85. Jambes de bois et gueules de bois

Auteur(s) : Sassine, Williams

Les folios

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Sassine, Williams, 85. Jambes de bois et gueules de bois, 1993/11/01

Claire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)

Consulté le 22/08/2025 sur la plate-forme EMAN : https://eman-archives.org/francophone/items/show/3427

Texte de l'article

Transcription

N° 85, 1 novembre 1993 : « Jambes de bois et gueules de bois »

Comme d’habitude, je n’avais rien à faire, un peu comme notre opposition, qui ne marche plus. C’est à se demander si nos leaders n’auraient pas une jambe de bois. Fory Coco lui, marche en boitant, mais chat marche. Ainsi va le pays, si tout chat là est un pays. Car, si lors de la dernière de notre président jusqu’à présent non élu, qui causait avec une langue de bois, nos braves guerriers de la « libération de la Guinée » eux souffraient probablement d’une gueule de bois.

Bon laissons les gueules de bois et les jambes de bois.

C’est à cause d’elles, que nos braves paysans doivent aller de plus en plus loin pour trouver quelques arbres malheureux à abattre. Moi c’est la belle Maria Biche que j’écoutais. Dès qu’elle m’a dit qu’elle s’appelait Béavogui, j’ai crié : « Mais c’est une Toma ». On m’a demandé autour : « c’est sûr ? ». Le type qui me posait la question était un pakistanais parlant mieux le soussou que notre fascinant Le Fasciné. Je lui expliquai que tout ce qui était terminé en Gui était Toma, comme Omnivogui, Glavogui, Zoumanigui…

- Donc Sobragui, Bonagui, c’est Toma ?

Je ne me donnai même pas la peine de répondre au Pakistanais. Peut-être qu’il y avait un Guy français dans le coin, capable de me casser la gueule. En attendant, je me concentrai sur Marie-Biche, en plongeant mon regard jusqu’au fond de mon verre vide. Un exercice difficile quand on a encore soif autant que les poches. Et je me suis dit : « MariaBiche Gui est ma préférée de tous nos opposants, c’est la seule qui peut donner encore un enfant au pays. Même si la capote « prudence » est chantée dans toutes les langues nationales. Mais comme ma préférée exerce le métier de la mère de Socrate, ou quelque chose comme chat, je lui fais confiance.

Mon verre devait être troué. Quand je le remplis, il se vide tout seul. Un peu comme la loi fondamenteuse. La Gomme se bat tout le temps pour la remplir, avec ses rencontres avec lui-même, le CNC, la société civile…Aucun chômeur, une partie importante des forces actives de cette nation, ne fait partie de l’une de ces créations à gommer avec le sourire, du genre « Effacil » sur la mémoire. Mais on s’en fout !

Gueules de bois ou jambes de bois ? Ailleurs on se bat et on se tue. Nous l’apprenons par la RTG qui a l’air de savoir ce qui se passe en Yougoslamort, en Somalie, en Angola…mais motus sur le Liberia, juste à côté pourtant. A la fin de chaque conseil des ministres, on dit que Fory Coco a fait un « large tour d’horizon sur les nouvelles nationales et internationales ». Comme si ses ministres ne peuvent pas se payer un petit poste radio. Dans leurs villas de nabab et leurs voitures vitrées, pourtant…Peut-être qu’il n’y a que notre chef qui, tout entier à ses cassettes vidéos, selon Si Radio, puisse écouter ce qui se dit ailleurs sur tous les pays, sauf la Guinée, omni absente.

Fory Coco a raison. Ce pays était tranquille avant. Les mille-chiens surveillaient même les œufs de poules pour tirer sur les poussins anti-guinéens. On ne sait jamais ! Aujourd’hui, il a permis à tout le monde de rentrer. Une belle rentrée scolaire ou ex-colère. Tout le monde est tranquille maintenant. « Au village quand le petit frère insulte le grand frère, on lui botte les fesses… ». Fory Coco n’a aucun problème, ni aucune solution. Moi je l’aime bien, sauf que je ne peux pas l’embrasser parce qu’il a trop grossi et parce qu’il n’est pas beau, quoique charmant quand on le regarde de dos.

Car notre chef n’aime pas qu’on le tire en face. Tous ses anciens serviteurs en savent quelque chose. Momo Camara, Fasciné, Bana-bana, Jean-Claude, Magassouba…

Mais on s’en fout, nous les petits, on regarde les grands, les parvenus, les nouveaux riches, les mono partivores et autres espèces aux dents en plaqué-or. Chez Marco Polo, j’attendais une petite. D’après elle toujours, elle venait d’arriver dans le pays depuis 8 ans. Elle était vierge après deux avortements…Tout chat là quoi ! Mais peut-être qu’elle disait la vérité quelque part dans son corps. Comme le corps du pays, le corps d’armée, le corps des partis politiques, celui de nos femmes qui avec 500 francs, réussissent à préparer pour leurs familles un bouillon de poulet à 3000F quand ce poulet n’est pas glissant. Yans-la-Gliss, lui, s’en fout. Il ne boit pas, il ne fume pas, il ne croque pas, il ne reçoit pas, il ne va pas aux cocktails officiels…Avec tous ces « pas », on pourrait ajouter qu’il ne se lave pas, qu’il ne vole pas, qu’il ne dort pas, qu’il ne travaille pas…Je freine un peu là-dessus parce qu’on se connaît. On a fait un certain camp ensemble, il y a plus de 30 ans.

Williams Sassine

Billet

Quand c’est un Cancan !

Quand tu miaules, tu n’es pas chat

Quand tu aboies, tu n’es pas chien

Quand tu tires, tu n’es pas chasseur

Quand tu ris, tu n’es pas heureux

Quand tu ponds, les œufs sortent cuits

Quand tu veux voter, les dés sont pipés

Quand tu veux « marcher », il pleut

Quand tu veux rester tranquille, tu as chaud

Mais c’est quoi tout chat là ?

Sassine

Description & analyse

Auteur de l'analyseDegon, Elisabeth

Contributeur(s)Degon, Elisabeth (collecte et saisie)

Éditeur(s) de la ficheDegon, Elisabeth

Auteur(s) de la transcriptionDegon, Elisabeth

Informations générales

LangueFrançais

CoteLe Lynx, n° 85

Présentation

Date1993/11/01

GenreDocumentation - Presse

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Fiche : Elisabeh Degon, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes, CNRS-ENS ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)

Éditeur de la ficheClaire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)

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Notice créée par Elisabeth Degon Notice créée le 30/07/2019 Dernière modification le 01/09/2022

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