Lettre de Marguerite Audoux à Antoine Lelièvre
Auteur(s) : Audoux, Marguerite
Description
Parution et envoi de L'Atelier - Monsieur Madeleine - Question du titre - Lette - Venue d'un autre enfant - Paul
Texte
[Paris,] Samedi 8 mai 1920[1]
Mon cher ami,
Excusez ma paresse. Non, au fait, ce n'était pas de la paresse, c'était surtout parce que j'attendais de jour en jour la sortie de mon bouquin avec le grand désir de vous l'envoyer. C'est fait, j'en ai reçu cinq exemplaires hier soir au moment d'aller me coucher. Dame, ça m'a donné une émotion. Naturellement, c'est à vous que j'ai pensé le premier pour un envoi, aussi votre bouquin partira lundi, et sans doute vous l'aurez mardi. Moi, ce jour‑là, je serai auprès de Monsieur Madeleine[2] en train de signer les bouquins de presse. Il paraît assez emballé, ce bon Madeleine, mais bon sang qu'il est vieux ! J'imagine que nous autres, les révoltés, nous ne deviendrons jamais si vieux, même si nous dépassons cent ans. Au fond, il s'en fiche, le père Madeleine, et nous aussi.
Je ne sais pas si je vous ai parlé du titre de ce nouveau bouquin. Il ne me plaît pas, mais tout le monde prétend que c'est un titre excellent pour la vente. Mettons que tout le monde[3] a raison et n'en parlons plus.
Oui bien, je l'ai reçue votre gentille Huguette[4] allongée sur une peau de mouton et montrant une frimousse des plus délurées. Un autre enfant pour juin ou juillet. Fichtre ! Vous allez bien vous deux Lette [sic]. Il faut se réjouir de la venue d'un autre enfant. Ces mignons‑là font oublier bien des peines malgré les tourments qu'ils nous apportent eux‑mêmes.
Mon Paul[5] va bien après un hiver assez mouvementé[6]. Il vient de subir une petite opération à la gorge et il est encore un peu pâlot mais le mieux se manifeste de jour en jour. Moi, ça va. Ce n'est pas merveilleux, merveilleux, mais enfin ça va. Je fais tout ici. Les femmes de ménage, c'est comme chez vous, il n'y en a plus. Tout de même, je plains Lette avec tout son turbin. Moi qui n'ai qu'un gosse, il y a des jours où je suis éreintée.
Au revoir, mon bien cher ami. Tâchez d'oublier les mauvais jours et recevez un baiser bien affectueux de votre amie
Marguerite Audoux
[1] Lettre arrivée le 10
[2] L'employé de chez Fasquelle dont il est question dans les lettres 110 (note 7), 121 (note 3) et 261 (note 6)
[3] que tout le monde remplace, dans l'interligne supérieur, qu'ils ont.
[4] La fille des Lelièvre
[5] Paul d'Aubuisson
[6] Écrit dans l'interligne supérieur au‑dessus d'un mot illisible barré
Lieu(x) évoqué(s)Paris
État génétiqueVoir les notes 3 et 6 de la partie TEXTE