[1599_TJI_Coust] 004 Amour un jour tout solitaire

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Titre de la pièceOde. Bransle.

Incipit non moderniséAmour un jour tout solitaire

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Collection Édition : 1579 - Pontoux, Œuvres - Rigaud

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Amour un jour tout solitaire

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Formatin-12

Date1599

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Transcription du poème

TexteAmour un jour tout solitaireS’allant pourmener à l’escart,Rencontra la Mort sagittaire,Qui comme luy portoit un dard :

Il vint s’accoster d’elle,

Ne craignant sa cordelle,

Ni son dard furieux :

Bien qu’elle fut hideuse,

Pasle, maigre, & affreuse

En la face & aux yeux.

Toutesfois l’Amour amiable

Ne desdaigna s’accompagnerDe ceste Chimere effroyable,Et avec elle cheminer :

Mais l’ombre de la terre

Qui le jour ferme & serre,

Les contraint d’heberger,

Dans un hameau champestre,

Pour ensemble repaistre

Et ensemble loger.

Voyci que sur la calme Aurore,

Amour se vint à resveillerEn huchant la Mort qui encoreEn commençoit à sommeiller :

Disant, vieille sorciere,

Sus, hors de la tasniere,

Faut-il or’ que tu sois

Du sommeil abbatuë :

Puis que l’Aube chenuë

Esclaire jà les bois ?

{A7r}Ce n’est que plaisir & que joye

De voyager au brun matin,Nous pourrons prendre quelque proye,Pour accroistre nostre butin :

Tu sçais bien que nous sommes

Tous deux chasseurs des hommes,

En prenant nos esbats,

J’ay pouvoir sur la vie,

Et tu luy porte envie

La guidant au trespas.

Il est bien vray vieille esdentée,

Que tu n’as pouvoir sur les Dieux,Comme moy par force imdomptée,Qui regi la terre & les cieux :

Car je peux navrer ore

Tous hommes, & encore

Tous les Dieux immortels :

Et toute ta puissance

N’a point de cognoissance

Que dessus les mortels.

Amour parmi la chambre obscure,

Cherchant son dard Venerien,Print sur la table d’avanture,Le dard de la Mort pour le sien :

Et sur son col il charge

Ceste mortelle charge,

Ni prenant point d’esgard :

Et tantost la Mort blesme

Se trompa tout de mesme

Prenant d’amour le dard.

Tous deux ensemble despartirent

{A7v}Du logis pour aller vener,Et sortans l’hostesse advertirentDe tenir prest leur desjeuner :

La bonne femme à l’heure,

Dedans son lict mal seure

Se print fort à plorer :

Cuidant, toute pasmée,

Que la Mort affamée

La deusse devorer.

Quant ils furent dans le boccage

Où j’estois allé de malheurCe matin, sous le frais ombragePour resjouyr mon triste cœur :

Amour d’aisle volante

Devança la Mort lente,

M’ayant le premier veu,

Et la flesche meurtriere

Qui nous met dans la biere

Me darde au despourveu.

Ores à penser je vous laisse

En quel esmoy je fus pour lors,Sentant de mortelle destresseFrissonner tout mon pauvre corps :

Par la playe incurable

De ce dard miserable,

Qu’à l’heure je receu,

O playe rigoureuse,

O playe amoureuse,

Dont amour fut deceu.

Amour cuidoit par telle playe

M’avoir bien donné le martel,{A8r}Mais voyci la Mort qui s’essayeDe me livrer son coup mortel,

Comme estant envieuse

Dessus ma vie heureuse,

Ainsi qu’il luy sembloit,

Voyant qu’Amour mieux qu’elle

D’avoir fait preuve telle,

De joye se combloit.

O flesche d’Amour fortunée,

Que tu m’as donné de soulas :Car la Mort celle Matinée,Pensoit bien m’avoir dans ses laqs :

Mais elle fut deceuë :

Car la playe receuë

De son dard emprunté,

M’a remis au corps l’ame

Par l’amoureuse lame,

Et m’a donné santé.

Depuis tous ceux qu’amour en touche,

Bien qu’il ne meurent tout soudain,Si ont-ils mortelle escarmoucheAu cœur par ce traict inhumain :

Par ceste flesche amere,

Par ce dard pestifere

Cruel & dangereux,

Qui jusqu’à mort ne cesse

De tenir en destresse

Les pauvres amoureux.

Et ceux-là que la Mort hazarde

D’en toucher, sentant tout leur cœur,Rempli d’une flamme gaillarde,{A8v}Et d’une Amoureuse liqueur,

Qui de tient[[detient]] leur jeunesse

En extresme liesse,

En plaisir & soulas :

Et bien que main mortelle

Leur donne playe telle,

Si n’en Meurent-ils pas.

Mais la mort apres preuve mainteDe ce dard qu’elle avoit changé,Ne trouvant point la terre enceinteA bien à part elle songé

Qu’elle s’estoit trompée

Celle mesme nuictée

Qu’avec Amour dormit,

Et de colere pleine

Print ceste flesche humaine

Et en piece la mit.

Puis elle s’en va toute despitePensant bien rencontrer Amour,Mais Voicy Bellonne subiteQui luy vint donner le bon-jour :Luy disant, ma nourrice,Voicy le temps propicePour monstrer nostre effortDessus la France armée :Mais je suis desarmée,Luy respondit la Mort.

Bellonne alors luy dit, gouluë

Comment ? qu’est devenu ton dard ?Faut-il que tu sois despourveuëMaintenant au plus grand hazard,

{A8v}Que le tonneau nous donne

Et tout à coup Bellonne,

La fournit de baston :

Depuis la Mort severe

Plus que devant s’ingere,

Nous chasser chez Pluton.

Et à present ceste Discorde,

Ceste bellonne aux yeux cruelsQui avec la Mort s’accorde,Massacre & ruë les mortels

Par guerre tant horrible

Dont l’effort si terrible

Resonne en tous endroits :

Que Themys ni Astrée

Ne vueillent faire entrée

Au regne des François.

Voilà pourquoy l’on porte en terre

Aujourd’huy tant de corps humains :Car l’Amour, la Mort & la GuerreSe sont faits tous trois inhumains.

Dont l’un par ignorance,

Et l’autre par vengeance,

Le tiers par trahison

Accable nostre vie

Sans avoir deservie

Si cruelle prison.

Emplacement du poème

Rang dans le recueiln° 004

FoliotationA6r, A6v, A7r, A7v, A8r, A8v

Présentation typo-iconographiquePas d’illustration

Informations sur la notice

Contributeur(s)Bohnert, Céline

ÉditeurÉquipe Joyeuses inventions ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)

Mentions légales

Fiche : Équipe Joyeuses inventions ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Image(s) : Copy digitized: Houghton Library

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Notice créée par Équipe Joyeuses Inventions Notice créée le 22/06/2017 Dernière modification le 04/11/2021