[1554_TJI_Grou] 117 Oyez les cieux, l’air et la terre large

Présentation générale du poème

Titre de la pièceComplainte sur le trespas de feu Monseigneur d’Orléans, faitte par l’un des Gentilzhommes de sa chambre.

Incipit non moderniséOyez les cieux, l’air & la terre large

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Formatin-16

Imprimeur-libraireGroulleau, Étienne

Date1554

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Transcription du poème

TexteOyez les cieux, l’air & la terre largeEt les flotz sourds de la grand mer profonde

{E2v}Le juste dueil, dont mon cueur se descharge.

En est-il un encores en ce monde,

Si bien il sent mon mal & dueil mortel,

Qui tout en pleurs ne se consomme & fonde ?

Je croy que non : car mon malheur est tel,

Que, de despit de si triste avanture,

Deüroit [[devroit]] morir mesmes un immortel.

Or cesse doncq’ desormais la Nature

De me vouloir esjoïr de sa grace,

Plus ne me rit sa diverse painture :

Cesse le ciel me descouvrir sa face,

Et du soleil espandre la clarté :

Car mon deuil noir sa lueur clairɇ efface.

Et vous humains, si de l’humanité

Voz cueurs mortelz ne sont trop esloignez

Plaignez aussi ceste calamité.

De chaudz souspirs ma plaintɇ acompagnez

Charles Cesar, & vous sa fille chere,

Et vostre mal plus que mien tesmoignez,

Et vous Françoys, Roy des Françoys & pere

De cestuy là, qui mes souspirs esmeut

Henry demeurɇ aussi son seul frere.

La Margueritɇ unɇ & l’autre ce deult

L’une sa sœur, l’autre Royne sa tante

Qui plaind d’autant que la raison le veult.

Vienne creusɇ & vous Loire courante

Enflez de dueil, de despit desbordez,

{E3r}Fondez Atier eau troublɇ & escumante.

Plus voz beautez & graces ne gardez

Haultes forestz, soit en noir obscur tainte

Vostre verdurɇ & voz grands bras tordez.

Ne reprenez plus de voix courtɇ & fainte

La seule fin des motz que l’on commence :

Mais faittes clerɇ, & parfaite complainte.

Ruisseaux de pleurs coulez à grand’ puissance

Des fins du Pau jusqu’a la mer Angloise

Ne trouvant point aux Alpes resistance.

Sante le mal de la perte Françoyse

Le grand Tyran de l’unɇ & l’autrɇ Asie,

Et de son bien la Fortune luy poise

Or soit la Court de desplaisir saisie

Je dy la Court magnifique de France

Ou tous plaisirs leur demeurɇ ont choisie,

Laissez le bal, Dames, laissez la dance

Laissez voz jeux, qui d’amours sont alarmes

Et ne chantez rien que de desplaisance.

Laissez, soldatz, laissez camp, fort & armes

Ou ne soyez si durs & acerez

Que de mon dueil n’acompagnez les larmes.

Avecques moy d’acord acuserez

Le Ciel cruel puys Fortunɇ & Nature

Desquelz à l’œil le grand tort vous verrez.

A l’œil verrez que peu la faveur dure,

Que le mal est rrop [[trop]] plus grand que le bien

{E3v}Et le plaisir trop moindre que l’injure.

Le Ciel jadis tout ce qui pend du sien

Avoit d’entrée en un corps inspiré

Et tant parfait qu’il n’y faloit plus rien-

Naturɇ avoit son chef d’œuvre tiré

Si bien au vif en ceste mienne table,

Que rien de beau n’y estoit desiré.

Fortunɇ avoit de sa main favorable

Tresbien conduit unɇ heureuse naissance

Et mieux promis qu’il n’estoit souhaitable.

De tous ses biens avoit la cognoissance

L’esprit divin clos en ce corps fragile,

Qui a senty de langueur la nuysance.

O Ciel ! injustɇ, ó Nature debile :

O legier fait de Fortune volage !

Bien faittes voir comme tout est labile.

Làs, faloit il qu’en si florissant aage

La blanche fleur de semence royale

Sentit du Ciel la tempéstɇ & l’orage !

Que n’a esté Nature liberale

De plus grand’ forcɇ à conserver la vie

Qui meritoit aux dienx [[dieux]] mesmɇ estrɇ egale

Pourquoy a eu si tost Fortunɇ envie

Dessus son œuvre en faveur commencée

Qu’elle ne l’ait de mesmɇheur poursuyvie ?

