Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Broglie. Vendredi 19 Sept. 1851

J'ai vos lettres ici trois heures plutôt qu’au Val Richer, presque en me levant. C'est très agréable. Vous n'aurez rien à faire, car il n'y aura pas de coup d'Etat. C'est l’impression qu'il est impossible de ne pas avoir en province. Le pays n'est pas du tout agité et assez peu effrayé ; il se croit sûr de se tirer d'affaire c’est-à-dire de battre les rouges et de maintenir l'ordre par les voies régulières. Et comme, il ne demande pas davantage, il ne comprendra pas qu'on fasse un coup d'Etat inutile pour avoir cela, et bon uniquement pour avoir autre chose, dont on ne se soucie pas du tout. Est-ce là du bon sens ou une folle imprévoyance ? Nous verrons. En attendant soyez sûre que hors de Paris, personne ne pense à un coup d'état, et que, s’il arrive ce sera un coup de tonnerre que personne ne comprendra et dont tout le monde aura peur.
Mauvais moment pour se marier. Il faut que le président attende Juin 1852, comme mes marchands de Lisieux pour faire leurs grandes commandes de toile et vous pour changer vos tapis. Selon moi, même après 1852, le Président aurait tort de se marier ; il en sera plus embarrassé qu'affermi. Garçon, tous les avenirs lui sont possibles ; marié, il n'en a plus qu’un ; il faut qu’il fonde une dynastie. Et bien des choses qu'on lui passe encore pas tout à fait, garçon, on ne les lui passera plus du tout, marié.
Je trouve comme vous, l'article de l'Assemblée nationale excellent, et très à propos. Tous les jours, j'ai plus de peine à me persuader que cette candidature aille jusqu'au bout. Une seule cause peut la maintenir ; les inventeurs y sont à présent fort compromis ; la retraite leur est difficile ; et le Prince dont iIs font leur instrument n’est guère en état de résister aux inventeurs, et de leur dire décidément un jour non.
J'ai des nouvelles indirectes, mais sûres de Claremont. On n'y est pas, ou du moins on n’y veut pas paraître d'aussi mauvaise humeur contre moi que le dit l’Indépendance belge. On parle très convenablement, même à des gens qui me sont tout-à-fait étrangers.
Avez-vous quelques notions un peu précises sur la teneur de la pièce adressée par la France et l'Angleterre aux Etats Unis à propos de Cuba ? Il se pourrait bien qu’elle fût à Washington, plus nuisible qu'utile. Cette démocratie est plus susceptible que les plus grands despotes, et beaucoup plus inconsidérée. Adieu.

Je me suis promené hier à propos. Tous les jours, j'ai plus de deux heures en calèche dans la forêt entendant de loin la chasse, et en attendant le résultat. Les chasseurs sont rentrés à 4 heures. Le temps est encore assez beau, quoique penchant vers le ciel d’automne.
En revenant de la forêt, j'ai passé une heure dans le Cabinet du Duc de Broglie qui n’était pas venu avec nous, étant très enrhumée. Bonne conversation. Il est très sensé, très décidé dans la bonne voie du moment et n'excluant point les bonnes voies d'avenir mais toujours très frappé de la profonde antipathie du pays pour les légitimistes : " La Reine Victoria est très populaire, très aimée, très honorée, très puissante. Croyez-vous qu’elle pût régner huit jours en Angleterre si elle était catholique ? " Voilà sa question. J'ai des réponses, mais des réponses à longue échéance. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Jeudi 25 sept. 1851

