Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Collection : 1846 (1er août - 24 novembre) (1840 (octobre)- 1847 (septembre) : Guizot au pouvoir, le ministère des Affaires étrangères)

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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12. Paris samedi 11 juillet 1846 Midi

Quelle nuit j’ai passée ! Pas une heure de suite de sommeil. J’ai entendu sonner toutes les heures. à 4 heures les préparatifs, à 5 le départ, & puis j’écoutais, votre voiture a dû passer dans la rue Royale & sur la place. Je me suis levée comme je m’étais couchée triste, triste. Votre billet est venu à 10 heures. Merci, merci que cela va être long. Et puis tout est si fragile, vous soignerez-vous bien ? Le parapluie, les assassins. Les chambres n'auront pas été suffisamment aérées. No good house keeper comme moi pour vous préparer tout cela. Je m’inquiète exactement de tout. J'ai oublié de vous dire hier que Peel a la promesse de premier vacant garter. C'est bien de l'orgueil. Vous prendrez peut être l’autre bout, & vous direz : Pas assez ! J’aime assez l’article des Débats aujourd’hui sur Thiers & Palmerston fort bien ménagé l’un, et très bien rossé l’autre. Je n’ai pas eu la réponse de la Vicomtesse, elle est peut être à Dieppe elle-même. Dasse boffa. Cette visite commençait à m’ennuyer si elle ne répond pas je partirai Mardi pour Dieppe.
2 heures. J’ai été voir lady Cowley ; ils commencent leurs paquets. Le projet actuel est d’aller passer l'hiver à [Hin?], & revenir au printemps s'établir à Paris. Comme cela c’est assez convenable. Il fait beau, vous êtes content. A 6 heures vous serez enchanté. Je dis cela sans reproche, car je sais bien que mon souvenir viendra troubler un peu votre joie. 3 1/2 Lord William Hervey est venu mais il ne sait rien. On dit seule ment que le sacre sera un embarras. Lord Charles Wellesley a quitté sa place à la cour. Adieu. Adieu que je déteste ce mot quand il va si loin. Adieu. Mille fois malgré cela. La Princesse [Crasolcovy] vous prie de vous souvenir que vous lui avez promis un lascia pasare pour ses effets quand elle traversera la France ce qui sera tout à l'heure. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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2 Paris dimanche 12 juillet 1846 onze heures
Je n’ai rien à vous raconter. Qu'une bonne nuit. Il fallait bien finir par dormir. Mad. Danicau sait lire dans les gros volumes ; elle sait manger et se promener, elle parle et elle sait aussi se taire. Je l’ai menée à Boulogne. Les fils y étaient. Ils m'ont confirmé ce fait incroyable et très suspect que Mercredi on racontait à la bourse à 2 heures l’accident d’Arras c.a.d. une heure avant qu'il ne soit arrivé. Les journaux parlent de mettre Rothschild en jugement : les fils sont persuadés qu'il va revenir de suite. Je ne sais rien, je n’ai pas eu de lettre de nulle part. Annette est partie pour Dieppe. Génie n'est pas venu me voir hier. Peel me répond une lettre. pleine de rodomantades du passé. Et puis il finit : " You know I always declared against a government by suffrance." C'est un esprit orgueilleux & irrité. Je vais commencer à ne plus l’aimer autant. 1 heure. J’ai été à l’église. pendant ce temps Génie est venu quoique je lui eusse écrit pour le prier de venir me trouver entre 5 & 6 heures. Il n’a pas aussi envie de me voir que vous. Et il se pourrait fort bien que je parte sans que nous nous soyons rencontrés. Vous voyez bien d’après cela que je ne sais pas le plus petit bout de nouvelles. C'est beaucoup, vous perdre vous, & toute l’Europe par dessus le marché. Mad. Danicau revenue de Bar hier m’a dit que l'élection de votre candidat, M. Jamin je crois, est fort compromise car il n’est pas aimé là ni lui, ni son père. Il pourra vous arriver des surprises. Adieu. Je crois qu'il est prudent de fermer ma lettre de bonne heure vu le dimanche. Pauvre dimanche, pauvres jours de la semaine. Plus de plaisir, plus de bonheur, plus de causerie plus de nouvelles. Et vous bien content au Val Richer. Voilà de la grosse jalousie qui perce. Quand est-ce que vous me ferez le sacrifice de deux jours seulement de bon air & de campagne, à nous deux ? Adieu. Adieu. Adieu
3 heures. Voici que me sont tombés à la fois. Sir Robert Adair, Génie, & la Redorte. Jugez comme c’est commode ! Il est clair que je n'ai vraiment causé avec personne. Génie écloppé m’a montré Rayneval du 2. Dites-moi s'il y a quelque chose de plus dans la lettre particulière. Adair rit beaucoup de la situation anglaise. Cela ne durera pas. Grey fera sauter le Cabinet ou bien il sortira et ira porter ses tracasseries à l’ennemi. Peel l'homme le plus puissant de l'Angleterre. La Reine un chiffon dont personne ne s'embarrasse. La Redorte dit que Thiers est un sot on ne s’y prend pas bien. Pour les élections il faut une question que les électeurs comprennent. Et bien ! Ils ne comprennent rien à la politique étrangère cela leur est indiffèrent. Mais les fonctionnaires députés à la bonne heure, voilà ce qu’il faut dénoncer, et cela tout seul, & ne pas y mêler le Roi. Et puis, Thiers a contre lui deux essais malheureux. On ne veut plus de lui. Je vous ai tout redit, & je vous redis Adieu. Adieu.
Me revoilà encore. W. Hervey est venu me lire une lettre de Keene. Seconde entrevue entre Aberdeen & Peel : Aberdeen le priant de le regarder comme un collègue prêt à lui donner renseignements & conseils, & plus jamais comme un rival, car jamais il ne reprendra les affaires. (hennebey? !) Tout marche doucement & bien. La sugar question décidera de la dissolution si on est battu ou dissout ; si non on laissera vion? le parlement tout son temps. Question d’Espagne très irritante. Bresson a dit que si on prenait un foreign prince la France lâcherait Don Carlos, grande rienine et révolte à Londres. J’ai dit que probablement c’était menti, mais qu’après tout, l'Angleterre avait fait quoi que cela en interdisant un prince français. Ici on reste dans un choix d'une demi douzaine. C'est trop long à vous conter, mais je vois bien que cela va devenir gros et tout de suite. Don Enrique est attendu à Londres où on se prépare à le très bien recevoir. Et bien qu'on l’épouse ou lui ou son frère, soyez sûr qu'Enrique va devenir the favorite et qu'il se présentera sous le patronage de Palmerston premier succès. Adieu. Adieu. Reve? va en Autriche pour voir si la monarchie menace ruine. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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2 Val Richer. Lundi 13 Juillet 1846,
Charmant N° 2. Long et charmant. Sa longueur m'inquiète, un peu pour vos yeux. Sans regret, pourtant. Ménagez vos yeux. C'est, pour moi, une des préoccupations de l'absence. Je suis fort aise que Mad. Danicau sache lire. Trouvez-vous toujours de l'intérêt dans les gros volumes ? Cet été la petite session finie, quand je serai rétabli à Paris, nous reprendrons votre Grèce, pour la compléter et polir ensemble. J’ai des nouvelles ce matin de votre ouvrage, je veux dire de la Grèce en personne. Jamais agent étranger n'a conspiré plus scandaleusement que Lyons. Si Colettis le traitait comme Cellamare fut traité chez nous, il y a cent et je ne sais plus combien d'années, il ne ferait que justice. Mais il est trop petit pour user de son droit. Il se contente de déjouer les conspirations, et de faire condanmer, par les tribunaux, les petits conspirateurs. C'est ce qu’il vient de faire avec grand succès et bruit à l'occasion de quelques essais de brigandage, évidemment fomentés et soudoyés par les amis de Mavrocordato. C’est-à-dire par ses maîtres Colettis s'affermit par la lutte, au lieu de s’user. Le million que nous avançons pour les routes grecques, et la Pairie de Piscatory vont faire là un excellent effet. Je me suis donné le plaisir de le lui écrire samedi matin avant de monter en voiture. Il est de fait que je m'intéresse bien plus à ce petit pays depuis que je sais que vous avez eu la main dans son berceau. Je veux qu’il dure et qu’il prospère, et que votre nom et le mien se mêlent, là un jour dans les récits de sa première histoire. L’ambition et l'affection sont bien intimement unis et confondus dans mon cœur. Voici Aberdeen et Peel. Vous me les renverrez. Evidemment ma lettre a fait un très vif plaisir à Aberdeen. J’en suis charmé Brougham m'écrit aussi, pour me bien inculquer qu’il devient chef du parti conservateur qui se réorganise ardemment. Ce n’est pas la peine de vous l'envoyer. Je lui répondrai demain, sur mon invitation à dîner. Certificat confirmatif du vôtre. Point de lettre particulière de Rayneval.
Le Roi ne me laisse pas dormir. Une estafette chaque nuit la première à 4 heures, la seconde à Génie. Je me suis rendormi sur le champ. Je dors très bien après avoir beaucoup marché. Estafettes sans grande nécessité, si ce n'est d’avoir mon avis sur deux ou trois nominations de Pairs de plus, que le Roi et le Maréchal demandent. Je dis oui pour le candidat du Maréchal, non pour ceux du Roi. Je suis sûr que le Roi m’approuvera. Je lui ai expédié ce matin ma réponse à Dreux, pour qu’il l'ait dans la nuit et soit dérangé à son tour. Il est très préoccupé de D. Enrique. Il a raison. Je crois vraiment que la question va se poser entre les deux frères. Nous pouvons les accepter tous deux très convenablement, même celui qui, au fond, ne serait pas pour nous un succès. Je tâcherai de ne pas sortir de cette position. Narvaez est pressé de retourner à Madrid, et moi pressé qu’il y retourne. Recueillez bien, je vous prie, tout ce que vous pourrez sur D. Enrique à Londres. Je pense qu’il y sera bientôt. J’ai peur que le pied de Génie ne vous fasse un peu tort. J'en serais bien contrarié.. Vous ne me dîtes, rien de Mouchy, ni de Dieppe. Je voudrais tout s’avoir heure par heure. Adieu. Adieu. Le temps toujours charmant, et bien moins chaud ici qu'à Paris. Je me suis promené hier de midi à 5 heures et demie. Aujourd’hui j'écrirai un peu plus. Si je vous avais ici, ce serait parfait pour envoyer à nos agents une correspondance particulière excellente, car il y faut deux choses, notre conversation et le loisir. Je n'en ai qu’une. On n'a presque jamais qu’une chose et il en faut toujours deux. Vous avez bien là quelque chose de Montesquieu. Son grand ouvrage l’Esprit des lois a pour épigraphe quatre mots latins Prolem sine matre creatam, ce qui veut dire un enfant créé sans mère. On lui en demandait le sens. " C’est, dit-il, que le Génie est le père des grands ouvrages et la liberté en est la mère. " A Montesquieu aussi, il eût fallu deux choses. J’oublie que vous n’aimez guères les livres, même grands. Adieu. Je vais écrire à Duchâtel et à Génie et lire le courrier d'Orient qui vient de m'arriver. Il est une heure. A 3, j'irai me promener jusqu'au dîner. Adieu. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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3. Paris lundi 13 juillet 1846 10 heures

Voici votre N°1. J’ai eu presque de la colère en voyant ce chiffre. C’est le commencement des mauvais jours, de tant de mauvais jours. Hier toute la diplomatie est venue chez moi le soir. Il n'y manquait personne, car même le Prince de Ligne y était. Je lui plais beaucoup car mes imprécations contre les chemin de fer sont encore d'un ton plus élevé que les siennes. Sa femme a vu de ses yeux 21 cadavres, et il y avait des carcasses entières qui n’étaient pas retirées de l’eau. Les journaux étouffent tout cela, & sont toujours des vilaines de bourse. Mais que dire de cette providence qui s’adresse à l’aristocratie d'une manière si frappante. 13 voitures culbutées. La 14ème celle où sont les enfants Ligne. La 15. La P. ? Crartoue? 16. Mad. Lauriston 17 La Princesse de Ligne, saines & sauves. Passons. Könneritz m’a dit qu’il n’y aura pas de Constitution en Prusse. Cela a été décidé à une dernière réunion du Conseil. Le Prince de Prusse est parti pour Pétersbourg laissant à tout événement une protestation formelle contre tout projet. Armin à qui j'en ai parlé doute. Mais il ne doute que parce que cela lui déplait. La Vicontesse est évidemment in distress, elle me prie de ne venir que Samedi. J’irai d'abord à Dieppe & si Dieppe me déplait j’irai chez elle, voilà qui est dit. Je crois que je ne partirai que mercredi. Je dine aujourd’hui chez les Cowley avec le vieux Adair. Je hais les paquets et les embarras, me voilà enfoncée là dedans. J'ai bien repensé à votre Espagne. Quel dommage que vous n’ayez pas bâclé un mariage quelconque. Vous avez eu 7 monthes Warning. Aujourd’hui ce même Enrique qui eût été de votre fait, ne passera plus pour cela. Palmerston s'en chargera. Et cependant il me semble encore que ce que vous avez de mieux à faire serait de l’épouser franchement. Qu’on puisse le dire appuyé, par vous comme par l'Angleterre. Car sans cela il y arrivera en dépit de vous. Cela me tracasse. Je n’ai pas encore causé du tout avec Génie. Je ne sais si aujourd’hui vaudra mieux que hier. La chaleur m’accable. Est-ce que j'arriverai à Dieppe ? 4 heures. Kisseleff vient de me montrer une très bonne dépêche en réponse aux légions d’honneur. Je suppose que Désages vous l'envoie. Adieu. Adieu. Adressez toujours vos lettres à Génie. Encore adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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3 Val Richer, mardi 14 Juillet 1846

Pas d'estafette cette nuit. A sa place un gros orage. Le tonnerre a roulé pendant une heure et demie. Il faut de l’espace au tonnerre. Les rues de Paris lui déplaisent ; on ne l'y entend pas. La mer et les bois, c’est là qu’il triomphe. J’avais envie de dormir, et pourtant. j'écoutais avec plaisir comme un bruit champêtre. J’ai très bien dormi après et ne me suis levé qu'à 7 heures après m'être couché avant 10. Je me soigne avec une obéissance exemplaire. Hier soir, à 8 heures, je suis rentré pour éviter le serein. J’ai cette éternelle disposition, à l'éternument qui n’est rien qu'un ennui, mais bien, un ennui.
Je viens d'écrire à Sir J. Easthope. Bien, je crois ; indiquant que la confiance peut se gagner, que je désire sincèrement qu’on la gagne, mais qu’il faut la gagner. C'est le commentaire d’une phrase d’une lettre de vous à Lady Palmerston. J’écris aussi à Brougham. Brièvement. Il abuse des lettres. Il est saisi d’une haine aveugle contre les Whigs, et sera contre eux au Parlement et dans le monde, d’une activité tout aussi aveugle. Je ne veux ni me l'aliéner, ni me livrer à lui. Les relations de ce genre sont l’ennui du métier. Amis ou ennemis, de la confiance ou de la guerre, à la bonne heure, mais se méfier et ménager, c'est l’ennui. L’Espagne, me préoccupe beaucoup. Si l'Angleterre épouse D. Enrique, nous retomberons dans la vieille ornière, la lutte des partis Espagnols modérés et progressistes, & le patronage français et anglais au service de cette lutte. Situation très incommode, car ce qu’on abandonne le plus difficilement, c’est un ancien patronage. Question d'influence politique et d’amour propre personnel. Je crois bien que dans cette lettre, j'aurai le bon bout. Si les Progressistes espagnols avaient le pouvoir à Madrid, et que de concert avec Londres, ils m'offrissent D. Enrique, je serais fort embarrassé à le refuser. Mais ce sont les modérés qui dominent en Espagne ; ils ne voudront pas de D. Enrique, et si je les décide à vouloir du Duc de Cadix, l’embarras du refus sera pour l’Angleterre, qui ne refusera pas, je crois. Au fait, je ne crains pas beaucoup cette alternative, et la question ainsi placée, n'a pour nous, plus de bien mauvaise issue. Notre principe et notre honneur sont saufs, en tout cas. Je cause avec vous, en attendant votre lettre qui n’arrive pas. L’orage aura retardé la malle.
6 heures et demie Voilà votre lettre. Nous nous rencontrons parfaitement sur D. Enrique. Comme toujours. Quoique cette situation soit difficile, je l’aime pourtant bien mieux que la chance du Cobourg. Ce que vous dit Könneritz de la Constitution en Prusse me parait probable. Il y aura encore plus d’une oscillation de ce genre. Ce qui n'empêche pas qu’on ne marche vers la constitution. La dépêche de Pétersbourg est bonne en effet, bonne avec complaisance. On a pris plaisir à l’écrire. On fera tout ce qu'on pourra pour être bien avec nous, comme gouvernement, sans changer d’attitude personnelle. Je puis, après ce qui s’est passé depuis cinq ans et ma raideur de 1843, m'accommoder assez de cette situation. Elle ne manque pas de dignité, et peut avoir de l'utilité. Voici une lettre intéressante de Londres. Renvoyez-la moi, je vous prie, dès que vous l'aurez lue. Soyez sûre que le Cabinet Whig a quand on regarde à ses adversaires, une meilleure position, et plus de chances de durée qu’on ne le dit. C’est dans son propre sein que sont les germes d’une dissolution, peut-être assez prompte. Lord John, lord Palmerston et Lord Grey n'iront. pas longtemps ensemble. Il faut que je vous quitte pour répondre aux lettres d’affaires. Celle-ci est bien froide, bien d’affaires. J’ai tout autre chose dans le cœur. Je ne m'accoutume pas en me promenant que vous ne soyez pas avec moi. Je m'arrête pour vous attendre. Je me retourne pour vous chercher. C’est surtout quand quelque chose me plaît que vous me manquez Adieu. Adieu. Vous partez donc demain pour Dieppe. Allez ensuite chez la vicomtesse. Il ne faut pas s'annoncer pour ne pas aller. On s’attire de la malveillance. Même de la part de ceux qui auraient autant aimé qu’on ne leur eût rien annoncé. Adieu. Adieu, dearest. J’enverrai toujours mes lettres à Génie. G.
Ibrahim Pacha dit que la nation anglaise l’a reçu comme il a été reçu par le Roi des Français.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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4. Paris Mardi 14 juillet 1846 onze heures.

