Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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69. Mardi 24 octobre 9 heures

Je viens de lire votre N° 65. Alors venez le 31 à 7 h. du matin. Cependant n’y faites pas de grand effort. parce que tout est bien dès le 31.
Mon fils m’a quittée hier au soir pour la première fois j’ai répandu des larmes sur cette triste et affreuse affaire, & c’était de voir mon fils, mon pauvre fils placé au milieu de cela, chargé par son père de venir s’assurer si ce que je lui dit est vrai, chargé de dures paroles, chargé de m’emmener fut-ce au détriment de ma santé. Car voilà les ordres. Mon fils lui déclarera qu’après ce que lui a dit le médecin, si j’avais voulu partir il ne se serait pas chargé de m’accompagner. J’ai copié pour vous la longue lettre que j’ai écrite à mon mari. Si sa réponse ne révoque pas les mesures qu’il m’a annoncées, notre correspondance cessera. Mon fils est une excellente créature, pauvre garçon comme il avait le cœur troublé de tout ceci.
Médem l’a chargé de dire à mon mari ceci. : " Si l’on attaque votre mère assurez bien qu’elle grandira beaucoup, & que l’Empereur se sera rabaissé d’autant." Je soupçonne qu’il a déjà fait connaître cette opinion en d’autres lieux. Je vous l’ai dit & je le répète.
Mon esprit est fort tranquille mais mon cœur est bien blessé, et cependant mon cœur est si heureux si joyeux ! Tout sera bien le 31. De ce jour-là je me regarde comme hors de toute atteintes. N’est-ce pas ?
Constantine me parait une bonne affaire rien que parce que le contraire eut été une détestable affaire. On dit qu’il y aura un grand embarras à trouver une honnête administration comme l’était le Gal Dancrémont.
Berryer ne s’attend pas à un grand effort, à peu près ce que vous dites une dizaine de voix peut- être. Les vrais légitimistes ne veulent pas se présenter. Je n’ai pas causé seule avec lui. Il est revenu hier, mais mon fils partait J’avais fermée ma porte.
Maintenant je veux me reposer l’esprit un peu, me livrer sans distraction à la pensée du 31. Manger, dormir, car je n’ai rien fait de tout cela depuis 6 jours. Savez-vous comment j’ai passé la première nuit de l’arrivée de mon fils ? à me promener dans le salon & à jouer du piano. ce que je vous dis Ah que j’aurais à vous conter ! Je n’ai pas encore dormi cette nuit, je suis fatiguée, bien fatiguée. Je vous dirai que je n’aime pas les allées droites. Mais c’est égal, vous en ferez pour avoir de tout. Adieu. Adieu. Jugez de ce que ce sera le 31 !

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Schlagenbad le 14 août 1850
2 heures

Je ne me lève que dans ce moment. Le fils du duc de Noailles est venu me voir de Weisbaden. J'ai été obligé de le recevoir quoique dans mon lit. Il m'apportait une lettre de son père d'Aix en Savoie, qui s'annonce pour ce soir à Weisbaden. Il veut savoir où je suis. C’est très commode, je suis tout près. Le comte de Chambord a témoigné une grande joie quand il apprit hier que le duc de Noailles arrivait. Jules a été trouvé le prince à Cologne, il l'a vu arriver avec Berryer et autre qui s'étaient portés à sa rencontre à Hanovre. A Cologne il a simplement passé la nuit. Tous les Français ont fait la navigation du Rhin avec lui, à Weisbaden ils ont trouvé beaucoup d’arrivés de Paris. 9 ou 14 représentants (l'un ou l’autre chiffre j’ai oubliée) et entre autres Benoist d'Azy et quelques autres qui sont de la commission de permanence tous ravis du comte de Chambord. On dit une tête remarquable avec beaucoup de vivacité dans le regard, et une manière digne et charmante. Hier on lui a présenté M. Vezin représentant orléaniste je crois. Il accueille tout le monde avec beaucoup de bonne grâce. Tous les jours 20 personnes à sa table, la maison bien montée. Tous les deux jours soirée. Hier une centaine de personnes. Des dames. La duchesse de Noailles arrivée aussi avec son mari. Tout cela va faire bien du bruit. Probablement de la fumée. Berryer reste là encore. Le prince s’occupe tout le jour. Il n’est encore sorti qu’une fois pour se promener. Il a sa livrée et cela a bon air.
Voilà mes nouvelles de la ville voisine. J'ai bien peur que le duc de Parme ne m'ennuie. Il a l’air parfaitement heureux. de venir chez moi le soir. Il est très intime. Il ne manque pas d'esprit, mais il est un peu bruyant. Décidément je n’irai pas à Weisbaden, ma curiosité ne pourrait être satisfaite qu’en faisant savoir au comte de Chambord que je suis curieuse de lui, et cela je ne le ferai pas. On ne le rencontre pas à la promenade, ainsi je me passerai de le voir. Le 15. Vite je finis. Je me suis levée tard, je ne suis pas bien pardon pardon. J’ai eu deux lettres hier 11 et 12. J’ai peur de n’avoir rien aujourd'hui

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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210 Baden Dimanche le 7 juillet 1839 8 heures

Il faut convenir que vous prenez bien mal votre temps pour douter de mon cœur, pour douter que mon cœur ma vie sont à vous, pour croire que vous ne suffisez pas à mon âme. Et mon Dieu qu’est ce qui occupe mon âme ? Où trouve-t-elle du repos, de la douceur, si ce n’est en vous. Je suis bien accablée de mes malheurs passés, de mes peines présentes, je le suis plus ici que lorsque j’étais auprès de vous, et cependant avec quel bonheur je pense à vous, comme je retrouve de la joie de la sérénité dans le fond de mon âme en arrangeant le reste de ma vie pour vous, avec vous ! Vous êtes bien le reste de ma vie. Si je ne vous avais pas, je n’aurais plus rien. Dites-vous cela, dites-vous que je le pense sans cesse, sans cesse, et voyez si je ne vous aime pas plus que vous ne pouvez m'aimer ? Car vous, vous avez du bonheur sans moi. Et moi je n’ai plus rien sans vous.
Dites-moi si je dois me baigner ; si je dois rester à Baden. J'ai besoin qu'on me dirige. Je ne sais pas me décider. Je suis certainement plus malade qu’en arrivant, faut-il que j’attribue cela au temps ou aux remèdes. Jamais je n’ai été accoutumée aux bains, ils m'ont toujours affaiblie. Il n’y a que les bains de mer qui me conviennent. Dois-je faire à ma fantaisie c.a.d. ne plus rien faire. J'ai si besoin de vos conseils. Et après tout, ce que je fais ou ne fais pas, c'est pour vous. Il m'importe peu d’engraisser, de maigrir. Mais vous voulez me revoir autre que vous ne m'avez quittée, et je n'oserais pas revenir à Paris si je n’ai fait votre volonté.
J’ai été interrompue par Mad. de Nesselrode. Elle vient quelque fois causer de mes affaires. C’est de la bonté, mais il n'y a rien à dire il faut attendre. Paul va se trouver dans un grand embarras. On ne doute pas là-bas qu’il ne fasse un arrangement convenable, car le droit serait trop peu, et jamais on ne s’en est tenu au droit. Lorsqu'il s’est agi d'une mère. Voilà ce que Mad. de Nesselrode crie sur les toits en vantant à cet égard la supériorité des Russes sur tous les autres. Si elle a raison, encore une fois, le dilemme sera grand pour Paul. Que fera-t-il ? Et moi dites-moi ce que je ferai ? Puis-je accepter son au delà du droit après ce qui s’est passé ! Mon instinct me dit que non. Aidez-moi. Je vois votre réponse ; " Votre fils ne vous mettra pas dans cet embarras." Cependant répondez comme s'il m'y plaçait. Si je mettais mon acceptation au prix d’un retour de sa part, il n’aurait garde de revenir à moi. Répondez, répondez.