Ma petite fille est bien malade. J’ai cru hier qu’elle ne passerait pas la journée, et je la trouve plus mal ce matin qu'hier. Elle a passé une mauvaise nuit. Je m'étonne toujours de ce qu’il y a de force dans la créature la plus faible. Pauvre petite enfant ! Entrevoir à peine le jour de la vie ! Dieu sait ce qu’elle y trouverait, si elle y restait. Sa mère a beaucoup de piété et de courage.
Voici la lettre de Gladstone. Ne la laissez pas circuler, je vous prie et veuillez me la renvoyer de manière à ce que je l'aie lundi ou mardi. C’est d’un très bon et honnête homme et d’un esprit très peu politique, gouverné par ses impressions, sans penser aux conséquences de ses actions. Evidemment la lettre de Fortunato a redoublé sa colère et déterminé sa publication, sans plus attendre. Par fidélité à mon optimisme, je penche à croire qu’il sortira de cet incident deux leçons pas tout à fait inutiles : l'une, pour les hommes comme Gladstone et le public lui-même qui ne croiront plus si aisément ce qu'on leur dira ; l'autre, pour le gouvernement Napolitain qui regardera, un peu plus attentive ment à ses prisons et à ses procès.
Vous ne lisez ni la Presse, ni la Gazette de France, ni l’Univers. Ce dernier, M. Veuillot, fait depuis quelques jours aux deux autres, à M. Emile de Girardin et à M. Lourdoueix personnellement, une guerre excellente ; guerre de moraliste-confesseur plus que de journaliste ; et juge leur conduite et leurs idées avec une justice impartiale et rieuse, et une compassion sévère et moqueuse qui ne se rencontrent guère dans ce monde-là. Ce temps-ci pourrait bien devenir un temps de vraie justice envers les personnes et s'il se prolongeait un peu, bien peu de coquins et de fous en sortiraient sans avoir été réduits à leur juste valeur. Quand ils n'ont pas devant eux un gouvernement assez gros pour qu'ils concentrent tous leur feu sur lui, ils tirent les uns sur les autres et ils se mettent en pièces. C’est notre seul profit.
Voilà l'affaire de Cuba bien finie. Le Général La Concha s’est fait honneur. Il y a un grand fonds d’énergie et de dévouement dans cette race Espagnole, S'il lui arrivait un jour d'être bien gouvernée, elle ferait encore de bien grandes choses. Il est vrai que les bons gouvernements selon nos idées actuelles, sont des gouvernements pondérés, et réguliers, qui ne vont pas au caractère espagnol.

10 heures
Le médecin vient d'arriver. L'enfant est très mal. Il ne passera probablement pas la journée. Adieu, Adieu. Je retourne auprès de la mère. Merci de vos soins pour l'adresse de Montalembert. Si vous ne la trouvez pas, j'enverrai à l’un de ses amis. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Jeudi 25 Sept. 1851
4 heures

Ma petite fille est morte ce matin, deux heures après que je vous avais écrit. Sans souffrance ; elle s'est éteinte, plutôt par impossibilité de vivre que par maladie, à force de soins, on lui a donné quelques mois de vie ; mais les soins n'ont pas pu davantage. Sa mère est résignée, par soumission à Dieu et par courage naturel, mais très triste ; elle soignait son enfant avec une vigilance passionnée. Je ne crois pas que cela change rien à leur projet de passer l’hiver dans le midi. C’est surtout son mari qui en a besoin.
J’ai eu ce matin vos deux lettres. Certainement tout cela est de la pitoyable conduite. Les légitimistes n'avaient pas et n'ont pas autre chose à faire que de soutenir le président tant qu'ils ne peuvent pas avoir la Monarchie par la fusion, et non seulement de le faire, mais de dire tout haut pourquoi ils le font. Mais ils veulent suivre leurs fantaisies comme s'ils étaient assez forts pour les faire réussir. Tous les partis en France sont à la fois impuissants et intraitables. C’est un spectacle ridicule. Quelque grosse sottise passera à travers tout cela, et elle aura son temps même son temps de triomphe comme toutes les sottises. Puis elle tombera, en ayant aggravé le mal général.
Je suis très triste et très décidé à ne mettre la main dans aucune sottise. Je suis tombé. Si je ne puis pas me relever à ma satisfaction, je resterai à la place où je suis tombé.
Vous ne lisez pas le Messager. Celui qui m'est arrivé ce matin contient un grand article évidemment inspiré par Thiers sur les conférences de Champlâtreux. J'en suis toujours. L'article a l’air fait pour la présidence de Changarnier. Au fond, il laisse le choix entre le Prince de Joinville et Changarnier. Et ce choix restera ouvert jusqu'au dernier moment. Changarnier a son parti pris de n'en prendre aucun et d'être, soit en premier, soit en second, le restaurateur de n'importe laquelle des deux monarchies.
Le propos de M. Carlier, sur de nouvelles élections m'étonne. Ils ont, ce me semble plus à redouter la proposition Créton, et le vote des lois pénales contre la réélection que des élections nouvelles. Mais ils savent sans doute mieux que moi où ils en sont.