La lettre d'Aberdeen est charmante. Tout ce qui vient de Peel est un peu tendu comme son jarret. Comme Aberdeen a raison de ne point vouloir venir à Paris. Ma journée a été mauvaise hier. Verity est parti. 2 heures après j’ai pris mal aux yeux. Je suis très nervous de cela. J'ai renoncé à Dieppe. Je m’en vais voir aujourd’hui ce que je puis trouver à St Germain. J’ai vu hier matin Harvey Fleischmann, Kisseleff, Pahlen, Decazes, Génie. Rien de tout cela qui vaille la peine de dire quelque chose. Hervey toujours préoccupé de l'Espagne, & voyant là de loin de gros orages. C’est très probable. Je parle toujours de Don Enrique comme votre candidat N°2 depuis l'origine. A diner chez les Cowley, il n’y avait qu’Adair. Trop vieux, trop sourd, et trop lent. Mon voisin est tout cela aussi de sorte que ce n'était pas drôle. Lady Cowley triste, pas un mot de nouvelle. J’ai fait un tour en calèche accompagnée jusqu'à 10 h. J’ai passé une mauvaise nuit. Il y a eu de l'orage mais sans rafraîchir l’air. Il fait étouffant. Suis-je tenue à une indemnité envers le courrier qui devait m’accompagner ? et dans ce cas là quoi ? Je lui avais toujours dit qu’il n’y avait rien de décider et que je l'informerais aussitôt que je le serai, ce que j'ai fait. 2 heures Génie est venu causer. Nous avons beaucoup causé de votre ménage ; nous sommes d’accord sur ce point qu'Henriette devrait s’accoutumer à le mener, tenir les comptes, & &. C'est des habitudes bonnes à prendre dans toutes les conditions de la vie. En Angleterre il n'y a pas de jeune fille des plus huppées qui n’entend fort bien & dans le plus menu détail les affaires de ménage. Cela fait partie d'une bonne éducation. Henriette me paraît avoir un peu de disposition aux idées trop grandes. Il arrive alors des mécomptes dans la vie. De l’ordre & de l'économie sont nécessaires également aux riches & à ceux qui ne le sont pas. Je fais là de la morale mais vous ferez bien de songer à cette partie-là. Je crois que Melle Wesly saurait y aider. Vous voyez que voilà une pauvre lettre. Je suis furieuse de ce qu'on vous réveille la nuit. C’est de la maladresse de votre part, car vous savez très bien que si le roi s’en doutait il en serait désolé. J’ai prie Génie de faire parvenir cette observation en haut lieu par Duchatel ou autrement. Que je m’ennuie sans vous ! Adieu. Adieu. 4 heures. W. Hervey est venu il m'a lu une petite lettre de Bulwer accompagnant une dépêche monstre sorte de tableau de la situation de l’Espagne depuis un an. Les partis, les personnes. C’est pour mettre Palmerston au fait de tout ce qui est survenu. Je n'ai pas lu cela naturellement. La petite lettre atteste un peu d'humeur entre Aberdeen sans qu'il le nomme, mais il dit qu’il aurait eu envie des ? de Naples, car Madrid lui déplait. iI est question dans cette lettre des mariages possibles ou impossibles. des mêmes ? De Bresson avec les Carlistes : il ne sait pas si tous les tripotages français n’auraient pas pour but de rendre tout impossible sauf Monpensier ! J'ai bien fait, je crois, de dire que c’était peut être le jeu qu'on jouait à Madrid chez la reine ? que pour ici cela ne réussirait pas du tout. à quoi Hervey a dit: mais c’est que Bulwer & beaucoup d’autres ne voient pas pourquoi pas. Et certainement Palmerston laissait le ? plus aisément qu'Aberdeen. Car il a plus de courage. J’ai dit tout cela, bêtises. Epousez franchement Cadix ou Séville, donnez-vous la main pour cela, & finissez l’affaire. Bulwer a lu la lettre de Christine au roi sur Tenerife. Est-ce que je dis bien ? Mais vous savez ce que c’est. Pas un mot de Palmerston encore comme affaires. On attend jeudi Adieu adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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4 Val Richer, Mercredi 15 Juillet 1846,

Vos yeux malades me déplaisent beaucoup. Presque autant que vos yeux bien portants me plaisent. Vos yeux bien portants ont, par moment, un caractère de profondeur de regard recueilli et intérieur, admirable. Je les vois tels dans ce moment-ci. Qu'ils ne soient pas malades. Mad. Danicau vous lit-elle beaucoup ? Vous ne me dites rien d'elle. Je suis presque bien aise que vous renonciez à Dieppe. Je n’y avais pas goût. C’est bien loin pour ce que vous alliez y chercher. Et en cas de grand ennuis, il faut deux jours pour revenir à Paris. J’aime mieux St Germain ou Versailles. Je pense que vous allez samedi à Mouchy. Moi, j’irai ce jour-là établir Pauline à Trouville. Je devais y aller demain. Quelques arrangements me font retarder de deux jours. Fleischmann tient-il sa parole ? Le temps est resté un peu gâté de l'orage. Je me suis moins promené hier. Pourtant une course d’une heure dans les bois. On m’annonce pour aujourd’hui beaucoup de visites. Si je savais m’ennuyer, l’occasion serait bonne. L’état des esprits est excellent, ici et dans les environs. Je ne crains que le trop de confiance. Tous les nôtres se croient sûrs du succès trop sûrs.
Rien aujourd’hui d’aucun point. Si ce n’est de Bruxelles où l’Infant D. Enrique s’est rendu en deux jours, à charge à tout le monde, en particulier à sa sœur qui parle mal de lui et dit qu’il faut bien le veiller. Il ne s’est entouré que des émigrés progressistes. Il a dîné le 14 à la Cour, et il part aujourd’hui même pour la Hollande, d’où il ira sans nul doute à Londres. Vous avez toute raison de parler toujours de lui, comme de notre candidat N° 2. J’attends la première lettre de Jarnac pour lui écrire en détails à ce sujet. A tout prendre, je serais bien aise que Bulwer quittât Madrid pour Constantinople. C'est aussi l’avis de Bresson. Palmerston a été à Tiverton, bien réservé sur les affaires étrangères, et bien aigre sur Peel. Il me paraît impossible que l’hostilité ne recommence pas bientôt entre eux. Les Whigs feront ressortir les fautes de Peel, et il ne se laissera pas faire, je suppose. Je reçois un mot de Flahaut qui trouve sa retraite (la retraite de Peel) magnifique. Mais M. de Metternich a été très choqué de l’éloge de Cobden.
J’avais tort tout à l'heure de vous dire que je n’avais rien de nulle part. J’oubliais ce mot de Flahault qui me demande de la part de Metternich, des renseignements très détaillés sur l'organisation et le service de la Gendarmerie en France. On veut établir un service semblable en Galicie. On vient, d’Autriche, nous emprunter de la police. Pas un mot sur le discours de Montalembert et sur mon silence. Flahaut a tort. Que M de Metternich ne lui en ait rien dit, je le comprends ; mais il devrait avoir lui des informations, des conjectures, sur ce que Metternich en a pensé, et me les dire. Il fait comme bien d’autres, plus en pouvoir que lui ; dès qu’il y a quelque embarras, il s'efface. Vous ai-je dit qu’il avait écrit à Morny ? Il y a peu de temps qu’on lui disait que je n'étais pas content de lui, que j’avais envie de donner son poste à un autre, &. pour peu que cela fût vrai, disait-il, il voudrait le savoir, car pour rien au monde, il ne voudrait rester à son poste contre mon gré ou seulement contre mon goût. J’ai pleinement rassuré Morny. Adieu.
Je reviens à vos yeux. J'en attends de meilleures nouvelles. Merci de vos excellents conseils pour Henriette. J'en ai fait usage d’autant que je les avais devancés. Elle est à l’œuvre. Vous avez mille fois raison. Vous êtes vous-même, un modèle d’ordre. Adieu. Adieu. Je viens d’écrire longuement au Roi sur l’Espagne. Adieu G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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5. Paris le 15 Juillet 1846

Rien qu’un mot aujourd’hui. Je suis reprise des yeux. J’ai fait venir Chermside. On va me mettre au bain. Ce soir médecine. J'ai une éruption sur la poitrine. Il dit que ce n'est rien, que tout cela provient de la chaleur. Hier j’ai été à St Germain. J’ai arrêté un appartenent pour huit jours, mais je ne pourrai probablement. pas y aller. Car dans cette inquiétude de mes yeux ce serait pire qu'une autre catastrophe. Ma femme de chambre m'a annoncé ce matin en pleurant qu’elle est atteinte du même mal que Mad. de Meulan. Concevez-vous plus de guignon à la fois ? Et me voilà livrée à moi- même, sans appui. Vous au Val Richer. Marion à Brighton. Verity c.a.d. mes yeux en Angleterre. Je suis très triste. Je vous renvoie [linche?] Merci, merci. Je n’ai pas bonne opinion de ce qui se passera au foreign office. Je n'ai rien d'Angleterre un mot de Brougham aujourd’hui. Toujours la même chose. Des bêtises. La lettre de Jarnac sur Peel est curieuse. Génie affirme que vous avez reçu dimanche une lettre particulière de Rayneval. Et vous me dites que non. 2 heures. Je viens de prendre un bain, nous verrons comment cela me réussira.
4 heures. W Hervey revient d'une visite chez Madame à Neuilly. Il a été frappé de lui entendre parler encore de Trapani, & il soupçonne Narvey d'envisager cette espérance. Or Palmerston serait certainement contre Trapani. J’ai dit que cela avait été du dû & du gré du gouvernement anglais. Le candidat soutenu par la France. Qu’elle n’insiste pas si l’Espagne n’en veut pas. Mais que s’il avait des chances il est bien clair qu’elle ne pourrait pas s’y opposer et qu’elle devrait même les soutenir. Il me parait que Hervey a déjà écrit dans le sens d'une marche commune pour l'un des fils de François de Paule, demain il attend des directions de Londres, ou au moins quelques indications. Voilà mon pauvre bulletin. Je n’ai rien de plus que ma tristesse. Adieu. Adieu. On ne me permet pas de sortir aujourd'hui.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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5 Val Richer, Jeudi 16 Juillet 1846
7 heures

Je me lève. J’étais dans mon lit et endormis hier avant dix heures. Depuis que je me repose je sens ma fatigue. Je voudrais vivre comme La Fontaine : Quant à son temps, bien le sut dispenser ; Deux parts, en fit, dont il voulait passer L’une à dormir, et l’autre à ne rien faire. Je n'entre dans mon Cabinet, je ne me remets à mon bureau avec plaisir que pour vous écrire. Cela passera ; non pas, mon plaisir à vous écrire, mais mon besoin de ne rien faire. J'étais vraiment bien fatigué. Il n’y a qu’un plaisir qui s’allie très bien avec la fatigue, c’est celui de la conversation, de la conversation douce, intime, sans but, pur plaisir. Celui-là n'existe pour moi qu'avec vous. Si je pouvais faire mes affaires en en causant avec vous, sans autre souci que de chercher et de décider avec vous ce qu’il faut faire, laissant ensuite à d’autres le soin de l'exécution avec les autres, ce serait le Paradis, un Paradis paresseux, mais charmant.
Dites-moi votre avis sur ceci. Faut-il attendre que Palmerston ait parlé à Jarnac des affaires d'Espagne et lui ait indiqué sa disposition ou bien faut-il que Jarnac, prenant l’initiative, aille droit à Palmerston et lui dise : « L'Infant D. Enrique va arriver à Londres ; le parti progressiste veut en faire son instrument et votre candidat. Ce sera le retour de l’ancienne situation qui a été si nuisible au repos de l’Espagne, et à la bonne intelligence entre nous ; la France et les Modérés, l'Angleterre et les Progressistes, deux mariages, deux gouvernements ; une lutte continuelle, dans laquelle nous aurons l’air d'être les patrons, et nous ne serons que les instruments des partis Espagnols. Voulez-vous que nous coupions court à tout cela, et que nous travaillions, ensemble, sincèrement activement, à marier promptement la Reine d'Espagne à l’un des fils de D. François de Paule à celui qu’elle et son gouvernement préfèreront ? Nous sommes prêts ? C’est là, je crois ce qu’il y aurait de mieux. J’ai posé hier la question au Roi. J’attends sa réponse et la vôtre qui est déjà dans votre lettre d’hier. 9 heures Voilà une lettre qui me désole. Moi, Marion, Verity absents, c’est trop. Je vais attendre bien impatiemment la lettre de demain, j’espère que vos yeux ne s'obstineront pas à mal aller. Vous avez déjà eu souvent ces oscillations. Je me dis ce que j'ai besoin de croire. Si vous revenez à votre gold anointment (est-ce le nom ?), faites le vous-même plutôt que de le faire faire par Chermside.
Comment réussit Mad. Daucan ? Au moins, elle sera bonne pour vous lire. Tant que vous serez inquiète de vos yeux, vous serez mieux à Paris qu’à St Germain. La solitude est le pire. Je suis vraiment bien fâché pour cette pauvre Marina. Elle vous convenait. Le mal est-il si avancé qu’il n’y ait rien à faire ? Sinon, elle ferait bien d’aller consulter, M. Velpeau, ou M. Jaubert, ou M. Cloquet. Ce sont les habiles en ce genre. Avez- vous quelque femme de chambre en vue ? Qu’est devenue votre ancienne Marie ? Je vous questionne à tort et à travers. Si j'étais là, je saurais tout et je ferais quelque chose. Il me paraît difficile que vous ne donniez pas une petite indemnité au courrier qui vous a attendue, et ne s’est pas engagé à d'autres. Je n’ai pas d’idée du chiffres. Entre 60 et 100 fr. Ce me semble. Je dis cela au hasard. J’ai trouvé en effet, au fond de la grande enveloppe, une lettre particulière de Rayneval. Absolument rien qu’un compliment sur la mort de Mad. de Meulan.
Bonnes nouvelles de Rome. Rossi a présenté ses lettres d’Ambassadeur. Bon discours au Pape. Bonne réponse du Pape. Excellente position. Les Autrichiens se disent très contents de l’élection du Pape. Au fait si le cardinal Autrichien Gaysruck était arrivé à temps, il se serait opposé au choix de Martaï. Cela paraît certain. Il n’est plus guère douteux que le Pape ne fasse bientôt l’amnistie et des améliorations considérables dans les états romains. Gizzi Secrétaire d’état à peu près sûr. Amal, à l'intérieur ; moins sûr, mais probable. Tous deux très bons. Adieu. Adieu. Je recommande à Génie de vous montrer une dépêche de Naples qui vous amusera. Adieu. Que Dieu garde vos yeux ! Et vous toute entière ! Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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6. Paris Jeudi le 16 juillet 1846

