Votre recherche dans le corpus : 209 résultats dans 5493 notices du site.Collection : 1849 ( 19 Juillet - 14 novembre ) : François de retour en France, analyste ou acteur politique ? (La correspondance croisée entre François Guizot et Dorothée de Lieven : 1836-1856)
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Val-Richer, Mercredi 7 novembre 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
Collection : 1849 ( 19 Juillet - 14 novembre ) : François de retour en France, analyste ou acteur politique ?
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Val Richer, Mercredi 7 nov. 1849
7 heures
Vous êtes la plus excellente et fidèle glace (miroir est trop petit) qui se puisse voir. Vous me renvoyez toutes les hésitations, fluctuations alternatives du public qui vous entoure. Hier, l'Empire infaillible ; aujourd’hui, impossible. Les brusques revirements d'inquiétude et de confiance d’abattement et d’entrain, ces oublis frivoles et ces préventions entêtées, ce mouvement perpétuel qui avance si peu, ce je ne sais quoi d'immobile, je devrais dire d’incorrigible qui persiste sous ce besoin insatiable de changement et de nouveauté, tout cela, qui est la France, et surtout Paris dans la France, tout cela est dans vos lettres. Tantôt vous le peignez parce que vous l'avez observé ; tantôt vous le reproduisez sans vous en douter. Ce qui, pour vous, est spectacle devient à l’instant tableau dès que vous en parlez. Cela est rare et charmant. D’après ce que vous me dîtes et tout ce qu'on me dit, ma conjecture est qu’on va faire une halte dans la station où l'on s’est un peu brusquement transporté. Les plus étourdis ne sont pas bien hardis. Les plus fiers ne sont pas bien pressés d’avoir satisfaction. On se lance dans une fausse route. On s'en aperçoit. Ce n’est pas une raison pour rentrer dans la bonne. Mais on attend dans la mauvaise, sauf à recommencer. Quelque fois, il n’y a point de bonne route. Ce sont les pires temps. Je vous ai mandé ce qu'on me dit sur moi. Les plus craintifs me conseillent d’attendre jusqu'à ce que l'Empire soit proclamé, ou manqué, jusqu'après le 10 décembre, jour critique, dit-on. Les plus sensés me conseillent de ne point fixer de jour précis à mon retour et d'attendre au jour le jour, un bon moment. Je fais ceci. Je m’arrange pour pouvoir partir soudainement si cela me convient. Je ne dis pas, et je ne sais pas quand je partirai. Si on fait une halte-là, où l'on est aujourd'hui, je changerai très peu de chose à mon premier projet. Il m’est parfaitement indifférent, pour être à Paris, que ce soit M. Odilon, ou M. Ferdinand Barrot qui soit ministre. Je ne veux pas retourner étourdiment à Paris. Je ne veux pas tarder inutilement à y retourner. Ce qui est inutile en ce genre serait inconvenant pour moi. Je ne me fais pas la moindre illusion sur ce qui m'attend à Paris. L’ingratitude ne me touche point ; il n'y en aura jamais plus que je n'en attends. Les stupidités populaires, les perfidies infatigables, et infiniment détournées, des rivaux d’autant plus acharnés qu’il sont un peu honteux les froideurs embarrassées, des indifférents, les poltronneries, des amis, je compte sur tout cela. J'étais puissant avec grand combat. Je suis tombé avec grand bruit. Si j'étais mort, encore passe. Mais je reviens. La plupart s'étonnent quelques uns craignent que je ne sois pas mort. Ma présence est pour les uns un reproche, pour les autres, une inquiétude, pour d’autres simples spectateurs, quelque chose d'inconnu, et par conséquent d'incommode. Tout cela me fait une situation délicate, et qui aura des difficultés. Je ne puis pas la changer. Je ne veux pas l’éluder. S’il y a un bon avenir, je surmonterai ces difficultés. S'il n'y a pas un bon avenir, peu m'importe tout cela. Je ne me serais pas douté du souvenir de la Princesse Wittgenstein. Je le mérite un peu, car je l’ai toujours trouvée très belle, et d’une beauté qui ne ressemble à nulle autre. Je suis très touché d'obtenir ce que je mérite. Onze heures J'ai à peu près répondu d'avance à ce que vous me dites aujourd'hui. Je verrai sur place. Dieu veuille que ce soit bientôt. Plus j'y pense, moins je vois de raison à attendre indéfiniment. Adieu, adieu. Adieu. Il y en a de si bonnes pour ne pas attendre. Adieu. G.
