Archives Marguerite Audoux

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Lettre de Marguerite Audoux à Valery Larbaud

Auteur(s) : Audoux, Marguerite

Description
Correction des épreuves de L'Atelier de Marie-Claire - Marcel Ray - Paul d'Aubuisson - Demande de traduction espagnole
Texte

[Paris,] 11 février 1920

C'est Eugène qu'il s'appelle[1]. Voilà.
Non, mon bon Valery, je ne connais pas l'adresse de Miomandre ni de Jaloux[2]. Ces deux personnages sont si grands et si loin de la petite bonne femme que je suis !
Tu n'es pas malin dans ton genre ! Tu me dis que la petite Yvonne[3] est à l'hôpital Cochin mais tu ne me donnes ni son nom ni sa salle. Et, naturellement, je me suis cassé le nez sur le registre du concierge qui m'a permis de lire une douzaine de noms de famille précédés d'yvonne. Ce qu'il y a des Yvonne ! S'il en est encore temps, dis‑moi si je peux être utile à cette jeune personne et donne‑lui mon adresse, je t'assure que je ferai de mon mieux pour qu'elle ne soit pas trop malheureuse.
Moi aussi je suis plongée dans les épreuves[4]. Oh ! les salauds ! Il y a des fautes à toutes les lignes, et quelles fautes !
J'ai vu Marcel Ray. Ça m'a fait du bien de l'embrasser. Je l'aime, ce gros‑là.
Mon fils[5] va bien. Il travaille comme un nègre pour avoir son Certificat d'études cette année. Il aura de la peine, car il fait encore beaucoup de fautes d'orthographe[6].
Figure‑toi que j'ai reçu une demande de traduction espagnole[7] de Mme Renée Lafont, 73, rue du Cardinal‑Lemoine. Connais‑tu[8] ?
C'est, dit‑elle, un grand éditeur de Madrid qui la charge de cette commission. Toi qui vis en Espagne[9], qu'en penses‑tu ? je lui ai répondu d'attendre que le bouquin soit publié ici, car il est bien certain que les gens pressés de lire[10] et sachant le français achèteront le mien au lieu du sien, ce qui me rapportera davantage. Cet éditeur de Madrid offre mille francs. Il me semble que ce n'est pas mal. M[arie]‑C[laire] avait été payé 400 frs[11].
Voici deux adresses que je relève sur M[arie]‑C[laire] espagnole [sic] : Libreria de Fernando Fé, 15 Puerta del sol à Madrid ; Madrid. Tipolitografia de Luis Faure, calle de Alonso Cano 15.
Au revoir, mon cher Valery. Je t'embrasse bien affectueusement.

Marguerite


[1] Nous trouvons là une réponse à une question de Valery Larbaud dans une lettre que nous n'avons pas retrouvée. Difficile, donc, d'identifier l'Eugène en question. Fasquelle, trop connu, est à exclure, Rouart est possible, mais plus encore Eugène Montfort ou Eugène Mineaud, de La Haie-Fouassière. C'est là en effet que réside la petite Angèle Lenoir, la protégée de la romancière, qui fait appel à la générosité de Gide et de Larbaud pour pourvoir à l'éducation de l'orpheline.
[2] Les liens entre Francis de Miomandre (pseudonyme de François Durant, 1880‑1959), qui obtient de justesse le prix Goncourt 1908 pour Écrit sur de l'eau, et Larbaud nous sont peu connus, en dehors d'une demande de traduction que lui fait ce dernier fin 1927 pour Xaimaca, de Ricardo Güiraldès, qui vient de s'éteindre (cette traduction, prévue en collaboration avec Mercedès Legrand, ne verra pas le jour). Le rapport avec Edmond Jaloux (1878‑1949) est moins ténu, puisque celui‑ci, avec André Germain, anima la revue Les Écrits nouveaux, fondée en 1917, à laquelle Larbaud collabore à partir de 1920 (année où cette lettre est écrite) avec des articles et des traductions (notamment La Loi et la Grâce, de Samuel Butler). Lorsque Les écrits nouveaux deviennent La Revue européenne en 1923, Larbaud et Jaloux font partie du comité directeur avec Philippe Soupault et André Germain.
[3] Personnage non identifié
[4] Les épreuves de L'Atelier de Marie‑Claire, publié chez Fasquelle, et dont la prépublication vient de se terminer.
[5] Son petit‑neveu Paul d'Aubuisson. Voir la note 4 de la lettre 261
[6] Bon sang ne saurait mentir…
[7] Il s'agit d'une traduction de L'Atelier. espagnole est ajouté dans l'interligne supérieur.
[8] Renée Lafont a pignon sur rue en tant que traductrice. Elle travaille chez Flammarion, pour qui elle traduira Vicente Blasco‑Ibanez (1867‑1928) (Ce que sera la République espagnole, 1925 ; Sous la pluie blanche des orangers, 1928…)
[9] Après être passé à Barcelone en janvier, Larbaud est alors à Alicante (il rentrera à Paris fin avril – début mai). Il ne reviendra en Espagne que trois ans plus tard pour une tournée de conférences à Madrid et à Barcelone.
[10] de lire est ajouté dans l'interligne supérieur.
[11] Seule la traduction espagnole de Marie‑Claire, réalisée par Carlota Remfry de Kidd, se trouve au Musée Marguerite Audoux d'Aubigny‑sur‑Nère.
Lieu(x) évoqué(s)Madrid, Paris
État génétiqueVoir la note 10 de la partie TEXTE

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Notice créée par Bernard-Marie Garreau Notice créée le 17/12/2017 Dernière modification le 03/05/2024