En allant à Trouville voyez je vous prie dans le cas de ma venue là je pourrais avoir un pied à terre pour moi, Mad. Danicau. femme de chambre & domestiques. Il n'est pas impossible que je m'y porte. Je vais aujourd’hui à St Germain. Je ne sais comment cela va me convenir. Je suis fatiguée de mon emballage. Mais mes yeux sont un peu mieux qu'hier. J'ai vu du monde hier soir mais on ne m'a rien dit d’intéressant. Lady Cowley, les Gallière, Durazzo, & quelques diplomates. Pas Armin, il me voyait partie. Ce matin j'ai des lettres de Bacourt, Allen, Peel, Greville Je n'ai rien là j'emballe. Je lirai dans mon loisir de St Germain. Merci, merci de votre lettre. Le Prince Belousky est mort. La femme est arrivée 6 heures après.
3 heures Voici la lettre de Greville assez curieuse. Renvoyez la moi Hervey n’a pas un mot. Cowley non plus. Palmerston n’a pas répondu encore à la dimension offerte vendredi dernier. Il est évident que la reine n’est pas gracieuse pour les nouveaux. Elle ne les a pas eus à diner. Palmerston suit avec Ibrahim Pacha & pas même la France. Madame a mal parlé à Hervey de la reine Christine. Elle lui a parlé aussi avec un peu de souci des élections. Le roi ira à Eu le 30 juillet, pour en revenir le 14 août. Adieu. Adieu. Je pars pour St Germain. Tout est réglé avec Génie. J’aurai vos lettres, & vous les miennes exactement. Adieu. God bless you.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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6 Val Richer Vendredi 17 Juillet 1846

Quel plaisir me fait ce N°6, si court ! J’étais tres inquiet de vos yeux de votre solitude sans yeux. Puisqu'ils allaient mieux hier, ce ne sera, je l’espère, qu’un incident. Je vous l’ai dit ; j’aime mieux St Germain que Dieppe. Quant à Trouville j’y vais demain, et j'aurais bien du malheur si je n’y trouvais pas pour vous un bon gite vraiment bon, le mieux possible là, car je ne veux pas que vous y veniez pour y être mal. Mais quel plaisir si vous y veniez ! Aussi vif que de vous voir de bons yeux. Vraiment, il y aurait pour vous dans cette course-là, pas plus de fatigue et plus d’agrément que dans toute autre. El Mouchy ? Y avez-vous renoncé ? Vous ne m'en dîtes rien. J’y aurais quelque regret. La vicomtesse aura remué ciel et terre pour vous préparer un peu de bonne compagnie. Je serais fâché qu'elle eût un mécompte. Je n'aime pas les mécomptes, ni donnés, ni reçus. Comme il vous conviendra du reste. Merci de la lettre de Greville. Intéressante. Je vous la renvoie avec une de Reeve que vous me renverrez. A peu près la même chose. Le parti Tory se réformera. Et un jour, il s’y formera un chef. Peel ne le redeviendra pas. A moins d’incidents bien imprévus. Et de l’autre côté les nuances se fondront dans un grand parlé libéral, qui n’en sera pas plus homogène. Et le jour qui ne sera pas très loin, ou l’esprit radical y prévaudra trop les Torys reprendront le pouvoir. Je doute que Gladstone, leur soit un chef dans les Communes. Je voudrais bien. Il est très honnête et d’un esprit doux et élevé. Nous verrons. Il y a bien à regarder là.
Le courrier d’aujourd’hui ne m'apporte rien du tout. Sinon le mouvement des élections qui s'anime un peu. Je suis charmé que Casimir Périer se porte candidat à Paris, et je désire beaucoup qu’il réussisse. Cela me convient électoralement et diplomatiquement. Adieu. Je serai court aussi aujourd’hui. J’ai un énorme paquet de signatures à donner. Je ne suis pas aussi oisif ici que l’an dernier. J’ai gardé les affaires. Je me promène pourtant beaucoup. En bien bon air. Point trop chaud. Hier il a beaucoup plu. Adieu. Adieu. Merci de vos yeux. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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7 St. Germain vendredi le 17 juillet 1846.

Me voici depuis hier assez bien casé, et assez bien de santé ! Il fait froid. Cela m’étonne, beaucoup et ne me déplait pas. Madame Danicau est une personne très utile, avec toutes les vertus qui me manquent. Cela me rendra ma vie ici plus confortable. Elle a de l’autorité du savoir faire, et elle est pleine de désir de me plaire sans m’incommoder. J'attends votre lettre. Je vous en prie ayez soin de vous. A Trouville il y a peut être quel qu'assassin, ou en route. Quand vous êtes loin j’ai peur de tout pour vous, quand vous êtes près j’ai peur aussi mais cela va mieux, il me semble que je suis là pour parer le coup. Voici votre lettre d’hier. Certainement faites dire à Palmerston par Jarnac exactement ce que vous m'écrivez. C'est de la franchise, de la loyauté, dans ma première affaire, & la plus grosse entre vous. Cela éclaire d'emblée votre position avec l'Angleterre sur ce point capital, & vous donne une bonne base. Tout le tort sera à lui s’il n’accepte pas cela. Fleichman vient dîner avec moi aujourd’hui. Hervey viendra diner dimanche. Dites moi si vous avez quelque chose à les faire insinuer ou dire. Il est très confiant, très bien, & moi aussi je suis bien pour lui, en m'observant toujours comme avec tout le monde. Il n’aime pas beaucoup Palmerston. Cowley lui a dit que ses amis à Londres n'aiment pas qu'il donne sa démission, et au fait il ne l’a pas donné d'une manière franche. Lettre particulière simplement et en demandant à Palmerston si cela lui convient. Adieu. Adieu. On demande ma lettre. Je vous prie, je vous prie, prenez soin de vous. Mes yeux vont mieux, mais je les ménage beaucoup. Adieu encore. Êtes-vous un peu surveillé ? Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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7. Val Richer, Samedi 18 Juillet 1846, 6 heures

Où êtes-vous à St Germain ? Je suppose au Pavillon de Henri 4. Vous ne me l’avez pas dit. J'espère que vous y avez plus beau temps qu’il ne fait ici ce matin. Ma vallée est sous un voile de pluie. C'est ennuyeux pour aller à Trouville. J’y vais pourtant. Je pars à onze heures. Le soleil percera peut-être d’ici-là. Le temps est très variable depuis deux jours. Je vous dirai demain matin ce que j'aurai trouvé pour vous à Trouville. On dit que la maison où ma fille, et Mlle Wislez vont s’établir est la meilleure de l’endroit, la plus confortable, par la vue, et au dedans. Elles ont le projet de s’établir au second étage et de laisser le premier disponible. Je vous dirai quand j'aurai vu. L’aide de Guillet y sera. Facilité de plus.
Le Roi fait venir du château d’Eu son portrait en pied par Winterhalter, et le donnera à Lord Cowley. A propos de portrait, il a fait faire, en porcelaine, à Sèvres, d’après Winterhalter, deux très beaux portraits de la Reine Victoria et du Prince Albert, pour Windsor. Mais à la dernière cuisson, une crevasse s’est déclarée dans celui du Prince Albert, ce qui sera difficile à réparer. Peut-être faudra-t-il recommencer ? En attendant. celui de la Reine est parti. On dit que c’est un chef d’œuvre.
Le Roi a été frappé de la dépêche de M. de Nesselrode sur les croix. Voici sa phrase : " Cela est gracieux. Il y a quelque progrès ; mais je doute fort que cela aille plus loin. " L’idée de l’initiative franche avec Londres pour l’un des fils de D. François de Paule est fort approuvée. Je vais la mettre à exécution, lundi probablement. J'en écrirai en même temps à Madrid et à Naples. La Reine Christine m’a mis bien à l'aise à Naples en faisant attaquer elle-même dans ses journaux, par son secrétaire Rubio, la candidature de son frère Trapani, et en en rejetant sur nous la responsabilité. C'est bien elle qui l'abandonne et la tue. Je réserverai pour cette combinaison-là, comme pour celle de Montemolin, les chances de retour, toujours possibles avec un tel monde. Je maintiendrai notre principe tous les descendants de Philippe V si seulement, nous nous portons selon les termes, vers celui qui peut réussir, favorable à celui-là sans en abandonner aucun. Rien encore de Londres qui indique avec un peu de précision ni sur cette question-là, ni sur aucune autre, le tour que va prendre Palmerston. La réserve des Whigs est extrême. En tout, la situation donnée, je ne trouve pas leur début malhabile. Ni de mauvais air. C’est assez tranquille, et sensé. Avez-vous remarqué ces jours-ci un article du Morning Chronicle qui n'aura pas fait plaisir à Thiers ? On lui donne poliment son congé, comme War-party. N’avez-vous rien reçu de Lady Palmerston ? Avez-vous écrit à Byng ? Mad. Danicau sait-elle vous lire le Galignani ? Le Prince de Joinville et sa flotte, et sa rencontre là, avec le Duc d’Aumale, ont fait grand effet à Tunis. Nos affaires sont bonnes à l'est et à l’ouest de l'Algérie. Après son apparition devant Tripoli, il (Joinville) ira à Malte, de là à Syracuse, de là une visite au Roi de Naples, puis une au grand Duc à Florence, puis une au Pape à Rome. Tout sauvages qu’ils sont, ces Princes là se montrent volontiers quand il y a quelque effet à faire. Ils se regardent bien comme les serviteurs du pays et obligés de soigner ses intérets et sa grandeur. Le comte de Syracuse passera, dit-il, l’hiver prochain à Paris. Il va parcourir la France, en attendant. Voilà mon sac vidé. Mon cœur reste plein. Loin de vous, il se remplit de plus en plus. Nous nous croyons bien nécessaires l’un à l'autre. Nous le sommes plus que nous ne croyons.
9 heures Je vais déjeuner et partir pour Trouville. Bon petit billet de St. Germain. Je suis content de vos yeux et de Mad. Danicau. Bonnes nouvelles de Londres même sur l’Espagne. Ce demain les détails. Je suis pressé. Soyez tranquille. Rien à craindre que la pluie. Adieu. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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8. St Germain Samedi 18 juillet 1846 onze heures

Voici donc huit jours de passés dieu merci. Quelle longueur que cette semaine ! Fleichman est venu hier dîner avec moi, très fidèle et très soigneux. Il avait été juré à Neuilly. Kisseleff y était. Le Roi lui a parlé de notre dernière dépêche avec des expressions succulentes, c’est le terme dont s’est servi Fleichmann, des protestations d’amitié, enfin on eût dit les deux monarques les plus unis, les plus intimes. Fleichmann c’est fort égayé sur ce sujet. Et puis sont venus des compliments personnels pour Kisseleff. Surabondance. Thom dit que l’élection du Pape n’a pas plu du tout à Vienne. La Bavière, le Wurtemberg, Bade et la Hess vont demander à la diette l'abolition des lois de censure, & un nouveau règlement très libéral. Armin est fort peu aimé ici dans la diplomatie. Voilà toute ma récolte d’hier. Je vais devenir bien inutile. Le temps est abominable, froid et de la pluie & du vent. C’est un peu ridicule d’être à St Germain pour cela. Et votre course à Trouville tombe mal aussi.
Bacourt me mande que notre nouveau gendre est un très mauvais sujet et que tout à l’heure avant de partir pour se marier, il a eu des senées[?] à ce sujet avec son père. Vous ai-je dit que le roi de Wellington se traîne à Bade avec une maîtresse. On ne le voit pas du tout. Je n’ai donc pas à le regretter.
Midi. Voici votre lettre. Je vous renvoie Reeve. La situation anglaise n'est pas du tout de mon goût, je n’aime pas voir Peel et Aberdeen ainsi de côté. Je voudrais bien la dissolution. Il me semble qu’elle sera mauvaise aux Whigs. Je pense certainement à Trouville. J’y resterais deux jours dont une demie journée au Val-Richer. Nous arrangerons cela pour après vos élections. Je trouverai le temps long aujourd’hui. Rodolphe qui devait venir dîner avec moi est malade. Personne, & du mauvais temps. J'ai fait venir un piano. Madame Danicau est utile à tout. A practical woman. Adieu, dites-moi toujours que vous vous portez bien. Comment se portent vos élections ? Adieu. Adieu, dearest. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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8 Val Richer, Dimanche 19 Juillet 1846 6 heures et demie

Temps affreux hier pour aller à Trouville. Grande pluie, grand vent. Pourtant quelques coups de soleil et un vif plaisir à revoir la mer. Vraiment cette plage est très jolie. Peu de baigneurs encore. Personne de votre connaissance. C’est au mois d'août que doivent venir Mad. de Boigne, Mad. d’Haussonville, Mad. de Ségue & M. Molé et Mad. de Castellane devaient venir ces jours-ci. Ils avaient loué la moitié de la maison du Dr. Olliffe qui a là une assez bonne maison, confortable. Ils lui ont écrit qu'ils ne viendraient pas. Le bruit de Trouville était qu’ils ne venaient pas à cause de moi, parce qu'on leur avait écrit que je venais à Trouville, que j’y étais très populaire, qu’on devait m'y faire des fêtes &. Il est sûr que je suis là très populaire, et que j’y ai été reçu avec tous les témoignages possibles de toute la population, tous les bateaux du port pavoisés, tous les notables du bourg réunis dans ma maison. Bonne maison, la meilleure de Trouville ; très simple et très propre assez bien pourvue de meubles, linge & sur la plage, n'ayant que la mer sous vos fenêtres ; si bien qu’hier, de la salle à manger, au rez-de chaussée, pendant le dîner, à la marée haute, on ne voyait absolument que la mer sans rivages, pas plus le rivage près que le rivage loin. Vous y seriez très passablement, au 1er étage, trois chambres, avec cabinets de toilette et des chambres de domestique en haut. Pauline et Mlle Wislez seraient au second. L’aide de Guillet est là, suffisant. La maison appartient à l’un de mes amis de Lisieux qui me la prête tout entière, tant que je voudrai. Si vous en aimiez mieux une autre, il y a celle d’Olliffe, tout ou partie de ce qu’avait loué M. Molé et qui est encore vacant. Vous voyez qu’en tous cas, vous ne manqueriez pas de ressources. Pour de la société jusqu'à présent, je ne vous en vois guère là. J’irai vous y voir et vous y chercher pour vous amener au Val Richer où vous pouvez, soit coucher, soit ne passer que la journée, comme vous voudrez. On y vient de Trouville par une très jolie route en poste en moins de trois heures. Quel plaisir de vous avoir ici, malgré mes commentaires par avance ! Avec quel plaisir, nous nous y promènerions comme vous voudriez, ni plus, ni moins ! Voyez. Dites-moi. Mes descriptions sont exactes, sans omission, ni exagération. J’étais parti de Val-Richer à onze heures. J'y suis rentré à neuf heures et demie. La route est partout une allée de jardin.
Jarnac a eu une longue conversation avec Palmerston sur les affaires d’Espagne. Pure conversation, sans proposition, ni conclusion de part ni d’autre mais bonne. Notre principe des descendants de Philippe V bien maintenu. Ni admis, ni contesté comme principe ; mais approbation très explicite des fils de D. François de Paule, avec pente indiquée vers D. Enrique. Le Coburg tout-à-fait écarté avec quelque surprise que la France n'en veuille pas, car il est plus français qu'anglais. Pas un mot, sur l'Infante déclaration très expresse que les deux seuls alliés de l’Espagne doivent être là d'accord et agir de concert. Disposition annoncée, à me communiquer ses instructions à Bulwer et à continuer l’entente intime, comme Aberdeen. Tout cela assez superficiel et réservé, mais dans la bonne voie. Je vais écrire aujourd’hui à Jarnac avec détails. Lord John très bien avec Peel me dit Jarnac. Il a rencontré chez ce dernier, le Duc de Bedford, en intimité marquée. Tout le monde se concerte pour surveiller Palmerston. Pourvu qu'il n'en prenne pas de l'humeur, et ne s'amuse pas à attraper ses duègnes. J’ai peur qu’il n’y ait jamais entre lui et nous, qu'un mariage de raison. Croyez-vous que cela suffise jamais ? Deux idées, je crois à bien inculquer à W. Hervey. L’une, qu’il faut se hâter de saisir le moment où nous sommes bien disposés pour les Infants D. François de Paule, le mariage, après tout, qui convient le mieux à l'Angleterre puisque c’est un mariage purement Espagnol. L'autre, qu’il faut bien se garder de recommencer en Espagne, l’antagonisme des deux patronages, Français et Anglais, au profit des deux partis, modérés et progressistes. Ce serait la ruine du mariage François de Paule de l’ordre naissant en Espagne et de la bonne intelligence entre nous. S’il parle de l'Infante dites que le Duc de Montpensier, s'il l’épouse, est bien décidé à l'emmener en France et à vivre en France avec elle à en faire une Princesse française. Il a grand dégout et grande méfiance des Cours du midi de leurs mœurs de leurs Camarillas &. C'est le sentiment de toute la famille royale. En voilà bien long pour vos yeux, quoique bien peu pour mon plaisir. Ah, l’absence, l'absence. J’y fais tous les jours des découvertes.
9 heures Voilà le N°8. Il n’y aura de bon numéro que le dernier. Je me porte bien. Les élections aussi, comme on se poste bien au milieu d’une bataille. La lutte est très vive. Il y aura bien des morts de part et d’autre. Mais tout continue, à présager que le champ de bataille nous restera. Adieu. Adieu. Je suis accablé ce matin de signatures à donner et de lettres à écrire. Et c’est dimanche, jour de visites. Adieu. Adieu. Charmante parole dans le N°8. Vous viendrez au Val Richer. Adieu donc.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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9. St Germain Dimanche 19 juillet 1846