Ou s’il faloit ! las, que fust avancée

La triste fin d’un beau commencement,

{E4r}Que ne l’a ellɇ autrement pourchassée ?

Sans la forcer par ce cruel tourment

D’infet venin d’unɇ alaine mortelle,

Dont la mort seulɇ est le medicament.

Mieux convenoit, certes, à force telle

Un dur combat, unɇ honorable guerre,

Pour deslier du corps l’amɇ immortelle.

Làs que ne sont les droitz de ceste Terre

Pareilz à ceux qu’à le Ciel ordonnez,

Qui (commɇ on croit) point ne variɇ & n’erre,

Làs, que ne sont les biens qu’il a donnez

Durans autant comme luy qui les donne,

Et les meilleurs sous loy meilleure nez ?

Trop plaist au Ciel ce que luy mesmɇ ordonne

Nous en laissant seulement la tristesse,

Quand sa faveur, trop tost, nous habandonne.

Or prenons doncq’ ce que le Ciel nous laisse,

Puys que n’avons rien qui mieux nous conforte,

Et que d’espoir il nous oste l’adresse.

O que l’on peut assaillir de main forte

Ce cruel là, de noz biens trop avare,

Que de soldatz combatroient à sa porte ?

Pour recouvrer tresor si grand & rare

Des apauvriz l’esperancɇ & suport

Dont sa court richɇ à leur grand pertɇ il pare

Voylà le droit, duquel l’injuste Mort

Use sur nous pour toute recompense

{E4v}Nous dedissant la plainte de son tort.

Mais y a il raison n’y apparence

De romprɇ ainsi le fil des jeunes ans,

Qui de tout bien promettoient grand semence ?

Romprɇ en un coup tous moyens apaisans

Le feu mortel dont toutɇ Europɇ ardroit

Et tous à un les discords reduisans ?

Rompre le neud, duquel ne s’attendoit

Jamais le bout par violentɇ espée

Ny par le temps, qui tout consommer doit.

Or est l’Olivɇ, helas au pied coupée,

Dont le rameau verdoyant donnoit signe

De guerrɇ estainte & fureur atrempée.

Le froid mortel a saisi la racine

Qui de tout fruit donnoit si clerɇ attente :

Mais de quel fruit ? du fruit de l’arbre digne

Bien fut du vent l’aleine pestilente

Qui du beau Lys la fleur blanchɇ à seichée

Avant quasi qu’elle fust aparente.

Et toutesfois pas n’estoit tant cachée

Qu’infiniz yeux n’ayent veu sa beauté

D’autant de cueurs desiréɇ & cherchée.

Ores vous est, Gentilzhommes, osté

Vostre Soleil, lequel commɇ il leuoit

Mortellɇ eclipsɇ à taint d’obscurité.

Aussi voz yeux maintenant chacun voit

Noirciz de pleurs, dont roulle une grand mer

{E5r}O si la mort se noyer y pouvoit !

Or ne cessez l’acuser & blasmer

Parler au Ciel, les astres malheurez

Fortunɇ ingratɇ & Nature nommer.

Tant que de mal qu’a grand tort endurez

Pitié les meuvɇ, & vostre Prince rendent

Ou le suyvant avecques luy morez.

Ou si voz cueurs plus constans le defendent,

Faites, Françoys, de plaindre tel devoir

Que toutes gens, de toutes pars l’entendent,

Ainsi ferez aux estrangers sçavoir

De vostrɇ foy l’ofice doloreux,

Que du hault ciel, luy mesme pourra voir.

Sentir fertz [[ferez]] par vos criz langoreux

Quel fut le bien pour qui tant de bons pleurent

Et voir à ceux qui apres luy demeurent.

Qu’aucun vivant de tous pointz n’est heureux,[[.]]

Forme poétiqueComplainte

Emplacement du poème

Rang dans le recueiln° 117

FoliotationE2r, E2v, E3r, E3v, E4r, E4v, E5r

Présentation typo-iconographiqueIllustration avant le titre sur le folio E2r.

Informations sur la notice

Contributeur(s)Réach-Ngô, Anne

ÉditeurÉquipe Joyeuses inventions ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)

Mentions légales

Fiche : Équipe Joyeuses inventions ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Image(s) : Copy digitized: Houghton Library

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Notice créée par Équipe Joyeuses Inventions Notice créée le 22/06/2017 Dernière modification le 04/11/2021