7 heures
Vous êtes la plus excellente et fidèle glace (miroir est trop petit) qui se puisse voir. Vous me renvoyez toutes les hésitations, fluctuations alternatives du public qui vous entoure. Hier, l'Empire infaillible ; aujourd’hui, impossible. Les brusques revirements d'inquiétude et de confiance d’abattement et d’entrain, ces oublis frivoles et ces préventions entêtées, ce mouvement perpétuel qui avance si peu, ce je ne sais quoi d'immobile, je devrais dire d’incorrigible qui persiste sous ce besoin insatiable de changement et de nouveauté, tout cela, qui est la France, et surtout Paris dans la France, tout cela est dans vos lettres. Tantôt vous le peignez parce que vous l'avez observé ; tantôt vous le reproduisez sans vous en douter. Ce qui, pour vous, est spectacle devient à l’instant tableau dès que vous en parlez. Cela est rare et charmant. D’après ce que vous me dîtes et tout ce qu'on me dit, ma conjecture est qu’on va faire une halte dans la station où l'on s’est un peu brusquement transporté. Les plus étourdis ne sont pas bien hardis. Les plus fiers ne sont pas bien pressés d’avoir satisfaction. On se lance dans une fausse route. On s'en aperçoit. Ce n’est pas une raison pour rentrer dans la bonne. Mais on attend dans la mauvaise, sauf à recommencer. Quelque fois, il n’y a point de bonne route. Ce sont les pires temps. Je vous ai mandé ce qu'on me dit sur moi. Les plus craintifs me conseillent d’attendre jusqu'à ce que l'Empire soit proclamé, ou manqué, jusqu'après le 10 décembre, jour critique, dit-on. Les plus sensés me conseillent de ne point fixer de jour précis à mon retour et d'attendre au jour le jour, un bon moment. Je fais ceci. Je m’arrange pour pouvoir partir soudainement si cela me convient. Je ne dis pas, et je ne sais pas quand je partirai. Si on fait une halte-là, où l'on est aujourd'hui, je changerai très peu de chose à mon premier projet. Il m’est parfaitement indifférent, pour être à Paris, que ce soit M. Odilon, ou M. Ferdinand Barrot qui soit ministre. Je ne veux pas retourner étourdiment à Paris. Je ne veux pas tarder inutilement à y retourner. Ce qui est inutile en ce genre serait inconvenant pour moi. Je ne me fais pas la moindre illusion sur ce qui m'attend à Paris. L’ingratitude ne me touche point ; il n'y en aura jamais plus que je n'en attends. Les stupidités populaires, les perfidies infatigables, et infiniment détournées, des rivaux d’autant plus acharnés qu’il sont un peu honteux les froideurs embarrassées, des indifférents, les poltronneries, des amis, je compte sur tout cela. J'étais puissant avec grand combat. Je suis tombé avec grand bruit. Si j'étais mort, encore passe. Mais je reviens. La plupart s'étonnent quelques uns craignent que je ne sois pas mort. Ma présence est pour les uns un reproche, pour les autres, une inquiétude, pour d’autres simples spectateurs, quelque chose d'inconnu, et par conséquent d'incommode. Tout cela me fait une situation délicate, et qui aura des difficultés. Je ne puis pas la changer. Je ne veux pas l’éluder. S’il y a un bon avenir, je surmonterai ces difficultés. S'il n'y a pas un bon avenir, peu m'importe tout cela. Je ne me serais pas douté du souvenir de la Princesse Wittgenstein. Je le mérite un peu, car je l’ai toujours trouvée très belle, et d’une beauté qui ne ressemble à nulle autre. Je suis très touché d'obtenir ce que je mérite. Onze heures J'ai à peu près répondu d'avance à ce que vous me dites aujourd'hui. Je verrai sur place. Dieu veuille que ce soit bientôt. Plus j'y pense, moins je vois de raison à attendre indéfiniment. Adieu, adieu. Adieu. Il y en a de si bonnes pour ne pas attendre. Adieu. G.
Val-Richer, Jeudi 8 novembre 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
Collection : 1849 ( 19 Juillet - 14 novembre ) : François de retour en France, analyste ou acteur politique ?
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Val Richer, Jeudi 8 nov. 1849
8 heures
Je fais dire au Duc de Broglie, ce que pense Flahault. Je ne vous réponds pas qu’il le fasse. Il est dans une disposition à la fois, très amère et très réservée, de plus en plus dégouté de se mêler de ce qui se passe, en quelque façon que ce soit soit pour nuire, soit pour servir. Je suppose que Lord Lansdowne ne compte pas rester longtemps à Paris. Il serait bien bon en effet qu’il vît les choses telles qu’elles sont réellement. Je ne sais pourquoi je dis cela, car je ne pense pas qu’il résulte grand chose à Londres de son opinion sur Paris, quelle qu’elle soit. Il est de ceux dont le bon sens ne sert à rien quand il faut qu’ils fassent un effort pour que leur bon sens serve à quelque chose. Je suppose aussi que de Pétersbourg, on ne fait pas grand effort pour empêcher, en Hongrie, les exécutions qu'on déplore. C'est le rôle des sauveurs de déplorer et de ne pas empêcher, de nos jours, la Restauration a fait cela en Espagne, la République à Rome ; et vous en Hongrie. Cette affaire des réfugiés hongrois finit bien pour vous. Il était bon à l'Empereur d'avoir à se plaindre de l'action anglaise, et de le faire un peu haut. La République française, sans l'afficher ouvertement, en ayant même l'air de ne pas le vouloir, vous aidera beaucoup à faire de la Turquie votre Portugal. L'état de l'Europe vous est bien bon. L’Autriche sauvée par vous, la France annulée, vous n'êtes en face que de l’Angleterre. Si vous ne faites pas trop de boutades, vous gagnerez bien du terrain. Le refus de la présidence décennale et d’une bonne liste civile est une preuve sans réplique qu’il y a parti pris pour l'Empire. Quand ce jour-là viendra, la partie sera difficile à jouer pour tout le monde. Président, assemblée et chefs de l’assemblée, armée et chefs de l’armée, sans parler du public, pour qui rien n’est difficile, puisqu'il ne fait rien et laisse faire tout. Ce sera l'une de ces grandes eaux troubles, où les petites gens habiles font leurs propres affaires, et ceux-là seuls. Donnez-moi, je vous prie si vous pouvez quelques détails sur ce terrain que je trouverai pour mon propre compte, et qui vous indigne. Je le vois d’ici en gros ; mais il est bon de savoir avec précision, et d'avance. J'en serai plus instruit qu'indigné. J’ai une indignation générale, et préétablie qui me dispense des découvertes. Mad. Austin est à Paris. Elle a trouvé à Rouen, M. Barthélemy, Saint Hilaire qui l’a fort rassurée, et qui l’y a conduite. J'attends aujourd’hui des lettres qui me feront, je pense prendre un parti à peu près précis sur le moment où j'en ferai autant.
Onze heures
Les lettres que je reçois me disent à peu près toutes comme Sainte Aulaire, et le duc de Noailles. Je me tiens donc pour à peu près décidé pour la fin de la semaine prochaine. N'en dîtes rien. Ce sera un charmant jour. Adieu. Adieu. Adieu. G.
