Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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7. Val Richer, Samedi 18 Juillet 1846, 6 heures

Où êtes-vous à St Germain ? Je suppose au Pavillon de Henri 4. Vous ne me l’avez pas dit. J'espère que vous y avez plus beau temps qu’il ne fait ici ce matin. Ma vallée est sous un voile de pluie. C'est ennuyeux pour aller à Trouville. J’y vais pourtant. Je pars à onze heures. Le soleil percera peut-être d’ici-là. Le temps est très variable depuis deux jours. Je vous dirai demain matin ce que j'aurai trouvé pour vous à Trouville. On dit que la maison où ma fille, et Mlle Wislez vont s’établir est la meilleure de l’endroit, la plus confortable, par la vue, et au dedans. Elles ont le projet de s’établir au second étage et de laisser le premier disponible. Je vous dirai quand j'aurai vu. L’aide de Guillet y sera. Facilité de plus.
Le Roi fait venir du château d’Eu son portrait en pied par Winterhalter, et le donnera à Lord Cowley. A propos de portrait, il a fait faire, en porcelaine, à Sèvres, d’après Winterhalter, deux très beaux portraits de la Reine Victoria et du Prince Albert, pour Windsor. Mais à la dernière cuisson, une crevasse s’est déclarée dans celui du Prince Albert, ce qui sera difficile à réparer. Peut-être faudra-t-il recommencer ? En attendant. celui de la Reine est parti. On dit que c’est un chef d’œuvre.
Le Roi a été frappé de la dépêche de M. de Nesselrode sur les croix. Voici sa phrase : " Cela est gracieux. Il y a quelque progrès ; mais je doute fort que cela aille plus loin. " L’idée de l’initiative franche avec Londres pour l’un des fils de D. François de Paule est fort approuvée. Je vais la mettre à exécution, lundi probablement. J'en écrirai en même temps à Madrid et à Naples. La Reine Christine m’a mis bien à l'aise à Naples en faisant attaquer elle-même dans ses journaux, par son secrétaire Rubio, la candidature de son frère Trapani, et en en rejetant sur nous la responsabilité. C'est bien elle qui l'abandonne et la tue. Je réserverai pour cette combinaison-là, comme pour celle de Montemolin, les chances de retour, toujours possibles avec un tel monde. Je maintiendrai notre principe tous les descendants de Philippe V si seulement, nous nous portons selon les termes, vers celui qui peut réussir, favorable à celui-là sans en abandonner aucun. Rien encore de Londres qui indique avec un peu de précision ni sur cette question-là, ni sur aucune autre, le tour que va prendre Palmerston. La réserve des Whigs est extrême. En tout, la situation donnée, je ne trouve pas leur début malhabile. Ni de mauvais air. C’est assez tranquille, et sensé. Avez-vous remarqué ces jours-ci un article du Morning Chronicle qui n'aura pas fait plaisir à Thiers ? On lui donne poliment son congé, comme War-party. N’avez-vous rien reçu de Lady Palmerston ? Avez-vous écrit à Byng ? Mad. Danicau sait-elle vous lire le Galignani ? Le Prince de Joinville et sa flotte, et sa rencontre là, avec le Duc d’Aumale, ont fait grand effet à Tunis. Nos affaires sont bonnes à l'est et à l’ouest de l'Algérie. Après son apparition devant Tripoli, il (Joinville) ira à Malte, de là à Syracuse, de là une visite au Roi de Naples, puis une au grand Duc à Florence, puis une au Pape à Rome. Tout sauvages qu’ils sont, ces Princes là se montrent volontiers quand il y a quelque effet à faire. Ils se regardent bien comme les serviteurs du pays et obligés de soigner ses intérets et sa grandeur. Le comte de Syracuse passera, dit-il, l’hiver prochain à Paris. Il va parcourir la France, en attendant. Voilà mon sac vidé. Mon cœur reste plein. Loin de vous, il se remplit de plus en plus. Nous nous croyons bien nécessaires l’un à l'autre. Nous le sommes plus que nous ne croyons.
9 heures Je vais déjeuner et partir pour Trouville. Bon petit billet de St. Germain. Je suis content de vos yeux et de Mad. Danicau. Bonnes nouvelles de Londres même sur l’Espagne. Ce demain les détails. Je suis pressé. Soyez tranquille. Rien à craindre que la pluie. Adieu. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer. Mardi 19 oct. 1852

