Votre recherche dans le corpus : 250 résultats dans 5493 notices du site.Collection : 1852 (1er juin-13 novembre) : Guizot historien, liberté de ton et d'analyse (1850-1857 : Une nouvelle posture publique établie, académies et salons)
Paris, Mercredi 18 août 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
L’entant de ce pauvre Tolstoy est mort cette nuit. Huit jours d'agonie c’est affreux. Le pauvre homme est brisé. Molé m’est arrivé hier. Très inopinément avec une très bonne mine. Il dit que la Duchesse d'Orléans est parfaitement brouillée avec sa famille. Elle triomphe de l'échec. Elle ne veut plus ramener. ses enfants à Claremont ils y puisent de mauvais principes. Jamais elle, elle ne cèdera sur les droits de son fils. Changarnier se dit brouiller avec elle aussi. Thiers revient demain ou après. Voilà tout Molé plus la très grande humeur de tout. La corde est trop tendue. Il abuse de son pouvoir le mécontentement gagne. Il éclatera. Je ne crois pas cela du tout. Il passe encore la journée ici. Le bal de St Cloud a été une foule & un fouillis. On ne sait pas même si on a dansé. Le Prince donnera dit-on deux autres bals plus selects. Milnes est venu plusieurs fois me voir. Il est bien adouci. Rien de nouveau à vous dire. Je n’ai vu personne d’intéressant ces deux derniers jours.
Adieu. Adieu.
J’ai trouvé un [Maître d’hôtel] reste à voir s'il est bon.
Paris, Jeudi 19 août 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
J’ai vu beaucoup de monde hier. Les plus intéressants étaient la [Princesse] Mathilde, Morny, Fould. Celui-ci le soir, ainsi peu de causerie intime. Molé a été froid. Fould part demain pour les Pyrénées, il revient le 5 Sept. Le 15 il repart avec le Prince pour la grands tournée du midi. On ne fait pas ou plutôt on ne veut pas faire attention à la visite de la reine à Bruxelles, de même on ne relève pas le surcroît d'intimité avec Claremont. On veut rester bien avec l'Angleterre. Il n’est que question d'Empire c-a-d qu'on n'en parle plus du tout que pour dire qu'on n'y pense pas dans ce moment. On laissera parler les conseils généraux. La [Princesse] Mathilde affirme que le mariage se fera. Fould n'a voulu n’en rien dire. Cependant il dit que ce n’est pas rompu. Morny dit qu’avant l’Empire, il faut la femme et même l’enfant. On prétend que Rémusat et Lasteyrie ont écrit des lettres insolentes pour se refuser à rentrer. J'ai peine à le croire cependant c'est la [Princesse] Mathilde & Morny qui me l'ont dit. Thiers doit être arrivé hier. Voilà à peu près tout.
Les fêtes à tout prendre ont été froides. L’indifférence est assez générale. On persiste à dire que dans la couche basse, et dans le pays, on est toujours très chaud pour le nom de Napoléon. Morny a l’air content et tranquille. Très content de voir Fould aux affaires, regrettant que cela n’ait pas pu s'arranger pour Rouher. Tout le monde dit que Persigny est vraiment malade et qu'il a besoin de se soigner. Il est retourné à Dieppe hier.
Il revient ici de mauvais propos tenus par Mad. Kalerdgi à Kissingen. Non seulement mauvais pour le Président, mais aussi pour Kisseleff qu’elle veut faire rappeler. Voilà deux grandes perfidies. Les connaisseurs ne s’en étonnent pas. J'en suis fâchée, car elle me plaisait. Je vous ai dit qu’elle passera l’hiver à Pétersbourg. J’ai dit du bien d'elle à l’Impératrice, je m'en repens. A propos l’Impératrice très inquiète de mon accident, & d’être restée 2 jours sans lettre. Elle prie que quelqu'un lui écrive. Enfin une sollicitude charmante et touchante. Adieu. Adieu. Mes jambes vont mieux.
Paris, Samedi 21 août 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
J’ai montré à M. Fould quelques passages de vos lettres où vous me parlez de lui. Il a été très flatté et touché, et frappé de beaucoup de vos observations. A propos de lettres et de citations en voici une de Meyendorff de Vienne. Je vois ici de temps en temps des légitimistes qui se fâchant quand je leur dis que le Prince Président à la vocation de rendre la France gouvernable et de réparer le mal produit par les idées de 89, 1814, 30, & 48.
La princesse Schonberg dîne aujourd’hui à St Cloud. Madame Kalerdgi va arriver dans quelques jours mais pour lever le camp. Elle abandonne Paris for good. Elle a acheté un château prés de Francfort, ce sera sa résidence. Cet hiver elle le passera à Pétersbourg. On dit qu'à Kissingen son langage a été fort hostile à ceci. Elle en partait éprise, (de ceci). C'est une tête sans le sens commun. J’ai vu hier soir Halkeren entre autres, on ne parle que de Thiers tout le monde est curieux de le voir et on n’ose pas s’aventurer ; les uns par crainte de la cour, les autres, de Mad. d’Osne. Hekern est de ceux-ci, les diplomates de ceux-là. Thiers a tout de suite couru chez Mad. Schach, elle l'a trouvée embelli et ravi. Mad Rothschild est auprès de Changarnier. L'Électeur est reparti. On a fait semblant de l’ignorer ici. Stockhausen part aujourd’hui. C'est une vraie perte pour moi il restera [?].
Vous ai-je dit que Lord Cowley est parti pour Londres, le prétexte de son fils, mais au fond pour voir clair dans sa situation ? Or il paraît probable que St. Canning aura les aff. étrangères (détestable choix) & Malumberg Paris. Alors Cowley à Constantinople. Bulwer ira sans doute en Amérique régler le différend. Il pleut depuis deux jours c’est bien ennuyeux. Je me suis très affaiblie ; voilà maintenant mon mal. Quel remède ? Adieu. Adieu.
Hier je n’ai pas pu vous écrire. J’avais écrit une longue lettre à l'Impératrice, et puis est venu une visite et il n'y avait plus moyen avant la poste. Adieu.
Paris, Dimanche 22 août 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
J'ai vu une lettre de Berlin racontant le 15. La police a défendu l’illumination & le Te deum. Mantenffeld & le reste a refusé d’aller au dîner. Pas un Prussien n’y a été. Petit dîner en habit bourgeois, & de tout le corps Diplomatique rien que l'Anglais & le Bavarois. Voilà, partout je crois cela aura été de même ; on ne peut pas célébrer la mémoire de l'homme qui est venu saccager, opprimer, humilier tous les pays. Pourquoi le Prince ne s'est-il pas borné à dire que c’était sa fête à lui ? On la célébrerait volontiers. Tout cela est très maladroit. Castelbajac a un congé. Il revient comme Kisseleff va partir, il n’y aura pas d'affaires du tout. Car ce n’est pas le Prince Kourakin qui saurait les faire.
Je vous envoie la lettre d’Ellice qui vous intéressera. Renvoyez la moi je vous prie. Tout le monde a comme moi lu votre Cromwell avec beaucoup d’intérêt, mais tout le monde se demande, & mon plaisir une fois passé je me demande aussi pourquoi vous l'avez fait paraître. C'est de la désobligeance pour le moins. C’est inutile & cela pourrait vous attirer et à d’autres des désagréments. Cela ne vous ressemble pas de faire de la malice pour de la malice. What use ?
Je ne sais rien de Rémusat. Je n’ai point vu les Delessert depuis deux jours. Je les vois beaucoup, elle me plait tout à fait. Ce pauvre Auguste est revenu il est allé voir mourrir sa femme et l’enterrer. Hier on a enterré le petit Tolstoy. En ai-je fini des tragédies ? Mes jambes vont mieux, mais la débilité générale est extrême. Adieu. Adieu.
Paris, Lundi 23 août 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
J'ai fait visite hier à Passy. J’y ai rencontré Villemain, on a parlé de Cromwell. Il regrette aussi, tout en parlant de vous avec amitié. Mais on ne sait pas pourquoi vous avez fait cela. Je vous redis tout. Thiers n’a pas été encore à Passy, il est fou de joie de se retrouver dans la place St George et il n'en sort pas. Mad. Sebach a été le voir hier. Il est d'une humeur charmante, ses dames aussi. Je ne sais pas de nouvelle quoique j’ai vu assez de monde hier soir, mais sans Fould, j’ignore tout. La Princesse Schonberg, qui à propos est très sensible à votre souvenir, a dîné à St Cloud avant hier elle est revenue charmée et un peu séduite. On a joué à des petits jeux après le dîner. Le Prince a la main pleine de bijoux et les dames gagnent toujours. Il a fait à là [Princesse] Sch. un éloge enthousiaste de Marie Antoinette. A Varsovie et à Pétersbourg, le 15 août a été traité comme à Berlin ! Défense de tout signe public. Mais on me demande pas mieux que de boire à la santé du Prince, seulement il ne faut pas parler de l'oncle. Voilà la situation, en France parce qu’il est neveu, à l’étranger quoique neveu. Je vous ai dit cela je crois. Adieu, car je n'ai rien absolument à vous dire. J'essaie de longues promenades en calèche. L'air est doux. Adieu. Adieu.