8 heures
Je fais dire au Duc de Broglie, ce que pense Flahault. Je ne vous réponds pas qu’il le fasse. Il est dans une disposition à la fois, très amère et très réservée, de plus en plus dégouté de se mêler de ce qui se passe, en quelque façon que ce soit soit pour nuire, soit pour servir. Je suppose que Lord Lansdowne ne compte pas rester longtemps à Paris. Il serait bien bon en effet qu’il vît les choses telles qu’elles sont réellement. Je ne sais pourquoi je dis cela, car je ne pense pas qu’il résulte grand chose à Londres de son opinion sur Paris, quelle qu’elle soit. Il est de ceux dont le bon sens ne sert à rien quand il faut qu’ils fassent un effort pour que leur bon sens serve à quelque chose. Je suppose aussi que de Pétersbourg, on ne fait pas grand effort pour empêcher, en Hongrie, les exécutions qu'on déplore. C'est le rôle des sauveurs de déplorer et de ne pas empêcher, de nos jours, la Restauration a fait cela en Espagne, la République à Rome ; et vous en Hongrie. Cette affaire des réfugiés hongrois finit bien pour vous. Il était bon à l'Empereur d'avoir à se plaindre de l'action anglaise, et de le faire un peu haut. La République française, sans l'afficher ouvertement, en ayant même l'air de ne pas le vouloir, vous aidera beaucoup à faire de la Turquie votre Portugal. L'état de l'Europe vous est bien bon. L’Autriche sauvée par vous, la France annulée, vous n'êtes en face que de l’Angleterre. Si vous ne faites pas trop de boutades, vous gagnerez bien du terrain. Le refus de la présidence décennale et d’une bonne liste civile est une preuve sans réplique qu’il y a parti pris pour l'Empire. Quand ce jour-là viendra, la partie sera difficile à jouer pour tout le monde. Président, assemblée et chefs de l’assemblée, armée et chefs de l’armée, sans parler du public, pour qui rien n’est difficile, puisqu'il ne fait rien et laisse faire tout. Ce sera l'une de ces grandes eaux troubles, où les petites gens habiles font leurs propres affaires, et ceux-là seuls. Donnez-moi, je vous prie si vous pouvez quelques détails sur ce terrain que je trouverai pour mon propre compte, et qui vous indigne. Je le vois d’ici en gros ; mais il est bon de savoir avec précision, et d'avance. J'en serai plus instruit qu'indigné. J’ai une indignation générale, et préétablie qui me dispense des découvertes. Mad. Austin est à Paris. Elle a trouvé à Rouen, M. Barthélemy, Saint Hilaire qui l’a fort rassurée, et qui l’y a conduite. J'attends aujourd’hui des lettres qui me feront, je pense prendre un parti à peu près précis sur le moment où j'en ferai autant.
Onze heures
Les lettres que je reçois me disent à peu près toutes comme Sainte Aulaire, et le duc de Noailles. Je me tiens donc pour à peu près décidé pour la fin de la semaine prochaine. N'en dîtes rien. Ce sera un charmant jour. Adieu. Adieu. Adieu. G.
Val-Richer, Vendredi 9 novembre 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
Collection : 1849 ( 19 Juillet - 14 novembre ) : François de retour en France, analyste ou acteur politique ?
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Val Richer, 9 novembre 1849
7 heures
Je vous ai dit hier tout de suite que mes lettres m’engageaient plutôt à revenir bientôt. Je suis charmé que Sainte-Aulaire et le duc de Noailles soit de cet avis, vers la fin de la semaine prochaine, nous serons réunis. Je ne puis fixer encore un jour précis. Je vous répète ce que je vous ai déjà dit hier, pour le plaisir de me le redire à moi-même. Ceux qui m’écrivent croient à une halle dans la station actuelle. Et ils la désirent. Personne n’a envie de fondre la cloche. Le Président est évidemment le plus décidé. C’est sa force. Voici ce qu’on me dit de Thiers, de visu (vous savez ce latin là) : " Très inquiet et très perplexe. Il prétend que, si le Président. veut tenter un coup d’Etat, l’assemblée résistera, et aura l’armée pour la défendre. Cela paraît fort douteux. Et d'ailleurs que ferait l'assemblée de sa victoire ? Au fond M. Thiers commence à avoir le sentiment de son impuissance, et il en est très humilié. Pour l'avenir, il en est toujours au même point. Il ne se dissimule aucune des difficultés de la régence ; mais il ne veut que cela. Il paraît plus décidé que jamais contre la fusion, et ce qu’on appelle la conciliation des deux branches. " On tient le refus de Rayneval pour certain et on parle de Lagrené. Je suis bien aise que vous ayez fait connaissance avec le général Changarnier. Vos nouvelles d’Espagne me déplaisent bien. Elles sont de bonne source. Tout est possible là, et la mauvaise santé de Narvaez peut lui ôter de l’entrain. Je ne sais si je vous ai dit que j’ai été frappé du ton, non pas découragé mais un peu abattu de la lettre que j’ai reçue de lui il y a quelques semaines. Si la petite Reine prend le mors aux dents, Dieu sait où elle ira. Savez-vous ce que prouve (si le fait est vrai) le retour de la presse Anglaise à Lord Palmerston ? Qu'on le sait aux prises, et seul aux prises avec vous. Je vous ai envoyé un extrait d’une lettre remarquable de Londres, où l’on me disait que l’incident Turc avait montré combien peu de fond il fallait faire sur le concours de la république française. Le public anglais, et la presse anglaise. la grande, soutiendront toujours un ministre engagé ; et engagé seul, dans une telle lutte. Ils le soutiendront sans crainte, car évidemment la guerre n’est pas au bout de cette lutte-là. Mais c'est une question d'influence, de dignité. On ne livrera pas Palmerston sur une telle question. On l’appuiera. Et au fond d'ailleurs, dés que cela devient un peu sérieux, l’Angle terre est infiniment moins russe que la France. Je dis l'Angleterre, le public anglais. M. Jaubert est donc redevenu votre voisin. Faîtes lui, je vous en prie, mes amitiés quand vous le verrez. Il n'y a pas un homme plus sincère, plus honnête, ni plus courageux. Je le pensais quand nous étions brouillés comme quand nous étions amis. Et j'ai toujours trouvé absurde que nous fussions brouillés. Il y a quelques personnes avec qui je serai charmé de n'être plus officiellement. brouillé. Madame de la Redorte par exemple. Je prenais plaisir à causer avec elle pour la contredire. J’espère qu’à présent, nous serons souvent du même avis.
Onze heures et demie
Merci, merci, Tout ce que je reçois me confirme dans mes projets. Adieu, adieu. Adieu. G.