J’ai oublié de vous dire hier qu’entre autre commérages Fleichman m'a assuré que le roi se préoccupait de faire Sébastiani président du conseil si le M. Soult se retirait. Cela se dit couramment, & cela se croit. Fleichman voit des gens de la cour, et beaucoup Mad. Dolomieu. Hier personne n’est venu. Rodolphe est couché avec une jambe malade. Aujourd’hui j’attends Hervey sans accident. La journée a été laide. Mais je me suis promenée. Mad. Danicau décidément lit très mal mais des restes elle me convient tout-à-fait. De l’ordre comme une Anglaise, de l’élégance comme une française et du savoir faire, de l’intrépidité comme une Russe bonne à tout, se prêtant à tout. Je suis curieuse maintenant de savoir si elle ne me méprise pas un peu pour tout ce que je ne sais pas et qu’elle sait très bien ; et si je ne l’ennuie pas pour ce que je sais et qu’elle ignore. Il est vrai que je n’en fais pas parade. J'ai un piano, très grande ressource et piano excellent. C'est elle qui me l'a procuré de Paris. John Rusell m'a l'air un peu embarrassé. Déjà ! Il n’aura pas la vie douce, ni commode. Ni longue j'espère.
2 heures. Voici votre lettre, toujours intéressantes vos lettres. La mienne aujourd’hui ce sera bien peu. J'attends des visiteurs ce matin, & puis Hervey à dîner. Je demeure ici à côté de Henri IV sur la terrasse aussi mais de côté. Mon cuisinier Dieu merci. Très joli salon de plein pied avec la terrasse. Chambre à coucher au premier, bon air et sec. J'ai eu une aimable & bonne lettre du petit cousin. Je vous l'envoie, renvoyez la moi, car je je n’ai fait que la parcourir rien de Lady Palmerston. Voilà qui est un peu long. Vraiment je ne crois par qu'ils se sentent en solide situation, et elle n’aime guère écrire que pour la vanter. Adieu. Adieu. La forêt est charmante je m'y fais trainer au moins deux fois le jour. Adieu dearest adieu .

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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9 Val Richer. Lundi 20 Juillet 1846 9 heures

Nous avons tort de rire de Brougham. C’est un fait grave que la reconstitution si prompte, si avancée du parti Tory, ne fût-ce que dans la Chambre des Lords. La situation des Whigs en sera fort embarrassée. Cela est déjà visible dans les réponses de Lord John aux interpellations sur ce que sera sa politique. Il ménage également Lord George Bentinck et M. Duncombe. Rien de si faible que de ne pouvoir plaire ou déplaire à personne. Il me revient que les Cowley parlent assez de cette situation et s'en frottent les mains. Plaisir de morts ; mais le fait n'en est pas moins réel. Il n'empêchera pas le Cabinet whig de durer puisque nul autre Cabinet n'est et ne sera d'assez longtemps possible ; mais il le contraindra peut-être à la dissolution prochaine, et à une dissolution sans drapeau ; en sorte que les élections pourraient être aussi confuses, aussi embarrassées que le Parlement. Curieux spectacle et gouvernement bien empêtré. Que de choses nous nous dirions sur cela, en nous promenant sur la terrasse de St Germain ou sous mes marronniers ! Je ne m'étonne pas des expressions succulentes. Et je m'en désole. Il n'y a pas moyen. Je puis beaucoup sur les actions rien sur les paroles. A moins de demander le silence, qui n’est pas toujours possible, comme dans ce cas.
9 heures La lettre du petit cousin est aimable. Certainement la vie de ce jeune homme se ressentira de vous et de ses voyages. Je suis bien aise des détails qu’il vous donne sur la bonne et agréable position d'Alexandre. Le courrier ne m’apporte rien du tout, pas même les journaux que Génie a oublié de mettre dans le paquet. De longues lettres de Lisbonne où Palmella a bien de la peine à vivre, et ne réussira probablement pas. Peu m'importerait pour nous que le parti radical portugais redevînt le maître. Mais je crains la contagion en Espagne. On cherche évidemment à la répandre. Lord Howard, qui était autrefois modéré à Lisbonne pendant que Clarendon ou Aston étaient radicaux à Madrid est devenu radical à son tour, en haine de M. Costa Cabral. Mais cela ne vous fait rien. Je ne m'étonne pas du commérage de Heischmann sur Sébastiani. Il n'y a pas de baliverne qui ne puisse passer là pas quelque tête.
Ce que vous me dîtes de Mad. Danicau qui me convient. C’est un peu de sécurité pour moi sur vous Lisez cette lettre de Désage, et renvoyez la moi. Vous verrez que c’est un homme d’esprit. Adieu. Adieu. Je veux écrire aujourd’hui à Londres, Madrid et Naples. Je n’en suis pas encore venu à bout. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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10. St Germain lundi 20 juillet 1846
Lord William Hervey est venu dîner avec moi hier. Nous avons causé de bien des choses. Plus de guesses que de facts, car on ne leur écrit rien, rien du tout. Cowley n’a pas un mot de Palmerston, ni d'affaires, ni de réponses, à son offre de démission. Cela les étonne et donne bien quelques petites émotions aux dames. Hervey m’a montré quelques lettres dont j’ignore les auteurs. Toutes disant que l'air s'obscurcit, gloomy prospects. Jeudi dernier. M. Dennison très excellent Whig, que je connais depuis longtemps pour un homme d'esprit et très considéré a tenu & pris un langage d'opposition. Gendre du Duc de Portland, grand ami de Canning. John Russell est évidement embarrassé. La question du sucre est un gros embarras. On croit très probable qu'il la perde, il faudrait dissoudre, ou quitter la partie. Le mois d’octobre pourrait voir la chute de ministère, et l’avènement d’un ministère protectionniste qui n’aurait guère plus de durée. Cela confirme la lettre de la petite grande dame ! Nous reviendrons à pied avant un an.
Le roi a reçu samedi soir Miraflores & Cowley. Beaucoup beaucoup causé avec le premier dans un salon à part. Un peu causé avec Cowley dans le salon de la reine. Le vieux un peu susceptible. C’est cependant bien naturel. Il n’y aurait que du rabâchage au fait il n’est plus dans les affaires. Hervey revient toujours à l'Espagne & moi j’insiste plus que jamais sur votre idée de s’entendre pour l’un des fils. J'affirme que vous le voulez sincèrement comme la seule bonne solution, bonne pour la chose et pour la communauté de conduite. Trapani doute, non pas de vous, mais du Roi, qui viendra mettre son Trapani entre les jambes. Je me suis montrée très surprise des doutes. Il me parait que c'est vous qui menez les affaires. Il a dit ensuite qu’ avec Christine à Madrid on n’aboutira jamais. Cela c’est possible, & je crois que si vous l’invitiez à venir à Paris ce serait plutôt fait ! il regarde Montémolin comme a scourge for pain. On peut l’épouser mais après ce sera la guerre civile dans le palais dans le pays, partout. Il craint que Miraflores n’entretienne le roi dans l’idée de Montémolin. Metternich très mécontent de Rome, du Pape, de tout et travaillant de toutes ses forces contre ce qui s’y prépare. Hervey m’a rejeté Sébastiani. Cela est fort répandu dans le corps diplomatique. J’ai repoussé comme parfaitement ridicule. Il y a trois ans peut-être & par votre fait. Aujourd'hui on rirait de vous, & personne ne songe à une pareille absurdité !
Midi. Voici votre lettre. [Monted ?] après dîner, quant à Hervey, car c’est hier qu'il est venu. Mais je lui ai dit tout ce qu'il fallait ; il est très persuadé & moi aussi que Palmerston ne se prêtera jamais au Montémolin ce qu'il croit aussi c'est que Palmerston ne prendra jamais hautement le métier de patron d’un candidat quelconque. Ce n’est pas dans les principes anglais. On n'impose pas un roi ou un mari. C’est vrai cela. Ce serait une interférence very unconstitutional. Mais il marcherait à votre suite, c’est Hervey qui parle. Cela ne me semble pas dans la nature de Palmerston. Voici une lettre de sa femme, évidemment la situation est épineuse & fragile. Renvoyez-moi la lettre, pour que je l'aie après demain. Ce n’est pas une lettre glorieuse. Et puis je la trouve bien réservée, pas un mot de foreign politics. Ils ne sont pas à leur aise. Cela n’ira pas. Je trouve toujours que votre proposition d'entente & d’action en Espagne est excellente, si bonne manière de commencer un bon ménage s'il en veut. S'il ne peut ou ne veut pas entrer là dedans il est vraisemblable que vous obtiendrez au moins la neutralité. Mais le principe de non interférence ne s’applique-t-il pas à vous aussi ? Enfin je voudrais bien que cette grande fille fut mariée.
Merci merci des avis sur Trouville. C’est excellent, & il est plus que probable que j’irai faire ce petit voyage pour deux jours, sur lesquels un dîner au Val-Richer. Comme je vous ai dit après les élections le 4 le 5. Nous verrons. Adieu. Adieu. Je ne veux pas retenir le message. Je n’ai reçu de Londres que la Palmerston. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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10 Val Richer Mardi 21 Juillet 1846,

Je m'étais promis de vous écrire à mon aise aujourd’hui ; et j’ai été depuis que je suis levé (j’avais mis élevé) et je suis encore en si grande presse que vous n'aurez que quelques lignes. Quatre personnes m’attendent en bas. Génie m’a envoyé tout plein d’affaires. J’ai à lui donner des instructions, pour faire finir, d’ici à trois jours, celle de Béarn et de Lavalette. Je travaille vraiment beaucoup ici de 7 heures à 1 heure. Ensuite je me promène et je me repose.
Pour vous dédommager (ce qui j'espère bien ne vous dédommagera pas) voici une lettre de Brougham. Curieuse et d'accord avec celle de Lady Palmerston, expliquée par votre commentaire. Ils ne sont certainement ni en bonne position, ni en high spirit. Nous verrons. Ils ont toujours pour eux l’impossibilité des autres. Plus, une lettre qui m’arrive ce matin, de M. Durangel, l'homme de confiance de Duchâtel, à l’intérieur, et qui a aussi la mienne. Vraiment homme d’esprit de son honnête et véridique, plutôt enclin à voir en noir. Vous verrez que les pronostics électoraux continuent à être bons. Nous approchons bien du moment. Je mets de l'importance à ce que je dirai dimanche. Je parlerai à tout le pays. Ce banquet est ici fort à la mode. On y viendra de loin et il n’y aura pas de place pour tous les souscripteurs. Merci de vos conversations avec Hervey. J’ai écrit hier à Jarnac, aujourd’hui à Bresson dans le sens convenu. Il me reste Naples. Adieux tristes et affectueux. Tenez pour certain que le Roi ne fera rien pour Trapani aux dépends de Cadix. Il est pressé d'en finir. S’il y a en Espagne quelque revirement, ce qui est toujours possible, il sera naturel et point de notre fait. Nous irons droit devant nous, dans la voie où nous sommes. Vous ne me dîtes rien de vos yeux. Donc c’est bien. Et Trouville. J’y pense sans cesse. Adieu. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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11. St Germain Mardi 21 juillet 1846.

Georges & Sabine sont venues me voir hier matin. Le Roi a envoyé à Lord Cowley son portrait. Ils en sont comblés, touchés. Les préparatifs se ralentissent. ils ne savent pas un mot ni du chef ni du successeur, leurs nouvelles sont aussi que la situation parlementaire n’est pas bonne. Balabrin est venu dîner. Petit homme assez spirituel. Toute l’Ambassade vient de recevoir des marques de faveur impériale. Il n'en était pas venu depuis la révolution de juillet. Kisseleff, le Stanislas, et les trois autres des promotions, ceci veut dire qu'on est gracieux pour Paris. On veut le marquer par tous les bouts, excepté le véritable. L’opinion à Pétersbourg plus française que jamais & cela universel & avec fracas. Constantin m'écrit de Peterhof après avoir rempli tous les tristes devoirs. Peterhof resplendissant de fêtes ! Beaucoup de fêtes populaires et moins de fêtes de salons afin d’épargner l’Impératrice.
Midi. Je vous renvoie l'incluse. Excellent esprit, sage, sensé, voyant ce qu'il faut voir. Je suis charmée de le connaitre, et je le connais maintenant. Bon conseil. Le pauvre William Russell est mort. Vraiment cela me chagrine, c'était une bon âme. J'écrirai à Lord John. Que de choses à nous dire, et comme je jouerai des causeries quand elles viendront que c'est long encore ! Voici cependant 10 jours de passés. Le tiers. Dites-moi que vous vous portez bien. Moi je souffre un peu de maux d’entrailles. Madame Danicau est malade. Maria aussi. Un peu en [hopital] c’est ennuyeux. Adieu. Adieu. Rien de nouveau aujourd’hui. Je n’ai pas encore lu les journaux. God bless you dearest. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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10 Val Richer, Mardi 21 Juillet 1846 4 heures

J’ai expédié mon courrier et mes visites. Je me suis promené une heure. Je vous reviens. Vous vous promenez probablement aussi dans la forêt. Mes bois ne sont pas si bien percés, ni si grands. A quelle heure placez-vous vos deux promenades ? Vous ne devez plus souffrir de la chaleur. Il fait frais ici ; un peu de pluie tous les jours. En tout, une température agréable. Pas assez chaude pour mon goût. Surtout pas assez lumineuse. J'aime le ciel brillant et pur, qu’il n’y ait que de la lumière, de l’espace éclairé entre nous et les régions inconnues. Les nuages me déplaisent. C’est de la boue en l’air. Ce n'est pas là sa place. De mon origine méridionale, je n'ai conservé que certaines dispositions, certaines préférences matérielles celle-là surtout. Le caractère, le naturel moral des populations du midi ne me plaît guère. J’aime mieux les populations du Nord, du semi, nord s’entend. Elles ont plus de good sens, de mastliness, de consistency et de délicatesse. L'inconséquence toujours imprévue et la familiarité grossière des méridionaux me déplaisent souverainement bien que spirituelles et amusantes. Mais le ciel, le ciel ! Il n’y a de ciel que dans le midi.
Je repense à la lettre de Lady Palmerston. J’en suis frappé comme vous. Point de confiance ni d’en train. Que dites-vous de la quasi-nouvelle de Brougham. Palmerston leader des Protectionistes dans les Communes ? Je n'y crois pas. Brougham n’y croit pas. Surtout, il n'en veut pas. Mais il ne repousse pas cela absolument. Avec la confusion des Partis et l’inconsistency hardie de Lord Palmerston, tout est possible. Vous avez raison. Le prochain Parlement ramènera Peel. Et par conséquent Aberdeen, quoiqu’il en dise aujourd’hui. Pourquoi, ce humboy inutile ? Je lis nos journaux ici bien plus attentivement qu'à Paris. En avez-vous plusieurs à St Germain, et lesquels de l’opposition ? Je les trouve bien froids, et décolorés, et déroutés au fond, malgré la violence et la grossièreté de leurs injures. Evidemment le parti n'espère pas grand chose des élections. Je ne me fie point à son propre découragement, même sincère, au découragement du parti de Paris, des meneurs et des journalistes. Je suis convaincu que sur les lieux, dans chaque arrondissement parmi les hommes qui ont réellement la main à la pâte électorale, il y a beaucoup plus d’ardeur, et que rien ne manque à leur travail, et qu’ils trouvent dans les préjugés, dans les habitudes, dans les penchants critiques, et radicaux des masses beaucoup plus de moyens d'action et de chances de succès qu’on ne le croirait d'après les journaux du centre. Je n’ai donc pas une pleine confiance bien s'en faut. Cependant j’en ai. Ce sera un grand succès s’il arrive. Aussi grand que nouveau. Et la question bien personnelle, bien posée sur mon nom. Il n'y a que vous au monde avec qui je me laisse aller aux satisfactions orgueilleuses. Plus je vais plus mon orgueil devient intérieur et a moins besoin de paraître. Il est ridicule de le montrer avant, subalterne de le montrer après. Mais à vous, je montre tout.
Mercredi 22, 8 heures
Je me suis levé tard. J’ai éternué. L’humidité est, l’inconvénient de ce pays-ci. Pour peu que je me promène après dîner, mon cerveau s'en ressent. Ce n’est rien du tout, comme vous savez ; seulement un peu d'ennui. J’attends mon courrier. Adieu, en attendant. 9 heures Voilà votre lettre. Courte, mais tendre ; et pas de mal d'yeux et pas d’abattement ; les deux maux que je crains le plus. De quoi s'avise Mad. Danicau d'être malade ? Le courrier ne m’apporte rien d'ailleurs. Sinon beaucoup de signatures à donner. Toujours bonnes nouvelles électorales. Adieu. Adieu. Adieu G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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12 St Germain Mercredi 22 juillet 1846 Onze heures