11 heures
Je pense beaucoup à votre discours c'est au fond le vrai discours politique dans cette discussion. Il est fort remarqué. Et en général on pense que l’Empereur doit être content de ce que vous avez dit de lui. Je le pense aussi sauf un point, le véritable, et que vous avez traité avec une grande habilité, ne lui imposant des devoirs qui pourraient ne pas rencontrer ses intérêts. Somme toute vous avez fait un beau discours et qui sera fort remarqué chez nous. On me dit que le mariage Dormstadt n'aura pas lieu. On ignorait la naissance lorsqu'on s'est embarqué si étourdiment dans cette affaire. C’est une grande étourderie d’Orloff. Mon mari en eut été incapable. Il est vrai que la bâtardise ne pouvait pas être un grand pêché aux yeux d’Orloff. A Berlin on s’est fort ému de ce choix et on a éclaté. Je ne sais au reste ceci que par des voies détournées. Voici votre lettre, je n'ai plus que le temps de vous le dire, et de vous dire adieu, et bien des adieux.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems Lundi 15 juillet 1850

Je me sens tout-à-fait malheureuse de votre inquiétude. Car je sais bien que dans un cas pareil j’aurais fait mille sottises comme de me jeter à l’eau par exemple, ce qui empêcherait les autres. J’ai pris tous les renseignements possibles. D'ici mes lettres sont certainement parties. Mais la poste Tour & Ta[?] a ses agents partout, & par curiosité comme par calcul, ils font quelques fois passer les lettres par Mayence & Francfort, et il se peut que des lettres d’ci mettent quatre jours pour aller à Paris. Cela expliquerait comment le 11 vous n'aviez pas encore ma lettre du 6. Cependant non, voilà plus de cinq jours. Enfin que faire. Moi je n'en sais rien. Un jour vous recevrez douze lettres à la fois. Je plaindrai les onze lettres. C’est assez parler de nos ennuis. Le beau temps est revenu. Je suis toujours bien ennuyée & bien docile. L'effet des eaux est une lassitude, & somnolence excessive, et puis des douleurs de jambes et d’estomac, on me dit que c’est très bon. Qu’en pensez-vous ? Moi je crois que je devrais cesser. Je crains un coup d’apoplexie. Vous me reconnaissez là.
Je ne sais que penser de la loi sur la Prusse. Je vois que le Journal des Débats prend le mors aux dents, je vois que la Prusse en prend son parti, qu’est-ce que ce revirement extraordinaire. Venez à mon aide. J’ai fort aimé ce que M. de Laboulis a dit dans la séance de jeudi. Mais je vous parle de choses qui seront bien vieilles & oubliées quand vous recevrez ceci. Je m’avise de proposer à lord Aberdeen de venir ici vous rencontrer pour le 1er ou 2 août. Quelle idée ! Pourquoi pas ? Viendrez-vous toujours et quand à peu près. Ma cure complète finit le 5 août, il faut deux jours de repos et puis je pars. Je ne sais pas du tout ce que je ferai du reste de l’été. Mon fils aîné passera le mois d'août à Paris. Mais quel vilain mois pour y rester. Je n'en serai pas capable. Hier je n’ai pas vu une âme mais le temps était superbe. J’ai bien fatigué mes chevaux. Adieu. Adieu. Adieu.

Comme je trouve inconvenant de n’avoir offert à lady Peel que ce qui a été fait pour Mme Canning ! Manque de tact. En tout cas elle eut refusé. La prévoyance de Peel ajoute encore à la popularité de sa mémoire. Grand homme, grand démocrate. Il restera désormais le héros de la démocratie. Au temps qui court l’effet ne sera pas bon pour la upper house.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems Mardi le 16 juillet

Je me porte bien, je n’ai pas manqué un jour de vous écrire. Je suis désolée de votre inquiétude. Je prends le parti d’adresser autrement ma lettre aujourd'hui. Je l'envoies à Strybon pour qu’il la mette lui-même à la poste. Les autres je les ai toujours adressées au Val Richer, et affranchies c’est peut-être cela qui les empêche de vous arriver. Je ne vous dis que ce mot à 6 h. du matin, en toute hâte & tristesse de votre inquiétude. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems le 17 Juillet 1850

Ah me voilà contente puisque vous l’êtes. Hier enfin j’ai eu ce qu'on appelle une lettre, je la méritais. Cette Assemblée me faisait d'ici le même effet qu’à vous. Je ne suis pas fâché de voir les assemblées devenir ridicules. Vous ne pensez pas comme moi à cet égard, et cependant vous devriez être guéri de votre passion.
J'ai eu une longue lettre de Marion. L'Angleterre est encore toute abandonnée à ses regrets et à son admiration pour Peel, les quelques paroles de Dupin, ont flatté, touché, charmé. La petite malice n’a pas été perdue non plus. Sir Robert a laissé à son fils aîné 22 000 L. de rentes of entailed property. 70 000 £ à chacun de ses autres fils, & 25 000 à chacune de ses filles. J’ignore le douaire de sa femme. Sûrement considérable. Le fils aîné se conduit à merveille. Marion fait une foule de réflexions spirituelles & sensées sur cette mort, et elle finit en me disant, qu'on ne sait pas bien encore si elle est, ou n’est pas un grand malheur. pour le pays.
La princesse régnante vient me voir à peu près tous les jours. Elle est dans une véritable angoisse, elle a peur de s'ennuyer, elle a raison. Hier elle me parlait de votre beau discours à l'assemblée l’autre jour. La Princesse de Prusse quitte Coblence pour aller résider à Bade où son mari commande l’armée. Je ne verrai donc rien de tout cela. Je vous réponds que je vous reviendrai aussi peu instruite sur l’Allemagne que j’étais partie. La politique des petits princes ne s'éclairera pas.
Marion me demande si vous avez lu " Sophisms on free trade by a Barrister " (Serjeent Byles) et comment vous le trouvez. On en est à la 8ème édition. On espère toujours renverser le ministère. Bêtise. J’ai commencé Albert de Broglie sur M. de Châteaubriand. Excellents sentiments, beaucoup d’esprit, la manière un peu lourde & quelque fois confuse. Je crois qu'il écrira mieux. En attendant ceci m’intéresse beaucoup. 2 heures. Le duc de Saxe Meiningen qui avait toujours été interrompu quand il commencent à me parler intimement des affaires allemandes m’a enfin trouvée seule aujourd'hui. Il est Prussien, il est pour un parlement allemand. Il dit que si on veut revenir à l’ancienne confédération il y aura une explosion générale. Il désire que l’Autriche reconnaisse cette vérité, & la Russie aussi. La paix avec le Danemark amènera indubitablement & tout de suite la guerre entre le Danemark & les Duchés. C'est une inextricable difficulté. Je vous ai dit tout Saxe Meiningen. J'ajoute que c'est un homme très sensé & parfaitement gentleman surtout. Je continue à me baigner & à boire. Je n'ai rien à dire de l’effet, cela me fatigue, voilà tout. Je suis toujours dans mon lit à 9 heures ce soir, & debout à 61/2 du matin. Adieu, Adieu.

J’espère que tous mes adieux vous arrivent. Je reprends une petite critique sur Albert de Broglie. Je viens d'achever. C’est charmant. Cherchez la 109ème page, et dites-moi, qui est l'homme aux Mémoires du 17ème siècle. Ce ne peut être St Simon qui écrivait encore sur la régence. Qui est-ce ? Je suis bête sans doute, mais je ne trouve pas.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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209 Bade Samedi 6 juillet 1839 1 heure

J’ai lu et relu votre discours. Relu surtout le passage sur l’Empereur dans l’intention de bien me rendre compte de l’effet qu'il peut produire chez nous. Le personnage principal ne peut pas en méconnaître la vérité, mais elle ne lui plaira pas. Ceux qui après lui comprennent seront contents. Moi je suis très contente de tout votre discours et soyez sûr que je suis difficile. J’ai voulu commencer ma lettre par vous dire cela.
J'ai mal dormi, mes forces m’ont manqué pour la promenade du matin, j’ai pris mon bain de houblon quelle idée ! J’ai dormi depuis il me semble que je suis un peu mieux que ce matin. Vous voyez que je vous dis minutieusement tout. Le temps redevient beau mais je crains que cela ne dure pas.