7 heures
Je vous ai dit hier tout de suite que mes lettres m’engageaient plutôt à revenir bientôt. Je suis charmé que Sainte-Aulaire et le duc de Noailles soit de cet avis, vers la fin de la semaine prochaine, nous serons réunis. Je ne puis fixer encore un jour précis. Je vous répète ce que je vous ai déjà dit hier, pour le plaisir de me le redire à moi-même. Ceux qui m’écrivent croient à une halle dans la station actuelle. Et ils la désirent. Personne n’a envie de fondre la cloche. Le Président est évidemment le plus décidé. C’est sa force. Voici ce qu’on me dit de Thiers, de visu (vous savez ce latin là) : " Très inquiet et très perplexe. Il prétend que, si le Président. veut tenter un coup d’Etat, l’assemblée résistera, et aura l’armée pour la défendre. Cela paraît fort douteux. Et d'ailleurs que ferait l'assemblée de sa victoire ? Au fond M. Thiers commence à avoir le sentiment de son impuissance, et il en est très humilié. Pour l'avenir, il en est toujours au même point. Il ne se dissimule aucune des difficultés de la régence ; mais il ne veut que cela. Il paraît plus décidé que jamais contre la fusion, et ce qu’on appelle la conciliation des deux branches. " On tient le refus de Rayneval pour certain et on parle de Lagrené. Je suis bien aise que vous ayez fait connaissance avec le général Changarnier. Vos nouvelles d’Espagne me déplaisent bien. Elles sont de bonne source. Tout est possible là, et la mauvaise santé de Narvaez peut lui ôter de l’entrain. Je ne sais si je vous ai dit que j’ai été frappé du ton, non pas découragé mais un peu abattu de la lettre que j’ai reçue de lui il y a quelques semaines. Si la petite Reine prend le mors aux dents, Dieu sait où elle ira. Savez-vous ce que prouve (si le fait est vrai) le retour de la presse Anglaise à Lord Palmerston ? Qu'on le sait aux prises, et seul aux prises avec vous. Je vous ai envoyé un extrait d’une lettre remarquable de Londres, où l’on me disait que l’incident Turc avait montré combien peu de fond il fallait faire sur le concours de la république française. Le public anglais, et la presse anglaise. la grande, soutiendront toujours un ministre engagé ; et engagé seul, dans une telle lutte. Ils le soutiendront sans crainte, car évidemment la guerre n’est pas au bout de cette lutte-là. Mais c'est une question d'influence, de dignité. On ne livrera pas Palmerston sur une telle question. On l’appuiera. Et au fond d'ailleurs, dés que cela devient un peu sérieux, l’Angle terre est infiniment moins russe que la France. Je dis l'Angleterre, le public anglais. M. Jaubert est donc redevenu votre voisin. Faîtes lui, je vous en prie, mes amitiés quand vous le verrez. Il n'y a pas un homme plus sincère, plus honnête, ni plus courageux. Je le pensais quand nous étions brouillés comme quand nous étions amis. Et j'ai toujours trouvé absurde que nous fussions brouillés. Il y a quelques personnes avec qui je serai charmé de n'être plus officiellement. brouillé. Madame de la Redorte par exemple. Je prenais plaisir à causer avec elle pour la contredire. J’espère qu’à présent, nous serons souvent du même avis.
Onze heures et demie
Merci, merci, Tout ce que je reçois me confirme dans mes projets. Adieu, adieu. Adieu. G.
Val-Richer, Samedi 10 novembre 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
Collection : 1849 ( 19 Juillet - 14 novembre ) : François de retour en France, analyste ou acteur politique ?
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Val Richer, samedi 10 nov. 1849
Onze heures
Je n'ai que le temps de vous écrire deux mots. J’ai été dérangé et occupé ce matin d’une manière inattendue. Mais je ne veux pas que l’heure de la poste passe demain sans vous rien, apporter. Tout ce qui m’arrive me confirme dans mon projet. Nous causerons la semaine prochaine. Il y a de quoi. Germain est un maître d’hôtel très entendu, exact soigneux. La mine, vous la connaissez ; très bonne. Le caractère tranquille et doux. Je l’ai trouvé sûr, Dévoué serait trop dire ; mais fidèle, et assez attaché. Il était cher plus cher qu’il n'aurait fallu, même dans une grande maison. Je crois qu'en y regardant avec soin, avec plus de soin que je n'en mettais, on l’aurait aisément contenu dans des limites convenables. Il sait se faire obéir des autres gens. Il a souffert depuis qu’il m’a quitté. Je ne doute pas qu’il ne fût très heureux d'être bien placé, et qu’il n'y fit de son mieux. Et son mieux serait bien. Voilà votre lettre. Je n'ai que le temps de fermer celle-ci. Adieu. adieu. G.
Onze heures
Je n'ai que le temps de vous écrire deux mots. J’ai été dérangé et occupé ce matin d’une manière inattendue. Mais je ne veux pas que l’heure de la poste passe demain sans vous rien, apporter. Tout ce qui m’arrive me confirme dans mon projet. Nous causerons la semaine prochaine. Il y a de quoi. Germain est un maître d’hôtel très entendu, exact soigneux. La mine, vous la connaissez ; très bonne. Le caractère tranquille et doux. Je l’ai trouvé sûr, Dévoué serait trop dire ; mais fidèle, et assez attaché. Il était cher plus cher qu’il n'aurait fallu, même dans une grande maison. Je crois qu'en y regardant avec soin, avec plus de soin que je n'en mettais, on l’aurait aisément contenu dans des limites convenables. Il sait se faire obéir des autres gens. Il a souffert depuis qu’il m’a quitté. Je ne doute pas qu’il ne fût très heureux d'être bien placé, et qu’il n'y fit de son mieux. Et son mieux serait bien. Voilà votre lettre. Je n'ai que le temps de fermer celle-ci. Adieu. adieu. G.
Val-Richer, Dimanche 11 novembre 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
Collection : 1849 ( 19 Juillet - 14 novembre ) : François de retour en France, analyste ou acteur politique ?