Vendredi 26 7 heures
Je me lève. La plus petite et la plus obscure mort est solennelle. Tant que cette pauvre enfant est là, toute la maison lui appartient, et n'est que son tombeau. J’ai écrit à Caen pour faire venir le Pasteur Prostestant qui réside là. Nous n'en avons pas de plus rapproché. Il arrivera ce soir ou demain matin. L’enterrement se fera demain. C’est un grand isolement, et quelques fois un grand embarras, que de n'être pas de la religion générale du pays qu'on habite. Je n’ai nul embarras ; tout mon village, y compris le Curé, est très bienveillant pour moi et se prête avec coeur à tout. Mais l'isolement subsiste toujours.

Onze heures
Votre lettre est intéressante. Et le trio a dû l'être. Vous avez bien raison de dire tout haut votre sentiment. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Samedi 27 Sept 1851

Le pasteur de Caen est arrivé hier soir. J'accompagnerai l'enfant ce matin au cimetière du village, à une demi-lieue d’ici. La mère est bien, quoique elle ait beaucoup de peine à dormir Le temps est beau aujourd’hui. Hier, il pleuvait et grêlait à torrents.
Bien certainement, l’une des plus grandes difficultés du Gouvernement dans ce pays-ci et l'une des plus abondantes sources de nos maux, c'est l’horreur qu’ont les hommes considérables pour se dire mutuellement la vérité. Le courage de nous déplaire, les uns aux autres nous manque tout-à-fait. Que de fausses espérances et de fausses démarches on supprimerait si on supprimait la moitié seulement des réticences et des silences ! Presque tous nos embarras avec Changarnier, et une bonne partie de ses embarras à lui viennent de là. On ne les fera pas disparaître, en se traitant de grand capitaine et grand orateur. Je suppose qu’entre les légitimistes et dans le comité des douze, on n’est pas plus courageux que dans votre salon et que les embarras, les chimères et les hésitations continueront dans cet interview-là comme par le passé et comme ailleurs.
Faites-moi la grâce de demander à M. de Hatzfeldt s’il sait quel est l’auteur d’une brochure intitulée. France et Europe ; six lettres tirées du portefeuille d’un homme politique, imprimée à Berlin en 1849, et qui m’est venue de là. Brochure très monarchique et très Prussienne, assez spirituelle quoique très confuse. Quatre des lettres sont adressées à moi, à M. Thiers, à M. de Nesselrode et au Ministère Manteuffel ; elles finissent par demander un congrés de souverains.

10 heures
Je n'ai que le temps de vous dire adieu. On se réunit dans mon Cabinet pour la prière commune. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer. Lundi 29 Sept. 1851

La réponse du gouvernement Napolitain à Gladstone a un grand mérite ; c'est d'être envers lui non seulement polie et mesurée, mais juste et vraie. Elle le voit tel qu'il est réellement. Cela importait beaucoup pour l'effet en Angleterre, où Gladstone est honoré avant la réponse napolitaine, la présomption dans les esprits en Angleterre, était certainement pour lui ; après la réponse, elle sera probablement contre lui ; il est clair que le gouvernement napolitain le juge lui-même, avec beaucoup plus de sang froid et d’équité qu’il n’a jugé le gouvernement napolitain.
La Préface est donc bonne. L'ouvrage est trop long, trop chargé de phrases, de développements moraux ou presque oratoires ; j’y voudrais plus de faits, des faits plus serrés et plus précis. Il y en a quelques uns qui sont positifs et concluants, comme le nombre des prisonniers politiques, le nombre des accusés dans le dernier grand procès, la suppression des cachots souterrains & & & Je regrette qu’il n’y en ait pas davantage. Il fallait prendre simplement, textuellement, toutes les assertions de Gladstone, et mettre en regard la dénégation, ou la rectification et même quelquefois, s'il y avait eu lieu, l'admission de la réalité de tel ou tel abus, comme il y en a dans les gouvernements les plus doux et les plus attentifs. C’était, je crois, le plus sûr moyen de faire effet. Du reste, je n'ai encore lu que la première partie de la réponse, dans les Dodah, et à tout prendre, elle est bonne.
Le discours aussi de Palmerston est bon ; bon pour lui et habile, comme vous dites ; très mauvais pour le continent. C'est plus que de la malice simple, c’est de la malice perfide. Il tourne à la gloire de l'Angleterre les troubles du continent, passe ; mais il fait servir le bon état de l'Angleterre à fomenter les troubles du Continent, car il à l’air d'attribuer ces troubles à l'absence des libertés politiques, c’est-à-dire à l’entêtement ou aux fautes des gouvernements, et pas du tout aux jolies ou aux crimes des révolutions. C’est précisément ce qu’il y a de plus propre à encourager les révolutionnaires et à affaiblir les gouvernements. Je doute que Palmerston lui-même se rende bien compte du mauvais effet de ses paroles et les dise avec toute la mauvaise intention qu'elles semblent contenir ; mais des mauvais instincts lui suffisent et il répand son venin, sans dessein arrêté et réfléchi d'empoisonner.
Montebello a très bien fait de dire à Léon Faucher ce qu’il lui a dit sur le mot d’ordre que le gouvernement devait donner dans les élections, et il faut faire arriver cette idée de tous côtés. Non seulement elle est très bonne pour le succès électoral ; mais elle efface les anciennes classifications, les anciennes dénominations des partis, et en introduit de nouvelles qui laisseront aux hommes sensés beaucoup plus de liberté et les aideront à chasser de l'esprit des masses les anciennes préventions.