5 heures
Votre lettre m’attriste, j'y répondrai demain. Je vaux mieux que je ne parais. Je vous aime plus, mille fois plus que vous le pensez. Si vous pouviez voir tout ce qu’il y a dans mon cœur ! Mais on ne voit jamais la dedans. Ah mon Dieu que vous aimeriez y regarder. A présent dans ce moment. Et ce moment, et sera toujours. Adieu. Je ne me sens pas bien, je ne puis pas continuer. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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208 Bade le 5 juillet vendredi 1839, 8 heures

Je cherche ce que j’ai à vous conter. Il a gelé cette nuit positivement gelé. Ce matin il y a un beau magnifique soleil du mois de janvier voilà le beau pays que je suis venu chercher ! Personne ne se baigne, personne ne boit, tout est suspendu. J’ai mal dormi, j'ai eu chaud, j'ai eu froid. Cela fait une intéressante 2 lettre n'est-ce pas ? Que je voudrais voir ces deux mois écoulés, car enfin je me crois obligée de rester puisque j’ai dit que je resterai, et je suis cependant que ceci ne convient pas à ma santé. Les bains de mer me feraient du bien, ils m’en ont toujours fait, mais où les chercher ? Ah s je n’étais pas seule, tout serait facile. Mais seule, seule, voilà ma vraie maladie. J’attends avec impatience votre discours. Je n’ai pas lu encore la séance de lundi.

1 heures
Je viens de lire. M. de la Lamartine a dû être très brillant. M. Villemain a eu un grand mérite à savoir si bien lui répondra. Je suis curieuse de la suite du Débat. Il n’en ressortira cependant rien de pratique. Cela est évident. C'est une question sur laquelle on peut parler, mais on ne peut pas faire. Personne ne veut faire. le médecin n’est pas content de moi, et je le suis très peu de lui. Il va changer les bains. Demain on y mettra du houblon au lieu d’aromates et toujours du sel. Tout cela sont des bêtises, rien ne me fera du bien. Dites-moi si je dois continuer à faire la volonté du médecin. J'ai bien envie de ne plus rien faire. Mon pouls est fort affaibli. Vous voulez la vérité et je vous la dis. Mad. de Talleyrand me conseille de partir. Elle a bien raison. Ma vue seule est de l'ennui pour tout le monde.

5 heures
Voici le N°206. C'est le premier c’est le seul bon moment de ma triste journée. Je vous remercie de me le donner. Je serai bien avide de lire votre discours demain matin ; ce n’est que le matin qu'on me l'apporte. Adieu. Adieu mille tendres adieux.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems le 20 Juillet 1850

Nous ménageons l'Angleterre parce que nous avons besoin d’elle dans l'affaire du Danemark qui nous tient fort au cœur, nous ne voulons en général pas aller jus qu’à nous brouiller avec elle. Nous détestons à mort Lord Palmerston, mais nous ne ferons pas plus que des notes quand l’occasion sera bonne pour cela. L’Empereur n’a pas goût au Prince Scharzemberg, mais il le respecte fort & approuve grandement ses principes, il n’y aura pas de Parlement général en Autriche. Chaque état de cet empire se gouvernera par des états locaux, et on leur dira un mot du budget. Voilà tout. Quant à la question allemande. Il faut que l’Autriche renonce à y entrer avec la Lombardie & & On est loin de s’arranger encore, mais la Prusse & l’Autriche savent que l'Empereur ne souffrira pas qu'on se batte et on ne se battra pas ! C'est Constantin qui parle.
En Allemagne la révolution est finie, battue, voilà l’opinion du Prince Emile, et s'il y avait un peu d’intelligence parmi les gouvernants ils seraient très bien remis à reprendre toute leur autorité. Le Roi de Prusse vaut mille fois mieux que son frère, le Roi est loyal, spirituel, on l’aime. Son frère est borné & entraîné aujourd’hui bien au delà de ce qu'a jamais été le libéralisme sur la [ ?] de son frère. Tout ceci sur la presse en est confirmé aussi par Constantin. Deux bonnes autorités, & je crois.
Le prince Emile est charmant. Mais hélas il est venu me voir une heure, et puis il est reparti grand, grand dommage. Ma nièce est mieux que je ne croyais. Elle est grande, belle taille, bon air, mais le visage est grand & la langue grande, je n’aime pas cela. Elle a tout a fait l'habitude du grand monde, elle parle français à merveille, elle a du tact. Voilà toutes mes remarques. Constantin est engraissé. Sa femme est un peu maigre. Hier j’ai été fatiguée de toutes les visites princières, ils tous venus venus les uns après les autres. Bonnes gens, mais si bornés ! Je trouve les 3 mois de prorogation de l'Assemblée bien longs. Paris sera ennuyeux. J’espère au moins que ses 25 seront bien choisis. Adieu. Adieu. Je suis mieux aujourd’hui que je n’étais hier. Mais je crois que ces bains sont un humbug. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems le 25 Juillet 1850

Si je ne me trompe, ou si l'on ne me trompe, Montebello est de la commission du 25. C'est une bien bonne nouvelle pour moi à condition que cela l'oblige vraiment à la résidence à Paris, mais je crois que ces messieurs se dispensent. J’ai été un peu souffrante hier. Le froid succédant à la chaleur ne m’a pas convenu. C'était hier le jour de naissance du duc de Nassau. Grande fête et bal. Tout le monde y a été. La princesse Grasalcowitch renonçant à sa promenade pour essayer des robes ! Est-ce possible ? Si je vais à Schlangenbad, ce que je crois tout-à-fait, ce sera le 8 août pour y passer quinze jours. Cela me ramène à Paris les derniers jours d’août.
Quelle tranquillité d'esprit dans la vie que je mène ici ! Sauf une demi-heure de conversation avec le Prince Paul il n’y a pas avec qui échanger un mot sérieux. Je crois que cela est très sain. Constantin m’apprend l'intérieur de Potsdam, et l’intérieur Impérial, dans celui-ci rien de changé depuis mon temps. Cependant bien des détails piquants. Sa femme ne manque pas d'une certaine finesse d'observation. Elle est remarquablement bien élevée, toutes les nuances de la politesse. Sous ce rapport elle me plait tout-à-fait. Ils restent encore huit jours auprès de moi. Elle a un tas de parents ici. Tout cela a bon air et grand air. Constantin trouve qu’ils sont trop nombreux. Je n’ai pas un mot de nouvelles. Aujourd’hui j'espère des lettres. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems le 26 juillet 1850

Puisque votre dernière lettre ne me parle plus de venir, j’espère que vous y aurez renoncé pour le moment. J'ai eu beaucoup de lettres aujourd’hui lord Aberdeen il partait le même jour pour l’Ecosse. Le dîner pour Palmerston a été une pauvre affaire. Pas un ministre n’a voulu en être. Leur absence a semblé très significative. J’attends ce que Ellice m'en dira. Brunnow va en août à Pétersbourg. Il a beaucoup parlé et raconté à Aberdeen, très triste, voyant très en noir notre avenir avec l'Angleterre & désirerait connaître exactement la volonté de l’empereur, doutant de son propre retour à Londres. La guerre en Danemark tout de suite après s’être vanté du succès de la médiation pour la paix, fait à Londres un effet singulier.
Duchâtel & Montebello me disent tous deux que le Bonapartisme fait de grands progrès, même celui qui devait former notre partie carrée avec Marion à dîner, est dans cette opinion. On veut rappeler d'exil les princes. Lamoricière est à la tête de tout ce qui peut vexer l’Elysée. Il me semble que la commission est mal arrangée pour y plaire dans ce quartier. Enfin il peut encore survenir d’étranges complications. J’ai lu l’article de M. de Lavergne dans la revue des deux mondes et j'en ai été charmée. On me parle tout à l'heure d'un article du Moniteur du soir qui serait la guerre déclarée, par l’Elysée à l’assemblée. Cela a l’air vif, ce ne sera probablement rien. J'ai passé une nuit détestable des crampes, oppression de poitrine, j’ai suspendu aujourd'hui les verres d'eau, & le bain. Adieu. Adieu.