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Val Richer, Dimanche 11 Nov. 1849
8 heures
Je suis de l’avis de Lord John sur la boutade du Président. Le rapport de Thiers sur les affaires de Rome en a été, sinon la cause, du moins l'occasion déterminante. C’était bien insultant de ne pas dire un mot du président et de sa lettre, comme s’ils n'eussent pas existé. Et c'était bien léger d'insulter ainsi l'homme qu'on a élevé et qu’on ne peut renverser. Cette faute a fait éclore la disposition du Président, disposition préexistante, mais jusque là contenue, et qui probablement fût restée encore à l'état latent, comme dirait le Ministre actuel du commerce. M Dumas, grand chimiste. Je vois d'après ce qui me revient que les hommes intelligents de la majorité ont le sentiment de cette faute, et la regrettent. Mais c’est fait. Et la boutade du président aussi, Tout cela suivra son cours. Puisque Flahaut n'en veut pas être, il a bien fait de s'en aller. Je crois que la faute du Rapport était facile à éviter. Il était facile de faire sur la lettre un paragraphe convenable qui dégageât complètement, l'assemblée de la politique du président en donnant au président lui-même satisfaction pour sa dignité et avertissement pour son gouvernement personnel.
Je suis charmé que Lord John prenne ainsi goût, non seulement à avoir des lettres de vous, mais à vous écrire. Il n'aurait pas vos lettres sans cela, et il a raison d'en vouloir. Vous excellez à rendre la vérité agréable.
Je dis comme vous pour ce qui touche ma situation personnelle en reparaissant. Nous verrons. Nous devons avoir ce qu’il faudra d'habileté et de bon sens. Le silence qui vous choque ne m’étonne pas. C'est de l’embarras et de la platitude, faute d’esprit et faute de cœur. Deux choses, si je ne me trompe, mettront à l'aise, autant qu’ils peuvent être à l'aise, les poltrons et les sots ; d'abord ma manière, et bientôt ma situation même.
Je ne vous écrierai pas de longues lettres ces jours-ci. J’ai beaucoup à faire ; dans mon Cabinet pour conduire mon travail au point où je veux qu’il soit en partant ; et hors de mon Cabinet pour les petites affaires du Val Richer. Il faut aux petites affaires autant d’attention de paroles, et de temps qu'aux grandes. Je suis seul avec mes filles. Mlle Chabaud est partie, pour aller passer quelques jours près de Rouen, chez une de ses amies.
Onze heures
Je ne vois absolument aucune raison d'hésiter, et je suis décidé. Il n’y a que deux espèces de personnes qui me conseillent de ne pas revenir ; celles qui s'en iraient volontiers elles-mêmes, et celles qui ont envie que je ne revienne pas du tout. Adieu, adieu, adieu. G.
8 heures
Je suis de l’avis de Lord John sur la boutade du Président. Le rapport de Thiers sur les affaires de Rome en a été, sinon la cause, du moins l'occasion déterminante. C’était bien insultant de ne pas dire un mot du président et de sa lettre, comme s’ils n'eussent pas existé. Et c'était bien léger d'insulter ainsi l'homme qu'on a élevé et qu’on ne peut renverser. Cette faute a fait éclore la disposition du Président, disposition préexistante, mais jusque là contenue, et qui probablement fût restée encore à l'état latent, comme dirait le Ministre actuel du commerce. M Dumas, grand chimiste. Je vois d'après ce qui me revient que les hommes intelligents de la majorité ont le sentiment de cette faute, et la regrettent. Mais c’est fait. Et la boutade du président aussi, Tout cela suivra son cours. Puisque Flahaut n'en veut pas être, il a bien fait de s'en aller. Je crois que la faute du Rapport était facile à éviter. Il était facile de faire sur la lettre un paragraphe convenable qui dégageât complètement, l'assemblée de la politique du président en donnant au président lui-même satisfaction pour sa dignité et avertissement pour son gouvernement personnel.
Je suis charmé que Lord John prenne ainsi goût, non seulement à avoir des lettres de vous, mais à vous écrire. Il n'aurait pas vos lettres sans cela, et il a raison d'en vouloir. Vous excellez à rendre la vérité agréable.
Je dis comme vous pour ce qui touche ma situation personnelle en reparaissant. Nous verrons. Nous devons avoir ce qu’il faudra d'habileté et de bon sens. Le silence qui vous choque ne m’étonne pas. C'est de l’embarras et de la platitude, faute d’esprit et faute de cœur. Deux choses, si je ne me trompe, mettront à l'aise, autant qu’ils peuvent être à l'aise, les poltrons et les sots ; d'abord ma manière, et bientôt ma situation même.
Je ne vous écrierai pas de longues lettres ces jours-ci. J’ai beaucoup à faire ; dans mon Cabinet pour conduire mon travail au point où je veux qu’il soit en partant ; et hors de mon Cabinet pour les petites affaires du Val Richer. Il faut aux petites affaires autant d’attention de paroles, et de temps qu'aux grandes. Je suis seul avec mes filles. Mlle Chabaud est partie, pour aller passer quelques jours près de Rouen, chez une de ses amies.
Onze heures
Je ne vois absolument aucune raison d'hésiter, et je suis décidé. Il n’y a que deux espèces de personnes qui me conseillent de ne pas revenir ; celles qui s'en iraient volontiers elles-mêmes, et celles qui ont envie que je ne revienne pas du tout. Adieu, adieu, adieu. G.
Val-Richer, Lundi 12 novembre 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
Collection : 1849 ( 19 Juillet - 14 novembre ) : François de retour en France, analyste ou acteur politique ?