Thom est venu dîner avec moi hier. Il n'a rien de vieux du tout. Il présume que le ministère Whig ne plait pas beaucoup au P. M. Il parle très sérieusement de la Galicie et de toutes ces affaires-là. Il prévoit de gros embarras en Allemagne, et convient de la décroissance de l’Autriche. Enfin très raisonnable et beaucoup plus d’Esprit que son Chef. Sur l’Espagne il est fort entêté. L'enfant de Bourges se perdrait à tout jamais s’il épousait la reine en la reconnaissant. Il faut qu'il maintienne ses droits, et qu'il garde son avenir. En Espagne tout est fragile, son temps viendra. si on s’épousait sans préambule. Le roi épouse la Reine à la bonne heure. Confondre les droits mais maintenir le droit. Si non, non. Thom regarde le mariage Don Enrique s’il pouvait se faire comme un mariage anglais et fait en dépit de la France, je l’ai très fort combattu sur ce point, et me suis étonnée de son ignorance. Enrique est comme tous les Bourbons votre candidat, il a même toujours été regardé par vous comme le plus désirable et possible après Trapanny, si celui-là n’avait pas été antipathique à l’Espagne. Vous accepteriez Enrique avec plaisir. Il prétend savoir que Cadiz ne veut pas de la reine, enfin il est très mal renseigné. Il est très lié avec Villa Franca & sur Bourges. Je crois que son dire est la vérité quant aux idées & résolution de parti, & du prince Metternich. Thom est votre grand admirateur.. Il dit que Metternich l’est aussi. Il parle mal d'Armin. Il me parait qu’Armin est peu aimable dans le corps diplomatique. Voilà tout mon paquet d’hier je n'ai que cela. Aujourd’hui Lord Bathurst et sa sœur se sont annoncés chez moi pour déjeuner. Je ne sais encore qui j'aurai à dîner. Je ne me sens pas bien. Mon estomac en désordre, & mes jambes me manquent. L'air ici est très vif peut-être trop pour moi. Je verrai encore quelques jours.
Midi. Voici votre lettre. Je vous renvoie les incluses. L'Angleterre curieuse & compliquée. La France en bonne voie if true. Vous savez ma méfiance française ! Il y a eu une confusion de mon courrier à Paris (car j’en ai trois par jour) qui fait que je n'ai pas mes lettres d’abord, s'il y en a. Je n’ai donc rien à ajouter. Madame Danicau va toujours bien. Soigneuse pour moi, intelligente dans ses soucis, mais décidément elle ne sait ni lire ni écrire, triste découverte. Adieu. Adieu. Le temps est au froid cela ne me va pas dans le moment. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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12 Val Richer, Jeudi 23 Juillet 1846 7 heures

Décidément je ne puis pas me promener dans ce pays-ci passé huit heures du soir. Je l’ai fait un peu hier, par la plus belle soirée du monde. J’ai été pris, cette nuit d’un éternuement ridicule, qui dure encore. Si j’étais dans cet état-là dimanche prochain, je serais parfaitement incapable de dire quatre paroles devant tout ce monde qui en attendra plus de quatre. C’est un sentiment très désagréable que d'être indispensable, à heure fixe, pour quelque chose d'important. Je n'ai point d’inquiétude. Mon éternuement sera passé ce soir. Je me tiendrai strictement dans la maison, à partir du dîner et j'aurai dimanche en ma possession mon cerveau et ma gorge. Il me les faut absolument. Si mes filles m’entendaient, elles me diraient avec un peu d’embarras et beaucoup de foi, qu’il n’y a point d'absolument devant Dieu, et que c’est à lui qu’il faut demander ce dont j’ai besoin. Elles auraient raison. J’ai ici M. et Mad. Austin qui me sont arrivés hier à l’heure du dîner. J’attends ce matin, M. Libri. Ils me resteront, je crois, deux ou trois jours. Ce sont vraiment des gens d’esprit. Mais il n'y a plus dans le monde qu’un esprit qui me plaise toujours et que je n'épuise jamais.
J’ai écrit au Roi les faveurs envoyées de Pétersbourg à l'Ambassade russe, et toute cette coquetterie envers la France, sauf le Roi des Français après un petit mouvement d’impatience, cela le fera rire. Il est enchanté de ses promenades, aux fortifications. Il m’écrit : " Vous n'imaginez pas le succès de celle d’aujourd’hui. Il était évident que les foules d'ouvriers, de gens de la campagne, étaient enchantées que le Roi visitât les forts et voulaient le lui témoigner. C'est magnifique, très important et pour moi délicieux à contempler. On peut à présent répondre de la sureté de la France et dire, comme Léonidas à Xerxès : " Viens les prendre. " Il ajoute à la fin de ses lettre : " Le Duc d’Aumale a eu, au col, un dépôt assez gros qu’il a fallu ouvrir. Il a de la fièvre. Cela ne donne pas d'inquiétude, et on m'assure quelle diminue et ne durera pas. Nous n'en faisons pas de bruit et la Reine ne décommande nullement ses invitations. N'en parlez donc pas si vous n'en entendez pas parler. 9 Heures J’ai des nouvelles de Londres. Very gloomy, comme les vôtres. On croit très probable que le Sugar bill, sera rejeté et alors la dissolution immédiate. Et proba-blement une majorité protectionniste. Avenir plus obscur que jamais. Peel, a favourite to the nation autant que perdu dans le Parlement. A Madrid Bulwer mal pour les fils de D. François de Paule ; cherchant à les décrier, y compris De Enrique. Remettant sur le tapis un archiduc, un brouillon dépité. Je lui croyais plus d’esprit. Et j’ai encore peine à croire qu’il fût impossible d’en tirer meilleur parti. Mais les deux hommes se sont heurtés, dés le premier moment au lieu de s'accrocher. J’ai toujours pensé que Thom avait de l’esprit. J’ai essayé plusieurs fois d’aller au devant de cet esprit, de le faire sortir à l’air. J’ai causé. J’ai été bon enfant. Il n'y a pas eu moyen. La peur le paralyse. Ses informations et ses idées espagnoles lui viennent évidemment de Bourges. Adieu. Adieu. J'ai à écrire à Génie pour je ne sais combien d'affaires. Votre estomac et vos jambes me déplaisent. Il faisait froid ici aussi ces jours derniers., Aujourd'hui le chaud revient. La promenade serait charmante. Adieu. Mon éternuement m'irrite. J’ai pris cinquante fois mon mouchoir en vous écrivant. Adieu de loin. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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13. Paris Jeudi le 23 juillet 1846

Et bien me voilà malade ; depuis St Germain, ou plutôt depuis un bain que j’ai pris ici la veille d'y aller. J’ai perdu tout appétit & je n'ai plus de jambes. L’estomac parfaitement déréglé. Enfin ce matin me sentant très mal je suis venu ici. Chermside sort de chez moi, il me garde ici, nous verrons demain. Il croit que c'est le sang en mouvement. J’ai vu Génie un moment il m’a porté votre lettre. Ne sortez donc pas après le dîner, vous voyez bien que vous y attrapez toujours un rhume. Le Val Richer est humide, cela est très sûr. Tout le monde me l’a toujours dit.
Hier je n’ai vu que les Batteurst. Rien de nouveau. Furner contre Peel, c'est comme tout le monde. Mais voici ce qu’ils m'ont dit et que nous ignorons. C’est que Sir G. Grey, & Ch. Wood disent hautement que si lord Grey se querelle avec ses collègues, ils n'en sont pas. Ainsi s'il sort, il sortira seul. Cela change un peu la situation. J'ai une lettre de Brougham semblable à la vôtre. Génie me dit que Palmerston vous invite par Jarnac à agir à [Touis?] pour l'armistice, Metternich faisant des efforts contre. Hier Thom me disait qu’il en fallait une mais qu'elle ne pouvait pas être générale, sans cela la révolution éclate demain ; n'y pensant bien même il me semble qu’il n’admettait aucune armistice. Ce qu’il admet c’est des réformes dans le gouvernement intérieur. Je n'ai fait dire mon arrivée ici à personne, je me sens trop bête & misérable. C’est aujourd’hui que je vais m'ennuyer. Adieu. Adieu. Votre banquet a donc lieu le jour anniversaire où vous avez commencé votre révolution il y a 16 ans. Adieu dearest adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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13 Val Richer Vendredi 24 Juillet 1846, 7 heures

Je n'ai point éternué, point pleuré cette nuit. J’ai bien dormi. Je suis beaucoup mieux ce matin. C’est vraiment curieux avec quelle vivacité ce mal-là me vient, avec quelle rapidité il s'en va. Hier, s'il avait fallu aller et parler à mon banquet, j’en aurais été incapable. J'en étais vraiment préoccupé, et attristé. Ce n’est qu'à vous que je dis mes satisfactions orgueilleuses, à vous seule aussi mes faiblesses. J'en ai bien plus qu’il n'en paraît. Les circonstances importantes, les nécessités absolues, prévues, annoncées, de paraître et d’agir, me mettent bien souvent, plusieurs jours à l'avance dans un état de malaise, de frémissement intérieur, de doute et d’inquiétude, que je ne laisse pas du tout percer, que je contiens et comprime fortement en moi, car j’ai beaucoup d'empire, sur moi-même mais qui n'en est pas moins, très réel et très désagréable. Tout le monde est convaincu que la tribune ne m'inquiète et ne me trouble jamais. Tout le monde se trompe. Je suis très souvent et très vivement troublé, pas quand une fois je suis à la tribune et dans l’action, mais auparavant, en pensant au succès nécessaire et toujours incertain.

8 heures Décidément les bains ne vous valent pas mieux que le serein à moi. Cela m'étonne. Nerveuse comme vous l’êtes il me semble que les bains devraient vous être bons, J’espère que votre estomac se remettra bientôt en ordre. Pour les petits soins contre les petits maux, j'ai assez de confiance dans Chermside. Il vous connait bien et me parait sensé. Pourvu qu’il n'abuse pas des blue pills. Je vais attendre tout le jour la lettre de demain. Que de temps dans la vie on passe à attendre ? Palmerston me fait demander, en effet ce que nous pensons des Affaires de Rome, [?] et autres, et ce qu’il doit dire et faire pour être comme il veut, d'accord avec nous. Cela sera facile à Rome où il n’est rien, et nous n'en tirerons pas grand profit. C’est à Madrid qu’il faudrait-se mettre d'accord, et j'en doute tous les jours d'avantage. J’ai fait ma démarche. Nous verrons le résultat. En tout cas elle est bonne, et si elle ne nous met pas d’accord ; elle me mettra, moi, à l'aise. Comme on peut être à l'aise dans une si grosse et si difficile affaire. Un grand point sera au moins obtenu. Il n’y aura, rien avant mes élections. Les nouvelles en sont toujours très bonnes. De plus en plus bonnes, si je m'en rapporte à ce qui m’arrive de tous côtés. Mais j’ai aussi ma méfiance. Le Roi d’Hanôvre a été assez malade pour qu’on ait été sérieusement inquiet pendant trois jours. C’est du moins ce que M. d’Houdetot m'écrit. Il est mieux. Il aura M. de Béarn le 4 août. L’ordonnance sera signée ce jour-là comme ministre définitif.
Les bains de mer réussissent parfaitement à ma fille Pauline. On lui jette sur les reins des seaux d’eau qui j’espère seront bons à sa taille. Le temps est charmant depuis trois jours. Revenu au chaud, trop peut-être à Paris, et pour vous. Pas ici. Adieu, dearest. Plus j'avance, moins l'adieu me suffit. Je pense sans cesse à vous. Je vous suis dans tous les détails, à toutes les heures de votre journée. Il me semble que si j'étais là, tout serait mieux. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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14. Paris vendredi 24 juillet 1846

D’abord, je vais mieux ; je sais que je suis pour vous la première personne. Et puis voici ma révolte. Des instructions pour Bulwer ont traversé Paris Mardi dernier le 21. Elles portent ceci. Aucune puissance n'a le droit de se mêler du mariage de la Reine. L’Espagne est libre, & ce serait une attitude portée à son indépendance. L'Angleterre ne s’en mêle donc pas, mais elle ne saurait voir avec indifférence un mariage qui donnerait à une puissance quelle conque une influence prépondérante en Espagne. Elle s’y oppose donc, & Bulwer le déclarerait. Trappany & Montémalin sont aux yeux de Lord Palmerston hors de cause. Reste les deux enfants espagnols & Coburg. Celui des trois qui conviendra le mieux à la reine semblera très bon à l'Angleterre. Mais elle reste en dehors de toute intervention là-dedans ! Observations générales sur l’Espagne. Elle a une constitution qui n’existe que de nom. En fait il n'y en a pas. Quand les Cortez incommodent le pouvoir on les chasse. La presse on la suspend. L'Angleterre n’intervient pas pour faire à cet égard des remontrances. Mais Bulwer est invité à donner cours à l’opinion que porte son Cabinet sur cet état de choses. Tel est le sommaire des instructions. Des avis particuliers disent que la reine penche beaucoup pour un Coburg. Palmerston est assez d’avis de Enrique. Il n’est pas sûr encore qu’il aille à Londres. Il y a des embarras pour sa réception. La reine ne veut pas le voir. Elle a trouvé très impertinent qu'il lui ait écrit de Bayonne une lettre de félicitations sur ses couches. (la lettre de Palmerston au roi !!) Dans tout cela elle marque la préférence pour la candidature Coburg.
Voilà votre lettre. Suis-je furieuse ! Je vous dirai ce que vous faites pour faire plaisir à Henriette vous la menez promener le soir, & voilà votre rhume. Prenez garde, je n'aimerai pas du tout votre fille, & je trouve vos faiblesses très ridicules. Est-ce que moi je vous prendrais cinq minutes pour le soupçon du plus léger risque d'un seul éternuement ? Ecoutez je vous défends formellement de vous promener le soir, et si vous le faites je vous promets que je serai malade de façon à vous inquiéter. Je savais l’indisposition du duc d'Aumale avec tous les détails. Les gens de cour sont très bavards ici, Thom m’avait conté cela. J’ai vu hier Génie et lord W. Je me suis tenue fort tranquille pour me soigner, & je suis mieux. Je ne sais encore si je reste ou si je retourne à St Germain. Je penche pour retourner ou pour aller à Lisieux et vous barrer la promenade dès 7 heures du soir. Comme c’est ridicule ce que vous faites. Je suis en grande colère. Je vous en prie mariez votre fille & que son mari la mène promener. votre éternuement m'a dérouté de l’Espagne, je reviens car il y a encore quelque chose. Miraflores est chargé de demander formellement le duc de Montpensier & si on le refuse, de déclarer qu'on prendra le Coburg. Le roi a répondu qu’il ne donnerait pas son fils & qu’il ne souffrirait pas le Coburg. Si la reine est si pressée qu’elle prenne un infant Espagnol ou si son aversion pour eux est plus fort que sa hâte d’un mari, qu’elle attende. Il ne l’a pas dit si fortement que cela mais voilà cependant dans le fond. Miraflores a conté tout cela à Cowley. Cowley a reçu une réponse de Palmerston. Il remercie l'ambassade de sa very handsome letter (probablement il insinuait qu'il se rendrait si on le pressait.) Il eut été charmé de lui voir continuer ce qu'il faisait à bien mais des partis considerations le forcent à soumettre à la Reine la demande du nouveau lord Normanby. Voilà Cowley furieux & qui ne comprend pas ce que veulent dire des partis considérations. Je ne les ai pas vus. On leur insinue que dans quinze jours Normamby pourra venir à Paris. Voilà une longue lettre, vous ne la méritiez pas du tout. Vraiment vous ne m’aimez pas. Vous aimez mieux une fantaisie de votre fille que ma tranquillité, mon bonheur. Je suis triste car tout cela me mène loin, et je prévoyais que je dégringolerais au Val Richer. 1 heure. Je vous envoie une lettre de Bulwer. On m’a dit en confidence qu'il avait demandé un congé. Sa lettre est bien aigre selon moi. Un homme irrité, blessé, dérouté et espérant de Mischiefs. Lord Willian trouve bien mauvais que vous soyez absent dans ce moment. Il dit qu'on aurait bien besoin de vous à présent pour ces tracasseries espagnoles. Moi Je trouve qu'il faut vous laisser votre repos, mais si vous comptez l'employer à éternuer je vous prie de revenir. Savez-vous qu’à tout prendre vous auriez mieux fait d’épouser don Enrique que tout de suite il y a un ou deux ans. Quel gâchis à présent. Adieu je ferme, je vous gronde au milieu de deux ou trois adieux.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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14 Val Richer, Samedi 25 Juillet 1846