J'espère que vous êtes débarrassé de votre toux.
Paris, Mardi 24 août 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
Je ne suis sentie si lasse hier que j'ai fermé ma porte et je me suis couchée à 9 heures. J’ai mal dormi, ma faiblesse augmente. Pour peu que cela continue, j'y périrai. Je n'ai pas d’autre mal, mais je suis prête à crier de faiblesse. J’ai vu du monde le matin, il y a ici peu d’accord dans les procédés le 15. Il me semble qu'à tout prendre c’est les anglais qui se sont le mieux prêtés à la Célébration. Je vous ai dit Berlin. A Hanovre le peuple a [?] d'immortelles ce jour-là la colonne de Waterloo sur une place publique. Enfin il y a de quoi donner ici beaucoup d’humeur, mes sources d’information sur ici me manquent. J’ai rencontré hier au bois le Prince. Très gracieux salut. J’étais avec la princesse Schonberg. Elle est chez moi tous les jours. Elle a de l’esprit, mais pas beaucoup, moins qu'il y a 12 ans.
Les Conseils généraux voguent en plein empire. Ceci vous prouve que je lis le Moniteur. Je n’ai que lui, tous les autres journaux m’ennuient je ne les vois plus. La conclusion du traité avec la Belgique était hier l'événement diplomatique. Je ne m'y connais pas. Adieu. Adieu, car voilà qu'on m’interrompt.
Avez- vous lu les regrets dans le Constitutionnel ?
Paris, Mercredi 25 août 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
On se fâche fort ici de l’événement de Berlin. On conteste cela avez d’autre lieux où tout s’est passé le 15 selon les désirs de la France. Il faut qu’il y ait un luxe de maladresse de la part de M. de Varennes. Au reste je vous ai dit que ce n’est pas là seulement, à Bern cela a été encore pire qu'à Berlin. On me dit que les Belges ont été fort piqués du voyage de la Reine d'Angleterre, de voir tous les vaisseaux anglais sonder l'Escaut, prendre des notes & & cela a été très impopulaire. M. Drouin de Lhuys a dit hier à un diplomate que le nouveau traité avec la Belgique était tout à l’avantage de la France au delà de ce qu’il aurait jamais cru possible. Il a dit aussi au même, l’Empire est fait.
Dumon est venu me voir hier de Versailles. Je lui avais prêté Cromwell. Comme moi. il a été très accusé, mais de même que moi et plus que moi, il dit pourquoi ; & il ajoute que c'est fâcheux pour vous et pour les autres. Je vous en prie restez en là. Voilà votre lettre, qui explique. C'est peu connaître l’homme que de croire qu’un avertissement public puisse agir sur lui et le retenir ce serait plutôt propre à faire l’effet contraire.
Les petits dîners élégants, les lotteries, les cadeaux continuent à St Cloud. Mad. Sebach y a gagné hier une belle bague rubis & et diamants. La surveille Mad. Woronoff m’avait rapporté une émeraude & diamants. Il faut être riche pour cela. Toujours 6 ou 8 dames bien dotées. Le temps est beau, mes forces ne viennent pas, elles s'en vont. Je suis très découragée. Adieu. Adieu.
Paris, Jeudi 26 août 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
J'ai été bien mal cette nuit. Kolb est resté auprès de moi jusqu’à 4 h. du matin, depuis j'ai dormi deux heures. J’ai envoyé chez Chomel. Le fait est que je suis très souffrante. Je fais tout ce que vous dites chicorée, gelée de viande & & rien ne va. Les forces partent. Me retrouverez-vous ? J'en doute. Rogier est venu hier. Il se dit content, & son roi aussi, de la Convention. On doute que les chambres le soient.
Depuis toutes les nouvelles qui arrivent de l’étranger les diplomates commencent à regretter d’avoir assisté au te deum le 15. C'est une drôle d’affaire. Traitée très diversement. Berlin, Pétersbourg, Hanovre, Berne, de la même façon. Les autres comme Naples avec [?] et honneurs, comme Vienne & Londres simplement de tout cela il reste ici beaucoup d’humeur, et pour l'avenir prochain une autre façon d'amorcer la fête. Car fête politique et nationale nous n'en voulons pas & personne ne peut en vouloir. Personnelle de tout notre coeur. Hubner vient chez moi souvent ; il est détesté par tous les petits. Viel Castel est ici pour quelques jours, très aimable homme.
3 heures je suis toujours dans mon lit et je n'ai guère la force d’écrire. Comme je suis ce que vous dites ! Quel vide pour l’esprit et le cœur, & mille fois plus que pour vous. C’est probablement une bonne partie de mon mal. Adieu. Adieu.
Paris, Vendredi 27 août 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
La Consultation de Chomel a abouti à des bains de Vichy, des pilules, d’autres dragées, tout cela parce que j'ai le foie attaqué. Voilà par dessus mes autres maux. Je suis jaune comme une orange. J'ai fermé ma porte hier soir, je me suis couché à 9 h. et j’ai assez dormi. Le ton a subitement changé ici quand on a sû ( ce qu'on ne sait positivement que depuis avant hier ) que Petersbourg avait été comme Berlin le 15 août. On n'en parle plus, c’est mon avenir.
Voici votre lettre. Je reste dans mon lit jusqu’à midi, j’y [?], je déjeune, je lis, enfin je me repose, & rien ne me repose. Je n’ai pas de nouvelle à vous dire du tout. Il ne se passe rien, on ne parle de rien. Du mariage plus du tout. La nouvelle de salon est la mort subite d'Antonin de Noailles. Et hier soir de la musique et un bal chez Mad. de Caraman. Aggy est bien amusée. La nouvelle Duchesse de Hamilton a passé par Paris, elle ne s'y est arrêté que quelques heures. Dans une rencontre fortuite avec un diplomate dans la rue, elle lui a dit que la princesse de Wasa était partit pour la Bohème où elle passera tout l’hiver. Je vous ai dit qu'on pense pour elle à l’Empereur d’Autriche. Le général Haynau est à Paris. Beauvale m’écrit qu’il croit à la durée du ministère. Il me parle bien petitement de notre ami Aberdeen. C’est difficile de disputer. Adieu, adieu.
Votre réponse au Constitutionnel est très clever. Vous raisonnez très bien. Dans tout cela ce qu'il y a de mieux à faire c’est de se taire à droite et à gauche, mais les Français aiment à parler et à ce qu'on parle d'eux, ce qu’ils supportent le moins c’est d’être oubliées. Je généralise, et je parle pour ceux qui peuvent être oubliés.
Paris, Samedi 28 août 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
La journée hier a été un peu meilleure, mais je n’ai pas dormi la nuit. Je viens de prendre mon premier bain de Vichy, je compte être bien docile, mais je le serai sans confiance. Molé est venu hier soir, une vraie surprise. Il dit qu’il est venu pour moi naturellement je ne le crois pas. Il part ce matin pour Maintenon. Viel Castel m’a dit adieu. Il est allé passer quelques semaines chez Piscatory. J’ai vu Hubner deux fois, il est peu communicatif. Très présidentiel. Il n’y a pas eu de dîner à Vienne le 15. M. de Lacour n’y était pas. La messe le matin dans une église de la paroisse et pour les Français seuls. A Londres la légation de Prusse s'est excusée du dîner. Antonini est venu me dire adieu. Il part ce matin pour Naples. Impossible de continuer. Adieu
Paris, Dimanche le 29 août 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
Aujourd’hui grand mal de tête. Je ne pense plus qu'à mes maux. Quel ennui ! La rentrée en faveur de Radowitz fait un effet déplorable en presse. On est furieux. J’ai vu hier un moment Montebello. Il passait par Paris retournant en Champagne. Vous n’avez pas d’idée comme Paris est vide, c’est très humiliant d’y être. Comme mon été a été massacré. Génie est venu me voir un moment. Il me dit que votre fille Pauline n’est pas bien. Vous ne ne m'en parlez pas. Qu'a-t-elle donc ? Voilà le choléra à Vienne et à Berlin. Que ferai-je quand il sera ici ? Le plus sensé est de s'en aller, mais où ? Ah quelle misère que la vie ! Et la vie quand on vit seule. Je ne trouve rien, rien du tout à vous dire. Je vois beaucoup de monde, mais tout cela si peu intéressant. Hubner me soigne sans rien m’appendre. Brandebourg vient pour appendre, & je n'ai rien à donner. Je n’ai pas ouï dire que Cowley soit revenu. Adieu. Adieu.
Mots-clés : Ennui, Réseau social et politique, Salon, Santé (Dorothée), Santé (enfants Guizot), Solitude
Paris, Lundi 30 août 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
Malgré le Dimanche j’ai vu peu de monde hier. Le Nonce, Hubner Kisseleff la petite princesse voilà tout à peu près. Beaucoup des seconds sont à la campagne. Les jeunes se promènent au clair de lune. Il fait étouffant à Paris, l’air est très lourd et très chaud et partant très malsain. Mais où aller ? Les châteaux me gênent. Ailleurs je suis seule.
