Archives Marguerite Audoux

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Lettre d'Octave Mirbeau à Marguerite Audoux

Auteur(s) : Mirbeau, Octave

Notice biographique

Deux lettres de Mirbeau à Marguerite Audoux sont mentionnées dans la biographie de Georges Reyer (Un Cœur pur : Marguerite Audoux, Grasset, 1942, p. 150‑153) : l’une du « 7 octobre 1911 » et l’autre sans date (présentée comme un « billet »). Nous avons retrouvé les originaux chez les héritiers indirects, avec une seule enveloppe, affranchie de Triel le 6 octobre 1911. Il faut donc anticiper d’un jour la date mentionnée par Reyer (le biographe s’était fondé sur le cachet de distribution, apposé derrière l’enveloppe), et faire correspondre cette date, non pas au texte dont l’en‑tête est 139 rue de Longchamp comme le fait le premier biographe, mais bien au second texte qui n’est pas plus daté que le premier, et est écrit sur un papier à lettre à l’en‑tête de Cheverchemont‑Triel (Seine‑&‑Oise), qui est donc bien le lieu de création. La présente lettre, écrite de Paris, est donc antérieure à celle du 6 octobre, écrite de Seine‑&‑Oise, où Mirbeau, après sa lecture de la nouvelle prépubliée dans Paris‑Journal, émettra des réserves pour une publication hâtive, tout en reconnaissant l’aloi de « valserine ». Dans la mesure où cette nouvelle va paraître dans Paris‑Journal à partir du 23 septembre, et que Mirbeau écrit ici : « je pars pour Cheverchemont dimanche prochain » (il écrira la seconde lettre le 6 octobre, donc un vendredi, et le 23 septembre, date du début de la prépublication, est un samedi), on peut en inférer que le « dimanche prochain » pourrait être le 17 septembre, et supposer que ces tractations récentes et la présente lettre qui en rend compte peuvent être situées vers la mi‑septembre.

Notons pour terminer qu’à ces deux lettres que nous reproduisons, reyer ajoute une phrase (tirée d’un troisième envoi ?) dont nous n’avons pas trouvé trace lors de nos investigations. Nous citons le biographe :

« Plus Mirbeau est malade plus ses appels se font pressants :

«Venez ! J’ai plus besoin de vous que de médecins, et votre belle âme me fait plus de bien que toutes leurs drogues»

L’artiste tourmenté par son impuissance ; le misanthrope exaspéré par les grimaces du monde ne trouve de repos que dans la compagnie de cette créature si simple et si pure. » (Ibid., p. 153).

DescriptionSur ses transactions avec Gérault-Richard pour le prix à la ligne de "Valserine", sa santé et Cheverchemont
Texte
[Paris] 139 RUE DE LONGCHAMP
[Mi‑septembre 1911]

Chère grande amie,

J'ai vu, samedi soir, Gérault‑Richard[1], et nous avons discuté longuement votre petite affaire[2]. J'ai pu obtenir 1f. 50 la ligne ;[3] j'en voulais 2 francs. Gérault vous a écrit devant moi. Vous devez avoir sa lettre depuis lundi[4].
Il faudra que vous mainteniez ces prix. Vous êtes le plus grand écrivain féminin d'aujourd'hui. Il n'est que juste que ces prix vous accueillent,[5] partout où vous alliez. Vous verrez que tout marchera bien, que tout marchera mieux encore.
Si vous saviez comme je suis chagriné de[6] mon état de santé ! vraiment,[7] je n'ai pu écrire ni à vous ni à notre cher Francis. Aujourd'hui que je me risque cela[8] me semble une folie,[9] et que ce n'est plus mon métier. Je suis beaucoup mieux cependant, mais physiquement et non encore[10] intellectuellement.[11] Mais je ne suis plus pessimiste,[12] et je pense[13] que tout reviendra comme jadis.
Dites‑vous bien, malgré cet affreux silence, que je vous aime de toute mon âme, qu'il ne s'est pas passé un jour que je n'aie songé[14] à vous et à Francis, pas un jour que je n'aie parlé de vous tous, du Grand Jardin,[15] avec une joie immense.
Je pars pour Cheverchemont dimanche prochain. Vous n'en avez donc pas fini avec les voyages.[16] Car il faudra que vous veniez là‑bas, aussitôt arrivée[17], passer une journée avec nous… Vous verrez tout sens dessus dessous… J'agrandis mon jardin… mais je n'ai aucune imagination.[18]
Notre maison est encore toute fleurie des jolies fleurs que vous avez envoyées à ma femme. Elles sont fraîches comme au premier jour. Il est vrai qu'elles ont été soignées comme de véritables amies ; et nous leur parlons, comme si c'était vous.
Nous vous envoyons, ma femme et moi, nos plus tendres baisers,[19] et notre joie de vous revoir bientôt… bientôt…

Octave Mirbeau[20]

[1] C'est lui qui a repris en main Paris‑Journal. Le meilleur portrait que l'on peut dresser de cet homme est celui que l'on trouve dans la biographie de Mirbeau (L'Imprécateur au coeur fidèle, p. 861‑862) : « Ex‑journaliste d'extrême gauche, antiboulangiste notoire, poursuivi et condamné à un an de prison en 1894 pour un article diffamatoire contre Claude Casimir-Perier, député de Paris, puis de la Guadeloupe, rédacteur en chef de La Petite République, puis de Messidor, l'homme ne manque pas d'envergure, ni d'ambition : il veut une presse qui, sortie de la fascination pour les « meurtres », les « vols », les « chantages », les « viols », les « tremblements de terre », rende hommage à l' « activité féconde de l'esprit ». Aussi attire‑t‑il à lui toute la nouvelle génération […]. »

[2] La parution de "Valserine" à Paris-Journal. Dans cette phrase, Reyer omet toutes les virgules placées par Mirbeau. (Marguerite Audoux, Un Coeur pur, Grasset, 1942, p. 150).

[3] Virgule (Ibid.)

[4] Peut‑être le 11 septembre 1911

[5] Pas de virgule (Ibid., p. 151)

[6] par (Ibid.)

[7] Pas de virgule (Ibid.)

[8] Aujourd'hui, bien que je me risque, cela […]. (Ibid.)

[9] Pas de virgule (Ibid.)

[10] encore a été omis. (Ibid.)

[11] Virgule (Ibid.)

[12] La virgule est omise. (Ibid.)

[13] je crois (Ibid.)

[14] pensé (Ibid.)

[15] Pas de virgule (Ibid.)
« Le Grand Jardin était la propriété du cap Ferrat où Marguerite Audoux et les Jourdain étaient allés passer quelques semaines après le Prix Femina » (Note de Reyer, Ibid., p. 253‑254). Voir, en effet, les deux lettres de Marguerite Audoux à Lelièvre des 25 janvier (92) et 10 février 1911 (96), envoyées de « Saint‑Jean‑sur‑Mer ».

[16] Virgule (Ibid., p. 151)

[17] Marguerite Audoux est dans le sud‑ouest à cette époque.

[18] Toute cette dernière phrase, peu lisible il est vrai, a été omise par Reyer.

[19] Pas de virgule (Ibid., p. 152.)

[20] En capitales (Ibid.)

Lieu(x) évoqué(s)Cheverchemont, Paris
État génétiquePour les différences entre l'original et la transcription de Georges Reyer, voir les notes du texte dans la partie TRANSCRIPTION

Géolocalisation

Notice créée par Bernard-Marie Garreau Notice créée le 17/12/2017 Dernière modification le 03/05/2024