Voilà une bonne lettre. Vous vous portez bien, vous me grondez et elle est longue. Mon éternuement est parti, et ma pauvre Henriette n’y est pour rien du tout. Ce n’est pas pour la mener promener, c'est pour mener promener M. Austin que je suis sorti le soir, et ma mère et Henriette s’en sont plaintes tout haut pour qu'il ne me fût pas possible de recommencer. Acquittez donc Henriette, dans votre esprit, et portez-vous bien. Je vous promets que je ne sortirai jamais le soleil couché. Lui et moi, nous ne serons jamais qu'ensemble sur l’horizon. Votre menace m’a fait trembler. Vous êtes charmante de vous mieux porter, charmante d'avoir si peur pour moi, mais bien... (je ne trouve pas de mot qui me convienne) de craindre le Val Richer et son influence. Je n'y apprends qu'à mieux sentir tout ce que vous êtes pour moi et le besoin que j’ai de vous. C’est un sentiment qui monte de jour en jour en moi comme la marée. Et jamais de reflux. Quelle comparaison ! Un reste de ma course de samedi dernier à Trouville. La vue de la mer me laisse toujours une impression profonde. Je ne connais rien de plus frappant que ce mouvement perpétuel dans cette monotone immensité.
Courrier très chargé ce matin deux dépêches et quatre lettres particulières de Flahault, M. de Metternich très blessé, très chagrin de Montalembert et Villemain. Ne se plaignant point de mon silence, disant qu’il le comprend et que j'ai bien fait. Je n’ai pas dû donner dans un piège qu'on me tendait la veille des élections. Metternich désavoue quelques uns des faits avancés par Montalembert. Henri Bogusez n’est pas mort. Il se porte bien a Cracovie. Quant aux faits indésavouables (sic) le gouvernement autrichien persiste à en repousser la responsabilité. Mais sinon la connivence, du moins l’apathie, la faiblesse l’imprévoyance, l'impuissance sont de plus en plus évidentes. Le Général Collin a évacué Cracovie parce qu’il n’avait, pour ses troupes, que 15 cartouches par homme et qu’il n’avait aucun moyen de s'en procurer dans toute l'étendue à son commandement. Aujourd’hui le corps d’armée qu’il faut entretenir dans la Galicie coûte un surcroit de dépense de 800 000 florins (plus de deux millions de francs) par mois. L’Autriche sera obligée de faire un gros emprunt. En outre grande fermentation dans toutes les parties de la Monarchie, même dans les états héréditaires. Les Etats de la Basse Autriche, réunis à Vienne, viennent de demander de prendre part à la confection des lois, l’abolition de la corvée & &. En Bohême, la noblesse prend l’initiative des réformes. Dans le gouvernement même dans les Affaires étrangères, beaucoup de choses arrivent dont M. de Metternich décline la responsabilité en disant qu’il ne les a pas sues qu’il n’en a pas entendu parler. Déclin palpable de l'état et de l'homme. Je n’aime pas les déclins, dussé- je en profiter. Je ne laisserai pas échapper le profit, s’il y en a mais le spectacle n’est pas de mon goût. Quant à Rome mes nouvelles sont d'accord avec les vôtres. Vienne s'en inquiète, combat l'armistice et fait, sur les réformes, du galimatias, sensé, mais si vague que ce n’est pas la peine de l'écrire. Il n’y a pas le plus petit conseil pratique à en tirer. Flahault va à Königswart, de là à Marienbad. Puis, il me demande un petit congé pour aller, soit à Venise, soit à Milan, voir sa femme et ses filles, y compris Lady Shelburne qui va aussi passer l’hiver à Rome. Vous le savez probablement déjà. Une lettre de Bulwer à moi tout-à-fait semblable à la vôtre. Aigre, inquiète déroutée souhaitant du mischief, comme vous dîtes, pour sortir d'embarras. Il n’en sortira pas. Ni personne. Bien mauvaise affaire que cette Reine à marier. Je ne vous en parlerai pas aujourd’hui. J’ai trop à y penser. Aujourd’hui je ne veux penser qu’à mon discours de demain. 600 personnes à table, et 10 000, non pas sous la table mais en dessous de la plateforme où est la table, se promenant là pour nous voir dîner et m’entendre parler, ce qu'elles n’entendront pas. Qu’il y a de choses, en ce monde qui seraient très ridicules si elles n'étaient pas très sérieuses ! Adieu. Adieu. Je vous remercie encore de tout. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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15. St Germain samedi 25 juillet 1846

Hier soir quinze jours depuis notre séparation. Combien en faut-il encore ? Je suis revenue dîner, le médecin le permet. Si le mal me reprenait ce serait décidément causé par l'air. Alors il faudrait renoncer tout-à-fait Eternuez-vous encore ? Je suis tout aussi fâchée aujourd’hui que je l’étais hier. J'ai vu Hervey encore avant de quitter Paris. Toujours l’Espagne. Parfaite certitude que Palmerston n’entrera pas dans votre idée d’action commune ou simultanée pour un candidat quelconque, très sûr que le queen's favorite est Coburg. Et vraisemblance que c’est par là que les Whigs chercheront la faveur de la cour. J’ai dit un mot du tripotage pour l'Autrichien comme l’ayant appris à Paris, et j’ai ajouté, cela n’est pas possible même dans votre idée de prépondérance étrangère. C'est bien différent me dit Hervey, l'Autriche n’est pas voisine. Il ne croit pas qu’on accorde de congé à Bulwer. Il est trop nécessaire dans ce moment tout ce que je vous ai rapporté hier sur les instructions à Bulwer est au fond sensé, et serait reçu avec acclamation au parlement. On y trouverait la conduite d'Aberdeen trop subserviest to France. C'est un bon terrain pour Palmerston & c'est là ce qui m’inquiète. J’ai paru chez Lady Cowley en m'en allant. Je l’ai trouvée froide et aigrie. Hervey m'en avait un peu prévenue. Cela a été pour moi comme non avenue. D'après ce qu’elle m’a dit Cowley aurait vraiment presque demandé à rester, car la réponse de Peel était ceci. " Malgré le désir que j’aurais eu à vous contenter en vous conservant à votre poste" & & C'est un peu enfant à Cowley. A présent encore ils ne se pressent pas. Ils croient que le Ministère sera renversé sur le sucre. Mais leur aigreur pour moi ne vient pas de là. Ils sont très susceptibles à l’endroit de lord Winston et ses visites chez moi les offusquent. Me sachant en ville et malade, elles ne sont pas venus quoique je le leur ai mandé, et puis elles ont donné quelque mauvais prétexte à cela. Ils sont en marche pour l'appartement des [Heusbourg]. Hervey est furieux, il trouve que leur résidence à Paris serait de la dernière inconvenance, certainement incommode pour lui. Il ne croit pas qu'on le leur permette, & cite Stuart qui était resté, & qu'on a menacé du retrait de sa pension s'il persistait. Il a quitté. Le portrait du roi est superbe. Un cadeau très royal, et dont ils sont bien glorieux.
Madame Danicau va toujours bien sauf la lecture. Voici une lettre de Flahaut. Lisez la jusqu’au bout, si tant est qu’il ne vous parle pas lui-même de la séance de la chambre des pairs. Orloff m’a répondu avec beaucoup de politesse sur l'envoi de l’argent. Voici ma dernière lettre de Marion. Charmante fille. Que faut-il dire sur la demande de 3 mois en hiver ? Il me parait préférable que la femme reste à Rome qu'à Vienne. Midi. Voici le N°13. Merci, merci puisque votre rhume est passé, ma colère l’est aussi, mais ne retouchez pas, je vous en prie. Ne sortez jamais après 7 heures promettez-moi cela. Lady Allen me mande que Peel is likely to support the sugar bill et qu’il vaut mieux que les Whigs ne touchent pas sur cette question qui est très populaire. Elle ajoute que personne eux y compris ne croie qu'ils pensent durer au delà de la session. Adieu, bon courage et bonne voix pour votre banquet. Ne parlez pas trop longuement. Je ne sais tout ce que vous allez dire. J’espère all rights and to the point. Adieu. Adieu. dearest. Vous ne me parlez plus de votre visite projetée à Paris pour le 30 ? Dites m'en un mot. Adieu. Adieu encore god bless you, & pardonnez-moi mes colères. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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14 Val Richer, Dimanche 26 Juillet 1846

Vous n'aurez que deux lignes aujourd’hui, pour que vous ne soyez pas inquiète. Je pars à 11 heures et demie pour Lisieux. J’ai ma toilette à faire et ma promenade pour mon discours, car j’ai été hier assailli de visites qu’il a fallu recevoir. Je ne puis renvoyer, en ce moment des électeurs qui viennent de plusieurs lieues. Je sais ce que je veux dire à ce banquet. Mais j’ai encore besoin d’une heure de solitude. Je vais bien. Plus d’éternuement du tout. Merci de vous bien porter. Je vous renvoie Flahault et Marion. Charmante fille comme vous dites. Rien de nouveau ce matin. L’Espagne me tourmente beaucoup. Adieu. Adieu. Pardon de mon laconisme. Adieu. G. Lord Normanby sera à Paris Le 17 août. C’est ce que m’écrit La Rochefoucauld. Il est parti de Florence le 16 pour Londres.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Je suis content de mes conversations ici. Je trouve les affaires électorales en bon état. Il y a toujours bien du hasard dans cette partie là, mais les symptômes sont de plus en plus pour nous. A Neuilly, bonne conversation. Le Conseil est ce matin à 2 heures, aux Tuileries. Je compte partir de chez moi à 4 heures et demie et être à St. Germain à 6 heures. Mais je ne puis répondre de l’heure précise. Si je vous fais attendre un peu, vous me le pardonnerez n'est-ce pas ? Je vous le rendrai dans la soirée. Adieu. Adieu. Quel dommage que ce ne soit qu’une soirée ? Adieu. G.
Paris Mercredi matin 29 Juillet 1846

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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16 . St Germain dimanche 26 juillet 1846

Je serai charmée de vous savoir revenir de votre banquet, & content & reposé. Moi, je vais un peu mieux. Hier, j'ai eu la visite de Fagel, & Fleichman, plus tard, Pahlen à dîner. Nous avons beaucoup ri de mille vieilleries. Il est plein de bonne gaieté de souvenirs, avec un fond de mélancolie très triste, car cela frise l'homme prêt à se tuer. Les diplomates n’avaient rien de nouveau du tout à me conter. Toujours Sébastiani.
Génie est d'une étourderie bien ennuyeuse. Et c’est trop long à vous conter, mais enfin il m’a livré 1829 au lieu de 1827, et cela après des commentaires qui rendent sa distraction encore plus singulière. C’est cependant fort triste pour moi car je lui avais bien dit, ce qui est vrai, que 27 allait faire ma seule joie. St Germain l’autre jour, il vous a envoyé mes lettres et billets au lieu de les envoyer à la poste. C’est un drôle d'homme de Cabinet. Frenchman ! Je n’aime pas Lamoricière en face de Casimir Perrier. Pourquoi tout cela va t-il comme cela ? c.a.d. pourquoi le général est-il opposition ? Thiers a dû partir hier pour Le Havre, où sa belle mère l’a précédé.
Madame Danicau est une personne très utile très résolue, elle a pris une autorité étonnante sur tout mon monde. Elle me trouve parfaitement incapable de me faire obéir. Elle ne cesse de s’étonner de l'embarras que je me donne pour n’aboutir à rien. Elle ne trouve bien dans les gens qui me servent qu’auguste. Stryborn décoration. Mes femmes, des dames que je sers. Elle a peu d’esprit, ce n’est pas une ressource. Son maintien est excellent. Elle a du tact. Voilà. Et puis elle ne sait pas lire. Que ferons nous de tout cela ? Pauvre femme comme elle doit s'ennuyer avec moi. Je suis pour elle très affectueuse, elle est plein d'envie de me plaire et de me servir. Je m'ennuie beaucoup ici. S'il se passait un jour sans une visite à dîner je n’y tien drais pas. Il fait froid ici. Voici votre lettre, bonne charmante. Je vous en prie soignez-vous aujourd’hui. Que je suis bête ! J’ai peur du 10 milles personnes sous la table. Vous savez que j'ai peur de tout. Je n’aime pas ce dîner. Je vais rester inquiète jusqu’à mardi. C'est bien long ! Bacourt m'écrit une lettre intéressante que je vous envoie renvoyez la moi. Adieu. Adieu. J’ai peur du dix mille. Je ne suis pas raisonable. Adieu. L'armistice du Pape me fait un grand plaisir. Vous avez remarqué que lord Landsown a dit de bonnes paroles pour l’Autriche. Adieu encore dearest, adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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16 Val Richer, Lundi 27 Juillet 1846 8 heures et demie

Pas deux lignes, mais deux mots. Je partirai ce soir vers 10 heures. Je serai à Paris demain, mardi entre 10 heures et midi. J’y passerai mardi et mercredi, et j'en repartirai mercredi soir, aussi, tard que vous voudrez. Donnez-moi, ces 36 heures à Paris. J’aurai conseil mercredi, à Neuilly ou aux Tuileries. Voici Brougham, pour vous et pour moi. Que de choses à nous dire ! Et par dessus tout le plaisir de nous voir. Quel plaisir ! Je vais bien. Soyez bien aussi. La lettre de Bacourt est intéressante. Nous verrons l'effet du Roi de Wurtemberg. Je ne crois pas. Adieu. Adieu. J’ai de curieuses lettres de Londres. Mais je n'écris rien. Je serai arrivé quand vous aurez cette lettre. Tout s’est parfaitement passé hier au banquet. Adieu. Adieu. G.

Mots-clés :

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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17. St Germain Lundi 27 juillet 1846. onze heures

Je vais en ville tout exprès pour chercher le volume 1827, par occasion je chercherai à voir chez moi quelques personnes. J'ai rêvé et pensé toute cette nuit à votre dîner je ne m'inquiète pas de savoir si vous avez bien parlé ou non, je veux savoir avant tout, that you are safe dearest. Rodolphe est venu hier dîner avec moi. Ce n’est pas lui qui me fournira de quoi remplir une lettre ! Hélène est lectrice, et enfant & de la fortune. 900 mille francs de rente. La seule obligation est de s'engager à ne point faire de dettes. renvoyez-moi la lettre de Bacourt. Je pense que Bacourt ferait très bien à Vienne pendant l'absence de Flahaut. Mareschalebi est trop bête, & c’est trop reconnu. Le temps est charmant et je vais mieux. Adieu jusqu’à Paris.
Paris 1 heure Je trouve votre billet, & les remords de Génie pour le volume, avec le volume. Georquier est venu mécontent. Les nouvelles de Londres semblent indiquer que le sugar question n'éprouvera pas de naufrage. Va donc pour les Whigs pour quelques temps. Vous ne me dites pas si vous venez ici cette semaine comme vous l'aviez d’abord voulu. Je comprends que l’Espagne vous tracasse. L’affaire est détestable, et vous savez bien que si la petite fille n’était pas mariée avant le règne de Lord Palmerston cela devait mal tourner pour vous. Ce sera le Cobourg, je n’en doute plus, et ce sera lui, sans même la compensation de l’infante pour votre prince. Palmerston et son lieutenant à Madrid y pourvoiront. Je suis bien fâchée de tout cela. Cela a trop traîné. Vous avez dépensé beaucoup d’habileté sur des terriens ingrats, & des choses impossibles. Le Trapani allait trop boîteusement à Naples et à Madrid, et vous vous êtes trop attaché à la gloire de vaincre tant d'obstacles. Voilà de la morale fort inutile. Il s'agit maintenant de ne point se brouiller avec l'Angleterre pour cela, mais aussi de ne pas avoir l’air battu par elle. That is the question. A difficult one. J’attends Génie.
4 heures. Il ne vient pas, je m'inquiète. Qu’est-ce qui se sera passé à votre dîner ? Ah l'absence, la distance. Quelle horreur ! Hervey sort d'ici. (Oubliez que je vous le nomme & que je vous nomme Clarendon parce qu'il me demande le secret.) Hervey lui a écrit sur le mariage, & lui a dit que le nom de Cobourg parmi les candidats fait mauvais effet. Et qu'il lui semble qu’avant tout il faut que le mari soit du gré des deux puissances autrement tant pis pour l’Espagne, & tant pis pour la paix. Clarendon lui répond que le nom de Cobourg est une comédie que c’est une manière de plaire à la reine, que le Cabinet et Lord Palmerston veulent Enrique & ne se souvient pas du tout de Cobourg qu'on voit bien à quoi mène ceci.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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18 St Germain vendredi le 31 juillet 1846 Midi.