On dit qu'on ne songe ni au mariage ni à l’Empire et les Paris sont ouverts de nouveau. Il ne se fera pas. La princesse de Saxe ne plaît pas, elle est trop ronde et pas assez jolie. L'empêchement pour Wasa serait la mésall iance, elle pèche par la grand mère, mais si elle plaisait beaucoup à l’Empereur on passerait par dessus. Il n’est pas question de retirer les troupes françaises de Rome. Il faut d’abord avoir une armée pour regarder, et on ne l’a pas. Lord Cowley est revenu hier. Je ne l’ai pas vu encore mais je sais qu’il est rassuré sur son compte. Je n’ai point de nouvelle. de Russie. Adieu, adieu.
Paris, Mardi 31 août 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
Lord Granville a passé quelques heures à Paris venant de Londres et allant chercher sa femme en Allemagne. Il est venu me voir et m’a fort intéressée. Il n’y a rien de nouveau cependant. Si Derby touche il croit à John Russell et le garde toujours comme le plus grand chef de parti en Angleterre, il confirme la liaison d’Aberdeen avec lui. Quant à Palmerston, jamais [Ministre] des aff. étrangèrs, & jamais premier ministre. Stuart Canning retournera probable ment à Constantinople.
Il n’y a pas moyen d’attraper un bout de nouvelle d'ici. Personne n'approche de St Cloud, et on n’a d’accointance. avec aucun homme en place. Fould ne revient que le 5 pour repartir le 15. Aggy a été faire visite aux dames Thiers hier soir. Elle y a trouvé Lasteyrie extrêmement engraissé. La rosière y était aussi. On ne parle pas politique. On s’est moqué du discours de Laroche Jacquelin, du bal de la Halle & & Voilà mon bulletin. Haynau est fort suivi et protégé par la police. Mes forces ne reviennent pas. Je continue les bains de Vichy. Adieu. Adieu.
Paris, Mercredi 1er septembre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
Lady Palmerston a été dans le plus grand danger, une attaque de Choléra elle est sauvée. Lord Cowley que j’ai vu hier soir me parait triste, triste sur son compte je crois. L’affaire n’est pas claire il me confie ses petits chagrins. Sur l'ensemble, il ne m'a rien dit de plus que Granville, qui est venu encore hier causer long temps chez moi. Celui-ci a de l’esprit. La petite princesse dîne encore après-demain à St Cloud. On s’étonne assez des articles.du Moniteur sur le Times. Quelle mauvaise guerre on engage là. Et cela fait un vrai mal. La bourse s’en inquiète. (pardon de mon papier taché) Rémusat est dans sa terre. Ils sont tous revenus.
Je reverrai demain Chomel. Oliffe reste toujours à Trouville. Je me tire d’affaires avec Kolb. Aggy n’a pas bonne mine. Sa soeur malade va un peu mieux. Lady Allice veut venir ici le 15. Madame Kalerdgi arrive aujourd’hui. Voilà ma gazette et pas intéressante du tout. Adieu. Adieu. Hubner me soigne assez, c’est parce qu'il n’y a personne à Paris. Adieu.
Paris, Jeudi 2 septembre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
J'ai encore revu Lord Granville hier, il reste pour dîner demain à Saint Cloud. Cela m'amuse qu' il y dîne. Je n’ai vu hier soir que Valdegamas et le nonce. Voldeganas est original et me plait. Personne n’a la moindre nouvelle à dire. C'est un vide extraordinaire. Chomel est revenu ce matin il est content de ma société, mais moi je voudrais être plus contente de ses ordonnances. Je continue. Molé doit venir aujourd'hui. Kalerdgi aussi, cela va m'égayer. Il y a quelques anglais. Les [Bruce] que j’ai vu hier, ils trouvent Paris charmant quelque ennuyeux qu'il nous paraisse. Voilà qu'on m’interrompt, cela ne vous prive de rien car je n'ai rien de mieux à vous envoyer qu'Adieu.
Mots-clés : Diplomatie, Réseau social et politique, Santé (Dorothée)
Paris, Samedi le 4 septembre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
Si je vous avais écrit hier je ne vous aurais parlé que de mes souffrances, j’ai préféré me taire. Mauvaise journée. Je ne vois pas que ma docilité me profite, et je continue cependant à faire tout ce qu'on m'ordonne. Molé est venu ici deux jours de bonne heure avant huit heures, ce qui me donne de longs tête-à-tête. Il est fort triste, & stérile. Mais sa conversation me fait un grand plaisir. Je suis trop accoutumée aux gens d’esprit, et je crois vraiment que c’est cette absence qui est pour beaucoup dans mes maux. Mad. Kalerdgi n’est pas arrivée encore. Il l’attend. Tant mieux pour moi. Je crois que Fould doit arriver aujourd’hui. Je ne saurai que tantôt le dîner d’hier à St Cloud. La petite princesse vient se promener avec moi. Je vais toujours à Bagatelle. Je prends mon livre & je reste là couchée. Je lis la Restauration avec un grand plaisir. Recom mandez moi quelque autre lecture après. Beauvale me mande que sa soeur a été à la mort, elle est hors de tout danger. Je répondrai très sincèrement à votre question. Mon amitié est très refroidie, et il ne reste si peu que j'ai peur de convenir qu'il y eut en difficulté pour des larmes. C'est bien mal ce que je dis là. Pas de nouvelles du tout. Adieu. Adieu.
Paris, Dimanche le 5 septembre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
J'ai manqué la petite princesse hier. Elle m’a fait attendre. Je suis partie sans elle, de sorte que je ne sais rien de sa journée de St Cloud. J’ai vu du monde le soir. Pas Molé, il était aux pieds de Kalardgi arrivée dans la journée et trop fatiguée pour venir chez moi, de sorte que je n’ai pas joui des premiers transports. Mad. Roger est venue me voir. Elle a passé quelques semaine en Suisse auprès de la Duchesse d'Orléans, qui est en assez mauvais état de santé. Elle va à Eysenach mais il n’y a rien de là pour l’hiver.
Comme la description de la bataille de Waterloo est belle dans Lamartine ! L'avez vous lue ? C'est charmant. Molé trouve qu’il ne sait pas le français et que tout est menti dans son ouvrage. Lamartine ne trouve pas M. Molé un grand homme. Adieu, car je n'ai rien à vous dire. Il pleut aujourd’hui ; j'aime mieux, cela que le beau temps, parce qu'alors je me résigne mieux à Paris. Adieu.
Mots-clés : Histoire (France), Lecture, Réseau social et politique, Salon
Paris, Lundi 6 septembre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
J'ai manqué Fould hier, ce que je regrette. Je ne le verrai que demain, il est à sa cam pagne, certainement le Moniteur est à lui. J’avais oublié de vous dire. Il n’y a de communiqué que ce qui passe par lui. J'ai vu longuement Cowley hier. Voici ce que je relève de plus frappant de son opinion personelle " jamais un Bourbon ne pourra tenir en France. " Il regarderait donc une restauration comme devant ramener une révolution. Il est très décidé dans cette opinion. Il paraît qu’avant la conclusion de l’arrangement avec la Belgique. Les propos ici ont été très vifs jusqu'à menacer d'une invasion, aujourd’hui on se dit très content des deux côtés.
C’est Londonderry qui a eu la jarretière. Il a menacé de retirer trois voix au ministère dans la Chambre basse. On a cédé. Cela aura fort déplu à la Reine. Je doute que cela plaise au Président. Le dîner à St Cloud a commencé par un mistake. On était prié pour 5 1/2. Le Prince n’y était pas. Il se promenait à Bagatelle, il n’est rentré qu'à 6 1/2. Banischi avait fait le mépris. Le Prince s’est confondu en excuses. Il n’y avait personne Granville que Hubner, les Drouin de Luys, et une dame Rouger un peu leste. On a joué après mais pour de l’argent. Le Prince toujours très aimable puisque Hubner y était pour la princesse, Cowley aurait pu y être, ou Granville. Il n’y était pas. Hubner a dîné 3 fois depuis 3 semaines, pas un autre diplomate n’y dine.
J’ai eu hier une lettre toute d’amour de l’Impératrice elle-même. Elle m’écrit malgré ses yeux, & si tendrement ! Je ne sais rien de mon fils. Madame Kalerdgi était ici hier soir, maigrie, bien empressée pour moi, plein d’un nouveau roman allemand. Elle va en Russie dans 15 jours. Elle lève le camp à Paris, & n’y viendra plus qu'en passant. Molé avait l'air triste. J’avais assez de femmes. Il y a une grande disette d’hommes. On me conte qu'à Bade la suite du Prince s’y est rendue. Odieuse par sa jactance. Là on ne croit pas au mariage la [grande duchesse] Stéphanie serait contre ; elle veut du plus assuré pour sa petite fille. Il est question de Luitpold de Bavière qui doit être roi de Grèce. C'est Mad. Kalerdgi qui me rapporte cela, elle en vient. Voilà je crois toutes mes nouvelles.
Kolb part demain pour Bade avec les Delmas. Oliff est toujours à Trouville. Aggy s'en va après demain pour 10 jours chez les Hainguerlot. Vous voyez qu'on me délaisse. Je ne puis pas m'opposer. Adieu. Adieu.
