vous pourriez lui susciter. Vous accepteriez sans doute aussi cela. Bref, dans notre public, on cherche, et on cherche sincèrement car on désire de plus en plus la paix, tout en étant décidé à faire la guerre tant que les conditions de la paix ne seront pas telles que l'Angleterre s'en contente comme nous. Le discours de la Reine Victoria est bien guerrier dans sa simplicité brève. Pas un mot sur les chances de paix. Je n'attendais pas plus de paroles sur le traité autrichien. Le texte sera public dans deux jours. Ceux qui s’en félicitent le plus n'osent pas s'en vanter. Le courage manque là au bon sens.
Votre nouvelle sur l’avis qu'a reçu Barrot me déplait beaucoup. J’ai peur que Mad. Chrept ne soit la cause de la mesure. Elle a passé et repassé ici sous un nom supposé. Je n'entends pas dire qu’il soit question de renvoyer Mad. Kalergis. J’attends bien impatiemment de savoir si vous avez écrit à M. sur Nice. Vous me le direz probablement aujourd’hui.

Une heure.
Décidément, on ne m’apporte vos lettres que tard. Je vais à l'Académie faire et entendre des lectures pour la séance que je dois présider samedi prochain. Adieu, Adieu. G 

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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224 Paris, Mardi 12 Déc. 1854

Je n'ai guère vu hier que les candidats aux Académie, ni la guerre ni la paix, ni Pétersbourg, ni Sébastopol n'existent pour eux ; ils font un autre siège. C'est curieux à quel point chacun peut s'adonner exclusivement à ses préoccupations personnelles.
Salvandy dit beaucoup de bien du discours de Berryer qu’il a entre les mains. C’est maintenant lui, Salvandy, qui fera attendre. Cette réception n'aura pas lieu avant le milieu de Janvier.
Le public a bien envie de la paix, plus d'envie que d'espérance. L’idée qu’il faut que Sébastopol soit pris est entrée dans les esprits ; sans cela, la paix semblerait un échec. Il y a des officiers, et des officiers de rang qui écrivent ici que c’est plus aisé qu’on ne croit, que Sébastopol serait pris depuis longtemps, si l’on avait voulu, que les Généraux hésitent trop à entreprendre et veulent trop faire mousser leur succès. Je ne crois pas du tout à ce reproche ; on est encore plus pressé d'avoir le succès que de le faire mousser En tout, on se plaint des généraux, surtout de Lord Raglan. On lui attribue les pertes cruelles du régiment des gardes à la bataille d'Inkermann, comme celles de la cavalerie légères à Balaklava. On dit qu’il aurait pu soutenir les gardes et qu’il ne l’a pas fait, disant toujours que c'était une affaire d'avant postes. Ce sont les blessés de retour qui propagent les plaintes.
On m’apporte les journaux. Le dernier. rapport de Canrobert donne à croire qu’on restera longtemps immobile, si la pluie dure. Je ne vois rien de plus.

2 heures
Je n’ai pas de lettre. Elle me manque. Il m’en faut une tous les jours. Dumon sort de chez moi. Je lui ai dit vos bonnes paroles pour lui. Il en a été vraiment touché. Il parle de Nice comme tout le monde trouvant cela parfaitement naturel, nécessaire, disant que vous devrez consulter et vous reposer à Paris aussi longtemps que votre santé l'exigera, et ne comprenant pas que d'aucun côté, il puisse y avoir la moindre difficulté à vous donner les autorisations dont vous avez besoin. Aucune nouvelle. Nous attendons le discours de la Reine Victoria. Nous l'aurons dans deux heures. Adieu, Adieu. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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223 Paris, lundi 11 déc. 1854

Votre N°184 m’arrive de bonne heure. Comment pouvez-vous dire que vous ne “ recevez plus de moi, pour ce qui vous regarde, que des paroles de soupçons et de découragement. " Est-ce de moi-même et de mes propres sentiments que je vous parle quand je vous redis ce que j'entends dire, ce qu’on me donne à lire, et ce qu’on me laisse entrevoir quand on ne me le dit pas. Je vous le redis pour que vous sachiez exactement ce qui en est, première condition pour faire ce qu’il faut. Je ne veux pas croire un moment que vous ayez regardé un moment comme venant de moi ce que je vous envoyais de la part de mes conversations. Je vous gronderais trop fort, et à aucun prix, je ne veux vous gronder. Votre santé et votre tristesse me poursuivent tout le jour. Je cherche tout le jour quelque moyen de presser. la solution que nous désirons. Malheureusement je n'en trouve guère, et je crains que si nous voulions trop presser, nous ne fissions que nuire. Je suis charmé que vous ayez renoncé de vous-même à l’idée d’écrire à l'Emp. Nap. ; je trouvais cela peu convenable. En tout cas, il n’eût fallu le faire que de l’avis et de l'aveu de Morny. C'est lui que vous avez chargé de votre affaire là. Il est, sans comparaison, le plus capable de réussir et le mieux disposé. Je ne suis pas d'avis que vous écriviez à Fould sans avoir demandé à M. s'il le croit utile. Fould vous a écrit plusieurs fois ; vous lui avez écrit ; il est naturel que vous lui parliez de ce qui vous intéresse si fort, et peut-être étant toujours là, pourrait-il trouver le moment de vous servir. Mais ne le faites que M prévenu et consentant. Vous avez ce me semble, une très bonne et très naturelle raison de réécrire à M. sans attendre sa réponse à votre dernière lettre. Parlez-lui, de l’idée de Nice ; mettez-vous sur ce terrain là qui facilite tout pour lui et pour l'Empereur lui-même. Je l'éprouve dans la conversation ; hier à dîner chez Mad. de Boigne, elle m’a parlé de vous, de vos projets. J’ai répondu par votre santé, Andral et Nice. Non seulement à elle, mais au chancelier, à Dumon, à Viel Castel qui étaient là, cela a paru naturel et faisable. Si vous écrivez sans retard à M. sur ce thème, avertissez-moi ; j’irai le voir pour en causer avec lui. J'hésite à aller le voir uniquement pour le presser, sans rien de nouveau à lui demander ou à lui dire. Je sais que c’est très triste et très dur de vous prêcher la patience quand vous êtes dans l'impatience et la souffrance ; mais avant tout et par-dessus tout je ne veux ni vous conseiller, ni faire pour vous que ce qui peut réellement vous servir.
Il court ici toute sorte de bruits. Mad. Kal. a dit à celui de qui je le tiens qu’elle tenait de Mad Chreptovitch. qui sans doute a passé par Paris en revenant de Stuttgart comme en y allant, que le Prince Gortschakoff avait écrit de Vienne à la grande Duchesse Olga qu’il avait porté au comte Bual l'acceptation pure et simple des quatre points par votre Empereur, sur quoi Bual s'était grandement réjoui, disant : " Nous ne vous battrons donc plus qu'autour de ce tapis vert." Mad. Kal. a dit en outre que son père lui écrivait de Varsovie qu'au tour que prenaient les choses, elle pourrait passer tranquillement l’hiver à Paris, ce qu’il ne croyait pas du tout quelques jours auparavant. Qu’il y a loin de ces perspectives là aux derniers articles du Times répétés par le Moniteur ? Je reçois à l’instant une lettre de Duchâtel qui me dit : " Il n’y aurait que la paix de sensée pour tout le monde, si toutefois l'Emp. Nicolas comprend sa position et consent à des conditions raisonnables. Je doute qu’il le fasse. Ces concessions jusqu'à présent n’ont été que des ruses diplomatiques, et il agit toujours, en vrai grec, retenant par dessous main, ce qu’il semble donner et cherchant, sans cesse à filouter ses adversaires. Pardon des expressions ; mais voilà l'impression actuelle des spectateurs intelligents et pas malveillants.
Duchâtel me demande de vos nouvelles en ajoutant : " Voudriez-vous lui offrir l'hommage de mon respectueux, et triste attachement ? " Il arrive aussi ce matin, dans ma maison, une lettre de Sébastopol d’un petit soldat au 20e d'infanterie légère qui écrit à sa mère. nourrice de ma fille Pauline, qu’il a été blessé d’un coup de baïonnette à la main, dans la dernière sortie des Russes et qu’il a tué de la sienne, le Russe qui l’avait blessé : " C'est le premier que je tue avec ma baïonnette ; j’aime mieux les tuer avec des balles ; c’est moins triste. Au moment où je t'écris le 22 Nov.) le canon gronde toujours ; nos tranchées ne sont pas à 200 mètres de la ville. Ils établissent des batteries jusques dans les maisons, ce qui fait qu’elle sera un peu abimée. On attend de nouveaux renforts pour donner l’assaut, car il fait froid. On nous a donné des capotes à capuchon, ainsi que des paletots en peau de mouton, ce qui est très chaud, et on doit nous donner aussi des guêtres fourrées." Voilà le dire des soldats. La lettre n’offre aucune trace de découragement.
Adieu, Adieu. Du courage, je vous en conjure. Adieu. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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222 Dimanche 10 déc. 1854