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Val Richer. Lundi 12 Nov. 1849
8 heures
Nous voilà dans la bonne semaine. Qu'il y a de temps que nous n'avons causé. Nous aurons beau faire. nous ne retrouverons pas tout ce que nous nous serions dit. Ce qui me revient de Paris (non par mes amis, mais par des personnes du gros public) est favorable à la perspective de l'Empire. Non par goût, mais parce que " on a soif de silence et d'autorité. " Ce court résumé me paraît bon. On ajoute qu’on ne croit nullement à du trouble dans la rue. Dans le pays que j'habite, grande insouciance sur cet avenir-là. Peu d’espérance, et point de crainte. J’ai trouvé hier le manifeste de M. Carlier dans mon Galignani. On aura voulu l'afficher dans Paris avant de le mettre au Moniteur. Le ton en est ferme et la suppression des termes sacramentels est assez frappante. J'admire de quoi on est réduit à être frappé. Si l'Empire fait, ou si, pour faire l'Empire, on fait la loi sur les gardes nationales dont le Prince Paul vous a parlé, cela seul vaut la peine de courir l'aventure. Mais je doute qu'on ose cela du moins aujourd’hui. Je suis assez curieux du Ministre des Affaires étrangères. Tenez pour certain que si c’est le Prince de la Moskowa, c'est très dangereux. Tout autre est préférable. Je serai charmé d'entendre le discours du Duc de Noailles. Seul d’abord, et puis à l'Académie. J’ai quelque peine à me figurer l'Académie et tous les passetemps, littéraires ou autres de Paris. J’ai pris depuis si longtemps l'habitude de ne voir, dans Paris que l’une de ces deux choses, gouvernement ou révolution, qu'il me faut un effort pour y voir autre chose. Je ne me propose pas du reste de prendre grande part à ce qui s’y voit. Il me convient de porter le deuil et j'en profiterai. Mon penchant, et pas de voiture, et l’hiver, ce sont de bonnes raisons pour courir très peu. On m’écrit que ma petite maison est bien arrangée, et sera agréable à habiter. Vous devez bien jouir de votre appartement par ce charmant temps que nous avons depuis huit jours.
Onze heures et demie
Rien à ajouter. Et probablement pas grand'chose à dire d’ici à trois jours. Adieu, adieu. Adieu. Et encore. G.
8 heures
Nous voilà dans la bonne semaine. Qu'il y a de temps que nous n'avons causé. Nous aurons beau faire. nous ne retrouverons pas tout ce que nous nous serions dit. Ce qui me revient de Paris (non par mes amis, mais par des personnes du gros public) est favorable à la perspective de l'Empire. Non par goût, mais parce que " on a soif de silence et d'autorité. " Ce court résumé me paraît bon. On ajoute qu’on ne croit nullement à du trouble dans la rue. Dans le pays que j'habite, grande insouciance sur cet avenir-là. Peu d’espérance, et point de crainte. J’ai trouvé hier le manifeste de M. Carlier dans mon Galignani. On aura voulu l'afficher dans Paris avant de le mettre au Moniteur. Le ton en est ferme et la suppression des termes sacramentels est assez frappante. J'admire de quoi on est réduit à être frappé. Si l'Empire fait, ou si, pour faire l'Empire, on fait la loi sur les gardes nationales dont le Prince Paul vous a parlé, cela seul vaut la peine de courir l'aventure. Mais je doute qu'on ose cela du moins aujourd’hui. Je suis assez curieux du Ministre des Affaires étrangères. Tenez pour certain que si c’est le Prince de la Moskowa, c'est très dangereux. Tout autre est préférable. Je serai charmé d'entendre le discours du Duc de Noailles. Seul d’abord, et puis à l'Académie. J’ai quelque peine à me figurer l'Académie et tous les passetemps, littéraires ou autres de Paris. J’ai pris depuis si longtemps l'habitude de ne voir, dans Paris que l’une de ces deux choses, gouvernement ou révolution, qu'il me faut un effort pour y voir autre chose. Je ne me propose pas du reste de prendre grande part à ce qui s’y voit. Il me convient de porter le deuil et j'en profiterai. Mon penchant, et pas de voiture, et l’hiver, ce sont de bonnes raisons pour courir très peu. On m’écrit que ma petite maison est bien arrangée, et sera agréable à habiter. Vous devez bien jouir de votre appartement par ce charmant temps que nous avons depuis huit jours.
Onze heures et demie
Rien à ajouter. Et probablement pas grand'chose à dire d’ici à trois jours. Adieu, adieu. Adieu. Et encore. G.
Val-Richer, Mardi 13 novembre 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
Collection : 1849 ( 19 Juillet - 14 novembre ) : François de retour en France, analyste ou acteur politique ?
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Val Richer Mardi 10 Nov. 1849
8 heures
Je n'ai vraiment rien à vous dire. Il me semble que, pour toutes choses, j’aime mieux attendre. Ecrivez-moi encore un mot demain mercredi. Je le prendrai Jeudi en passant à Lisieux. Le décousu et les contradictions dont se plaint Kisseleff, ne m'étonnent pas. Je serais étonné qu’il en fût autrement. C'est le même mal pour l'extérieur et pour l’intérieur. On est et on sera tantôt Russe, tantôt anglais, comme tantôt coup d’Etat, tantôt constitution. Il n'y a, à parler sérieusement, point d’idée et point de volonté, Des velléités, tantôt lancés en avant, tantôt retirées à travers des tâtonnements continuels. Et on ne sort des tâtonnements que par des essais de coup de tête qui avortent. Avorteront-ils toujours ? Je ne sais. En tous cas, il n'y a pour les hommes sensés, qu’une conduite à tenir soutenir le pouvoir, quels que soient son nom et sa forme, tant qu’il voudra faire de l’ordre et du pouvoir. Toutes les susceptibilités, exigences, oppositions, dissidences, me paraissent aujourd'hui des puérilités. Je me crois sûr que la commission auprès de lord Lansdowne, sera faite, et bien faite. Est-ce que vous n’avez pas vu Salvandy ? Mad. Lenormant m’écrit qu’elle l’a rencontré chez Mad de Boignes, et qu’il s'est laissé croître une crinière qui lui donne l’air d’un bison. Il est toujours au courant et raconte tout. Je retrouverai à Paris tous les anciens ministres, à l’exception de Duchâtel qui ne reviendra qu’en Décembre. Je dois avoir conservé, ma bonne mine d’Angleterre, car je me porte bien J’ai eu pendant quelques jours des commencements désagréables de crampes d'estomac qui revenaient à la même heure. Cela est passé. Je vous quitte pour mettre des livres en ordre. Je laisserai ici ma maison bien rangée. J'aurai absolument besoin à Paris de me réserver les premières heures de la matinée. Je tiens à finir et à finir bientôt ce que j'ai commencé. Onze heures J’ai certainement un vif plaisir à faire mes arrangements. Malgré un beau soleil qui persiste. Adieu, adieu, adieu. G.