Persigny n'a fait aucune affaire à Londres, et n’y a vu personne. Il a fait une visite de politesse à Malmesbury voilà tout. Il y était allé simplement pour amuser sa femme. Il est très amoureux d’elle. Voici quelques extraits de la lettre de l’Impératrice. Vos lettres me sont encore plus chères qu’autre fois, puisque nous nous connaissons et nous aimons encore mieux. Se revoir nous a réchauffé le cœur l'une pour l’autre. Je sais que sous la [Princesse] Lieven politique il y en a une autre qui est à moi, et à Dieu. Midi. Aggy remet son voyage à Tours jusqu'à la semaine prochaine
Mots-clés : Circulation épistolaire, Diplomatie, Femme (politique), Littérature, Mariâ Aleksandrovna (1824-1880 ; impératrice de Russie), Politique, Politique (Angleterre), Politique (France), Relation François-Dorothée, Réseau social et politique, Restauration (France), Révolution, Salon, Santé (Dorothée)
Paris, Mardi 7 septembre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
J'ai lu tout Mad. d’Arbouville tout Georgia Fullarton. Vos autres recommandations ne me promettent pas grand chose. Trouvez mieux je vous prie ; du vieux historique, mémoires. Ne prenez pas la peine de me les expliquer. Dites les titres et à côté, " bien, passable, curieux. " selon qu'ils le méritent.
Molé a vu Thiers longtemps et l'a trouvé résigné pour longtemps au Président, et puis disant qu'on reviendra à la monarchie mais qu'il faut pour cela que les deux monarchies se réunissent et ensuite l'abdication ou l’adoption, ce qui veut et donc bonjour. Moi je crois que Cowley a raison, et Dieu sait ce que verra la France. Dumon est rentré en ville. Molé part ce matin pour le Marais, mais il reviendra dans 15 jours avant le départ de Kalergi.
Hubner a été étonné de lire qu'on a lancé ma nouvelle frégate portant le nom d'Austerlitz. Toujours ces souvenirs affichés, cela finira par provoquer. Qu'il laisse dormir en paix les masses et les triomphes de son oncle. Je le trouve trop modeste, il a assez fait lui-même et peut se passer désormais de ces souvenirs.
Kalerdgi m’amuse. Elle a beaucoup recueilli, et elle bavarde. Son oncle trouve les Bourbons immensément bêtes. Le général Haynau est parti fort content de son séjour ici. Adieu, adieu. Kolb a décidé les Delmas à rester, cela m’arrange.
Paris, Mercredi le 8 septembre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
J’ai vu hier M. Fould, trés engraissé, très content, très confiant très puissant. Il ne bougera pas de Paris pendant le voyage du Prince tous les autres ministres se relayeront à tour de rôle auprès de lui. Fould reste pour répondre de tout et pourvoir à tout. Il est très content de la disposi tion du pays. Partout l’autorité puissante, obéir, les populations contentes. Ce n’est pas lui qui a rédigé l’adresse de son conseil général c’est M. d’Aguilleau. Il en rit. On ne parle pas d’Empire. Le Prince sait fort bien ce qui est dans son intérêt. Il fera attendre. Il a plus d’esprit que les autres. Le voyage sera une ovation. Il regrette la guerre au Times, cela ne continuera pas. On exécute doucement les décrets. Je n’ai dit que deux choses : que le Prince se conduise toujours dans son intérêt personnel, & il a trop d'esprit pour ne le pas connaître. Et puis qu'il laisse tranquille son oncle. Il en a assez parlé. Il a le droit de parler de lui même. J'ai bien relevé aussi l’impatience des ennemis de le voir empereur. Cela a déjà frappé. Voilà en raccourci. Il n’a pas été question de mariage.
Je suis charmée que Fould reste. J’ai été hier soir un moment chez Mad. Salovoy. Fête, illu mination, bal. 18 Hongrois musiciens admirables, dans leur costume pittoresque j'y ai été pour les entendre. à 10 h. j'étais dans mon lit. Aggy a remis son voyage à la semaine prochaine. Les Delmas restent, Kolb reste donc aussi. On regrette à Berlin que Manteuffel n’aie pas donné sa démission, vu le secret que le Roi lui a fait de la faveur rendue à Radowitz, il aurait eu avec lui l’opinion, la bonne qui est toujours la plus puissante en Prusse. Madame de la Redorte croit que le coup porté à Molé par le [?] de camps de Kalerdgi est plus fort encore pour [?] que le 2 décembre. Adieu. Adieu.
Paris, Jeudi le 9 septembre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
D'André est ici en congé, cependant on dit qu'on n’a pas été fâché de cela vu ce qui s’est passé à la Haye. Fagel a envoyé un courrier hier pour demander des ordres. Vous soupçonnez une partie du ministère Hollandais de n’avoir pas été étranger au rejet de la convention. Je n’ai pas revu Persigny depuis son retour et j’ai oublié d'en demander de nouvelles à Fould. 9 heures Ah voilà qui est beau et charmant ! Quel grand plaisir pour moi. J’ai peur que ce plaisir même d'avancer ne me fasse assez de bien pour que vous ne me trouviez pas assez malade. Si vous étiez venu hier j'en valais la peine. La jaunisse. Je vous dirai à la fin de la lettre le jour du départ d'Aggy. En tous cas je sais que c’est la semaine prochaine, le commencement ; & qu’elle me quitte pour huit jours. J’entends bien parler de Drouin de Lhuys. C’est peut être [?] Turgot. En tous cas on le trouve convenable, homme d’esprit et plus du tout aussi long que ci devant. Ce pauvre Piscatory, comme je suis fâchée de son malheur ! Il a l’air d'avoir tant de coeur. Viel Castel doit être chez lui dans ce moment. La petite princesse sera bien contente de vous revoir. Voilà Aggy levée.
Midi. Elle part Mardi 14. Vous me direz quel jour vous arriverez. Elle revient lundi le 20. On m'interrompt, adieu. Adieu, & merci, merci.
Mots-clés : Diplomatie, Politique (France), Portrait, Réseau social et politique
Paris, Vendredi le 10 septembre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
Je n'ai rien recueilli hier si ce n'est une parole de M. de Persigny pendant son séjour à Londres. Il l'aurait dit à Malmesbury que le mariage était arrêté et qu’il ne s’agit plus que de quelques pour parler insignifiants avec le père. Mad. Kalerdgi est très agitée des commérages qui courent ici sur son compte & qui compromettent de plus puissants qu’elle. Le Comte Nesselrode serait hostile au Président, ce qui est faux, mais enfin cela se dit et se croit. Voici huit jours depuis son arrivée, pas de message de St Cloud et quelques [?] de Drouin de Lhuys qui sont déplaisants. Elle était ici hier soir décidée à vider la querelle à fond dans les 4 jours qui restent jusqu'au départ du Président. Hier fête au pavillon Breteuil il n’y avait je crois que Kisseleff de Diplomate.
La Princesse Mathilde déteste Madame [Kalerdgi] c'est un gros paquet de commérages. Mon fils a prêté sa villa aux Creptovitch pour tout l’été. Je crains qu'il ne paye cher l'hospitalité qu’il leur donne. Le séjour de Nesselrode rappelle la possession qui est vue de très mauvais œil. Pas de nouvelle de mes fils depuis longtemps, ce qui me prouve qu’ils n'ont pas besoin de moi. Il y a de grandes princesses étrangères ici incognito. Il y aura peut-être des princes de la même façon dans une dizaine de jours ! Bonne saison pour les voyages. Adieu. Adieu.
Je me réjouis bien de la semaine prochaine !
Paris, Samedi le 11 septembre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
J’ai vu hier soir M. Fould mais il y avait du monde, trop ou pas assez pour une causerie tête-à-tête ; je ne sais donc rien, seulement j' ai remarqué qu'il n’avait pas l'air de bonne humeur. Persigny est revenu de son voyage parfaitement remis et bien portant. Il part le premier avec le Président et reste auprès de lui 6 jours. Mad de Contades va à Lyon faire les honneurs chez son Père. A la soirée chez la Princesse Mathilde où était le Président ; [Kisseleff] a pris congé de lui, car il va à Petersbourg dans un mois. Il n’y avait pas d’autre diplomate. La plupart des ministres et Morny, très gai. Kolb vient de voir aux Champs Elysées une revue de cinq régimes passée, par le président. Cris unanimes de tous, vive Napoléon vive l’Empereur avec un très grand entrain ; il avait l'air d'avoir crié aussi. Voici votre lettre, c’est bien court, me quitter vendredi déjà ! Aggy ne me reviendra que Mardi 21. Je ne sais vraiment rien. J'ai peur de vous dire que je crois que les forces me reviennent car cela me les ferait perdre sans doute demain. Adieu. Adieu.
Paris, Dimanche 12 septembre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
Pauvre journée hier. Je n'ai rien recueilli que des commérages : ainsi, scènes entre le Prince Jérôme et Fould à propos de l'adoption. C’est possible et même probable. [La grande duchesse] a un ministre affirmait encore hier que le mariage se poursuivait et se ferait. Voilà, je n'ai rien de plus à vous dire, nous nous dirons un peu plus Mardi. Adieu. Adieu.
J’ai eu des nouvelles d’Alexandre.