Ne vous livrez pas à votre premier mouvement de révolte. Il en résulterait, pour vous d'abord une lutte puis un isolement que vous ne supporteriez pas. Ce qu’il faut consulter avant tout, dans ses résolutions, c’est sa force, force d'âme et de corps. Nice est le moyen terme dans lequel il me paraît possible et convenable de vous établir, le but qu’il faut pour tout le monde, assigner. à tous vos mouvements. Cela explique et facilite tout, à Paris et à Pétersbourg, à présent, et plus tard.
Constantin me déplait ; non pas pour vous dire ce qu’il pense et vous blâmer de ce qu’il suppose, mais pour vouloir se brouiller avec vous. Il y a des liens que rien ne peut rompre & des amitiés qui doivent survivre à toutes les dissidences. Je ne puis croire que les projets de brouillerie aillent jusqu’à ne pas vous payer ce qu’on vous doit. Ceci dépasserait toute permission. Les dettes d’affaires sont indépendantes des peines de cœur. Il serait trop commode de s’acquitter avec du chagrin.
Voilà deux visites qui m’arrivent. Je n’ai pas le temps de vous dire plus, adieu, adieu. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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221 Paris, samedi 9 déc. 1854 Je ne suis pas sorti hier soir et j'ai vu peu de monde dans la matinée ; deux anciens députés revenant de Province, tous les deux d'accord à dire que la guerre n'est pas du tout populaire, plutôt moins que plus en se prolongeant, mais qu’on n'en fera pas moins tout ce que le gouvernement voudra. On s'attend ici, à un hiver triste. Bussierre, qui revient de Londres, dit qu’on n’y rencontre pas une voiture propre où l'on ne voie quelqu’un en deuil.
L’amiral Hamelin revient Bruat prend le commandement de la flotte Française. Aussi bon marin, et plus entreprenant. Vous aurez vu, dans le Moniteur, qu’il était à terre le 14, au moment où le grand ouragan a éclaté, et qu’il s'était sur le champ mis à la mer, dans un canot, pour aller rejoindre son vaisseau, ce qu’il a fait avec la plus grande peine et le plus grand péril. Le récit de cet ouragan, par un officier à bord du Napoléon, est très dramatique. Vous ne l'aurez peut-être pas remarqué.
On raconte que la Princesse Mathilde passant sur le quai des Tuileries, et apercevant un homme de sa connaissance, le duc Blanchot à qui elle avait quelque chose à dire, a fait arrêter sa voiture. Elle avait à la main en lui parlant, un petit portefeuille, et elle lui a dit : " Vous ne devineriez pas ce que j’ai là dedans ? - Quoi donc ? - Vingt cinq mille francs que l'Empereur vient de me payer. - Et pourquoi ? - J’avais parié contre lui que, quand on se battrait à l’armée, mon frère n'y resterait pas. Il a reconnu que j’avais gagné et il m’a payé."
On raconte aussi beaucoup de paroles, de colère de votre Empereur contre l'Empereur d’Autriche ; trop violentes pour que je vous les redise.
2 heures
Je reçois votre lettre trop tard pour y répondre. aujourd’hui comme vous le désirez. Je le ferai demain. Il y faut le ton et la mesure, justes. Vous avez trop d’esprit pour croire que les foudres de Constantin, quand elles éclateraient, dissiperaient les préventions dont vous êtes l'objet, les préventions résisteraient à de bien autres témoignages. Ce ne serait pas le premier exemple d’un souverain se brouillant. avec son serviteur et le maltraitant pour le mieux accréditer. Tenez pour certain que ce serait là ce qu’on dirait et ce qu’on croirait. Il faut toujours voir les choses comme elles sont Adieu, Adieu.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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220 Paris, Vendredi 8 déc. 1854

J’ai eu quelques personnes hier soir. Tout le monde a, du traité autrichien, la même impression, une impression favorable à la paix ; mais on doute de deux choses, l’une que vous acceptiez purement et simplement, et immédiatement, ce qu’on vous propose ; l'autre que l'Angleterre veuille sérieusement la paix tant que Sébastopol ne sera pas pris et détruit. J’ai aussi les deux doutes. Quand Sébastopol sera-t-il pris ? Pour le moment, je vois là trois assiégés, Sébastopol Canrobert à Mentchikoff. Tous les trois se retranchent dans leurs lignes pour se prémunir contre les attaques imprévues. On peut passer ainsi tout l’hiver. Sébastopol ne tomberait alors que l'été prochain, devant une campagne encore bien plus grande et plus rude que celle-ci. Tenez pour certain que si vous ne faites pas la paix à présent, vous aurez la guerre au printemps sur une bien autre échelle ; après quoi vous ferez une plus mauvaise paix. Si vous êtes décidés à ne pas la faire de 15 ou 20 ans à perdre vos provinces frontières, à vous retirer de plus en plus loin de l'Europe, peut-être aurez-vous le dernier ; il y a, dans cette hypothèse, quelques chances pour vous, mais dans cette hypothèse seulement. Je ne pense pas que même dans cette hypothèse, le succès valût, pour vous, ce qu’il vous aurait couté.
J’ai fait deux ou trois visites hier en revenant de l’Académie. Mad. de Staël est de retour. Montebello est venu me voir comme je rentrais, très préoccupé du traité. Son frère doit arriver en ce moment même, à Balaklava ; il en reviendra promptement. Il n’est allé que porter des récompenses et des encouragements et chercher des renseignements précis sur les besoins. Dumon, qui est venu aussi, avait rencontré Morny au Club des chemins de fer et l’avait trouvé très convaincu de la paix.
Avez-vous lu les discours des généraux San Miguel et Bonnell sur la reine Isabelle, et n’avais-je pas raison de vous dire qu’elle survivrait à cette secousse ? L’esprit monarchique et l’esprit révolutionnaire existent en Espagne ; lequel des deux étouffera l'autre ? Je n'en sais rien ; mais il faudra bien des années, des siècles peut-être, pour l’une ou l'autre victoire.