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Schlangenbad Mardi le 13 août 1850

Les journaux me paraissent fort occupés des dîners militaires du Président. Vous ne manderez quelque chose de Paris sur ce sujet. Est-ce que je retrouverai la république. J’ai eu un mot de Chreptovitch de Kissingen. Il partait avec son beau père pour Vienne. Il avait été question de lui donner l’initiative de Londres pendant l'absence de Brunnow mais on a trouvé que c’était faire trop d'honneur à l'Angleterre, et afin de faire le contraire on y laissera M. de [Bey], parfaitement bête, chargé de ne rien faire.

4 heures Voici votre lettre du 10. Merci, merci. Constantin me fait un long bulletin de Berlin. Le roi enchanté de votre enchantement de Stalgenfeld. S'il avait su, il vous aurait fait préparer un appartement. Le roi aussi bien que le Prince de Prusse mécontent de la Duchesse d’Orléans. Occupés de l'avenir de la France, écoutant Constantin avec curiosité et de son avis. Le comte de Chambord a passé la journée du 6 à Postdam. Il y a fait une impression très favorable. On l'a traité avec de grands égards. Le roi & son frère avaient [mis] le St Esprit. Périgny en est désolé. L’Empereur va faire un voyage d’inspection à Kiev & & et rejoindra plus tard à Varsovie l’Impératrice qui y va dans trois semaines. Venise est possible pour l'hiver, mais rien n’est décidé.
Le 14. Je vous écris de mon lit. Le temps humide ne me va pas. Je n’ai pas dormi. J'ai des douleurs partout. Quel ennui. Hier Mad. Malorte a été à Wisbaden. Elle a vu le Général de Changarnier et lui a même parlé. Elle est dans l’enthousiasme de sa bonne grâce de son grand air. Il lui a dit à revoir à Paris car tant que je n’y serai pas il n’y aura pas de repos en Europe. C’est gros. Il me semble qu'il a la même confiance que le Président. C’est l'effet qu'il a fait sur Mad. M. C'est une personne très sensée, & je crois à ses impressions. Pour moi, je n’irai pas à Wiesbaden malgré ma curiosité. C’est loin c’est fatigant, & j’ai ici une détestable voiture. Le duc de Parme a passé la soirée chez moi. Il me plonge dans l'Italie. Cela ne m’intéresse pas encore beaucoup. Si je suis réduite à sa société il faudra bien que cela vienne. Adieu. Adieu. Je suis bien contrariée de mon lit.

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Schlangenbad le 15 août jeudi 1850

J'avais eu deux lettres hier. Je n’en ai point eu aujourd’hui c’est juste. Je suis mécontente de moi ici. Depuis trois jours un rhumatisme universel, et aujourd’hui par une gaucherie impardonnable le bain, froid, au lieu d’être chaud. J’ai poussé des cris d’horreur, j’ai fait ce que j’ai pu pour me bouillir plus tard mais cela n’a pas réussi. Le temps est affreux, pluie & brouillard.
La princesse Grasalcoviz est venue, elle n'apporte que des belles robes, voilà son contingent. J’ai eu une lettre de Berryer. Il reste à Wiesbaden jusqu'au 20. Il viendra me voir ici ; il voudrait que j’allasse là, je ne le ferai pas. Je ne sais rien. Thiers écrit à la princesse Grasalcoviz pour l'inviter à venir dîner chez lui à Bade. Il y reste jusqu'à la fin de septembre. Elle a la tête tournée de Thiers. Je lui pardonne d’être folle, mais elle est méchante. En y pensant un peu, quel drôle de spectacle que cette réunion de Wiesbaden, d'abord sans doute des intrigues, des querelles à cette cour. Comment Berryer & Larochejacquelin peuvent-ils aller ensemble ensuite, ou plutôt avant, tous ces représentants (on dit qu'il y en a 9 qui font partie de la commission du 25 chargée de veiller à la sûreté de l’état, aux institutions du pays), au lieu de résider à Paris, comme c’est leur devoir, sont là, grossissant la cour du prétendant. C’est fort singulier. Mais la république sera bonne fille, elle n'y fera pas attention, pas comme vous pour Belgraw Square, & certainement ceci est plus gros. Le 16. Triste journée hier. Malade, de la pluie, personne, pas même le duc de Parme, je crois qu'il était à Weisbaden. La princesse Grasalcoviz, Mad. [Malorte] et celle-ci est partie ce matin. Vraie perte pour moi, car elle est vraiment charmante, & m'a beaucoup soignée. Adieu, adieu. J'aurai certainement des visites intéressantes ces jours ci. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems jeudi le 11 Juillet 1850

Depuis dimanche il n’a pas cessé de pleuvoir. Je n’ai pas pu faire une seule promenade à pied, & il fait trop froid pour aller en calèche. Je bois l’eau dans ma chambre. Hier j’ai vu le Prince Paul & un Rothschild neveu. Et puis voilà toute ma récréation. Si vous ne me plaigniez pas à présent, je vous en dispense pour le reste de ma vie. Jamais je n’ai été si mal, & j’ai pris Ems et moi-même en horreur. Vous me dites hier soir ce que je vous disais le matin le Président durera plus que la République peut-être, mais avec ou sans elle il y restera. Vous savez que je m'en accommode fort bien, & que le présent état de choses me convient tout-à-fait, vu que j’ai l'honneur de n'être pas française.
Constantin & sa femme s’annoncent pour le 20. Ce sera quelque chose ; entre nous, pas grand chose. Mon fils Alexandre était une vrai ressource. Il sait tout, il connait tout le monde. C'est un puit de connaissances en toutes choses et très pratiques. Très bon observateur & très bon juge. Le commerce le plus doux. Mais il ne tient pas en place. Il lui faut des voyages, Castellamare ou les quatre parties du monde. Je n’ai pas eu une ligne de Lady Allice. C’est inconcevable ni de Marion. Montebello m’a écrit hier à peu près ce qu'on vous mande à vous. Les grands Burgraves ne vont plus à l'Assemblée. Par l'un d'eux j’en sais la raison. Il perd la raison pour Madame Kaledgi. Il est horriblement jaloux de Piscatory, & il va à la campagne regarder la Lune quand il y en a. Ne me faites pas de commérage.
Voilà ce pauvre duc de Cambridge mort. C'est bien des catastrophes coups sur coups, à commencer par le coup de canne à la reine. Je plains beaucoup la duchesse de Glocester, elle ne survivra pas longtemps à son frère. Elle le chérissait. Adieu. Adieu. Que je m'ennuie Adieu. Depuis trois jours le thermomètre marque 6 degrés de Réaumur à 9 h. le matin. Il n'y a ni cheminée ni poêle dans les maisons.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Schlangenbad Samedi 17 août 1850