Mots-clés : Conversation, Mariage, Politique (France), Réseau social et politique, Salon
Paris, Samedi 18 septembre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
La Consultation a été longue tout le traitement est changé. Comme cela inspire confiance ! Enfin, je ferai encore ce qu’on m'ordonne. M. Fould est venu hier soir. Il dit que le Moniteur atténue encore l’enthousiasme. Il a parlé avec quelque aigreur de la Belgique. A son retour du voyage le Prince après avoir encore résidé à St Cloud et Fontainebleau, s’établira pour 3 mois de l'hiver aux Tuileries. On prépare pour lui l’appartement du Roi au rez de chaussée. Voilà toutes mes nouvelles.
Le vieux Prince Wolkonsky ministre de la maison de l’Empereur est mort. Le Prince Crénicheff ministre de la guerre se retire comblé de richesses & d’honneurs héréditaires pour sa descendance. Choses nouvelle chez nous, pour les dotations de pensions et & Ellice écrit que Lord John Aberdeen, & Graham marchent ensemble, que Lord Palmerston ignore lui même comment il va marcher. Qu’il sera très incommode au Parlemen et que c’est là sans doute sa vocation pour le reste de sa carrière. Voilà une visite. Adieu. Adieu.
Paris, Samedi 18 septembre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
J'ai oublié de vous dire tantôt que j’ai lu l'Assemblée nationale. L’article sur le duc de [Wellington] m'a beaucoup frappé. Comme il est bien fait.
19 Dimanche. Je suis très engourdie depuis hier soir, un demi-sommeil perpétuel, et pas moyen de manger, je ne veux plus de rien. Voilà le premier effet des nouveaux remèdes. C'est un peu excessif, & je ne sais pas si ces messieurs sont dans la bonne. route. Je continue à obéir.
Morny est venu hier et est resté deux heures. Très intéressant. il ne doute pas de l’Empire, tout en raisonnant comme moi. Toutes fois l’année finira encore en république. Tout le monde est frappé de l’article de l'Assemblée nationale sur Wellington & Napoléon. Je l'ai donné à Morny. Il est irréprochable, mais il donnera de l’humeur. Le voyage est en fin roulant d'enthousiasme. Cela devient monotone, je désire que cela reste monotone. J’ai vu peu de monde hier ; le soir rien que Kalerdgi Dumon et Kisseleff. La chaleur hier était étouffante. Votre lettre ce matin me plait.
A moi aussi le dernier moment a laissé un souvenir bien doux. J’étais restée plus triste que satisfaite des 3 jours. Ceci a effacé et j'ai le coeur remis en place.
J’ai eu une lettre de Paul. On veut qu'il fasse une sorte de noviciat qu'il passe quelque temps à Petersbourg avant de reprendre la carrière active. Cela ne me plait pas du tout ni à lui, & pour commencer sa santé ne le lui permettrait vraiment pas en hiver. Nous verrons tout cela se débrouiller au retour de Nesselrode dans un mois. Il est dans le ravissement de Castellane. Adieu, pas de nouvelles ce matin. Je ne verrai du monde qui dans la soirée. Adieu.
Paris, Lundi le 20 septembre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
Hier j’ai été en [?] le jour. Chomel est venu ce matin. Il fait continuer le régime, je ne puis plus marcher du tout. Où est- ce que cela va me mener ? Oliff ne s'accorde guère avec son collègue. On me promet de me donner à manger demain. Voilà mes nouvelles à moi. D’autre part je n'en sais rien. Tous les jours on parle plus & plus de l’Empire. Tristement pour le Président.
J'avais assez de monde hier soir, rien de bien intéressant et pas une nouvelle. J’avais vu Lord Cowley le matin. On est très monté ici contre la Belgique et à en croire le récit de Drouin de Lhuys Cowley dit que c’est avec raison. Il parait que le Duc de [Wellington] ne laisse pas de testament, et comme c’est un bien acquis il sera divisé entre les deux fils. En apprenant la mort du Duc, la reine a envoyé de suite à Londres lord Derby qui se trouvait auprès d’elle. Me voilà au bout, je ne sais plus rien. Adieu, Adieu.
Paris, Mercredi 22 septembre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
Vous m'avez pardonné hier. J’étais si fatiguée. Aujourd’hui j'ai dormi, et on m’a permis hier de manger un peu. Je me sens plus vivante. Le discours du Président devant la statue est la grosse affaire. Tout le monde le commente Il est habile. Chaque mot est une intention. Pour l’Empire, il laisse les choses où elles étaient. Cependant il est un peu en arrière des quatre mots à Nevers. Fould que j’ai vu hier matin dit que quant à l’enthousiasme, c'est à ne plus trouver de mots pour le raconter d’une manière vraie. Il en rit lui-même. Il me dit " cet homme est bien le maître de la France, le maître comme on ne l’a jamais été. Il la tient dans sa main. "
J'avais chez moi Heckman hier matin lorsque Montalembert est entré ; à peine celui-ci assis qu’arrive Fould nous voilà à nous quatre ! La place n'était plus tenable. Montalembert avait pâli d’émotion et de colère, il s’est levé et il est parti. Beauvale me mande que le Times est acheté par les Orléans et payé très cher. Lady Palmerston m’écrit aussi ; il n’est pas question de Nice. Le ministère anglais tiendra. La mort du duc de [Wellington] ne fait pas un très grand effet réel mais le regret public est universel.
Fould me dit : " nous avons commencé les hostilités avec la Belgique. " Vous avez lu le décret élevant les droits sur la houille & les fers. On répondra de la par les vins et les soieries et on finira par chasser les ministres. ces décrets au dire de Fould feront grand plaisir en Angleterre. J’ai vu hier soir beaucoup de monde, mais comme je le renvoie à 10 h. Cela ne me fatigue pas. Interruption. Adieu. Adieu.
Paris, Jeudi 23 septembre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
Nouvelle consultation ce matin. Chomel me trouve mieux. J'ai mangé hier du perdreau. Je continuerai aujourd’hui. Mais je ne vous parlerai plus de ma santé. Cela m'ennuie & cela me porte malheur. Chomel a eu une lettre de Lausanne où l'on a transporté la D. d’Orléans, c’est vendredi 17 qu'a eu lieu l’accident. Ils ont pensé être noyés tous. Elle a la clavicule droite cassée. Si on la transporte avant 10 jours elle peut supporter le voyage. Si on attend il faudra 4 semaines de repos complet. Chomel va je crois la rejoindre. Il saura demain si elle va à Eisenach ou à Claremont. Il dit qu’elle a les nerfs très dérangés de tous les tourments qu'on lui donne. Et bien qu'elle se tienne tranquille.
Le Moniteur commente & ce matin anime le discours des Princes. On a trouvé un peu de remède. On veut le forcer à marcher en avant et plus vite. Thiers est amoureux de Turin, de son roi, de son ministre, de tout ce régime. Avez-vous remarqué hier dans le Galignani le dialogue de Bulwer avec Antonelli ? On s’attend à de grands changements en Belgique. Léopold [?] peu l’air d'être le compère du Président, ou vice versa. Meyendorff sera à Petersbourg en même temps que Kisseleff dans un mois. Ce départ de [Kisseleff] me désole, mais je suis en pleine assurance de son retour au bout de six semaines ou deux mois voilà le duc de Noailles. Il me prend mon temps jusqu'à ma promenade. Je ferme donc ici Adieu. Adieu.
Paris, Vendredi 24 septembre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
Pas de nouvelle du tout à vous mander, quoique j'ai vu assez de monde hier. Le duc de Noailles le matin. Montalembert, Fould, le soir, au milieu d’un cercle assez nombreux. Quelques jolies femmes, une hongroise fort belle. Molé arrive demain et passera ici 6 jours. Le prince George de Prusse vient demain aussi. On me dit que la Belgique ne fera pas de représaille elle laissera les vins & les soieries tranquilles. Montalembert s’est mis en tête que le Président veut quelque conquête en Afrique et il voudrait bien (Montalembert) que l'Angleterre laissât faire sans réclamer. Il a fort peur de la guerre. On commence à se demander qu’est-ce que fera Paris pour le retour du Président ? On dit que ce sera encore pire qu'en Provence. Le mot est je crois de M. de Maupas. Adieu Adieu.
Paris, Samedi 25 septembre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
J'ai demandé hier au nonce des détails sur l’entrevue à Rome. Les journaux sont bien renseignés. Cela s’est passé comme cela. Quelle impertinence ! Exiger les dossiers pour se faire juge d'une affaire jugée par un [gouvernement] étranger. Je suis bien aise du fiasco. J'ai une lettre de Meyendorff que je vous enverrai quand je l'aurai bien déchiffrée. Le [général] de l’Etang envoyé d'ici a dîné chez Buol avec la Duchesse de Parme. Elle a été charmante pour lui. J'ai revu hier le duc de Noailles. Il a été cause que je vous ai quitté si brusquement. Il est très décidément pour la léthargie. Vous voyez que le voyage est fabuleux. Grenoble et Valence dépassent tout ce qui a précédé. La [grande duchesse] de Mecklembourg est venu hier me faire visite. Grande politesse car je n’y ai pas même été par carte ni rendu visite à sa fille. C'est une bonne femme, animée, en train, curieuse. Mais trop shy pour venir dans mon salon. Je crois que l'absence de Kisseleff sera bien courte. Adieu et adieu.