Je me suis sentie bien triste et perdue hier en entendant s’éloigner votre voiture. Comme les moments de bonheurs s'écoulent vite, & quel vide ils laissent dans le cœur. Je dis mal, le cœur est bien plein, bien riche. Mais comme la vie s'arrête ! Ah le gros souper que je fais là. Vous concevez que je n’ai pas de nouvelles à vous dire. Je trouve le journal des Débats très bien ce matin. Son article sur Thiers excellent. Le contistutionel embarrassé de coups de pistolet, mais je n’ai pas bien lu encore. La chaleur est excessive ce matin. Je vous écris dans le salon. Ma chambre n'est pas tenable. Je vous en prie prenez c.a.d. faites prendre des précautions. autour de votre personne. Cette mode de coups de pistolet m’épouvante. Vous avez beaux être populaire dans votre province, il a peut s’y trouver quelque mauvais sujet. Dearest prenez soin de vous. Adieu. Adieu, à mille fois cela. Encore quatorze jours. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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18 Encore quelques lignes seulement à mon grand déplaisir. Mais il le faut absolument. J’ai dormi tard. J’avais besoin de dormir. Un orage m’a réveillé dans la nuit. Je me suis rendormi le matin. Je pars à 10 heures pour mon collège électoral. Soyez tranquille. Je prends ou fais prendre toutes les précautions dont je n’ai pas besoin. Je ne veux pas que rien n’arrive par ma faute. Je veux jouir avec vous, près de vous, de tout ce qu’il plaira à Dieu de me donner de vie.
A part le souvenir charmant de ces deux soirées, je suis charmé de savoir où vous prendre, où vous regarder, d'avoir vu le lieu, le salon, la chambre, les meubles. Vous aurez passé là un mois. C’est beaucoup. Je t’aime, je t’aime. Après tout, ma lettre bien cachetée est un lieu moins public que la terrasse de St Germain. Adieu comme je t'aime ! Rien de nouveau de Paris. La situation électorale gagne au lieu de perdre. Le Général Lamoricière n'a pas réussi dans sa réunion. du moment où vous recevrez cette lettre, la plupart des votes seront déjà déposés dans les urnes, et la question sera à peu près décidée. Le bon résultat sera très bon, et le mauvais, s’il y en a un mauvais, ne sera pas assez mauvais pour que j'en aie grand peur. Je suis, en tous cas décidé, à ne pas accepter une situation douteuse. Adieu. Adieu.
Voici une lettre de Brougham. Bien en colère. Renvoyez-la moi. Je lui écris de temps en temps. Quelques folies qu’il fasse et dise, il restera toujours un homme important, et je veux être toujours bien avec lui. Adieu. Adieu Val Richer samedi 1er août 1846. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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19 ou 20 Lisieux, Dimanche 2 août 1846

Ceci est pis qu’hier. Je vous écris du collège même, au milieu des électeurs qui votent pour moi. Tout mon temps leur appartient. Je suis parti du Val Richer à 7 heures. J'y retournerai à 9 heures tout va bien ici et dans les environs. Merci du N°19. Il fait moins chaud aujourd’hui, si le chaud vous fait mal, je finirai par me brouiller avec lui. Vous ne m’avez pas donné des nouvelles de votre estomac. J'en veux. Adieu. Adieu. Je ne sais ce que vous dis. Il y a là dix électeurs qui me parlent à la fois. Demain vaudra mieux. Adieu. Adieu dearest. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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19 St Germain Samedi 1er août 1846

J’attends votre arrivée au Val Richer. Il fait bien chaud, bien beau ici. Kisseleff et Pahlen sont venus dîner hier, en belle humeur & ravis d'échapper à Paris. Fleichman était venu le matin, à moitié fondu. Point de nouvelles. Kisselef répétant que rien n’est éternel, et rien impossible, curieux, de ce que nous allons faire du nouvel attentat, à peu près décidé s'il vient une dépêche à la supprimer et à faire le compliment viva voce. à quoi vous diriez viva voce " toujours sensible à l’intérêt que ... fait temoigner " L’impression du coup de pistolet à Paris fort affaiblie puisque c’est si répété. Du dégoût, des réflexions déplaisantes, de la honte, voilà. Le duc de Poix était mourant hier. Sabine se marie, elle épouse M. Standick Anglais 23 ans, pas beaucoup de fortune, & gros & court. Louis de Noailles épouse dit-on Melle de Gallifet. Mad. de Nesselrode sera à Paris le 20 pour 15 jours. L’Empereur qui ne pouvait pas la souffrir et qui a passé 30 ans de sa vie à lui témoigner vient de découvrir que c'est une femme supérieure. Elle est en grande faveur, dont son mari rit beaucoup.
Voici vos douces paroles. Je suis parfaitement d’avis que nous en sommes encore aux découvertes sur notre propre compte. Charmantes découvertes. Imaginez de passer beaucoup de soirées comme les deux dernières. Et cet air si doux si pur. Cela y fait quelque chose. Et nous avons si peu si peu de ces jouissances Là ! Je vous prie prenez des précautions demain à votre élection, par complaisance pour moi. Adieu dearest Adieu. Je vais être curieuse après demain de ce qui se sera passé à Paris et plus loin. Je compte aller lundi matin en ville pour quelques heures. God bless you dearest. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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20 St Germain Dimanche le 2 août 1846

Voilà donc votre grand jour d’élection. Comment cela ira- t-il ? Hier des bruits sinistres étaient fort répandus à Paris. Le Roi blessé au bras, le roi tué comme cela revenait de tous les côtés j’ai eu quelques heures de grande inquiétude. Thom est venu la dissiper. Il avait été aux enquêtes. Tout cela était menti. Dieu merci. Rien de nouveau pas Thorn. Personne ne voit Armin. Il vit tout-à-fait renfermé sans contact avec aucun de ses collègues. Assez mal vu d'eux tous, parce qu’il ne leur a jamais encore fait visite. Il se pose en ambassadeur, & les autres n’acceptent pas cela. Thorn inquiet de sa monarchie disant sur cela des choses fort sensées. Les longs règnes des rois ou de Ministres ne valent rien, parce qu’on veut continuer comme on a commencé et cela n’a plus le sens commun lorsque les autres avancent. Savez-vous que c’est vrai, & que tout ce qui a duré longtemps a pauvrement fini ?
Voici votre lettre, charmante et moi aussi je t'aime, je t’aime. C’est si charmant de nous aimer, mais il faut être ensemble. Et voici encore bien des jours à venir qu'il me faut passer seule. Au moins pas d’accident, pas de rhumes, rien je vous en prie qui puisse m'en inquiéter. Je vous dis une bêtise, car je m’inquiète tout de même cette nuit de l'orage. Aujourd’hui bonne pluie bien nécessaire, j’étouffais. Adieu. Adieu cher bien aimé. Vous voyez que l’exemple gagne. Je m’émancipe Voici Brougham. J’aime ces ferveurs. Mon fils Alexandre me mande de Kramsach qu’ils y ont eu un tremblement de terre. Paul est retourné à Londres. Adieu. Adieu. Demain j'irai à Paris chercher des nouvelles sur les élections, je commence à m’animer. Adieu dearest. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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20 Val Richer, Lundi 3 août 1846

C’est fini ici. S’il en était ainsi partout, il n’y aurait certainement pas assez d’opposition. Il en faut plus que cela. Mais je suis tranquille ! D'après ce qui me revient, la lutte est extrêmement vive dans les environs. On s'est presque battu à Bernay et un peu battu à Cherbourg. Aucun résultat n'était encore connu hier à 9 heures, quand j'ai quitté Lisieux. Je me suis levé ce matin de très bonne heure pour dicter encore quelques paroles de remerciement que j’ai dites hier, quand l'élection a été proclamée et qu'on a voulu absolument recueillir. Elles ont bien réussi. Je retourne à Lisieux ce matin à 10 heures, pour entendre, lire et signer le procès verbal du Collège électoral. Puis, j’irai à Trouville, avec ma mère et Henriette, pour y chercher Pauline et la ramener demain au Val Richer que je ne quitterai plus que pour aller vous retrouver, vous mon seul vrai plaisir, mon plus charmant repos. Oui, nous retrouverons ensemble des soirées comme les deux dernières : nous irons les chercher. Leur parfum ne s'est pas encore évanoui.
Je suis un peu fatigué. J’ai eu hier & avant-hier deux déjeuners, et deux dîners assommants. Je n’ai certes pas plus mangé ni bu qu'à mon ordinaire, mais l'estomac se fatigue de ce qu’il voit comme de ce qu’il prend. Et l’assiduité, tant d’heures durant à une conversation si insipide, & qui ne doit pas un moment en avoir l’air ! J'y réussis très bien. Je ne fais pas les choses à demi. J’attends bien impatiemment l’estafette qui m’apportera les premiers résultats. Elle ne sera pas encore arrivée à Lisieux quand j’y passerai tout à l'heure. On me l’enverra à Trouville. Vous aurez tout cela avant moi. Castellane m’écrit de ses montagnes : " Je crois moi, au grand succès dans les élections ; ce qui est très juste, car l'opposition est enviable et ce qui donnera de grands devoirs au parti conservateur. J’irai à la petite session, à moins qu’elle ne soit tout-à-fait une forme. Je m’attends en effet, en cas de grand succès aux exigences du parti conservateur. Il se sentira à son aise et voudra avoir quelques plaisirs de popularité. Nous verrons. Je vous quitte pour écrire au Roi. J’ai à lui envoyer une lettre de Bresson qui ne m'apprend pas grand chose. Plus j’y pense, plus je me persuade qu’à Londres on n’a pas en effet dessein d'entrer en lutte avec nous. Mais je crains leur faiblesse, faiblesse pour la Reine, faiblesse pour Espartero faiblesse pour les préjugés des journaux. Ils ont besoin de tout le monde, et l’âme pas bien haute. Je n’ai pas autre chose à faire que ce que je fais. Adieu. Adieu. En attendant votre lettre.
8 heures. La voici. Charmante. J'y comptais. Quand j’ai lu et relu, je passe aux affaires. Il y en a beaucoup aujourd’hui mais rien d'important. Deux lettres du Roi qui se porte mieux que jamais. " Toutes nos santés sont bonnes, me dit-il, la forte secousse que la Reine et ma sœur ont éprouvée est bien passée. Quant à moi, je suis à merveille, et je fais faire un peu d'exercice au Ministre de la guerre, dans mes promenades dont je jouis beaucoup. ". Et dans la seconde : " Je vais me promener dans mon char à bancs. Hélas ! avec escorte ! " La formation des bureaux, que m’apportent les Débats, est de bon augure. Adieu. Adieu. Je vous écrirai demain de Trouville. Je n'en reviendrai que le soir. Soyez tranquille. Ni assassin, ni rhume. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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21. Paris lundi 3 août 1846 1 heure

Génie, insupportable homme traîne votre lettre dans sa poche & ne m’arrive pas. Je l'ai prévenu que je venais, je l'ai prié de me faire trouver ma lettre ici. Il ne lit pas ce que je lui écris. Que faire. J’attends et je grille. En attendant je ne sais what to make out of your elections. Paris n'est pas bon. Vous n’en avez que deux. J’espère que le pays vaudra mieux. Hier [Lorvujelen?] est venu me voir le matin, & Balabius est venu dîner. Rien, pas un mot de nouvelle. [Georgia] sort d'ici. Elle ne sait rien non plus, sinon, que Lady Palmerston n’a pas encore dîné chez la Reine quoiqu’il y ait eu des dîner. Les Cyley se disposent à partir le 25 ou 26. Voici une lettre de lord John. Je vous croyez devoir l’envoyer plus loin vous pouvez le faire. Jarnac vient de me faire parvenir ma correspondance avec Lord Grey.
3 heures Enfin Génie, avec votre petit mot & d’excellentes nouvelles sur les élections. Vous concevez que je suis contente. du monde, pas moyen de les laisser-là. Je n’ai que le temps d'un long et bon adieu bien tendre.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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21 Trouville sur mer. Mardi 4 août 1846, 7 heures du matin

Je compte, je recompte. Je suis sévère. La partie est gagnée, gagnée au delà de mon attente. Sur 201 élections connues ce matin, nous en avons perdu 4, gagné 25. Reste 21 en gain, c’est-à-dire déjà 42 voix de différence en plus sur l'ancienne majorité. Il y a vingt à parier contre un que les 259 élections encore inconnues ne changeront pas en mal ce résultat. Bonne affaire. L'avenir n’en sera pas moins laborieux ; mais nous l'aborderons en excellente situation. J’ai eu confiance depuis seize ans dans le bon droit du bon sens. J’ai eu raison. C’est un grand plaisir. J’ai eu hier deux estafettes l’une à 5 heures, l'autre à onze. Celle-ci m’a réveillé. Je venais de me coucher. Mais je ne me plains pas. J'en aurai deux aujourd’hui qui m'apprendront à peu près tout. Vous aurez su tout cela avant moi. Tant mieux. J’aime votre plaisir au moins autant que le mien.
Beau temps ici, malgré quelques ondées soudaines. La mer toujours aussi belle. Décidément, de tous les spectacles naturels, si ce n'est pas le plus magnifique (la terre a dans les grandes montagnes et les grandes forêts, des aspects supérieurs), c'est le plus constamment saisissant et intéressant. Je vous écris, au bruit de la marée montante qui monte et vient mourir sous mes fenêtres. Je passe la journée ici, et à 6 heures, je retournerai au Val Richer, remmenant Pauline à qui les bains de mer ont parfaitement réussi. Point d’autres nouvelles, comme de raison. Le monde en suspens, du moins le monde en France. Le Roi m’écrit qu'il est parfaitement content de la conversation du Prince Royal de Bavière qui a passé samedi, et dimanche au château d’Eu et qui a dû quitter Dieppe hier pour le Havre, et puis pour Paris. Le Prince Jean de Saxe a donné sa démission du Commandement en chef des gardes nationales saxonnes. Une revue générale approchait & on a cru, lui compris, qu'après l'affaire de Leipzig l’an dernier, il ne pouvait s'y présenter. La dernière session des Chambres a fait faire, au parti Constitutionnel en Saxe, un progrès décisif. Ne dédaignez pas la Saxe. De tous les petits états allemands, c'est celui où j’entrevois le plus de bon sens politique. Adieu dearest. Je vous reviendrai après l'arrivée de mon courrier. Je l’aurai un peu plus tard ici qu’au Val Richer. 9 heures et demie Bonnes nouvelles encore, malgré quelques pertes cruelles. 25 voix de gain net sur 323 élections connues. Je regrette beaucoup MM. Jacques Lefèvre à Paris et Alphonse Périer à Grenoble, sort inévitable des batailles. J’attends ce soir les détails. Génie ne m’a envoyé que les chiffres. Je garde la lettre de Lord John. Je vous la renverrai bientôt. Jarnac doit arriver aujourd’hui à Paris. Je l’aurai au Val Richer du 8 au 10. Adieu. Adieu. J’ai là une foule de lettres insignifiantes, où il faut des réponses indispensables. Adieu comme à St. Germain. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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22. St Germain Mardi 4 août 1846

Je suis revenue ici hier au soir avec un accroissement de 25 voix à votre majorité. Je suppose que vous en perdrez un peu aujourd’hui, mais en attendant ce début était bon. J’ai vu en ville lady Cowley W. Hervey, Fleichman. Rien de nouveau de Londres grande vraisemblance qu'on ne dissoudra pas le parlement, et qu’en le laissant faire son temps ou s'affermira dans l’intervalle car Peel n’est pas mur, & les protectionnistes impossibles. C’est bien ennuyeux d’avoir à s’accommoder ou s’incommoder. des Whigs pour longtemps peut-être. J’ai écrit hier à Lady Palmerston. La journée hier était fraîche charmante pour la course ; aujourd’hui la chaleur est revenue. Je suis triste, j’ai laissé en ville votre lettre, c’est la première fois qu’un accident pareil m’arrive. Aucune importance à cette lettre pour personne, Mais pour moi ! Pouvez-vous me dire si le roi ouvre les Chambres le 17 ? Ou si, comme plusieurs personnes me le répètent, il n’y aura de séance royale que pour les proroger. Lady Cowley est en bien mauvaise humeur. Le moi domine dans tout. Ce n’est pas une personne aimable. Je suis bien enracinée de ce que Jarnac vous rapportera de Londres par suite de votre lettre de jeudi.
Midi Voici votre N°20 charmant. Mais ne vous revenez pas tant, reposez-vous. Je m'agite et m'échauffe en pensant que vous n'êtes jamais tranquille. Je vous prie soignez-vous. Je suis bien fâchée de M. J. Lefebre non révélé. Et ces lois sur les patentes qui devaient faire un si bon changement dans les élections ? Vous voyez que je me souviens ce soir vous saurez sans doute à peu près tout, ou demain matin. En somme il me parait que vous aurez gagné. J’ai seulement peur comme vous que ce ne soit trop. Cependant il vaut mieux cet embarras que l’autre. Adieu dearest. Qu’est-ce que sont pour moi les élections ? et tout le reste ! Je veux seulement que vous vous portiez bien & vous revoir bientôt, bientôt. Je vois avec grande joie que les deux soirées vous restent bien dans le cœur. C'est juste. Adieu dearest.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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22 est-ce vrai ? Val Richer Mercredi 5 août 1846 9 heures