J’ai eu hier la visite du duc de Noailles & de M. Berryer. Ils sont venus à 3 h. & m'ont quitté à 7. Le duc de Noailles. est dans le ravissement, du comte de Chambord, il ne le connaissait pas. C'est de l’enthousiasme qu'il inspire d'abord, par sa superbe figure, à la fois de la grandeur, de la vivacité marquée par le bonheur. Ensuite sa conversation excellente, pleine de sens, de tact, voyant les choses par les côtés vrais et pratiques. Le fond parfait, susceptible de développement, mais dés à présent de l’autorité, une autorité naturelle simple. Noailles en est enchanté. Berryer bien content aussi. Il avait fait venir celui-ci à Hanovre en même temps que le M. de la Ferté (gendre de Molé) & Fernand de La Ferronnays. Ces deux-ci font chez lui le service de chambellan. Tous les trois demeurent chez lui & font partie, de sa suite, à tel point que Berryer a dû demander hier au prince la permission de venir me faire visite. Il y avait avant hier trente représentants à la soirée du comte de Chambord. Sur ceux-là 9 sont de la commission, je ne me suis rappelé que les noms de Benoist d’Azy, [Watis], [?] & Renneville. M. de Neuville gendre de M. de Villèle est là aussi et partageant l'enthousiasme général.
Larochejaquelin est parti avant hier sans dire adieu, mécontent de ce que le comte de Chambord aie donné toute sa confiance à Berryer. Quand on a annoncé hier matin son départ, le comte de Chambord a dit " j'en suis plus fâché pour lui que pour moi." Ce même jour il s'apprêtait à lui faire une forte réprimande. Il lui déplait fort de voir la discussion dans le camps de ses fidèles, et il exprime à toute occasion sa ferme volonté qu’on se conduise autrement à l’avenir. L’esprit le plus conciliant le plus patient, & le plus confiant dans l’avenir. On dit qu'il est impossible en le voyant de ne pas s’en croire certain comme lui. Une heureuse physionomie. La plus grande aisance, tenant son salon comme s'il était Roi depuis dix ans. Sa journée commence à huit heures. Depuis ce moment jusqu’à 5 heures, une audience après l’autre. Sans un instant d'intervalle, à 5 dîners de 20 couverts. Il ne se promène qu’après 7 heures jusqu’à 8, en rentrant réunion chez lui jusqu'à 10. Les dames tous les deux jours. Voilà le récit.
Berryer retourne à Paris le 22 je crois. Le duc de Noailles. restera peut être un peu plus longtemps. Le comte de Chambord part à la fin du mois. Ces Messieurs avaient ouï dire que la Grand duchesse Hélène venait à Wiesbaden tout de suite. Je m'en vais m’en informer, si cela était je serais dispensée d d'Ems. et j’irais la trouver à Wiesbaden. Mais je doute que cela soit ainsi. Mon rhumatisme va mieux mais le temps reste mauvais. On dit qu’on ne voit que des Français à Wiesbaden c’est bien autre chose que Belgrave square. Mad. Alexandre Girardin y est aussi. Adieu. Adieu.
On tient à Wiesbaden les meilleurs propos sur la famille d’Orléans.

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207 Baden le 3 juillet. 2 heures 1839

Je n’ai rien à vous dire que mon impatience de vos lettres, ma mauvaise humeur du mauvais temps.
J’ai écrit aujourd’hui à Matonchewitz et à Frédéric Pahlen, je les presse tous les deux de me dire quelque chose, et je les avertis assez clairement que mes fils pourraient vouloir traîner ; que ce qui n'a aucun inconvénient pour eux, parce que leur fortune est assurée, en a de très grands pour moi qui ne sais pas le premier mot de ce que sera ma fortune, & qui suis obligé de vivre en attendant dans un provisoire très pénible. Je crois avoir fort bien expliqué tout cela. Mais il me semble que je fais toujours des merveilles, et je ne vois rien avancer ; c’est plus qu’ennuyeux.

Jeudi 4 à 8 heures
Votre n°204 m’a donné de la joie personne n’a jamais su comme vous redire toujours la même chose sous une forme toujours nouvelle. Et il y a des lignes charmantes dans votre lettre, des paroles si pénétrantes, si douces. Je vous remercie de toute la lettre, et je vous remercie de toutes les lettres que vous me promettez et que je mérite pas le plaisir qu’elles me font, et par ma reconnaissance qui sait être si vive ! Il fait toujours froid, toujours laid. J'en marche davantage, mais je n’engraisse pas. Je me baigne. J’ai quelque idée que les bains ne me conviennent pas. Mais on n'ose pas avoir d'avis avec les médecins aussi absolus que le mien. Cependant si d'ici à huit jours je ne vais pas mieux. Je crois que je romprai avec le Médecin. Qu’est-ce que veut dire un mois de régime qui n’aboutit à rien ? Je me couche à 9 heures, je me lève à 6. Je dors mieux que je ne dormais à Paris dans les dernier temps, voilà ce que j'ai gagné, mais de l’embonpoint non. Et le médecin qui ne saura pas me procurer cela sera un sot.

Le journal de Francfort renferme des commentaires sur le rapport de M. Jouffroy qui sont très bien et très vrais. Lisez cela parce que cela vient de source. Je suis même un peu surprise que nous ayons là quelqu'un d’aussi bien renseigné. Il faut qu’on ait muni à tout événement notre ministre de documents étrangers aux affaires qu'il a à traiter à la Diète. Le grand duc doit être arrivé hier à Petersbourg. Cela pourrait faire époque pour moi si je n’étais payée pour ne plus croire à rien. Ce pauvre grand Duc a éprouvé bien des pertes à Rome. Son chirurgien y est mort très peu de temps avant mon mari. Plus tard son valet de Chambre de confiance qui ne l'avait jamais quitté depuis son enfance. Et tout à l’heure son jeune camarade le comte Wulhomsky élevé avec lui et avec lequel il était entièrement lié. Tout cela mort à Rome. Ce jeune homme était tombé malade pendant que le grand Duc y était encore et n’avait plus été en état de le suivre.

5 heures.
Voici votre petit mot 205. Je ne savais pas que vous attendrez mes lettres comme moi j'attends les vôtres. Puisque vous le voulez vous les aurez tous les jours, mais quelles tristes lettres que les miennes ! Si j’allais vous ennuyer ! Car enfin je ne vous parle que de moi, Et si c'était moi florissante avec des bras, à la bonne heure. Mais moi comme vous m'avez vue ! Ah mon Dieu ! Vous me rendrez bien curieuse de la discussion sur l'Orient. Adieu. Adieu mille fois adieu, From the bottom of my heart.

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Schlangenbad le 19 août 1850

Et hier encore pas de lettres ! Cela n’est pas juste. Hier une estafette de la grande duchesse pour me supplier de venir à Ems où elle ne passe que 3 jours, & hier soir pendant mon thé avec le duc de Parme & la Princesse Grasalcovytch un aide de camps du duc de Nassau venant me répéter l’invitation d'aller à Ems aujourd’hui pour le cas où la lettre et l'estafette ne seraient pas arrivés. J’ai accueilli cela avec un grand éclat de rire moi, faire cette escapade comme si j’étais un officier bien leste. Je viens à mon tour d'envoyer une estafette à la grande Duchesse. Je lui explique que c’est impossible. Elle passe à Bierich après demain, je lui demande là un rendez-vous. Et elle l’accorde c’est bien, si elle se fâche je me console. La duchesse de Noailles est venu hier ici avec son mari évidement pour m'obliger à lui faire visite. Je la ferai aujourd’hui, j’aime expédier les choses vite.
Vous voyez que je suis dans les aventures, mais je trouve détestable de n’avoir pas eu de lettre de vous. Le duc de Noailles va demain à [Kreuznach]. On attend aujourd’hui 380 Français de plus à Wiesbaden des ouvriers entre autres. Quelques centaines de personnes. sont déjà réparties. Il n'y reste plus que 4 représentants. Adieu. Adieu, toujours mauvais temps, & moi assez mauvaise santé. Je crois Schlangenbad trop humide pour moi. Ce ne sera plus long. Adieu.