2 heures
Pas de lettre ce matin. Je n’ai rien à ajouter à celle-ci. Adieu, Adieu. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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219 Paris Jeudi 7 déc.1854

Ce n’est pas un délai de trois mois qui est donné à l’Autriche pour vous amener à la paix, ou se décider elle-même à la guerre. Vous devez avoir répondu définitivement à ses nouvelles ouvertures, avant le 1er Janvier prochain. Ce terme passé, si vous n'avez pas accédé, les trois puissances alliées se concerteront immédiatement, sur les mesures militaires à prendre en commun. C'est le sens positif d’un article secret joint au traité. Les articles publics confirment ce qui a été fait ou dit jusqu'ici dans les protocoles de Vienne maintiennent les quatre bases, en réservant aux trois Puissances. La faculté de les étendre selon les événements de la guerre, déterminent avec plus de précision la portée de ces quatre bases, surtout de la dernière, chargent l’Autriche de la nouvelle sommation à vous adresser, et la lient en tous cas, aux puissances occidentales qui lui garantissent en cas de guerre, toutes ses possessions actuelles. On ne doute pas ici, dans le gouvernement que si votre réponse n’est pas favorable, l’Autriche n'entre en campagne contre vous sur le Danube, aussitôt que la France et l'Angleterre y entreront elles-mêmes.
Le délai du 1er Janvier a été assez brusquement substitué à celui de trois mois qui avait d'abord été à peu près convenu.
On a donné de Vienne à Berlin, avis de ce qu’on faisait, 48 heures avant la signature, assez tard pour qu’on n’est pas le temps de faire des objections.
La Prusse s'était décidé à se mettre d'accord avec l’Autriche parce qu’elle avait vu qu’elle serait en grande minorité dans la Diète.
Les dernières nouvelles de l’armée alliée en Crimée sont bonnes, les lettres particulières voudraient bien se combattre sans se brouiller. comme les rapports officiels. L’arrivée des renforts a rendu à nos troupes leur entrain. On s’arrange pour l'hiver. La gaieté des Français gagne et soutient les Anglais. Le Duc de Cambridge est réellement malade, malade du cerveau ; il s’est très bravement. conduit dans la journée du 5 ; mais le spectacle de la lutte et du carnage lui a frappé l’esprit au point de le déranger. Il a absolument besoin de repos.
Mon rhume va mieux, sans être tout-à-fait fini. J’ai recommencé hier à sortir. J’ai rendu une visite au Ministre des Etats-Unis d’Amérique, homme de sens qui m’a paru bien convaincu que son pays ne se mêlerait d'aucune façon, des affaires de l'Europe. Bien pour vous et décidé à être bien, sans sympathie. Le soir chez Mad. de Boigne, le chancelier, le général de la Rue, les Salvo, Mad. Mollien, Viel Castel. J’y dîne dimanche.
J’ai eu hier une longue lettre de Molé, sur les élections de l'Académie. Il appartient, corps et âme à M. de Falloux. L’intervention du nom du Duc de Broglie l’embarrasse fort. Grande confusion dans cette affaire. Les hommes voudraient bien se combattre sans se brouiller. Si le Duc de Broglie ne dit pas formellement qu’il n'en veut pas, c’est lui qui sera nommé. Molé me demande beaucoup de vos nouvelles. Une heure. J’approuve tout-à-fait votre idée. Vous venez consulter votre médecin pour aller ensuite à Nice s’il le juge nécessaire et si vous en avez la force. Cela est bon à dire partout, et ici encore plus qu'ailleurs. L’autorisation en sera plus facile à donner et à justifier auprès de ceux qui en prendront de l’humeur. Il y aurait de la barbarie à vous la refuser.
Vous me direz positivement si vous voulez qu’on réponde dans ce sens, aux questions faites à votre sujet.
Adieu, adieu. Dumon sort d’ici et me demander de vous présenter ses respects vraiment affectueux. Duchâtel arrive demain ou après-demain, pour cinq ou six jours. Adieu. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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218 Paris Mercredi 6 déc. 1854 2 heures

Je serai bien court aujourd’hui.
J’ai eu des affaires ce matin et du monde jusqu'à présent. Je reçois le 180. Je suis presque fâché qu’il fasse beau ici ; je voudrais vous envoyer ce soleil ; pâle, mais soleil. Je vous en prie, pour moi, ne vous livrez pas à l'abattement.
On se calme sur le traité. On le trouve bon, mais moins gros qu’on ne croyait. Meilleur pour l’Autriche elle-même que pour les deux autres. Le parti de la guerre générale et du remaniement de l'Europe, on est très mécontent. Je serais curieux de ce qu’en dira Lord Palm. J’ai reçu un mot d'Aberdeen à qui j’avais écrit dans l’intérêt de mon ancien chancelier à Londres, M. de Rabaudy. Il me répond qu’il fera ce que je désire, puis, il ajoute : " Shall we ever met again ? I do not become at all more reconciled to this long suspension of interecourse, but I Know not how, it is to be avoided. Doubtless, there is much to be said, and I would give a great deal for an hours conversation with you. But these are vain désires. " Ce n’est pas d’un homme près de quitter le pouvoir.
Le langage de Hatzfeld est amer sur un traite signé si promptement et si incognito.
3 heures
J’ai été encore dérangé pour ne rien apprendre. Tout le monde dit qu’au mois d'avril, la France et l'Angleterre auront en Crimée, 250 000 hommes. Adieu, adieu. Il faut que je ferme ma lettre. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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217 Paris, Mardi 5 déc. 1854

Je ne pensais hier qu'à vous seule ; je ne vous ai pas parlé du traité Autrichien. L'effet est grand ici ; vous aurez vu qu’il a été grand à la Bourse. On voit là un succès et un gage de paix. La double alliance laissait possible, la guerre révolution naire et le bouleversement de l'Europe ; avec la triple alliance, c’est impossible. Un peu plus tôt, un peu plus tard, l’Autriche rétablira la paix. Je ne suis pas du tout sorti hier, à cause de mon rhume ; mais on est venu me voir, Glücksberg d’abord, puis le chancelier, puis Berryer, puis le Duc de Noailles ; tous disant à peu près la même chose. Le Duc de Noailles, le plus content ; le repos en France et la paix en Europe ont tout son cœur. Personne ne sait encore les dispositions précises du traité. Hübner qu’un de ces messieurs (je ne me rappelle pas si c’est Berryer ou Noailles avait rencontré hier, lui a dit que c’était le plus grand événement qui se fût passé en Europe depuis 1815. Il était radieux. Je le comprends. La Russie affaiblie, l'Allemagne affranchie et unie, l’Autriche rassurée contre la révolution et contre vous à la fois, et médiatrice entre l'Occident et l'Orient, il y a là de quoi charmer les cœurs Autrichiens. Quand la paix sortira-t-elle de là ? Ceux qui y comptent ne l'attendent pas très prochaine, ils doutent que vous accédiez à la nouvelle sommation qui va vous être adressée et alors il faut une nouvelle campagne. Rien n’est à prévoir avec quelque certitude jusqu'à ce que nous avons vu le Parlement anglais.
Le Duc de Noailles veut aller vous voir à la fin du mois. Il m’a dit qu’il serait déjà allé sans la mort du Duc de Mouchy. Il s'occupe des affaires de sa cousine. Mais il affirme qu’il ira. Berryer aussi veut aller vous voir, et je ne serais pas surpris quand il serait le premier. Il se plaint de sa santé, et je l’ai trouvé en effet fatigué et vieilli. Il ne pense pas, ni moi non plus que sa réception à l’Académie ait lieu avant le milieu de Janvier.
Glücksberg m’a intéressé sur l’Espagne d'où il vient et où il va retourner. Il n’a pas maintenant grande inquiétude sur la Reine Isabelle ; il dit qu'à travers ses désordres et son décri qui sont tout ce qu’on en dit, elle ne manque ni d’esprit, ni de courage, et qu’en se mettant pleinement, comme elle l’a fait, entre les mains d’Espartero et de ses amis, elle leur a été toute possibilité de l'attaquer ; l’un deux disait ces jours derniers : " Elle nous force à la défendre jusqu'à ce qu’elle puisse nous faire pendre." Cette réaction arrivera, et c’est Narvaez qui la fera ; mais pas de sitôt. En attendant, il vit à Orléans. On l’a prié de ne pas venir à Paris, et lui-même ne veut pas être où est la reine Christine. Celle-ci est la personne qui a le plus perdu en Espagne dans ces derniers temps ; il paraît qu’elle a tout-à-fait manqué de jugement, et de tact, pleine de prétentions et de tracas sur de petites choses. Son attitude à Paris, il y a deux ans, a déplu en Espagne.
Mon médecin a lu une lettre d’un chirurgien Français devant Sébastopol qui raconte qu'après la bataille du 5 on a surpris un chirurgien Russe errant sur le champ de bataille, et ouvrant les veines aux blessés anglais et français. On l’a pris et fusillé sur place.