Paris, Dimanche 26 septembre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
M. Fould est venu hier me raconter la découverte de la machine infernale à Marseille. Très préoccupé de cela. On a pris tout le monde. Il croit à des ramifications à Londres. [Brignoles] il est très monté contre les [gouvernements] libres. On le fera sentir. Sentir aux uns, dire à un autre. Mais ceci peut même loin. Il faut voir l'influence que cet événement de Marseille aura sur le reste du voyage, il y a trois semaines encore. Dimanche le 16, il rentre à Paris. Entrée solennelle. Molé est venu hier très frappé de l’événement et triste, Dumon triste aussi. On croyait les fusillés oubliés. Les proportions de ceci étaient affreuses. De centaines de personnes y périssaient. Du reste Molé content de la pensée qu'on va être affranchi en même temps de la République et du suffrage universel ; Fould ne disait hier encore qu’il sera brisé après l’Empire. Celui ci est bien décidé, je ne sais si l'événement de Marseille le rapproche. (Voici votre lettre. Comment vous ne comprenez pas pourquoi la Reine ne fait pas seule. Mais ce serait son argent, elle aime mieux que ce soit celui de Parlement parenthèse) Vous voyez que c’est Hardinge qui commande l’armée. Choix très convenable. On s'occupe beaucoup à Londres de l’idée d'une descente. Le duc de [Wellington] la croyait très possible. et le Times peut la rendre vraisemblable autant que le complot de Marseille. Quoi ? Si l'on demandait à l'Angleterre l’éloignement des exilés ? It will end by war, voilà ce que répète Ellice depuis 4 ans 1/2.
J'ai montré à M. Fould ce que vous m'avez dit du discours du Prince à Lyon, cela lui a fait plaisir, mais quant à la remarque sur ce que le [gouvernement] de [Lord Palmerston] a rendu des respects à la mémoire de Napoléon, il dit qu'il courait après la popularité et que l’ayant reconnu là, la statue et les cendres ensuite ont eu cela pour à l'Angleterre l’éloignement des exilés ? It will end by war, voilà ce que répète Ellice depuis 4 ans 1/2. J'ai montré à M. Fould ce que vous m'avez dit du discours du Prince à Lyon, cela lui a fait plaisir, mais quant à la remarque sur ce que le [gouvernement] de [Lord Palmerston] a rendu des respects à la mémoire de Napoléon, il dit qu'il courait après la popularité et que l’ayant reconnu là, la statue et les cendres ensuite ont eu cela pour mobile. Il n'y a rien à répliquer c’est vrai quant à la légitimité elle n’y avait rien à faire. Pardon du petit bout de papier, je suis avare. Adieu. Adieu.
Mots-clés : Bonaparte, Charles-Louis-Napoléon (1808-1873), Conversation, Empire (France), Napoléon 1 (1769-1821 ; empereur des Français) -- Retour des cendres (1840), Nicolas I (1796-1855 ; empereur de Russie), Politique (Angleterre), Politique (France), Presse, République, Réseau social et politique, Salon, Suffrage universel
Paris, Lundi 27 septembre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
Je n’ai vu personne d’officiel hier, je ne sais donc rien que l’arrivée enthousiaste à Marseille. Molé avait hier un langage très adouci. " Je ne demande pas mieux que de ce que la dynastie se fonde, mais il faut trouver une femme ; je suis d’avis de tout ce qui est pour le bonheur de mon pays, je ne servirai pas, mais je ferai des voeux. " Du reste il fondait, Mad. Kalergi part demain.
Le Prince George de Prusse est arrivé hier soir. Je ne sais ce que j’en ferai. Lady Allice Peel est arrivée. Je ne l'ai pas vue encore. Je vous envoye la lettre de Meyendorff que j'avais oubliée hier. Renvoyez-la moi. J'ai eu hier deux heures de tête à tête avec la comtesse de Brandebourg. Conversation bien intime. Brave personne et beaucoup d’esprit. La petite princesse est assez malade. Elle passera certaine ment. L'hiver ici. Je vous ai écrit tous les jours. Vous aurez reçu deux lettres à la fois. Cela n’est arrivé avant hier aussi. Misère générale peut être. J'avais beaucoup de monde hier soir. Toute la diplomatie avide de rencontrer Fould. Elle a été attrapée il n’est pas venu. Adieu. Adieu.
Paris, Mardi 28 septembre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
J'avais hier soir Montalembert & Fould. C’est infaisable, l’un attire l’autre. C’est insuportable car cela gâte tout, mais le hasard est vraiment risible. Il y avait de plus Molé, Dumon, Valdegamas, Kalerdgi. J’ai un peu ri avec Fould. Il me paraît que Marseille a été moins enthousiaste que les autres villes. Il pense que le midi en général sera plus froid. Nous aurons je crois demain un discours que le Prince aura prononcé à Marseille. Le principal meneur du complot a échappé. Fould est fort discret sur tous les détails. On a saisi moins de monde qu’il ne m’avait dit dans le premier moment. Ici on parle d’arrestations faites à Paris. Je ne sais pas si c’est vrai.
Delessert que j’ai vu hier me dit que la reine Amélie et le prince de Joinville ont dû partir hier pour aller trouver la duchesse d’Orléans à Lausanne. Les Pozzo sont partis pour Naples. Il a peur. D'abord son oncle était l'ennemi personnel de l'Empereur Napoléon, & lui le petit Pozzo a donné du dîner fusionniste. Je trouve la peur impayable. Enfin la société se passera de cette maison pour cet hiver. Lady Allice ne sait rien & ne dit rien. Elle ne savait même pas que la Duchesse d’Orléans avait eu un accident. Aggy a été chez les Thiers. Là on parle du complot comme d'une invention de police. Comme c’est bête d’abord et comme c’est de mauvais goût. Kalerdgi part aujourd’hui. Molé est désespéré. Adieu. Adieu.
Paris, Mercredi 29 septembre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
Je commence par ma visite. Il est bien plus poli de ne pas aller à la porte quand on ne peut pas monter. C’est l'escalier de la [grande duchesse] qui fait l'obstacle, et je ne puis pas la traiter comme Mad. Lagrange, l'impolitesse serait là. Au reste ne vous inquiétez pas, elle m'adore, et elle a pour cela des raisons. Chomel me quitte à l’instant, il part ce soir pour Lausanne. La Reine lui y donne rendez- vous. Il est mécontent de l’état général de la santé de la [duchesse] d’Orléans. Point de nouvelle hier. Vous remarquerez aujourd’hui dans le Moniteur " la Méditerranée les Français " dans la bouche du Prince ? Que dira l'Angleterre et d’autres ? Voilà le Ministère Belge renversé.
Molé était triste hier soir, Kalerdgi venait de partir. Il se moquait beaucoup de Lord Howden qui à 50 ans passés est aux pieds de Mad. Odier ! C'était fort drôle. Lasteyrie est très lié avec les Sebach, & se rencontre là avec Hekern, & un M. Chevreau secrétaire de Persigny. Les Anglais ici parlent bien haut de guerre et de la nécessité de se mettre en état de défense. Adieu. Adieu.
Paris, Jeudi 30 septembre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
M. Fould que j’ai vu hier soir est bien monté contre la Belgique. Il a dit quelques paroles qui ne laisseraient croire qu’on ne ménagera pas le roi Léopold. On trouve très mauvais la prorogation de ses chambres au 26 octobre. De son côté M. [Drouin] de Lhuys dans ses entretiens avec des diplomates (les petits) se montre très susceptible à l’endroit des grands. Tout cela se brouille, et le prochain avenir a l'air bien mêlé et confié.
J'avais beaucoup de monde hier soir, les ennuyeux dominaient. Lady Allice m’a endossé des anglais très bêtes ; la duchesse d’Inverness entre autres, & quelques hommes à l’avenant. J’ai vu le Prince George de Prusse le matin, décidément il ne peut pas venir le soir, il ne peut pas s'exposer à faire des rencontres officielles. Tout le monde est curieux de l’entrée du Prince à Paris le 16 octobre. On dit que l’ovation sera splendide.
Je n'ai rien à vous dire. Molé est encore ici. Il part demain. J’ai répondu à M. de Meyendorff que le duc de Wellington ne m’a jamais ennuyée. C'est parfaitement vrai, car il n’est ni long, ni lourd. (il n'était) je ne me suis même jamais sincèrement moquée de lui, car sa vanité était si simple & franche. J’aurais beaucoup à dire sur lui. Un homme très original. Il n’était pas un homme d'esprit. Mais il avait des qualités tout- à-fait supérieure dans le caractère, en même temps que bien des défauts. Pas de coeur, du tout. Adieu. Adieu.
Paris, Vendredi 1er octobre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
Lord Cowley a parlé du lac Français à [Drouin de Lhuys] celui-ci a éludé et regretté. Vous voyez que le Moniteur ne donne pas le discours, mais le mot est lâché. Montalembert était encore ici hier soir, et j’avais vu Mouchy le matin, tous les deux s'étonnent du décret qui alloue 2 millions 1/2 pour la Cathédrale de Marseilles. Le corps législatif n’a donc rien à faire.
Le fils de Mad. Osmond s'est fracassé la main à la chasse on l’a amputé. C’est bien triste 21 ans, un charmant garçon. Je ne puis pas continuer je me sens si malade.