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Schlangenbad le 20 août 1850

À mon retour de Wiesbaden hier j’ai trouvé ici vos deux lettres du 15 & de 16. Je vois que Trouville est noyé comme Schlangenbad. Je vous plains moins que moi ; j'ai besoin de chacun pour les bains chauds, et je prévois que sous le rapport de la santé et de la beauté ce séjour ne m’aura été bon à rien. La grande Duchesse arrive demain à Bierich ou Wiesbaden. Je lui ai écrit, j’attends ce qu’elle m’indiquera mais comme elle ne reste en tout quinze jours, ce sera vite expédié. Et alors comme il ne me reste à prendre que cinq bains. Je ne sais ce que je deviendrai. Il est possible que je m'en retourne à Paris avec le duc de Noailles. Nous verrons encore, vous serez prévenu à temps pour la direction à donner à vos lettres.
J'ai été hier faire visite à la duchesse de Noailles. Il y avait un petit coup monté pour m’en traîner plus loin. Je n'ai pas compris. Il y a eu au moins cinq ou 6 lettres écrites. Imperturbable, j’attendais mon dîner. On s'agitait autour de moi, enfin à 4 heures le comte de Chambord est venu faire visite à la duchesse de Noailles. Il est resté une demi-heure. Eh bien, tandis que le duc de Noailles maudissait le prince, moi je fondais en larmes. Voilà ce qui m’est resté de la vue de ce Prince. Les détails c’est trop long. Envoyez-lui ses ennemis. Quelle expression, quel visage ! Quelle attrape si le bon dieu a fait cette tête là pour rien ! mon émotion m’a étonnée mais c’est comme je vous dis là. Son aplomb, sa grâce sont remarquables. Et si naturel et si gai, et fin, charmant. J’étais si lasse en rentrant que je me suis couchée à 8 heures. J’ai renvoyé le duc de Parme. Molé écrit à son gendre que Salvandy va venir ici. Il le mande aussi que les nouvelles du roi sont bien mauvaises. Wiesbaden finit dans huit jours je crois. Adieu. Adieu. Adieu.

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Schlangenbad, jeudi 22 août 1850

D’abord Fleichmann. Il n'y a pas idée de mariage pour son fils. Mais votre ouverture lui plaît beaucoup il va écrire à sa femme qui est à Paris. Il sait que son fils a pour vous et votre famille une grande adoration et qu’il serait heureux sans doute d'un lien avec elle. Si la dame n'est pas laide et qu’elle aie la fortune que vous dites je crois bien que cela ira. Ce bon Fleichmann vous dit tout ce qu'il est possible de tendresse & de respect. Il m’avait presque entraîné à aller à Bade où la grande duchesse Olga doit se trouver la semaine prochaine, mais l’idée des embarras & de la fatigue m'a tenu éveillée toute la nuit, et j’y renonce. Je ne veux que du repos, pas de tracas pas de mouvement, j’en ai eu assez.
Le duc de Parme est bien content. Il a reçu hier la nouvelle qu'on lui rend tous ses biens en Espagne. Le voyage de la reine d'Angleterre à Ostende pique ma curiosité rien que pour savoir si Palmerston l’accompagne ou non. S’il n’en est pas, l’injure est grosse. Savez-vous que j’admire beaucoup le discours du Président à Lyon ? Chaque fois qu’il parle il y a de l’inattendu dans ses paroles. Ceci est frappant. On dit ici que la grande duchesse Stéphanie & Thiers iront le saluer à Strasbourg. Je n’entends plus parler de Wiesbade. Sans doute on lèvera le camp dans peu de jours. Le comte Nesselrode a passé quelques jours à Stuttgart. Il a un peu blâmé Wiesbaden. Il trouve que le fracas n’est jamais utile, mais c’est très Français de faire du fracas. Rappelez-moi au chancelier et à Mad. de Boigne. Adieu. Adieu.
J’espère qu'il n’est plus question de maux d’entrailles.

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Schlangenbad vendredi le 23 août 1850

Le bon Fleichmann m'a quittée hier soir. Excellent homme, mais très [unitaire] beaucoup de détails curieux, très sensé et amusant. Le duc de Noailles me mande que Salvandy arrive Dimanche. Madame de La Ferté aujourd’hui. Tous les jours, foule nouvelle. Hier 60 nouveaux arrivés. Le duc de Noailles retourne à Paris Mardi. Il est très vraisemblable que nous ferons route ensemble. Mais je suis encore un peu flottante pour Bade. Aujourd’hui que j'ai bien dormi le courage me reprend. Mon incertitude me déplait pour vos lettres. Ce qui me paraît le plus sûr et que vous les adressiez à la rue St Florentin. Je donnerai là des directions pour le cas où je ne revienne. pas tout de suite. Voici ce qui est l'alternative. Je pars le 27 avec le duc septembre de Noailles, ou 7 septembre avec Paul Tolstoy dans ce dernier cas j'aurais fait ma [?] sur Bade.
Le temps est affreux toujours, j’ai eu bien du guignon pour ceci. La princesse Grasalcovitz va être ma seule ressource car je crois que le duc de Parme part aujourd’hui. Je suis curieuse de votre opinion sur le discours du Président. Je persiste à le trouver habile. On ne m'en dit rien de Wiesbade. Au reste je n’ai vu personne de là depuis et je n'ai eu qu’un mot insignifiant du duc de Noailles sur ces mouvements. Adieu. Adieu.
je n'ai rien du tout à vous mander de ces montagnes. Adieu.

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Bruxelles le 29 août jeudi

Je me suis décidée à partir aujourd’hui quoique bien fatiguée. Mais demain je n’aurais pas de compagnon de voyage, et aujourd’hui je pars avec le duc de Noailles & Duchâtel. J’ai vu un moment hier Berryer très pressé d'aller à Paris, il est parti hier soir. Il veut empêcher les sottises de ses amis. La mort du roi Louis-Philippe fait une grande consternation. J’ai vu van Pradt. Il croit à la dispersion prochaine de la famille. Duchâtel pense que si il y a une cérémonie funèbres vous devez tous aller en Angleterre. J’attendrai avec impatience de vos nouvelles à Paris. J'y serai à cinq heures. Adieu. Adieu.

La reine Amélie écrit à sa fille une lettre. très ferme. Le duc de Nemours donne les détails au roi Léopold. Louis-Philippe s’est endormi sans souffrance. Il est mort à Clarmont. J’aime mieux cela que Richmond. Le voyage du Président paraît avoir mal tourné. Adieu.

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Paris Mardi 10 septembre 1850

Kisseleff qui est venu hier matin m’a dit que la princesse Mathilde où il avait dîné la veille lui avait dit que Thiers était revenu de Bade & devait partir le lendemain qui était hier pour Clarmont. Duchâtel qui est venu le soir en doute beaucoup, cependant la source me parait bonne. Avez-vous lu dans la presse du 8 une lettre de M. Vesin racontant Wiesbaden, & se déclarant pour le comte de Chambord. Cette lettre fait assez de bruit. Le portrait qu'il fait des Prince est exactement ce que vous en aviez entendu dire à d’autres.
J’avais chez moi hier soir Duchâtel, Dumon, Kisself et Chalembourg et Edwardes. Rien de nouveau, & moi je n'ai de nouveau qu’un peu de mal de gorge, pris chez vous, il y faisait vraiment bien froid. Voilà qui est mal de vous dire cela. Mais je suis vraiment par trop délicate, c’est ridicule. Il faut m'envoyer à Madère. Adieu. Adieu. et adieu.

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Paris le 11 septembre 1850

Thiers est à Bade. C'était un conte. Je n’ai pas fermé l'œil de la nuit, la poitrine prise, la tête aussi. J'ai fait venir Koll, je suis en piteux état. J'ai eu une lettre charmante de la grande duchesse Olga. Hier soir beaucoup de monde. Viel Castel entre autre, & lady Claud Hamilton belle comme un ange. Rien de nouveau. Pardonnez-moi mais je suis hébétée de mon rhume, j’espère mieux valoir demain. Je ne bougerai pas. Quel ennui ! Adieu. Adieu.
Salvandy a écrit sa mission à M. Pageot qui montre sa lettre.