2 heures
J’ai eu bien du monde, et des gens qui devraient savoir précisément ce qu’est le traité Autrichien. Personne n'en connait, ou n'en veut dire les dispositions ; mais il fait, sur tout le monde, l'impression d’une garantie future de la paix. Adieu, Adieu. J'attendrai impatiemment demain votre lettre. Adieu. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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216 Paris. Lundi 4 Décembre 1854

Il faut que vous écriviez, à votre ami d'Ems et de Schlangenbad, une lettre sur le thème que voici :
" Je suis bien malade de plus en plus malade. Je vois, et vous me dites qu'à Londres, on se fait un monstre de mon retour à Paris. Certainement je n’aime pas autant que vous les Anglais et je n'adore pas votre alliance ; mais je vous aime, j’aime votre Empereur, et je ne voudrais pas lui créer le moindre ennui. On a peur de mon salon. Mais je n'en aurai point point du tout ; et si un jour j'en avais un, il serait encore plus ce qu’il était quand j'étais libre, c’est-à-dire favorable à l'Empereur et à l'Impératrice. Elle peut se le rappeler. Mais que je suis loin de les doux souvenirs ! "
" Je crois démêler que pour me témoigner toute sa bonté, l'Empereur attend un succès. Que veut-il de plus que la gloire de ses armes et le traité avec l’Autriche ? Est-ce la prise de Sébastopol. Mais je ne serai plus de ce monde ; déjà j’ai à peine la force de sortir de mon lit, de me lever de mon fauteuil ; je crache le sang && J’aspire avec passion et souffrance à mon appartement de Paris, à mon médecin, à l’air doux et à l’aspect gai qui me viennent par mes fenêtres, à des portes qui ferment et que je ferai fermer à tout le monde, s'il le faut. Et puis, si je retourne à Paris, maintenant, on en pensera ailleurs ce qu’on voudra ; l'escapade sera faite ; mais si on apprend à Pétersbourg, ma démarche et qu’on me défende d'aller à Paris, alors j’entre en état de vraie révolte et pour moi, pour ma famille, la situation est tout-à-fait changée. Hélas, je ne tarirais pas sur les motifs de mon ardent désir. "
Je suis un interprète parfaitement fidèle. M. est venu me voir hier ; très heureux du traité autrichien disant qu’il est complet, qu’on vous fera probablement une nouvelle et dernière sommation, et que si votre réponse n’est pas pleinement satisfaisante, les ambassadeurs seront aussitôt retirés, et l’Autriche entrera en campagne avec ses alliés. Il regarde ceci comme très favorable à la paix. On se loue infiniment de Bourqueney, de sa prudence, de sa patience et de son savoir-faire.
Conseil général. Quand vous écrivez à M. prenez soin que vos lettres puissent être montrées plus haut, et ne donnent pas lieu de croire à un concert habituel entre vous et lui. J’ai entrevu que cela pouvait le gêner et l'affaiblir.
Vous ne savez pas à quel point le travail contre vous est actif et sérieux. Il y a là une méfiance incurable, une conviction de marbre que vous ne sauriez vous tenir tranquille, ne pas travailler contre l'alliance, ne pas servir, à tout prix, votre Empereur qui à son tour, se sert et se servira de vous, par toutes les voies et dans toutes les situations. Certainement, dans le temps de votre grande activité il vous a manqué une habileté, celle de faire penser que vous pouviez être autrement que vous n'étiez, vous soucier d'autre chose que de politique, vous décider par d'autres motifs que le service de votre maître, vivre en dehors de la diplomatie, et des affaires Russes comme hors de la Russie elle-même. Vous êtes, aux yeux des Anglais, la diplomatie Russe incarnée, infatigable, insaisissable. Il n’y a pas moyens de leur persuader qu’il puisse y avoir, pour vous d'autres intérêts, d'autres sentiments, d'autres intentions, d'autres occupations. Un homme peut porter le poids de cette situation exclusive, absolue immuable. Elle ne convient pas à une femme ; il faut qu’elle puisse se retrouver purement et simplement une femme, renfermé dans la vie privée, et que tout le monde puisse le croire.
Ne dites pas trop comme vous me l'écrivez souvent, qu’on fait chez vous, entre les Anglais et les Français, une grande différence, très doux pour les uns, très rude pour les autres. Cela est pris comme une preuve de votre travail contre l'alliance. Et puis, personne ne prend au sérieux cette distinction de votre part. Votre Empereur, dans sa conduite et dans ses conversations avec Seymour, a traité trop légèrement la France et l'Empereur Napoléon pour qu’on voie là autre chose qu’une manœuvre, et une manœuvre trop transparente.
J’aurais bien des choses à ajouter. Mais en voilà déjà bien long et l'heure me presse. Adieu. Adieu. Le bon vouloir est toujours le même. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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215 Paris, Dimanche 3 Décembre 1854