11 heures
Vous avez raison sur Gladstone. C'est bien dommage que des gens d’esprit et d’honnêtes gens soient ainsi des sots. Adieu, adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer. Samedi 4 Oct. 1851

C'est moi qui me suis trompé en lisant. Au fond, c'est bien Times que vous aviez écrit ; mais cela ressemblait à Thiers ; et il y avait auparavant de au lieu de du. C'est ce qui m’a trompé.
Je crois assez à la phrase rectifiée selon le dire de Fould : " Si l’Assemblée veut décider la révision à la simple majorité des voix, je la soutiendrai. "
C'est irréprochable en effet et conforme à la faiblesse d’un temps où chacun veut surtout rejeter la responsabilité sur son voisin. S’il y a eu, si l’Assemblée ne fera pas plus que le président et on ira aux élections comme on est. Je vois dans mon journal jaune que Lamoricière va aller à Claremont. Ce serait curieux et bien caractéristique. J’y vois aussi qu'on s'attend, dans le débat de la proposition Creton, a un grand discours de Thiers sur potentiellement la candidature du Prince de Joinville. S’il la pose en effet ainsi, ce sera mardi, peut-être utile, peut-être nuisible au succès ; je ne sais pas apprécier d'avance cette impression. S'il ne la pose par ouvertement et s'il élude la question ce sera bien petit, et un symptôme de faiblesse qui affaiblira les chances. La situation est embarrassante. pour lui.
Je suis préoccupé de la nouvelle réforme électorale en Angleterre. Il me semble que les radicaux préparent, à l'appui, un mouvement populaire assez vif. On commence à attaquer la Chambre des Lords ; on parle de l'élire elle-même, par une élection à deux degrés. Je ne crains pas grand chose de ces attaques ; mais je crains beaucoup de la non-résistance. Je trouve que le parti conservateur s'abandonne bien lui-même. Je suis convaincu que ralliée et soutenue par ses Chefs, la nation Anglaise est du bon côté et s'y porterait énergiquement. Mais si, parmi ses chefs, les uns ne la soutiennent pas pendant que les autres la livrent, tout mal est possible.
On a raison de refuser a Kossuth la traversée de la France. Cela ne lui est bon à rien, à lui, et est mauvais pour nous. Je (vous demande pardon, je m'aperçois que j’ai écrit sur une des feuille coupé); je voudrais qu’on supprimât absolument envers ces hommes-là, les rigueurs inutiles et les complaisances molles ; elles nuisent presque également. Je croyais que Kossuth se rendait en Amérique. Je vois que c'est en Angleterre qu’il va s'établir. Le trio sera complet.
Quel scandale que cette forteresse inviolable où non seulement tous les grands Jacobins se retirent mais d'où ils bombardent leurs patries ! Dans les temps barbares, les Églises avaient le droit d'asile ; mais elles ne permettaient pas aux meurtriers qui s'y réfugieront de tuer encore de là les passants. Le droit d'asile emporte l'obligation de mettre celui qui en profite dans l'impuissance de nuire. Je ne sais pas bien ce que les Gouvernements du continent peuvent faire pour faire sentir à l'Angleterre, l’indignité de sa tolérance ; mais il faudra qu’ils finissent par faire quelque chose.