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Paris le 12 septembre 1850 Jeudi

La poitrine est engagée, au point que ce matin j’ai cru que j'exigerais. Une crampe dans le gosier et des cris d’agonisant. Je suis très effrayée. J’enverrai chercher Chancel si cela me revient. Kolb me traite. J’ai vu hier soir quelques diplomates Kisselef très préoccupé de la Hesse. Coups d’Etat, les Impôts perçus par la force, l’état de siège. Il faudra occuper la Hesse. Sera-ce la Prusse ou l'Autriche ? Si l’une entre, l’autre entre aussi, & le conflit peut s'engager. Cela deviendra une affaire.
M. Molé m'écrit tout à l'heure pour me demander à me voir ce matin. Il est venu pour la commission, c'est la première fois qu'il y vient. Il retourne à Champlatreux en me quittant. On dit que le Président revient. ce soir. Mon fils m'écrit de Toplitz que Nesselrode qui y est aussi venait de recevoir l’ordre de ne venir qu'à Varsovie pour le 1er octobre. Ecrivez-moi sur Fleichmann ce que j’aurai à répondre au Père. Adieu, Montebello me mande qu'il sera ici le 15 pour quelques jours. J’attends aujourd’hui St Aulaire et le duc de Noailles. Adieu. Adieu.

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Ems Vendredi le 12 Juillet 1850

Le froid continue, les averses aussi. On me fait prendre les l'eau cependant, & boire de l'eau. Cela ne me fait ni bien ni mal. Je me lève à 6 heures. Je me couche à 9. Je voudrais bien me coucher plutôt, car je meure d'ennui. Rothschild. Ma seule ressource ! Une demie heure tous les jours.
J'ai eu une lettre de Beauvale. Il me dit que John Russell a beaucoup baissé & Palmerston grandi. Aujourd’hui le Roi des radicaux, fausse position, car à l’intérieur il est bien moins radical que John. Les choses ne resteront pas comme elles sont mais personne ne devine quelle tournure elles vont prendre. Londres se disperse, & le parlement va se proroger. Montebello me tient un peu au courant de l'Assemblée. Il m'écrit de son banc et me divertit beaucoup.
Vos extraits de Londres & de Paris sont curieux. Tout cela tend à devenir de la grande politique ou plutôt de grandes affaires sérieuses. Nous verrons.

3 heures. Il y a eu des petits Princillons que j'ai connus jadis. Mari & femme, Prince régnant de Lippe, de Hambourg, Bukebourg. C’est bien long. Plus long que leurs états. Ils sont venus me relancer et comme je suis polie j’ai été leur rendre leur visite. Un Chambellan au bas de l’escalier. Le Prince en haut, la Princesse devant le vestibule. Des questions sur Paris. le général Changarnier a dit-on fait un superbe discours. J’espère que la comtesse de Chambord n’est pas grosse. Charles X se porte mieux à ce qu’on dit. Voilà exactement ma Princesse régnante. Ah quel lieu que cet Ems ! S'il y avait ici seulement la moitié du plus insignifiant de mes visiteurs du Dimanche ! Voyons, la moitié de M. de Flamarens ou de M. de Mézy. Adieu, Adieu. La pluie a cessé depuis un instant. C'est une nouvelle. Adieu encore.

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Ems le 10 Juillet 1850

Votre lettre hier est intéressante sur Paris. Elle confirme tout ce que je pense, c’est que bon gré malgré tout tournera au profit du Président. Il est là pour aussi longtemps qu'il lui plaira. Eh bien qu'il fasse de bonnes choses. Deux tiers des électeurs de Paris éliminés, quelle bonne affaire. Voyons la loi sur la presse. Elle passera j’espère, malgré l'humeur des journaux. Voici enfin Ellice, & je vous engage à l’étudier, cela en vaut la peine. Quelle journée hier ! De la pluie tout le long. Personne que le Prince Paul pendant une demi-heure. C’est à pleurer. Je suis au bout de la ville. Ainsi pas même la récréation des passants, d’un peu de bruit, rien, rien du tout. De hautes montagnes couvertes de nuages. Je m'attendais à bien de l’ennui. Ceci surpasse de beaucoup mon attente, comment arriverai-je au bout des quatre semaines ? Je bois, & aujourd’hui je commence les bains. Le temps y est très peu favorable. Jusqu’ici & me voilà au quatrième jour des verres d’eau, je ne sens d’autre effet qu’une grande lassitude. Un affaiblissement général. Si c’est là ce que je suis venue chercher, il ne valait pas la peine de faire ce long voyage. J’étais bien assez faible à Paris. C’est le Médecin du coin qui règle mon régime.
Marion m’a envoyé la correspondance dont parle Ellice. C’est en effet une lettre pleine de reproches, & de flatteries de la part lady Palmerston. Reproches des critiques d’Ellice sur Palmerston. La réponse d’Ellice est très franche, il déteste la politique révolutionnaire du [f. o.] et condamne tout à fait la marche suivie par le [gouvernement] tout entier dans cette discussion. C'était le 21, lendemain du jour où Lord Russel avait fait fi de la chambre des Pairs, & des grandes puissances. Enfin, sa lettre est parfaitement dans la vérité en même temps que convenable. Peel ayant disparu, je suis bien portée à croire que le seul homme considérable en Angleterre reste lord Palmerston. Au besoin l’autre l’aurait contenu, dominé. Aujourd’hui il reste sans frein, sans contrôle. Je crois que l'Angleterre ira mal. Qu’en pensez-vous ? Adieu, adieu. Quel ennui que l'absence, quel ennui que l'ennui. Adieu. Adieu. Quel bon article sur Peel dans les Débats de dimanche, par Lemoine !

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Paris le 13 septembre 1850

N'ayez pas peur que j'oublie de vous parler de ma santé, car elle me préoccupe beaucoup. La gorge & la poitrine vont bien mal, je n’ai jamais eu un rhume pareil et à l’entrée de la mauvaise saison, c’est bien mauvais.
M. Molé est venu hier au sortir de la commission. Lamoricière extravagant, enragé. Proposant de la réunir demain pour une démarche convenu auprès du Président ou de M. Baroche vous faire cesser la société du 10 Xbre. Changarnier fort occupé & inquiet de cela aussi par l’excitation que cela cause dans les sociétés démocratiques. Ce sera. certainement une affaire entre la commission et le gouvernement Molé a refusé de revenir demain, et c’est jeudi prochain qu'on conviendra de ce qu'il y a à faire, sauf urgence, tel qu'un nouveau voyage du Président. Dans ce cas on s’assemblerait plutôt.
Changarnier & Lamoricière intimes. C’est très nouveau et assez curieux. Molé mécontent des Légitimistes & de leurs propos contre le Président fort de votre avis que tant qu'on n’a pas autre chose, & très bonne chose, il faut le soutenir. Il a été charmé d’apprendre ce qui s'est fait à Clarmont et qu'il y a contrôle pour la mission de Salvandy, étonné & charmé de la Reine. Sainte Aulaire a passé une heure chez moi, curieux, d’apprendre et bien content aussi. Le duc de Noailles qui devait venir le soir n'est pas venu. quelqu’un m’a dit que sa femme est bien malade à Maintenon. J’ai eu hier soir Dumon, Kisseleff Schulenbourg, Mme de Contades, Mme Delmas & des Russes normaux arrivés, mais j’étais si souffrante que je pouvais à peine parler. Le président est revenu hier soir. Les Normanby avant hier. Hubner est à Oran. Il se promène. Je vous ai dit tout ce que je sais. J'ai eu une lettre de Lord Aberdeen. Il n’a pas vu la Reine encore. Le duc de Richmond et autres protectionnistes sont venus le trouver à Haddo. We are very good friends, but I see no greater prospect of canning to any real understanding. Ellice est venu aussi. Depuis son vote, il ne le prend plus au sérieux. Très peu au courant sur Clarmont. Ce que je lui en ai mandé tout récemment l’édifiera sur ce point et lui plaira beaucoup. Adieu. Adieu, le vent d’est, ma gorge. Tout cela est désolant Adieu

2 h. Le duc de Noailles sort d'ici. Il a prêché beaucoup hier au soir M. de St Priest qui avait été mis dans la comission. Berryer arrive ce soir.