Voilà donc le traité d'alliance avec l’Autriche signé. Quels en sont les termes ? Nous verrons. Mais le fait seul est capital. On s'efforce souvent d'éluder ce qu’on fait par les paroles dont on se sert ; mais on n'y réussit que bien peu. C'est le fond des actions que décide de leurs conséquences. Mon ami Bourqueney ne fait pas mal ses affaires. Sa femme doit être bien contente. Elle était beaucoup moins perplexe que lui.
Ce traité facilitera beaucoup à Aberdeen la session qui va s'ouvrir. Ne vous attendez pas à sa retraite. En faisant la guerre, il se promet toujours de faire la paix, et la Reine veut qu’il reste pour la faire en effet le jour où elle sera possible sans un grand effort d’énergie et de courage. Je ne crois pas au succès de l’intrigue Palmerstonienne ; elle est trop publique, et elle mènerait trop évidemment à la guerre révolutionnaire. Si ce que vous dit Ch. Greville est vrai, il n’y a pas là grand danger.
Les marins n'auront plus d'humeur. Ils en avaient un peu et trouvaient qu’on exigeait d'eux ce qu’ils ne pouvaient pas faire, et qu’on ne leur rendait pas justice pour ce qu’ils faisaient. M. Ducos avait plus d’une fois, porté les plaintes à l'Empereur. Les décrets du Moniteur de ce matin y mettront fin. Hamelin a bien gagné son bâton d’Amiral et Parseval Deschênes, qui ne l’a pas autant gagné, le mérite autant. Je connais la plupart des officiers qui reçoivent de l'avancement. Ce sont des hommes vraiment distingués. On ne sait pas assez à quel point le corps d’officiers de notre marine est bien composé.
A tout prendre, je trouve le discours du Roi de Prusse bon. Avec des paroles entortillées il dit franchement sa politique. Ses Chambres, le pousseront un peu, mais pas bien vivement je crois, ni de manière à l'embarrasser. Elles lui savent gré de sa loyauté envers elle-même, et elles ne veulent pas faire grand bruit.
Hier l’Académie des sciences morales et Mad. Mollien en en revenant. Longue conversation sur Claremont intéressante pour moi. La Reine ne tarit pas en éloges sur sa belle fille l'Infante Fernande vertueuse, sérieuse, pieuse, occupée de son mari, de ses enfants, de sa dévotion et de bonnes œuvres, respectée et aimée de tous. Quand faisaient. M. Ducos avait plus d’une fois, le Roi Léopold a été de Calais, il y a eu, dans la famille, un vif mouvement d'humeur ; on a eu quelque envie de quitter Claremont ; les trois Princes se sont réunis pour en délibérer. Mais le bon sens, la justice et l'opinion de la Reine ont prévalu. La Reine Victoire est toujours extrêmement bien pour eux, soigneuse avec affection. Le soir, j’ai dîné chez ma fille Henriette, et je suis rentré à 9 heures et demie pour me coucher. Je suis très enrhumé ; je tousse beaucoup. Mais j’ai bien dormi cette nuit, et j'espère qu’en restant deux jours sans sortir, je m'en débarrasserai. Quand donc vous soignerai-je aussi ?

1 heure
J’ai peine à croire au mot brute. On peut et il faut, en pareil cas, être très sûr ; mais à quoi bon être grossier ? Je vous ai envoyé hier par la voie indiquée, les livres que vous désirez. On est très content de Bourqueney pas précisément dans le cabinet des affaires étrangères, où l’on n'est jamais content que quelqu’un réussisse, mais plus haut. Je viens d'en avoir des nouvelles. Rien de précis sur le traité ; seulement, qu’il est surtout conçu dans la prévision d’une campagne des alliés. sur le Bas Danube. Adieu, Adieu. G.
Mad. Kalergis part des quelques jours ; elle avait annoncé qu’elle passerait l'hiver à Paris ; mois elle y renonce.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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214 Paris, samedi 2 Déc 1854

J’ai passé hier chez Hatzfeldt. Je ne l’ai pas trouvé ; mais je lui enverrai cette lettre avant 5 heures. Bien petite compensation à l'insuffisance de nos communications. Il y a deux choses qu’il faut sans cesse ravaler en écrivant par la poste, la vérité et l'affection.
Je ne reçois rien de M. Je suis convaincu qu’il ne veut venir me voir ou m’engagera l'aller voir que pour me dire que c’est fait et qu’il vous a envoyé votre passeport. Son amour propre y est bien compromis, et aussi celui de son maître après la promesse qu’il a donnée. Ne vous abattez pas, ne vous irritez pas. Vous passerez ce défilé, mais il est difficile. Votre retour fera dire qu’on penche ici vers la paix, et qu’on cherche des liens cachés avec Pétersbourg. Non seulement les ennemis personnels, mais les badauds Anglais en prendront de la méfiance. Non seulement dans les journaux, mais peut-être aussi dans le Parlement. Souvenez-vous de Nicolas Pahlen. Je vous dis tout cela, non pour vous faire perdre l'espérance, car je crois fermement que la chose se fera, mais pour vous faire prendre patience, et comme je le dis à moi-même par le même motif. Je ne crois pas devoir retourner chez M. avant d'avoir reçu de lui quelque avis. Il ne faut pas le fatiguer. Il est toujours souffrant. On dit qu’il se croit très malade. Je ne l’ai pas trouvé changé. J’ai beau chercher ; je ne trouve personne qui croie à la paix prochaine, qui parle sérieusement de votre acceptation des quatre points. Ceux qui ne le disent pas comme ceux qui le disent, sont également convaincus que vous n'en voulez pas sérieusement. Qu’est ce que la révision du traité du 13 Juillet 1841, le seul dont vous parliez ? Celle-là va sans dire. C'est la révision de tous vos anciens traités avec la Porte qu’on demande et celle-là, vous êtes bien loin de la promettre. Il n’y a rien à faire d'ailleurs, tant que Sébastopol n’est pas pris. Plus c'est difficile, plus c’est nécessaire. Si on ne le prend pas cette année on recommencera le printemps prochain, avec des forces doubles, triples de terre et de mer. Toute cette affaire a été un chef d'œuvre d'imprévoyance. J’ai peur qu’elle ne devienne aussi un chef d'ouvre d’entêtement. Je suis bien noir. Il faut que Sébastopol soit pris. C'est, quant à présent. la seule chance sérieuse de paix. On s'en irait de Crimée et on recommencerait à négocier sérieusement. J'en reviens toujours à ce que nous nous sommes dit avec Lord Lansdowne il y a six semaines.
Vous ne vous figurez pas l'effet qu'a produit le prince Napoléon quittant l’armée. Personne ne s'en gêne. On dit que son père a dit : " S'il ne se fait pas tuer, je ne consentirai jamais à le revoir. " Le Moniteur a ajouté à l'effet en disant, un jour, qu’il était rétabli, et deux jours après, qu’il restait à Constantinople. La nomination de Morny comme Président du Corps législatif a beaucoup déplu au Palais-Royal.
Midi
Je sors de bonne heure ce matin, quoique enrhumé. L’Académie des sciences morales et politiques, siège à midi et demi et je la préside. On m’apporte le 176. Guillaume revient du Moniteur ; il coûte 80 fr. par en et 20 fr par trimestre à l'étranger. C'est en France seulement qu’on en a réduit le prix à 40 et 10 fr pour faire concurrence aux autres journaux. Les 2 fr 45 c. sont le résultat d’une nouvelle convention postale avec la Belgique. Ainsi, on ne vous vole pas. Adieu, Adieu. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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211 Paris, Mercredi 29 Nov. 1854