8 heures
Je n'ai vraiment rien à vous dire. Il me semble que, pour toutes choses, j’aime mieux attendre. Ecrivez-moi encore un mot demain mercredi. Je le prendrai Jeudi en passant à Lisieux. Le décousu et les contradictions dont se plaint Kisseleff, ne m'étonnent pas. Je serais étonné qu’il en fût autrement. C'est le même mal pour l'extérieur et pour l’intérieur. On est et on sera tantôt Russe, tantôt anglais, comme tantôt coup d’Etat, tantôt constitution. Il n'y a, à parler sérieusement, point d’idée et point de volonté, Des velléités, tantôt lancés en avant, tantôt retirées à travers des tâtonnements continuels. Et on ne sort des tâtonnements que par des essais de coup de tête qui avortent. Avorteront-ils toujours ? Je ne sais. En tous cas, il n'y a pour les hommes sensés, qu’une conduite à tenir soutenir le pouvoir, quels que soient son nom et sa forme, tant qu’il voudra faire de l’ordre et du pouvoir. Toutes les susceptibilités, exigences, oppositions, dissidences, me paraissent aujourd'hui des puérilités. Je me crois sûr que la commission auprès de lord Lansdowne, sera faite, et bien faite. Est-ce que vous n’avez pas vu Salvandy ? Mad. Lenormant m’écrit qu’elle l’a rencontré chez Mad de Boignes, et qu’il s'est laissé croître une crinière qui lui donne l’air d’un bison. Il est toujours au courant et raconte tout. Je retrouverai à Paris tous les anciens ministres, à l’exception de Duchâtel qui ne reviendra qu’en Décembre. Je dois avoir conservé, ma bonne mine d’Angleterre, car je me porte bien J’ai eu pendant quelques jours des commencements désagréables de crampes d'estomac qui revenaient à la même heure. Cela est passé. Je vous quitte pour mettre des livres en ordre. Je laisserai ici ma maison bien rangée. J'aurai absolument besoin à Paris de me réserver les premières heures de la matinée. Je tiens à finir et à finir bientôt ce que j'ai commencé. Onze heures J’ai certainement un vif plaisir à faire mes arrangements. Malgré un beau soleil qui persiste. Adieu, adieu, adieu. G.
Val-Richer, Mercredi 14 novembre 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
Collection : 1849 ( 19 Juillet - 14 novembre ) : François de retour en France, analyste ou acteur politique ?
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Val Richer, Mercredi 14 Nov. 1849
8 heures
Deux lignes seulement. J’ai une multitude de petites affaires. Je ne me plains de rien. J’ai voulu mettre un ordre complet dans mes papiers. C'est fait. Restent maintenant tous les préparatifs de départ. Le temps est superbe. Je voudrais bien qu’en rentrant dans Paris, il fût aussi serein sur la terre que dans le ciel. Je ne l’espère pas. Il faudra que mon plaisir à vous retrouver couvre, pour moi, tout le reste. J’y compte. 11 heures et demie Voilà votre lettre, et je ferme la mienne. Ma maison est n°6 rue Ville l'Evêque. Adieu, adieu, adieu. G.
8 heures
Deux lignes seulement. J’ai une multitude de petites affaires. Je ne me plains de rien. J’ai voulu mettre un ordre complet dans mes papiers. C'est fait. Restent maintenant tous les préparatifs de départ. Le temps est superbe. Je voudrais bien qu’en rentrant dans Paris, il fût aussi serein sur la terre que dans le ciel. Je ne l’espère pas. Il faudra que mon plaisir à vous retrouver couvre, pour moi, tout le reste. J’y compte. 11 heures et demie Voilà votre lettre, et je ferme la mienne. Ma maison est n°6 rue Ville l'Evêque. Adieu, adieu, adieu. G.
Mots-clés : Relation François-Dorothée, Vie domestique (François)
Val-Richer, Mercredi 25 juillet 1849, François Guizot à Dorothée de Lieven
Collection : 1849 ( 19 Juillet - 14 novembre ) : François de retour en France, analyste ou acteur politique ?
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
Val Richer, Mercredi 25 juillet 1849
8 heures
C’est évidemment à cause du Dimanche que je n'ai pas eu de lettre hier. Dans mon impatience, j’avais mal fait mon calcul. La poste n'est pas partie de Londres dimanche.
La petite scène du Havre a bien tourné. De bons juges m’écrivent de Paris : " Tout compté et bien compté, ce n'est point à regretter. Puisqu'il n’y a rien eu de grave autant vaut au risque de quelques embarras et de quelques inquiétudes, que vos éternels adversaires vos ennemis naturels aient fait la faute de provoquer ce qui a houleusement échoué. Il ne faut pas regretter l'éclat qu’ils ont donné à votre rentrée. Votre retour en France est un fait considérable. Il est considérable pour vos amis comme pour vous-même, en raison de votre passé et probablement aussi en raison de vôtre avenir. On l’a compris on le comprend, et l'on n'a pas su dissimuler sa mauvaise humeur. Encore une fois, tant mieux. "
Je n'ai encore lu Aberdeen et Brougham que dans le Journal des Débats. Mais ce que j'ai admiré, c’est Lord Palmerston sur l’Autriche. Quel aplomb, pour parler poliment ! Il a raison, puisqu'on l’écoute sans lui répondre. Il y a des gens qui lorsqu'ils ont fait des sottises en disant leur mea culpa, comme M. de Montalembert. Lord Palmerston se glorifie, en s’indignant qu'on l'ait cru capable de ce qu’il a fait. Vous voyez bien que le Pape rentrera à ses propres conditions. Pas plus à Paris qu'à Vienne, on ne lui demandera de partager sa souveraineté. J'étais bien violemment attaqué il y a dix-huit mois pour avoir écrit à M. Rossi qu’il ne devait ni ne pouvait le faire. Que de peine se donnent, et que de mal se font les hommes avant de revenir à l'idée juste qui leur aurait tout épargné. Adam Smith dit quelque part : " Telle est l’insolence naturelle de l'homme qu'il ne consent à employer les bons moyens qu'après avoir épuisé les mauvais. "
Je reçois toujours beaucoup de visites. Evidemment ; mes amis n’ont pas peur. Comme je ne mettrai pas leur courage à l'épreuve, il aura le temps de s'affermir. J’attends demain Armand Bertin. vous ne me donnez pas assez de détails sur votre santé. Je les demande à moins que vous ne me disiez que, moins vous en parlez mieux vous vous portez. Votre superstition peut seule me faire accepter votre silence.