Onze heures
Quelle curieuse conversation ! ou monologue ! Mais que faire d’un orgueil si échauffé ? A demain les réflexions. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Dimanche 9 nov. 1851

Je viens de finir mon discours, et je vais donner ces deux jours à mes visites et à mes affaires. Que j’ai envie de vous trouver mercredi moins fatiguée ! Mais si vous l'êtes encore beaucoup je vous soignerai enfin. Au moins vous ne vous ennuyez pas.
Singulier spectacle. Quiconque prend l’initiative du moindre mouvement inutile, quiconque dépasse la nécessité de l'épaisseur d’un cheveu est aussitôt condamné et délaissé par le pays. C’est de la politique thermométrique. Il faut avoir le coup d’oeil bien sûr et le pied bien ferme pour marcher droit dans une telle atmosphère. Certainement d’ici la nomination de Vitet et la proposition des questeurs me paraissent deux fautes graves et si j’avais été là, je les aurais déconseillées. Je verrai ce qu’on me dira pour les justifier. Je suis du reste, bien décidé à n'en croire moi-même plutôt que ce qu’on me dira. Ecouter tous les avis et agir toujours selon son propre avis, c’est la bonne règle quand on a du bon sens C'est facile quand on n'est que donneur d'avis, et point acteur. Je ne puis croire que la majorité se laisse mener longtemps par Thiers, et Changarnier ; elle reconnaîtra bientôt qu’ils la mènerait perdre. Les montagnards ont voté pour Vitet évidemment pour brouiller la majorité. Je ne crois pas du tout à M. de Hackereen.
Thiers a-t-il, ou n'a-t-il pas été au service de la Madeleine pour la Dauphine. Je puis encore vous faire une question. Mais mardi, Marion n'aura plus à vous remplacer. pour m'écrire.

4 heures
Je suis charmé que vous recommenciez à manger pourvu que vous digériez. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Mercredi 9 Nov. 1853

Je viens de parcourir, cet immense acte d'accusation contre le complot, de l'opéra comique. Ce sont les mêmes idées, les mêmes desseins, les mêmes paroles que de mon temps. Les noms propres ne signifient plus rien, ni pour le gouvernement, ni pour les conspirateurs. C'est une perversité et une démence permanente, abstraite, qui passe de génération en génération, sans qu’il vaille, la peine de savoir qu’ils en sont les instruments momentanés ; ils ne se distinguent pas les uns des autres, et ils s'attaquent indifféremment à Charles et à Louis-Philippe, à Napoléon III, à Frédéric Guillaume à Ferdinand. Le premier qui trainera réellement ce démon rendra un immense service à l'humanité.
Les journaux ne m’apprennent absolument rien. Sans doute on ne s’est pas encore battu. On ne cache pas longtemps une bataille. Je suis décidé à croire que vous rejetterez les Turcs dans le Danube, et que l'affaire finira par là. J’ai bien des choses à vous dire, mais nous sommes trop près de nous revoir. Nous causerons la semaine prochaine. Je pars décidément. Mercredi soir 16.
J’ai des nouvelles de Broglie, de Piscatory et de Barante qui m’en disent encore moins que les journaux. Barante est frappé de l'apathie universelle, sauf une seule espèce d'homme, la démagogie révolutionnaire : " C'est la seule opinion qui conserve quelque vivacité. De jour en jour, elle manifeste plus de démence et de rage. Elle espère et menace. Les chefs qu’on a ménagés, les envolés des sociétés secrètes qu’on a rappelés du bannissement sont les plus animés. Leur action sur les classes marchandes et sur les gens de la campagne est tout-à-fait nulle ; mais la cherté du pain et surtout du vin, leur donne assez de prise sur les ouvriers de nos villes. " Piscatory ne pense qu’à l'hiver prochain et à la disette.

Onze heures
Adieu, Adieu, à nos prochaines conversations.
Orosmane dit à Zaïre : Mais la mollesse est douce et sa suite est cruelle ; je mets la faiblesse à la place de la mollesse et un politique à la place d'Oromance ; si on n’avait pas été, en commençant, faible avec Lord Stratford, faible avec les Turcs & &, on ne serait pas si embarrassé.

Auteur : Noailles, Paul de (1802-1885)
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