J’ai eu votre grand 172 hier soir. J'en ferai usage aujourd’hui. L'effet ne peut qu'être bon. Il ne faut négliger aucune occasion de presser en montrant que c’est pressant. Mais évidemment il faut que l'obstacle se soit éloigné. Et probablement quelques jours encore après qu’il se sera éloigné, pour que la convenance y soit et pour que l'impression actuelle y soit moins. Je vous dis les choses comme elles sont. Quand elle n’est pas désespérante, la vérité est calmante. Elle n’a rien ici de désespérant, quoiqu’elle soit triste. Le passé a laissé, dans ces esprits-là, des traces bien profondes. Avez-vous jamais inspiré autant de confiance que de méfiance ? Sur la question que vous me faites, j’ai un avis décidé. Si vous avez à écrire en Angleterre ne parlez pas du tout de l'obstacle qui a agi et parlé ici. Ne faites pas de ceci une question personnelle.
Parlez uniquement de votre mauvaise santé qui vous rend Paris nécessaire et de la vie retirée et profondément tranquille que vous y mènerez. Il ne faut que faire valoir votre motif et répondre à l'objection, sans la mettre sur le compte d'aucune personne spécialement. Je suis très frappé du silence qu’elle a gardé sur ce point en vous pas. C'est ce qu’on a fait, depuis l'origine ; répondant.
N'écrivez pas à Londres sans avoir demandé à M. S'il en est d’avis. Il a beaucoup redit : " Qu'on me laisse faire et qu’on s'en rapporte à mon amitié." C'est beaucoup que le gouvernement Anglais accepte votre acceptation des quatre points. Il ne paraît pas qu'ici on soit aussi avancé. On m’a dit hier qu’un projet d'alliance offensive et défensive, rédigé à Vienne et envoyé naguère ici venait d'être écarté comme liant trop absolument les puissances occidentales aux quatre points. Je crains aujourd’hui deux choses, le coup de fouet que donnera probablement le Parlement anglais, et les petites réserves, les petites piques qui se mêleront de l’un et de l'autre côté, à la négociation des quatre points quand on les aura acceptés en principe. Il y a peu d’esprits qui sachent marcher droit, même au but qu’ils veulent. On s'embarrasse en route dans une foule, de questions et d’intérêts secondaires qu’il spécialement. Je suis très frappé du silence faudrait mettre sous ses pieds et on n’arrive pas. C'est ce qu’on a fait, depuis l'origine ; dans cette malheureuse question, et ce qui nous a mené où nous sommes. Je crains qu’on n'en fasse encore autant et qu’on s'en rapporte à mon amitié." On n'est occupé ici que de l'envoi des renforts qu’on augmente tous les jours. Quoique le pays soit sans passion pour la guerre, l’armée ne demande pas mieux, et il y a grand empressement dans tous les régimes auxquels on demande des hommes. Le Roi de Naples prête ses bateaux à vapeur pour les transports.

2 heures
Je ne comprends pas le retard de ma lettre de Mardi. Je vous ai écrit tous les jours, et j’ai mis moi-même mes lettres à la poste, à la rue Tronchet, samedi est le seul jour où je ne vous ai pas écrit, et je l’ai regretté. Si vous n'étiez pas triste et malade, je me fâcherais qu’il puisse vous passer par l’esprit que vous êtes moins pour moi dans un lieu que dans un autre. Adieu, adieu. Je n'aurai le cœur un peu en repos que lorsque je saurai mes lettres arrivées. Qu'on les lise si on veut, mais qu’on ne les retarde pas. Adieu.
Je reviens des obsèques d’une pauvre jeune femme de 29 ans la fille de Mad. de Champloin, nièce de Salvandy, très heureuse et vertueuse. Morte des suites d’une fausse couche. Famille désolée. Adieu. G.
C'est curieux Mad. Chreptovitch, mais tant mieux. Mad. Kalergis y est aussi. Elle était du moins à la réception de l'Evêque d'Orléans.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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210 Paris, Mardi 28 Nov. 1854

Hier, dans la matiné, le Gal Trezel, Dumon, Montebello Legouvé Liadières, des parents méridionaux. Le soir, Delessert, Hottinguen, Vernes, Robert Pourtale, Oppermann les Protestants financiers. Trezel partait le soir pour Eisenach. Il avait reçu la veille une lettre de M. le comte de Paris, passionnément préoccupé de la guerre, passant ses journées sur des cartes & le pressant de revenir pour en causer. Le vieux, petit et fier général est tout aussi passionné ; le feu lui montait au visage en me disant son regret de n'être pas là pour s’y faire tuer comme ses camarades. M. de Châteaubriand avait raison de le dire et le Times a raison de le répéter : " la France est un soldat. Point d'enthousiasme de guerre pourtant à la revue qui s'est passée hier, bien passé d'ailleurs ; belles troupes et bonne contenance. On critique l’uniforme de la garde impériale, surtout des cent gardes. On dit qu’il y a trop de rose. Mes rapporteurs n'ont pas vu Lord Palmerston. On dit qu’il est parti dimanche, comme on l’avait annoncé. Je le saurai positivement ce matin.
Montebello revenait de Cherbourg où il était allé chercher son fils. Il le garde ici quelques semaines ; après quoi, ce jeune homme s’embarque sur la Virginie, avec l’amiral Guérin qui va prendre le commandement de la station de Chine. On peut se faire tuer là comme ailleurs témoin l'absurde débarquement tente au Kamchatka. L’amiral Price s'est brûlé la cervelle de chagrin de ne pas mieux réussir. Notre amiral à nous, Ferrier. Despointes, n'était point d’avis du débarquement ; mais il n’a pas su se refuser aux bravades du commodore anglais qui succédait à Price. Il a eu tort. Montebello est fort aise, après tout, que son fils aille là le danger est moindre qu’en Crimée, moins quotidien. Il ne reverra pas son fils de trois ans. Nous avons parlé de vous c’est-à-dire de votre santé et de votre tristesse. Il a vraiment de l’amitié pour vous, quoiqu’il ne soit pas allé vous voir. Il dit toujours qu’il ira.
L'Empereur est allé voir sa belle-sœur, la Duchesse d'Albe qui est malade. Elle a voulu lui parler des affaires d’Espagne dont elle est fort inquiète. Il lui a refusé la conversation ne me parlez pas de cela ; je ne veux pas entendre parler d'autre chose. que de la seule chose à laquelle je pense, les affaires d'Orient. La nomination projetée d’Espartero à la Présidence des Cortés constituantes est une manœuvre des démocrates pour le séparer de la Reine et le poser en face du trône, sur le fauteuil de la souveraineté nationale. Vieille pratique révolutionnaire. La Reine sera personnelle ment attaquée, dans sa vie, ses favoris comment sera-t-elle défendue ?
Plus j’y pense, plus l'accord rétabli en Allemagne me paraît une grosse affaire. Je ne puis pas ne pas croire que, si on sait en tirer parti, le rétablissement de la paix peut en sortir. L'Allemagne unie sur le terrain des quatre conditions que la France et l'Angleterre ont demandées, et la Russie les acceptant ; si la paix ne sort pas de là, c’est que décidément, il n’y a plus en Europe que des fous et des sots.

2 heures
Point de lettre de vous. J'espère qu'elle viendra ce soir. Je vois que les Palin ne sont point partis. Adieu, Adieu. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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208 Paris, Dimanche 26 Nov. 1854