Le beau temps a disparu. La pluie revient dix fois par jour. Je me promène pourtant. Les bons intervalles ne manquent pas. Je me lève de bonne heure. J’écris ; ma toilette, la prière. Nous déjeunerons à 11 heures. Promenade. Je fais mes affaires de maison et de jardin. Je remonte dans mon cabinet à une heure. J'y reste, sauf les visites. Nous dînons à 7 heures. Je me couche à 10. Quand le flot des visites se sera ralenti, j'aurai assez de temps pour travailler. Je veux faire beaucoup de choses. Adieu jusqu'à la poste.
Je suis bien aise que votre fils soit revenu. N'allez pourtant pas souvent à Londres si le choléra y persiste. Je crois que vous pouvez affranchir vos lettres. Mes filles en reçoivent souvent de leurs amies Boileau qui arrivent très exactement. Je vous le dis sans scrupule, car je suis écrasé de ports de lettres. Si nous apercevons la moindre inexactitude, nous cesserons.
Onze heures
Deux lettres. Le dimanche et le lundi viennent ensemble le Mercredi. Vous avez raison. Deux lettres et une seule enveloppe. Et deux lettres longues, charmantes. Adieu. Adieu. La poste m’apporte je ne sais combien de petites affaires qu’il faut faire tout de suite. Adieu. Adieu. G.
8 heures
C’est évidemment à cause du Dimanche que je n'ai pas eu de lettre hier. Dans mon impatience, j’avais mal fait mon calcul. La poste n'est pas partie de Londres dimanche.
La petite scène du Havre a bien tourné. De bons juges m’écrivent de Paris : " Tout compté et bien compté, ce n'est point à regretter. Puisqu'il n’y a rien eu de grave autant vaut au risque de quelques embarras et de quelques inquiétudes, que vos éternels adversaires vos ennemis naturels aient fait la faute de provoquer ce qui a houleusement échoué. Il ne faut pas regretter l'éclat qu’ils ont donné à votre rentrée. Votre retour en France est un fait considérable. Il est considérable pour vos amis comme pour vous-même, en raison de votre passé et probablement aussi en raison de vôtre avenir. On l’a compris on le comprend, et l'on n'a pas su dissimuler sa mauvaise humeur. Encore une fois, tant mieux. "
Je n'ai encore lu Aberdeen et Brougham que dans le Journal des Débats. Mais ce que j'ai admiré, c’est Lord Palmerston sur l’Autriche. Quel aplomb, pour parler poliment ! Il a raison, puisqu'on l’écoute sans lui répondre. Il y a des gens qui lorsqu'ils ont fait des sottises en disant leur mea culpa, comme M. de Montalembert. Lord Palmerston se glorifie, en s’indignant qu'on l'ait cru capable de ce qu’il a fait. Vous voyez bien que le Pape rentrera à ses propres conditions. Pas plus à Paris qu'à Vienne, on ne lui demandera de partager sa souveraineté. J'étais bien violemment attaqué il y a dix-huit mois pour avoir écrit à M. Rossi qu’il ne devait ni ne pouvait le faire. Que de peine se donnent, et que de mal se font les hommes avant de revenir à l'idée juste qui leur aurait tout épargné. Adam Smith dit quelque part : " Telle est l’insolence naturelle de l'homme qu'il ne consent à employer les bons moyens qu'après avoir épuisé les mauvais. "
Je reçois toujours beaucoup de visites. Evidemment ; mes amis n’ont pas peur. Comme je ne mettrai pas leur courage à l'épreuve, il aura le temps de s'affermir. J’attends demain Armand Bertin. vous ne me donnez pas assez de détails sur votre santé. Je les demande à moins que vous ne me disiez que, moins vous en parlez mieux vous vous portez. Votre superstition peut seule me faire accepter votre silence.
Le beau temps a disparu. La pluie revient dix fois par jour. Je me promène pourtant. Les bons intervalles ne manquent pas. Je me lève de bonne heure. J’écris ; ma toilette, la prière. Nous déjeunerons à 11 heures. Promenade. Je fais mes affaires de maison et de jardin. Je remonte dans mon cabinet à une heure. J'y reste, sauf les visites. Nous dînons à 7 heures. Je me couche à 10. Quand le flot des visites se sera ralenti, j'aurai assez de temps pour travailler. Je veux faire beaucoup de choses. Adieu jusqu'à la poste.
Je suis bien aise que votre fils soit revenu. N'allez pourtant pas souvent à Londres si le choléra y persiste. Je crois que vous pouvez affranchir vos lettres. Mes filles en reçoivent souvent de leurs amies Boileau qui arrivent très exactement. Je vous le dis sans scrupule, car je suis écrasé de ports de lettres. Si nous apercevons la moindre inexactitude, nous cesserons.
Onze heures
Deux lettres. Le dimanche et le lundi viennent ensemble le Mercredi. Vous avez raison. Deux lettres et une seule enveloppe. Et deux lettres longues, charmantes. Adieu. Adieu. La poste m’apporte je ne sais combien de petites affaires qu’il faut faire tout de suite. Adieu. Adieu. G.
Mots-clés : Conditions matérielles de la correspondance, Diplomatie (Angleterre), France (1848-1852, 2e République), Pie IX (1792-1878)), Politique (Angleterre), Politique (France), Politique (Vatican), Posture politique, Réception (Guizot), Rossi, Pellegrino (1787-1848), Travail intellectuel, Vie quotidienne (François)