La danse au Baile
La danse chez Georges Bizet exprime la vitalité et l'insoumission de Carmen. Elle devient perversion chez Pierre Louÿs et est reprise comme telle chez Riccardo Zandonai. Dans l'acte II, au Baile, Conchita exécute une danse muette et sensuelle sur un air de Flamenco. Le corps nu décrit dans le roman est réduit, selon les didascalies du livret, au jeu des jambes et des bras de l'héroïne et le balancement de son corps est suggéré par le mouvement du châle :
Elle a les épaules nues, elle est drapée, sous les bras, dans un châle de Manille, le châle a de longues franges. Lorsqu'elle tourne sur elle-même, on voit ses jambes nues à travers les franges (...). Le châle de Manille tombe au pied de Conchita : elle danse couverte seulement d'un petit châle noir à longues franges qui laisse découverts les épaules, les bras et les jambes jusqu'aux genoux.
La vision renouvelée de la modernité est bien là, visible. Fortement marquée par les expérimentations de l'esthétique décadente, le compositeur désir séloigner du courant vériste tardif, désormais limité à la traduction caricaturale de la réalité.
Cette modernité se mesure déjà dans le scandale que fut Conchita, comme le fut Carmen, à sa création. Ce sont surtout des raisons morales qui suscitent ce scandale. L'amour singulier qui unit les deux protagonistes du drame, Conchita et Mateo. Des modifications furent d'ailleurs apportées au livret pour rendre Conchita, bien que provocante, scéniquement présentable. Dans la scène du Baile, Conchita aurait dû, si l'oeuvre de Pierre Louÿs avait été scrupuleusement respectée, danser nue. Elle le fera d'ailleurs dans le film La Femme et le pantin de Jacques de Baroncelli, tourné en 1928.