J’ai bien peine à croire qu’on attende six semaines, et je ne trouverais pas cela habile. L'opinion du ministère des affaires étrangères est que l'affaire Belge s’arrangera. On n'y met pas beaucoup d'empressement à Bruxelles où l'on n'est ni bienveillant, ni vraiment inquiet ; mais personne, parmi les gens du métier à Paris ne craint que cela devienne politiquement grave. C’est trop tôt. Tout le monde est et croit à la paix.
Je ne puis pas juger si le Président a eu raison de mettre Abdel Kader en liberté. Cela dépend de l'état de l'Algérie. Il se peut que cinq ans d’absence, aient fait perdre là, à Abdel Kader, presque toute sa force. En ce cas, le président a bien fait.
Le voilà délivré du marquis de Londonderry. Il (le président) vient de faire un très bon acte en nommant Cardinal l’archevêque de Tours. C’est un des homme les plus sensés et les plus justement honorés du clergé.
Qu'est-ce que cet ouvrage que je vois annoncé dans le Journal des Débats, avec une certaine solennité : Mémoires secrets pour servir à l’histoire de la Russie sous Pierre le grand et Catherine 1ère ? En avez-vous entendu parler ? C’est bien vieux pour vous intéresser, quoique ce soit Russe.
Voici, ma seule question sur votre santé. Vous me dites Chomel, Andral. Les avez-vous vus ensemble ? Chomel est-il revenu ? Se sont-ils mis d'accord sur votre régime ?
J’ai des nouvelles de Suisse. La Duchesse d'Orléans porte toujours et portera encore quelque temps le bras en écharpe. Mais elle va bien. Elle retourne décidément à Claremont avec la Reine.
Le Duc de Broglie est resté à Coppet. Il ne revient à Broglie que du 20 au 25. Il me paraît que la rencontre du Président et de Morny a été très affectueuse. Entendez-vous dire quelque chose de Flahaut ? Viendra-t-il à Paris dans cette circonstance ! Je me figure que Mad. de Flahaut a beaucoup d'humeur de n’y pas être.

Onze heures
Voici votre lettre. Je l’aime mieux que celle d’hier. Elle n’est pas abattue. Deux choses seulement ; tout de suite. Je serai charmé quand nous causerons ; mais ne comptez pas sur moi pour disputer beaucoup ; je ne dispute plus guères quand je disputerais trop. Et puis, quoique je sois vraiment désolé d'avoir brûlé la lettre d'Aggy, pardonnez moi d'avoir souri de votre légèreté française. Vous avez l’art de faire d’une pierre, mon pas deux coups, mais trente six millions de coups, pour rendre le coup plus lourd. Je n’ai pas la même goût ; je ne cherche pas en vous les défauts russes. Adieu, Adieu.
Vous ne m’avez point dit pourquoi lord Beauvale est contre le discours de Bordeaux.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, jeudi 21 oct. 1852

Voici une lettre de Marion qu’il me paraît utile que vous lisiez. Prenez y un peu garde ; ménagez leurs sentiments. Comme vous le dites, ce sont des personnes de votre condition, et elles ont du cœur ; il faut qu'elles se sentent à l'aise avec vous. Vous êtes sujette à vous préoccuper trop exclusivement de ce qui se passe en vous, et pas assez de ce que pensent ou sentent les autres.
Voilà donc l'Empire. Je trouve qu’on a raison d'en finir. La délibération du mal ne sera certainement pas longue. Le vote universel prendra une quinzaine de jours. Puis la réunion du Corps législatif chargé de faire le dépouillement. Le second Empire pourra être inauguré au commencement de décembre, le même jour que le premier.
Reste la question du Pape. Ce qui me revient, par des catholiques fervents, est plutôt contraire à l’idée qu’il viendra. Mon instinct à moi est qu’il viendra si on le lui demande formellement. Mais formellement. Il faudra qu’il soit mis au pied du mur.

Onze heures
Génie m’avait écrit que le régime d’Andral vous réussissait mieux que celui de Chomel, que vous repreniez un peu d’appétit et de sommeil, qu’il vous trouvait lui-même meilleure mine. La même impression m'est revenu aussi d'ailleurs. Votre impression à vous me désole. Olliffe est si je ne me trompe, de l’avis d'Andral pour votre régime.
Les feuilles d'havas annoncent ce matin. que " la majorité qui va sortir de l’urne populaire dépassera par son chiffre, tous les résultats antérieurs, y compris le scrutin du 20 décembre. "
Je ne trouve pas qu’il y ait sujet d'être violent contre la mise en liberté d'Abdel Kader, et je suis plutôt porté à croire qu’elle n'aura pas d’inconvénient. L'Algérie doit être bien changée depuis six ans et lui-même bien dépaysé. Ce que je trouve de mauvais goût, ce sont les injures qu'à cette occasion les journaux du gouvernement nous disent à nous qui n'avons fait, dans cette occasion, que ce que le plus simple bon sens commandait alors et ce que le droit politique autorisait parfaitement. Adieu, Adieu. G.
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