Mots-clés : Politique (France), Réseau social et politique, Santé (Dorothée)
Paris, Dimanche le 3 octobre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
Je n’ai pas pu vous écrire. entre mes souffrances & ma profonde tristesse, il valait mieux ne pas essayer. Ne me parlez pas de ma santé, c’est inutile. Les paroles et des louis n'y font rien. Parlons de ce qui se passe. Rien de nouveau.
Le lac français fera une petite affaire. Il faudra désavouer. [Drouin de Lhuys] a blâmé et l’a dit. Les Holland sont ici. Ils ont diné à Meudon. Jérôme est très inquiet. Il ne sait pas quel sera cet empire. Il leur a dit qu'on a offert à son fils de choisir à l’étranger tel poste qu’il voudrait. Il a tout refusé. Il ne bougera pas. Quoique je vois beaucoup de monde le matin et le soir, je n’apprends rien. Tout le monde attend [?]. Le moment de l’Empire reste tout incertain. Adieu. Adieu.
Paris, Lundi le 4 octobre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
M. Fould veut que le complot de Marseille soit traité avec le mépris que méritent de pareils actes. Il loue fort les Anglais de décréter la folie, à défaut de cela qu'on fait est bien fait. Point de haute cour, car l'éclat encourage les incitations. Il ne dit rien sur l’époque de l’Empire mais il me renvoie aux Moniteurs après le 16, jour du retour. Il trouve très naturel que Jérôme soit inquiet.
Le lac français est une parole en l'air à laquelle il ne faut attacher aucune importance la dépêche de [Drouin de Lhuys] est jugée très raide par tout le monde et sa publication un événement. Je crois que je vous ai tout dit. Bacourt qui est ici pour un moment et qui connaît intimement les Wasa mère & fille, dit que si le mariage avec l’Empereur d’Autriche ne se fait pas, vu l'anicroche de la naissance du côté maternel, il ne sait pas pourquoi elle n'épouserait pas le Prince Président. Il la dit charmante dans ce moment elle est à Vienne. Molé part aujourd’hui, pour Champlatreux. Montalembert est parti. Ste Aulaire ne vient jamais me voir. Dumon est à Trouville. Viel Castel chez les d'Haussonville. Kisseleff part à la fin de la semaine j'en suis désolée. Lady Allice ne m’est bonne à rien d’ailleurs. Elle part demain. Les Holland vont je crois rester un peu ici. Voilà toutes ces nouvelles si ma lettre peut s’appeler ainsi. Adieu. Adieu.
On dit qu'on a crié à Nîmes Amnistie. En général cette partie du voyage a été faible.
Paris, Mardi 5 octobre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
Sainte-Aulaire est venu me voir hier soir. Il me dit que Montalembert était venu à Paris pour soigner l'impression d'un ouvrage qui va paraître sur le gouvernement représentatif & sur l’église. Le fond sera que la religion ne peut fleurir qu’avec la liberté, qu'il n’y a pas de liberté en France & que les prêtres ne sont plus que des courtisans, il veut un [gouvernement] représentatif. Vous voyez comme cela va faire fortune ici ! Je doute que son ouvrage paraisse. Il est indigné de la servilité du clergé. On le dit très amer. comme je ne l'ai jamais vu seul, je n’en sais rien.
Hecken est aussi venu hier soir entre le sérieux & le comique c'était assez drôle et assez menaçant. Après l’empire on prendra la Savoie en conseillant au roi de Sardaigne de se dédommager par la Lombardie, & puis on effacera la Belgique. Et puis, si la Russie et l’Autriche se fâchent, on leur lancera la révolution. Tout cela accompagné d'éclats de rire, vous en ferez ce que vous voudrez. Non pas ceci à la lettre s’il vous plaît car même en plaisanteries je n'aime pas que rien ressorte de chez moi. On trouvera une princesse. Cela ne peut pas manquer. Le Moniteur annoncera les fiançailles un beau jour lorsqu'on s’en doutera le moins. Jérôme est inquiet et mécon tent. L’Empire héréditaire et l’adoption cela ne lui convient pas du tout, & il dit : " Le frère de l’Empereur est plus fort que le neveu. " Vous fais-je assez de commérages ? On voulait savoir hier qu'il était venu une note Anglaise sur le lac français. Je veux bien croire à une dépêche peut être, à une note non. Au reste, je ne sais rien de direct depuis ce que je vous ai dit sur ce sujet. Il y a des tempêtes affreuses la nuit. Kisseleff part dimanche. Adieu. Adieu.
Paris, Mercredi 6 octobre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
Ce que vous me dites des dépêches belge & française me paraît très frappant et doit être vrai. J’ai vu Fould hier soir qui ne savait pas encore comment cela se dénouerait. Je lui demandais de quelle couleur seraient les nouveaux ministres. Il en répondit : Le roi en cherche-t-il ? Je l’ai trouvé monté sur un tout autre ton que Hecken. La paix, la paix, & l’Empire sera modeste. Cela ne ressemble pas du tout à avant hier. D’abord [Hekern] est un hâbleur et puis je crois qu'il a plus dans ce cas là on cherche à faire peur aux autres, façon de se rassurer. J’ai vu très peu de monde hier. Comme quotidien personne qu’Andral. J’attends Dumon j'aime bien à pouvoir compter sur quelqu’un. Je suis très interrompue et nervous, je vous dis Adieu.
Mots-clés : Diplomatie, Empire (France), Politique (France), Réseau social et politique, Salon
Paris, Jeudi 7 octobre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
Il y a si peu de monde à Paris dans ce moment que j’en suis à prévoir une complète solitude après le départ de Kisseleff. Je n’ai pas un habitué. C'est désolant. Quelle perte que Stockhausen ! Molke vient tous les matins, mais il ne le remplace pas. Je ne sais rien d’hier. On dit que le conseil est divisé sur la question de la réception à faire au Président. Faut-il ou ne faut-il pas de fracas ? Les plus sages Fould & & veulent le convenable, l'ordonnance. Les autres voudraient des arcs de triomphe de l’étalage. On ne sait pas ce que veut le Prince. Je tiens toujours mon pari avec Molé, pour l’Empire avant Le 1er Janvier. L'armée autrichienne rend de grands honneurs funèbres au Duc de Wellington. Il ne sera sans doute de même chez nous au retour de l’Empereur. Sans doute il y aura de partout des députations pour assister à ses funérailles. On dit qu’elles sont fixées au 13 Novembre. On disait hier aussi que le Parlement s’assemblerait le 26 octobre. Nous saurons cela bientôt.
Voilà la petite Princesse qui m'interrompt et l'heure qui presse. Adieu. Adieu.
Paris, Vendredi 8 octobre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
Je donnerai cette lettre à votre petit ami. Mais elle ne méritera pas une si bonne occasion. J’ai vu du monde. Je ne sais pourquoi l’idée s'établit, qu’il n’y aura pas d'empire de sitôt. [Kisseleff] s'en va persuadé de cela tout-à-fait. D’un autre côté hier soir Valdegamas affirmait que le Pape viendra sacrer l’Empereur. Le Nonce qui était là, a seulement répondu que dans son discours de Lyon le Prince a rappelé que l’Empereur Napoléon a été sacré par le Pape. J’ai trouvé cette réponse un peu compromettante.
Je ne sais rien d'Angleterre. Je ne crois pas que Cowley ait été dans le cas de reparler du lac. Le duc de Noailles est venu pour un moment. Il n’a plus qu'une idée fixe. La peur qu'on n'assassine le Président. Il ne pense pas à autre chose. Il voudrait lui donner 50 ans de vie & de pouvoir. Si l’Empire se fait, le chiffre sera une question. N. III effacerait les deux monarchies, cela n'est pas admissible. Louis Napoléon serait le plus naturel.
Midi 1/2 Dans ce moment je reçois une lettre d’Ellice père qui m’annonce la mort de Fanny. Je suis dans un grand trouble pour cette pauvre Aggy. Comment le lui dire ? Enfin je m'en tirerai. Le père me prie ou supplie de la garder chez moi c’est bien ce que j’entends, mais comme je crains son élan vers Marion écrivez lui un mot (à Aggy) Very impressive à votre façon pour lui dire que vous savez que son Père veut absolument qu’elle ne retourne pas, et que par dessus le marché ce serait cruel & inhumain de m'abandonner malade. Enfin regardez comme impossible qu'elle songe à me quitter même pour 8 jours. Tout à fait inutile. Je vous prie écrivez bien. Le Père veut que Marion vienne ici avec l'oncle en décembre, il m'a l'air d’avoir grande envie de se débarrasser de ses enfants. Adieu. Adieu vite.
Paris, Samedi 9 octobre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
Ah quelle rude besogne de gouverner une fille anglaise ! Elle voulait s'échapper tout de suite seule, sans rien ; de ces têtes folles qui suivent leur impuls sans plus. J’ai été fort résolu. Le père m’a armé de son autorité. Il ne faut pas qu’elle parte. Une lettre de vous sera bonne, & n’arrivera pas trop tard. J’espère, car je ne réponds de rien pour moi, cette lettre de toute la journée m’a renversée. J’ai bien besoin de cette agitation de plus. Je n’ai pas mangé et je n’ai pas dormi. La veine de malheures n’a pas tarie encore pour moi.