Nous somme à 28 voix de gain sur 385 élections connues hier à midi. Nous avons  230 élections contre 135. En supposant que, dans les 74 élections à connaître, toutes les chances douteuses tournent contre nous, nous aurons toujours de 80 à 90 voix de majorité. Très probablement nous en aurons 100. C’est très assez. Mais je dis comme vous, mieux vaut cet embarras que l'autre. Grand résultat. Rossi m'écrit : " Rome est aussi impatiente que moi de connaitre le résultat de vos élections. Elle sait parfaitement tout ce qu'elle a à perdre ou à gagner à votre jeu. Et Montebello : " Voilà à Rome un grand acte d’amnistie. Ici on est je crois, disposé à adopter une mesure semblable. Le Roi a un peu de dépit de s’être laissé devancé. Tout tient à la façon dont nous sommes gouvernés. Sans sortir de mon petit coin d'Italie, il n'y a plus, dans cette Péninsule, de parti Autrichien. Je ne dis pas parmi les peuples, mais parmi les gouvernements que nos affaires changent de direction et tout cela, changera bientôt. Au contraire, qu'une bonne Chambre assure à votre Ministère aux yeux de l’Europe encore cinq ans de durée, et les conséquences, de cet état de choses se développeront, au grand honneur de notre pays. " Je continue à vous montrer mes satisfactions orgueilleuses. Autre nouvelle de Montebello. " Le Prince de Schwartzenberg vient d'avoir ici une bonne fortune qui a fini par un éclat, et une séparation de la Dame et de son mari. Le Roi n’entend pas raison sur cet article-là, et je doute que Schwartzemberg puisse rester ici. On dit qu’il va prendre un congé et qu’il ne reviendra plus. On dit aussi qu’il sera remplacé par Neumann. " Lisez cette lettre de Stuttgart et renvoyez-la moi sur le champ, je vous prie. J’y vois la persistance du grand souverain et l'impuissance du petit. Lisez aussi cette note sur le Caucase. Venue de bonne source. Et renvoyez-la moi. Quoique la guère, ne vous touche guère, ceci vous intéressera un peu. Le Roi ouvrira la session en personne, le 17. Un pur compliment renvoyant le discours politique et par conséquent l'adresse politique, au mois de de Janvier. Puis la vérification des pouvoirs. Puis la constitution du bureau de la Chambre. Puis, un compliment de la Chambre au Roi avec le même ajournement de la politique. Voilà le plan qui, même sans dérangement, prendra bien trois semaines. J’aurais Jarnac ici après-demain. Et dans les 24 heures, je l’enverrai au château d’Eu. Il a, me dit-il, bien des choses à me dire qu’il aime mieux ne pas m'écrire. 2 heures J’ai été assailli de visites. Je les recevrai avant par utilité. Je les reçois après par convenance. L’heure me presse. Adieu. Adieu.
J'espère partir mardi prochain 12, le soir pour être à Paris, le 13 au matin. Vous n’avez pas d’idée de l'effet que font ces élections dans le pays. Ce sont les premières élections vraiment gouvernementales qu’on ait vues depuis 1814. C'est le propos universel. Adieu. Adieu dearest.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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23 St Germain le 5 août 1846 J’étouffe. Les nuits sont comme le jour, et je n’en puis plus. Vous aimeriez cela probablement. J’espère que vous voilà ce matin bien tranquillement au Val- Richer, il me tarde de l’apprendre. Je n'ai vu hier que Fleichman qui est venu dîner. Il a parlé avec quelqu’un qui avait dîné la veille avec Thiers & Odillon Barrot. On savait déjà que les élections vous étaient très favorables. O. Barrot s'en est montré très satisfait. Il a dit que ce qu'il désirait était une majorité de 40 voix pour l'opposition, ou de 120 pour le ministère. Qu’avec cela les embarras deviendraient très grande et que la désunion ne manquerait pas de se mettre bientôt dans les rangs de votre arrivée. Voici votre lettre, thank you dearest. Vous étiez content et je le suis pour vous. Il me semble que vos affaires vont bien. Je reçois pour vous une lettre de Bacourt. Je vous envoie aussi celle qu’il m'écrit. Le duc de Montpensier fera-t-il une pointe en Allemagne ? A propos Schachten a reçu du roi de Hanovre l’ordre de s'assurer d'une manière positive si M. de Béarn est ou n’est pas nommé à Hanovre car s’il ne l’était pas on dénommerait Stokhann ? & dans tous les cas il ne reviendra ici que lorsque le Français sera arrivé là- bas vous savez que je trouve, sans aucune précaution que le Roi de Hanovre a parfaitement raison, & j’aurais certainement fait comme lui seulement un peu plutôt. C’est tout juste aux petits qu’il ne faut pas manquer. Dites-moi quel jour je puis vous espérer. Venez-vous pour le concours. ? Je vous fais bien des questions aujourd’hui. Répondez-y. Adieu dearest, je t'aime. Adieu. Je puis vous faire compliment de votre discours à Lisieux l e 2. Celui-là à la bonne heure. Vous savez que je ne me gêne pas.

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Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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23 Val Richer jeudi 6 août 1846,

Je croyais vous avoir dit que M. de Béarn était nommé à Hanovre, et que sa nomination serait ces jours-ci dans le Moniteur. Elle y sera après-demain. Oui, le Roi d’Hanovre a raison ! Et moi aussi. J’ai temporisé, traîné, attendu jusqu'à ce que j'aie pu arranger la nomination que j’avais absolument besoin d’arranger, celle de Lavalette, et qui dépendait de l'autre. Cela m'importait plus qu’un peu d'impatience et d'humeur du Roi d’Hanovre ce que je ne pouvais ni ne devais dire. Maintenant tout est au gré de tout le monde. Si je n’avais pas attendu le moment favorable, rien ne serait au gré de personne. Ce qui n'empêche pas que vous n’ayez, vous, parfaitement raison de me remettre sans cesse sous les yeux ce que j’ai à faire. Je le crois bien que vous ne vous gênez pas de me dire ce que vous pensez, discours ou actions. L'expression m'a presque choqué. J’ai droit à tout ce que vous pensez, à ce qui peut me déplaire comme à ce qui peut me plaire. Et vous vous me plaisez toujours ; jamais plus que par la sincérité parfaite si vous saviez à quel point la flatterie m'ennuie ! Je devrais dire m'humilie. C'est le mot propre. J’ai toujours envie de dire aux gens : " Vous ne savez donc pas ce que je suis ? "
Je vous renvoie la lettre de Bacourt. Intéressante. Et je vous envoie aussi la mienne Curieux bruit. Je n’y crois pas. Tâchez de découvrir s’il y a à cela quelque fondement, et renvoyez-moi, je vous prie, la lettre de Bacourt qui ira ailleurs. Voilà qu’on m’annonce trois visites qui m’attendent en bas. De gros bonnets du pays. Je suis, avec eux, dans la lune de miel. Je ne veux pas les faire trop attendre. J’aurai Glücksbierg demain matin et Jarnac demain soir. Je ne me fais pas du tout encore une idée nette de Palmerston sur le mariage Espagnol. Les protestations de W. Hervey ne m’ont pas convaincu. Pour peu qu’il faille résister à la Reine et au Prince Albert, le cœur leur manquera. Nous verrons. On s'attend en Espagne à des conspirations, des insurrections. Palmerston sera aussi faible avec Espartero qu'avec Buckingham Palace. Adieu, dearest. Quel ennui de vous quitter ? Ce serait bien pis si vous étiez là. Il fait très beau aujourd’hui. Hier, orage continuel. Le temps qui vous étouffe me déplaît, quel qu’il soit. Adieu, Adieu dearest beloved. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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24. Saint-Germain jeudi 6 août 1846
Je me suis levée fort tard aujourd’hui parce que j’avais eu une bien mauvaise nuit. Des points dans la poitrine qui m'ôtaient la respiration. J’ai fait tout ce que je sais faire, mais sans succès. Ce n’est que vers le matin que les douleurs se sont un peu calmées. Je viens d'écrire à mon médecin, j’espère que ce ne sera rien. Hier un bel orage le soir, mais le temps n'est guère rafraichi. Lonepeleun et Fagel ont dîné chez moi. Tous les diplomates sont frappés d'avance du bon que les élections produiront partout, et de la grande importance que cette législation soit bonne, pour le cas d'un changement de règne. Cela fera un véritable événement. en Europe. J’en demande. pardon à la France mais ce n’est que parce que vous êtes son ministre que cela me touche & m’enchante. Voici votre lettre d’hier. Je vous renvoie vite Fontenay, intéressant. Je comprends fort bien la mauvaise humeur contre le journal des Débats, seulement on est bien sot chez nous si l'on ne voit pas que tout changerait si nous changions. Je garde jusqu'à demain le Caucase, car il me faut du temps pour lire cette fine. écriture. J'ai eu une lettre de Normanby, (à propos de Verity qu’il prend) il me dit que comme Cowley annonce à Palmerston qu’il ne peut pas sortir de l’hôtel avant le 20, Normanby ne viendra qu’après et pour peu de jours se rendant à Vichy. Enchanté de son nouveau poste. Le temps est joli aujourd'hui Je me suis déjà fait traîner dans la forêt pour me remettre de ma mauvaise nuit. Adieu dearest, le 13 je vous verrai donc, savez-vous que c’est dans huit jours. 7 même. Vous vous arrêterez ici le matin & vous déciderez ce que je dois faire. Tout-à-fait la ville c'est bientôt par ce temps ravissant, mais je ferai votre volonté. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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24 Val-Richer Vendredi 7 août 1846

Voici ce que me mande Duchâtel sur le résultat définitif des élections. " Nous avons gagné sur l'opposition 49 batailles. Mais, parmi, les candidats que nous avons appuyés, il y en a deux ou trois un peu douteux."
" L'opposition nous a battus, par des candidats. de ses diverses nuances, dans 28 Collèges. Il y a sur ce nombre deux ou trois membres qui peuvent, je crois, être ramenés."
" Elle a fait passer contre nos candidats, dix candidats conservateurs auxquels elle a donné la préférence sur les nôtres, qui sont, à très peu d’exceptions près, bons au fond, mais qui auront besoin d'être disciplinés." " Les pertes de l'opposition dans ses diverses fractions. se résumant ainsi : Légitimistes, 17 pertes. 6 membres nouveaux. Perte nette 11. Extrême gauche, 7 pertes. 1 membre nouveau Perte nette 6."
"gauche et centre gauche, parti Thiers, Barrot. 30 pertes. 19 Membres nouveaux. Perte nette 11"
Il est parfaitement content. Je lui ai écrit hier très amicalement. Le Roi aussi est très content. J’ai reçu cette nuit à 2 heures deux lettres de lui, et copie de la lettre qu’il a écrite à Duchâtel après le succès. Je suis charmé et du succès et de sa joie. Je prendrai garde seulement qu'il ne croie pas que tout est possible.
Longues nouvelles de Madrid. Rien de vraiment nouveau. Bulwer malade. Assez malade, pour être dans son lit et ne voir personne. Je crois qu’il use beaucoup de la maladie. Pas mal d'inquiétude dans le gouvernement Espagnol et les deux Reines, sur les penchants et les projets du Cabinet anglais en faveur des Progressistes. Forte aigreur entre Madrid et Lisbonne jusqu'à craindre une entrée des Espagnols au Portugal ce qui y amènerait les Anglais. Bresson s'emploie beaucoup à calmer cela. De Berlin, commencements de réforme, dans l'administration de la justice, les codes, les procès. Le Roi entrant toujours en conversation et en discussion avec son peuple. M. de Canitz un peu mieux. Je vous renvoie la lettre de Lord John. Si vous lui écrivez, parlez-lui de moi, je vous prie.
Oui, je vous verrai le 13 au matin, et nous réglerons votre marche. Ma volonté sera ce qui vous plaira. D’abord ce qui vous sera bon. Au fond, je suis très exigeant très romanesque comme vous dîtes. Mais je ne me laisse pas être tout ce que j’aurais envie d'être. Pas même avec vous. Glücksbierg vient d’arriver. Jarnac arrive pour dîner. Je les renverrai demain tous les deux au château d’Eu, d’où Jarnac partira pour Londres et Glücksbierg pour Madrid en repassant par ici. Je tiens à causer de nouveau avec lui quand il aura vu le Roi. Je vous quitte pour écrire à Stockhausen qui m’a écrit, il y a plus de quinze jours, pour me presser. Grace à Dieu, cette affaire-là est finie Elle m’a bien ennuyé. Il me fallait absolument Lavalette. Je suis charmé que Bacourt apprécie l'habilité avec laquelle je m’en suis tiré. Adieu dearest. J’espère bien que votre mauvaise nuit n'aura pas eu de suite. Cette nuit, quand l’estafette du Rois m’a réveillé, j’ai été trois quarts d’heure sans me rendormir pensant à vous. Adieu. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Hier, en passant devant la Porte Maillot, j’ai fait demander au poste de gendarmerie, si le Roi était rentré à Neuilly. Il venait de passer en y retournant. J’ai été là, sur le champ. J’ai vu le Roi, la Reine, Madame. Le Roi vraiment toujours calme et résolu sans le moindre effort racontant les détails, discutant les explications. Quelque tristesse mais point de lassitude de son métier. La Reine très animée. Madame abattue. Personne ne sort de son caractère. Le garde des sceaux était là. L'assassin, un homme près de faire banqueroute, qui prétend qu’il a tiré non pour tuer le Roi, mais pour se faire tuer lui-même. Il a poussant dit quelques paroles et on a saisi chez lui quelques papiers assez significatifs. Le Roi a signé l’ordonnance qui défère le procès à la Cour des Pairs. Le jour de la convocation n’est pas fixé. Ce ne peut être que plusieurs jours après les élections. Je vais voir ce matin le Chancelier et les personnes qui doivent conduire l’instruction. Je me concerterai avec mes collègues. Puis, j’irai dîner avec vous et je repartirai de St Germain à 10 heures pour le Val Richer. L’instruction, dans laquelle je n'ai rien à faire, durera plus qu'il ne faut pour que rien ne soit changé à nos projets. Le Roi est parti, tout à l’heure, à 8 heures, pour le Château d’Eu. Il ne change rien non plus à ses projets. Il a raison. Adieu. Adieu. Je voudrais écrire ce matin à Jarnac avant de sortir. Adieu. Avant 6 heures et demi. Hier a été charmant jusqu’à ce triste incident. Le billet était de Delessert. Adieu. Adieu. G.
Paris jeudi 20 Juillet 1846

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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St Germain jeudi 30 juillet Midi 1/2
Je ne reçois votre lettre que dans ce moment. Heureusement le journal des Débats m’avait tranquillisée. Point de Révolution, et vous à minuit 1/2 dans votre chambre. Je suis en gain dans toute cette affaire. Me voilà bien contente encore une bonne soirée. Nous nous débarrasserons de W. Hervey après le diner. Et il n’y aura pas de mal que vous lui ayez dit quelques mots. à 6 1/2 donc dearest et Adieu, Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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St Germain mercredi 29 juillet onze heures

Merci, merci du petit billet. J’attendrai dix heures avec impatience. Hervey est venu hier, confirmant encore le dire de l’autre jour par une autre voie je crois Stanley le [med ?] Pescatory avec lequel il est en correspondance Il m’a dit aussi que Palmerston avait certainement écrit dans une lettre particulière à Bulwer. Le cas qu'il devait faire du nom de Cobourg. Enfin, il a été plus affirmatif que jamais pour la bonne entente & le Enrique. La belle journée ! Je vous conjure de prendre en partant par le faubourg du roule pour aller retrouver la grande route près de Neuilly. Le passage est interdit par les Champs Elysées. D’ailleurs il y a trop de foule, je vous prie ne passez pas par là. Adieu. Adieu & au revoir.
Dans quelques heures, c’est charmant, mais ce sera si court ! Adieu. Adieu.
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