Je vous en conjure ne vous découragez pas ne vous abandonnez pas à une tristesse bien naturelle. Nous en viendrons à bout. Il y a bonne volonté. Bonne volonté de cœur et bonne volonté de réflexion. Mais vous savez qu’on n'aime pas à discuter et à avoir des embarras en face. Un peu de temps, pas beaucoup j'espère, et point de bruit ; les obstacles seront surmontés. Je dis point de bruit et j'insiste, car on commence à parler de votre retour. Hier soir, chez Mad. de Boigne, le nonce et Mad. de Boigne. m'ont demandé si c'était vrai ajoutant que l'Empereur Napoléon vous en avait donné l'autorisation. J’ai répondu que vous en aviez bien besoin, que vous étiez malade, qu’il vous fallait absolu ment du repos et Andral, mais que je ne croyais pas que rien fût fait. On trouve très simple que l'Empereur Nap vous autorise, et personne n'en doute. On demande ce qu'en pensera votre Empereur. Mad. de Boigne m’a dit en se penchant vers moi. " Sa position ici sera délicate." à quoi j’ai répondu : " Elle verra certainement très peu de monde si elle revient ; seulement ses amis particuliers. Je ne sais qui a mis ce bruit dans l’air. Je n'ai ouvert la bouche à personne. Est-ce un bien ou un mal ? Je ne vois pas bien. Mais Morny m’a paru désirer qu’on n'en parlât pas. Faites lui savoir qu’on en parle un peu, et que cela ne vient ni de vous, ni de vos amis. Les ennemis parleraient-ils dans l'espoir de nuire, c’est possible.
J’ai trouvé là hier soir le Chancelier. Le nonce, le général de la Rue, les Salvo, Boislecomte & &. On ne savait rien, sinon le départ de renforts vraiment considérables. Les deux divisions Dulac et de Salles forment 20 000 hommes. Avant ce gros envois, il est parti 10 ou 12 000 hommes en petits paquets, entre autres 3000 zouaves pris encore en Algérie. On est certainement décidé à prendre Sébastopol et à faire là une campagne d’hiver. Les militaires, en parlant avec une vive admiration de la bravoure indomptable des Anglais, se désolent qu’ils sachent si peu faire la guerre ; il ne se gardent pas ; ils se mettent dans de mauvaise situations ; il faut toujours venir les en tirer." Ce n’est pas le général Canrobert, c'est le général d'Alconville qui disait, à propos de la charge de cavalerie de Lord Cardigan : " C'est magnifique, mais ce n’est pas là la guerre."
Le matin, l'Académie des sciences morales, et politiques, François Delessert et d'Haubersaert. Le premier avait reçu votre chèque et en était très reconnaissant. Il m’a demandé votre adresse pour vous en remercier au nom de la famille et de la commission. On aura à 60 mille francs de souscription d'Haubersaert m’a demandé de le rappeler à votre souvenir. Toujours très sensé et très hardi dans son bon sens. C'est probablement le Duc de Broglie. qui sera nommé à l'Académie Française, en remplacement de Ste Aulaire. Il consent à être porté et il a grande faveur dans l'Académie.

2 heures
Je viens de voir quelques personnes ; mais je n’ai rien appris. On va décidément envoyer 20 000 hommes sur le Danube, pour exciter et soutenir Omer Pacha dans une campagne agressive. On avait dit que Lord Palmerston repartait demain ; mais on assure que la revue de la Garde impériale aura lieu demain et qu’il reste pour y assister. Adieu, adieu. Je n'ai rien de vous ce matin. Adieu. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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207 Paris, Vendredi 24 nov. 1854

Je reviens à ma conversation d’hier. Très bonne volonté et très bonne espérance, je pourrais dire certitude. "L'Empereur veut le faire ; il le fera ; il sait faire doucement ce qu’il veut qu’on me laisse faire. " J’ai pris acte. J’ai dit toutes les raisons d’urgence. J’ai dit que je les redirais. Il n’y a évidemment rien de plus à faire aujourd’hui. Le travail contraire est actif et actuel. Il faut le laisser s'éloigner. Quand on dit que vous avez toujours servi, que vous servirez toujours votre Empereur, et que le service de votre Empereur est aujourd’hui plus que jamais, contraire à l'Alliance qu’on garde et à la politique qu’on suit, on trouve facilement créance, même chez les bienveillants. Il y a à ce sujet, des détails et des souvenirs piquants, qu’on fait beaucoup valoir. Lord P. est toujours pour la politique la plus énergique, la plus soutenue la plus étendue. On se prépare à reprendre en Crimée l'offensive, et à porter la guerre au delà des murs de Sébastopol. Les derniers rapports disent que vos troupes ne font point de quartier, qu'elles égorgent les blessés l’histoire du major Russe qui a, dit-on, fait massacrer le colonel Camas tombé sur le champ de bataille, et qui a ensuite été lui-même pris et pendu, fait beaucoup d'effet. La guerre, qui avait commencé courtoisement et chrétiennement, prend un caractère violent et féroce. On s'en irrite de plus en plus. Certainement l'aspect général est sombre.
J’ai vu hier M. de Sacy, l'Académie, Mad. Lenormant, M. Bocher, et le soir le Duc de Broglie qui m'est fidèle tous les jours. Il part demain pour Broglie d’où il reviendra après Noël. Il avait été le matin à Etioles. Cette pauvre famille est comme elle peut être Mad. de Ste Aulaire courageuse et vivante ; M. de Langsdorff, très abattu, le plus malheureux. Après le jour de l’an ils viendront tous s'enfermer dans leur maison de Paris. Peu de monde à l'Académie. Le Duc de Noailles est revenu de Maintenon ; mais il n’y était pas. Le Duc de Mouchy est mourant.

10 heures
La poste ni les journaux ne m’apportent rien. Le Times n’a pas été distribué hier ici. On dit qu’il contenait un article vif sur le Prince Napoléon et sa santé.

2 h.
Le N°168 m’arrive. C'est charmant en effet d'être un peu plus près. Mais c’est toujours bien loin.
Je viens de voir Dumon Calmon, Plichon, M. de Bonnechose &. Personne ne sait rien de plus. Dumon parle seulement de l’inquiétude. des gens d'affaires qui commence à devenir sérieuse. Bineau veut bien aller en Italie pour se soigner ; mais il veut rester ministre et demande un intérimaire. On lui en a proposé un dont il n’a pas voulu (M. de Vitry), parce que c’est un ami de Fould. On lui a dit alors qu’on la remplacerait définitivement. Ce n’est pas encore fait. Baroche veut bien de l’interim des finances, mais à condition qu'au sortir de là, on lui donnera le ministère de l'intérieur où Billaut ne réussit pas. Voilà les commérages ministériels. Adieu, Adieu. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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206 Paris, Jeudi 23 Nov. 1854

Je n’ai vu hier que Mad. Mollien et le Duc de Broglie ; l’une ne ne racontant que Claremont, l'autre, que ses inquiétudes. Le Chancelier aussi est très noir. Il n’y a du reste encore personne ici. Avez-vous remarqué un article du Times, sur les généraux anglais tués le 5, particulièrement sur sir George Catheart ? Vraiment très beau ; une noble oraison funèbre. J’y vois le symptôme d’une profonde émotion en Angleterre. Quoique vous soyez plus durs et moins excités par la voix publique, on doit être ému aussi à Pétersbourg. Vous perdez aussi bien des généraux.
Paris était hier couvert de neige, et très sale. J’ai passé rue St Florentin. Je passe plus vite là qu'ailleurs. Quand m’y arrêterai-je ? Décidément la place Louis XV n’a pas réussi ; la complète suppression des fossés et la multiplication des passages. pour les voitures ont agrandi l’espace outre mesure et lui donnent un aspect illimité qui est désagréable. Le Palais de l’industrie et ses immenses annexes placés, après coup réussissent encore moins ; c’est tout un côté des Champs Elysées converti en un vaste hangar. Quand ce sera plein de choses et de personnes ce sera beau. Mais il faut la paix à l'Exposition de 1855 si elle se fait au milieu de la guerre, elle sera belle encore mais d’une beauté triste. La tristesse est fatale même à la beauté.

9 heures
Je reçois votre 167. Je vais m'habiller et passer chez M. avant le déjeuner. J’espère que je le trouverai. Si je ne le trouve pas je lui laisserai un mot pour lui demander à quelle heure dans la journée, je puis le rencontrer. J’ai toujours craint quelque anicroche de ce côté surtout à cause de la visite de Lord P. Mais j’espère bien que ce ne serait qu’un ménagement momentané.