Hier on disait qu’en même temps que le Prince se fera empereur, il sera roi d’Algérie. Une garde algérienne équivalant à garde impériale. On dit beaucoup de choses. Je croirai ce que je verrai. M. de Caumont est venu me voir. Les Sénateurs iront tous à la rencontre. Le Chancelier est ici. Il est venu le matin, le soir. C’est trop. Je vois qu'étant la seule ressource, il m'ennuiera souvent. S'il n'était pas sourd je ne me plaindrais pas. Je suis très tracassée et bouleversée.
Lady Holland m'est d'un grande aide auprès d'Aggy. Elle a très bon coeur Lady Holland, et elle est très intelligente. Adieu. Adieu, venez à mon secours aussi, et écrivez.
Voici les paroles du Père. Keep Aggy with you by all means. At this season her coming might a danger her & it would only add sorrow to sorrow. If it will be comfortable to her. We shall contrive to get Marion over with her uncle shortly as he is going. Vous voyez d’après cela mon droit et mon devoir de la retenir, et son devoir à elle d’obéir à ses parents.
Paris, Lundi 11 octobre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
Hier il n’y a pas eu moyen de vous écrire. Une matinée toute employée à empêcher Aggy de partir. Quel ouvrage, quelle fatigue pour moi. Marion me parait toucher un peu à la folie. Je vous envoie sa lettre, c’est une exaltation touchante, mais c'est trop. Evidemment ses relations avec ses parents sont bien mauvaises elle les prend en horreur. Qu'ils me l'envoient. Je suis convenue avec Aggy qu’elle attendra ici que ses parents lui permettent de revenir. S'ils la veulent je n’y peux plus rien mais j'ai écrit au Père et à Marion dans un sens très raisonnable, & qui devrait les faire persévérer à désirer qu'ils ne reviennent pas. Je vous remercie du travail que vous faites de votre côté.
Je vous ai fait dire un mot hier par votre petit ami. Cela me venait de Mad. de Contades qui avait lu la dépêche chez Persigny. Ce que dit le Moniteur aujourd’hui n’est pas si clair mais il l’indigne. Au surplus attendons le texte même des discours qui a été dans tous les cas très important. Je regrette que Fould ne soit pas venu.
Le comte [Nesselrode] m'écrit une bonne lettre sur Paul. Il causera avec lui et ne soumettra rien à l’Empereur que d’accord avec mon fils. Meyendorff est très monté contre la presse Belge, & veut qu’on en finisse. Il faut de lois de septembre & qu’elles s’exécutent, la protection de l’Europe est à ce prix. A Berlin on pense de même et qu'il faut forcer le Piémont aussi. La France a le droit de le faire. Cowley a peur de Stratford Canning. Il craint qu’on ne veuille accréditer un nouvel ambassadeur auprès du nouvel empire. Le nonce n'ex prime guère de doute sur l’arrivée du Pape. D’autres diplomates disent qu’il ne faut pas permettre que le Pape vienne. Je crois moi qu'il viendra. Je ne sais rien ce matin. Le Prince de Ligne qui retourne demain à Bruxelles a l'espoir d'être nommé ici, je le désire. Adieu. Adieu.
Paris, Vendredi 15 octobre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
Je brave la consigne cela m'ennuie. L'effet du discours est grand et bon. Tout le corps [diplomatique] content. Je les ai tous vus. Cowley dit un chef d'œuvre. [Drouin de Lhuys] lui a dit que cela devait effacer le lac français petite flatterie qui a fait son effet. Hubner content aussi avec la remarque que ce qui est une sécurité pour l’Europe est également une satisfaction à la France, il a parlé pour plaire extra et intra muros. Pourquoi ne pas croire à la sincérité ? Ou pour le moins dire qu'on le croit. Persigny est venu me voir bien content, il y a de quoi ; tous ses [?] qu’on regardait comme autant d’extravagances accomplies. C’est enivrant et cela ne l'enivre pas du tout, au contraire pour la première fois je l’ai trouvé très modeste. Lui et son maître sont les moins étonnés de tous. Ils savaient que cela devait être et ils prennent cela très tranquillement tout cela tient de la fable et c'est bien cependant une réalité.
Je vois Fould souvent, très occupé. Et très content. On dit que Jérôme l'est, puis il affecte de l'inquiétude. Le Prince entre demain aux Tuileries, il y trouvera sa famille. Ensuite il ira dîner et coucher à St Cloud. Après viendront les conseils de Ministres, où l’on décidera l’époque & le comment. Personne ne le devine encore, et les ministres pas plus que les autres. Seulement Fould me dit : il n’est jamais pressé. Paris sera très en fête demain. Des arcs de triomphe partout. [?] sous mes fenêtres à l’entrée du jardin. Je ne sais rien de la Princesse de H. Sigmarignan. Mais évidement il faut une femme mais Le nonce est embarrassé mais quand on lui demande si le Pape viendra, il ne dit pas non. Le départ de [Kisseleff] me désole et désole Hubner. Hatzfeld revient dans huit jours. [Kisseleff] est parti sans connaître le discours. Que j’aurais de drôleries à vous raconter et elles seront perdues oubliés quand nous nous reverrons. Aggy a reçu l'ordre formel de rester. Elle reste, plus tard Marion viendra. Je vois Andral tous les jours & je vais tous les jours pire. Adieu.
Voilà tout ce que mon oeil me permet de vous écrire. Aggy redemande la lettre de sa sœur. Envoyez-la moi.
Paris, Dimanche 17 octobre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
Je suis positivement très malade, car les douleurs se joignent à tous les autres accidents. Chomel, Andral ... ne parlons plus de ma santé jusqu'à ce qu'on ne parle plus de moi.
Tout a été superbe hier, on est venu voir de chez moi, je n’ai rien regardé, rien ne m’intéresse. Le Prince a vu hier matin Abdel Kader à Amboise & lui a rendu la liberté il attendra seulement à Amboise ou au Trianon, comme il voudra que l’arrangement soit conclu avec la porte. C’est Mouchy qui est venu me dire cela, il accompagnait le Prince. Aujourd’hui conseil à l’Elysée. On dit qu'il faut prôner l’Empire, d’autres affirment qu’il n’arrivera que dans six semaines. Pas d’enthousiasme hier mais très bon accueil et tout le monde content. Le spectacle superbe. La mauvaise humeur contre la Belgique est en grand progrès et si sa presse continue moi je croirais à l'invasion, et alors, bonjour. Adieu en attendant. Adieu.
Aggy redemande sa lettre de Marion.
Paris, Lundi 18 octobre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
J’ai vu du monde hier, mais je ne sais rien de plus à vous dire. Mad. Roger me dit que la reine Amélie a dû quitter Lausanne hier pour retourner à Claremont. La [duchesse] d’Orléans la suivra dans 10 jours. C’est Chomel qui s’est opposé à Eisenach comme trop froid. Il me paraît toujours que ce ne sera qu’en Décembre que se fera l’Empire. Voilà Paris un peu humilié il avait l'habitude d'imposer à la France tous les gouvernements aujourd’hui la campagne fait la loi à Paris. [?] vient à la suite de la France.
Je suis bien fâchée dans un moment pareil d’avoir si peu avec qui causer. Il est vrai que ce serait plutôt pour dis puter, n'importe cela fait passer le temps, et m'empêcherait de penser à ma triste santé. Aggy est bien fâché de la perte de la lettre de sa soeur, & moi aussi. Légèreté française. Adieu. Adieu.
Lord Aberdeen me mande que l’[Angleterre] & l’Autriche sont aussi mal ensemble aujourd’hui que sous [?]. Beauvale est content du discours de Bordeaux. Je crois vous l’avoir dit et pourquoi.
Paris, Mercredi 20 octobre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
Chomel d’abord et à présent Andral, celui-ci tous les jours depuis 20 jours et moins bien depuis lui. Voilà. J’ai vu hier Fould longtemps. C’est en décembre que sera fait l’Empire. Ce n’est pas lui qui a conseillé la mise en liberté d’Abdel Kader. Le blâme est plus général que l’approbation. Thiers est violent dans les premiers. Je vois beaucoup de monde. On cherche à me distraire. Tout le monde me trouve bien changée. Les forces s’en vont tous les jours. Adieu. Adieu.
Mots-clés : Empire (France), Politique (France), Réseau social et politique, Salon, Santé (Dorothée)
Paris, Jeudi 21 octobre 1852, Dorothée de Lieven à François Guizot
Mon découragement & ma faiblesse sont si grande que je vous prie d’avance de me pardonner quand je ne vous écris pas. Je ne peux pas. Les Mahon sont ici. Je continue à voir beaucoup de monde, j’irai comme cela jusqu'au dernier moment. J’ai bien assez de mes nuits blanches pour penser à autre chose que le monde. Je ne sais rien que l’agitation des diplomates sur le chiffre III. J’espère que le Prince ne fera pas cette haute faute. Il me paraît qu'Abdel Kader est fort blâmé. On dit qu’outre roi d’Algérie le futur empereur veut aussi s’intituler protecteur des lieux saints.
Voilà tout ce que j'ai ramassé. Adieu. Adieu.