1 heure
J’ai passé trois quarts d'heure avec M. L'obstacle. est bien ce que je pensais. Obstacle actif. On a parlé de vous deux ou trois fois. Des rancunes, et encore plus de méfiances. On ne saurait prendre trop de soins pour maintenir l'alliance intime et pour écarter ceux qui auraient envie de la rompre. Tout sur ce thème là. Les dispositions plus, les intentions ne sont point changées. Mais il faut un peu de patience. Il faut laisser partir. M. Plein d'amitié et de dévouement, demandant qu’on le laisse faire et assurant qu’il fera. Il ne perd aucune occasion. Il a réponse à tout. Fould est bien. J’ai dit tout ce qu’il y avait à dire, tout ce qui se pouvait dire pour soutenir, pour exciter pour presser. Mais évidemment, pour le moment, il faut attendre. On retarderait en brusquant pour avancer. Je vous répète que je crois à la sincérité du zèle et au bon résultat définitif. Je n'en suis pas moins sorti triste.
On envoie au Prince Napoléon l’ordre de retourner au siège, malade, ou bien portant. Adieu, Adieu. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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205 Paris, Mercredi 22 Nov. 1854

Je trouve plus convenable que vous envoyiez directement votre bon de 500 fr. pour Mad. Verny à M. Français Delessert, (176 rue Montmartre) ; ils seront très bien reçus. J’ai oublié de vous le dire hier. Le Duc de Broglie est revenu passer la soirée avec moi. On rabâche partout. Il paraît que sur la dépense des nouveaux renforts que nous envoyons, on prend un moyen terme ; l'Angleterre se chargera du transport, et d’une partie des frais matériels la solde des troupes restera purement Française. On dit que cela a été arrangé dans un conseil d'avant hier lundi.
Ce qui revient de Crimée, rapports officiels et lettres particulières, Anglaises, ou Françaises est très favorable au général Canrobert ; on le trouve pratique, résolu, simple, actif. On dit qu’il a pour tout ce qui touche à la santé et au bien être des soldats, quelques unes des qualités bienveillantes et vigilantes du Maréchal Bugeaud. C'est le sentiment général que le mal St Arnaud est mort à propos, pour l’armée comme pour lui-même. Nos officiers admirent extrêmement la bravoure des Anglais ; ils en sont émus ; mais on trouve qu’ils ne savent pas faire la guerre. Le général Ferey, le gendre de Bugeaud, écrit qu’on prendra certainement Sébastopol que l'assaut donné et les murs emportés, il y aura, dans les rues, un siège de Saragosse, mais qu’on viendra à bout de tout, et que les troupes ont une ardeur inépuisable. Sa lettre à lui-même est pleine d’entrain. Il commande une brigade de cavalerie légère.
Le trouble était grand hier à la Bourse. Plus à cause des perspectives de l'emprunt que des nouvelles de la guerre.
Berryer sera reçu à l’Académie, le 7 ou le 14 du mois prochain.
Dans le monde littéraire et surtout théâtral (ceci n'est guère Français en ce sens) l’interdiction de la Médée de M. Legouvé fait assez de bruit. Les amis de Mlle Rachel, et de M. Fould se récrient contre un auteur qui veut se faire jouer par force et arrêt de justice. Ceux de M. Legouvé demandent pour quels nouveaux crimes on chasse du théâtre cette pauvre Médée qui en est en possession depuis tant de siècles. Pures querelles de foyer et de coulisse, auxquelles le public est très indifférent. Le public est très sérieux.

10 heures
Je viens de lire les rapports de la bataille. du 5. J’ai le cœur serré. Que de braves gens. Je connaissais sir George Catheart, et le général de Lourmel. Le Prince Gortschakoff a très bien fait de dire : " Nous sommes des Chrétiens ", mais il aurait mieux fait de ne pas dire : " C'était une attaque bête." On peut être Chrétien, et poli. Evidemment on est resté de part et d'autre un peu stupéfait de cette journée ; on a eu besoin de se reposer.
3 heures
Je n’ai rien appris de nouveau ce matin. Adieu. G. Adieu. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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204 Paris, Mardi 21 Nov. 1854

Merci du N°165 que j’ai trouvé hier soir, en arrivant, et du 166 venu ce matin. J'en attends bientôt de meilleurs encore ; mais je suis tout à fait de votre avis ne rien dire et laisser couler l'eau. J’ai déjà vu quelques personnes, ce matin. On est triste et inquiet. Le Ministre des finances, M. Bineau s'en va. Il est très malade, la poitrine attaquée, ne pouvant plus parler. Il donne ses ordres à ses employés en écrivant sur une ardoise. Il va à Hyères ou à Pise. Il aura pour successeur, M. Magne, ou M. de Germiny. Le premier est l'homme de Fould et un homme capable. Le choix est important, car il est de plus en plus question d’un nouvel emprunt. On en a débattu le chiffre dans l’un des derniers conseils 300 millions pour minimum, 600 pour maximum. Le Ministre de la guerre a voulu donner sa démission. Il s'est opposé à toute nouvelle levée d'hommes par décret impérial seulement. On a reconnu qu’il avait raison et il reste. Le corps législatif sera convoqué pour le mois de Janvier. L'Empereur a écarté absolument toute idée de faire payer par l’Angleterre les nouveaux envois de troupes. Il a dit : " Les Français ne sont pas des Suisses. Il a eu raison. Lord Palmerston passe, pour très pacifique, et cherchant plutôt des moyens d’arrangement que des chances de grandeur dans de nouvelles complications.

3 heures
Le Duc de Broglie et Vitet me sont arrivés, et s'en vont seulement à présent. Je ferme ma lettre en hâte. Ce pauvre Ste Aulaire est mort tout à coup contre l’attente des médecins, quand on ne lui croyait qu’une indisposition sans gravité. Je trouve mes amis plus tristes et plus inquiets encore que le public ; criant comme vous la paix, la paix. Mais il n’y a plus d'hermites. Vous n'en trouverez point ni Pierre, ni autre. Adieu, Adieu. G.

Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
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203 Val Richer, Dimanche 19 Nov. 1854

Vous n'aurez que deux mots. J’ai une foule de petites affaires à régler aujourd’hui, et probablement des visites. Mais je ne veux pas que vous soyez deux jours sans lettre. Je vous écrirai de Paris mardi matin. Quelle différence, si j’allais vous voir en arrivant.
J’ai eu hier une lettre de Louis de Ste Aulaire. Il aimait beaucoup son père. C’était une famille très unie. Il me dit que sa mère est bien. Elle restera le centre. Elle a très bien élevé les filles qui sont très tendres pour elle.
Nos journaux ne sont pleins que des préparatifs de la nouvelle armée qu’on envoie en Crimée. Le Moniteur de l’armée donne des détails d'état-major et de matériel, qui prouvent qu’il s’agit bien en effet de 40 ou 10 000 hommes. Si Sébastopol n’est pas pris bientôt l’hiver n’interrompra, ni la guerre, ni le siège.
Je ne vois pas que Lord Palmerston soit encore à Paris. Cette visite traine beaucoup uniquement à cause de sa santé, je suppose. Adieu jusqu'au facteur.
Midi
Voilà le N°164 qui me convient fort. J’aurai de vos nouvelles après demain à Paris. Mais vraiment, quand on crache le sang pendant huit jours, il faut voir son médecin, n'importe où et comment. Adieu, Adieu. G.
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