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214 Baden Vendredi 12 juillet 1839, 1 heures

Préoccupez-vous beaucoup de ma santé c’est juste mais ne vous préoccupez plus de mon cœur. C'est une injure. Je vous prie, je vous prie, ne pensez plus à lui que pour votre plaisir, soyez sûr de mon cœur comme du vôtre. Soyez sûr que je vous dis vrai. Ma nuit a été mauvaise. J’ai essayé de dormir un peu ce matin, mais cela n'a point réussi. Tout cela vous prépare à un mot, et pas à une lettre. Le médecin cherche à me donner des forces. Il me fait manger beaucoup de racine de gingembre. Je n’ai rien de plus nouveau à vous dire que cela.

5 heures
Votre lettre d'avant hier m'arrive à l’instant. Merci, merci des nouvelles. J'en suis toujours très avide. J'ai toujours des forces pour cela. J'ai essayé de manger, cela ne va pas, je vais essayer de sortir en calèche, cela va toujours. Adieu. Adieu. mille fois.

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Richmond vendredi le 14 septembre 1849

J'ai vu hier lord John. Mauvaise nouvelle de Paris, Le général Changarnier a dit à lord Normanby qu'on se battrait encore vers la fin d’octobre. Que faire que devenir ? Molé est un critique de la lettre du Président. Il approuve le fond, mais pour tout le reste il dit que c'est le bon moyen de ne pas arriver à son but, et que l’affaire est complètement manquée par la France. Certitude que Molé prendra les affaires ; lui, Thiers, Falloux. Falloux l'homme important de France, car il dispose de toute la portion religieuse du pays. Conviction intime qu’on passera à l’Empire. J'ai eu à dîner chez moi Hier lady Allice, Mad. de Caraman, Lord Somerton & [?] Byug. Le soir comme de coutume chez Delmas de la musique. Cet aveugle m'a remis entrain. C’est son seul plaisir, et à force de jouer, je reprends ma mémoire et mes doigts. Le temps est devenu froid, je m’y résignerai avec plaisir si cela nous débarrasserait du choléra. Lady Holland est décidément arrivée, mais on dit que le mari n'a jamais été malade. Elle ne m’a pas donné signe de vie encore.

1 heure. Quelle intéressante lettre que la vôtre du 11 & 12. Paris se complique, & certainement il y aura des bourrasques, peut être des orages. Cela m'importe peu tant qu’il n’y a pas d'orage dans la rue. Je ne connais pas de bon contré parapluie contre cela Vous me paraissez si bien au courant que vous saurez me dire quelque chose ainsi sur les projets des rouges. Adieu. Adieu Les yeux vont mieux, comme vous voyez, mais il faut que je les ménage beaucoup. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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216 Baden le 14 juillet 1839, dimanche 1 heure

Que je vous dis peu en vous écrivant tous les jours, & que de choses j’aurais à vous dire ! Que de choses à répondre à votre lettre de jeudi. Et je le pourrai si j’avais un peu plus de force. Mais vous ne savez pas comme il m’en coûte d'écrire. Comme cela me fatigue ! J’ai passé une mauvaise nuit, je ne vaux rien aujourd’hui, je ne sais que vous dire. J'ai été à l'église je n’y manque jamais. Mad. de Talleyrand ne vous écrit pas probablement parce qu’elle n'a rien de bon à vous dire sur mon compte. Je la vois extrêmement peu. Elle vient tous les deux jours passer avec moi un quart d’heure, voilà tout. C'est à près pour moi comme si elle n’était pas à Baden. Le matin je vois Mad. de Nesselrode assez longtemps. Nous nous rencontrons dans l’allée et nous y restons assises pendant une heure ou plus même. Je vais quelques fois chez elle en rentrant de ma promenade le soir. Je viens quelque fois Mad. Wellesley en calèche. J’y mène aussi Mad. de la Redorte. Le reste du temps. Je me promène avec Marie et la petite Ellice. De une à 2 heures, M. de Malzaden ou quelque autre diplomate vient chez moi me conter les nouvelles. M. de Malzaden a de l'esprit.
Aujourd’hui nous épousons M. de Leuchtenberg, je ne cesse pas d’en être choquée. Vous ai-je dit que Matonchewitz est nommé pour Stockolm, dans son audience de congé l’Empereur lui a rendu ses bonnes grâces, cela me prouve qu’il n’est pas implacable. M. de la Redorte me dit que Thiers retourne à Paris avant la fin du mois. Il me dit aussi ce que vous m’aviez mandé qu'il s’était séparé du roi en très bons termes. Il ajoute que le Roi pense à remanier le ministère. Vous à l’intérieur, Thiers, les affaires étrangères. Le Maréchal la guerre. Que tout cela pourrait se faire bientôt. Y croyez-vous ?

5 heures
Voici votre lettre. Je ne veux pas que vous soyez inquiet. Je ne me porte pas bien, quelques fois je me sens bien mal, et Je vous le dis. Mais c’est une imagination. J’ai l’estomac abîmé, je ne mange pas. Je dors peu et mal, je maigris, tout cela est exact, mais cela ne me fera pas encore mourir. Je suis très impatiente du jugement des Pairs. Je vois dans un journal qu'on chante la Varsovienne dans la rue Rivoli. Cela ne me plaît pas du tout Adieu. Adieu à demain, car vous voulez tous les jours mes pauvres lettres. Dites-moi des nouvelles. Ce pauvre Pozzo, il me parait qu’il restera à Paris. Adieu dearest.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond jeudi le 4 octobre 1849

Je suis moins noire que hier sur Constantinople. Mon fils est venu me voir, il avait causé avec Brunnow. Vous avons demandé l'ex tradition de Bem, Dembinsky, Lamansky, à Vostorsky, tous quatre sujets russes. La lettre du traité nous y autorisait. La porte [?] Titoff suspend les relations. & reste. Voilà tout jusqu'ici. La Turquie nous envoie en ambassadeur pour expliquer. voyons ce que dira l’Empereur en attendant les prisonniers peuvent s'évader. Et l'affaire pourrait finir sans guerre. Cependant l’attitude de Stafford Canning ajoute à la complication. Il a fait venir la flotte devant les Dardanelles. Cela semble contrarier un peu le gouvernement. Je ne sais [?] que demain ce qu'on a décidé ici dans le [?] de Mardi. John est toujours à Woburne, grande contrariété. Les Anglais disent que l'Empereur est dans une disposition d'esprit très violente. Après tout d’où peuvent-ils savoir cela ? On n’a pas encore de ses nouvelles de Pétersbourg. & à Varsovie, l'Angleterre n'avait pas d’agent diplomatique. C’est toujours une bien grosse affaire. Metternich va crescendo en inquiétude, sans cependant croire possible qu’une guerre s'engage sur cela. L’Autriche a seulement. demandé qu'on éloignât Kossuth & consorts de la frontière. Mais pourquoi Sturner a-t-il fait comme Titoff, suspendu les relations ? Rien n’est expliqué, Collaredo n'a rien reçu de [ ?]. Brunnow se montre très serein & très confiant. Il a vu Palmerston mardi avant le Conseil. Je vais ce matin en ville pour mes yeux. Voilà donc votre Ministre chassé de Washington. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Dimanche le 7 octobre

Metternich ne peut pas croire que cela devienne la guerre. Il croit que la Turquie aura cédé moi, j’ai peur que non, et comme je ne puis concevoir que l'Empereur se rétracte s’il est vrai qu'il a dit, extradition ou guerre, il y aura la guerre. L’incertitude durera encore près de 3 semaines de Pétersbourg doit venir tout. Je n’ai pas vu encore John Russell, il n’est revenu d' Osborne que cette nuit. Je le verrai aujourd’hui. Sa femme est venue chez-moi, très vive. Le Globe est d'une insolence sans égale. Il appelle l'Empereur insane. je ne me fais au fond pas une idée bien claire de toute cette affaire. On la fait bien grosse ici. L’est-elle vraiment autant ? Tout est énigme. D'un côté Sturnier et Titoff agissent comme un seul homme. D’un autre côté comment. admettre que l’Autriche s'associe à nous pour aboutir peut être à la destruction de l'Empire Ottoman ? A Vienne personne n’est inquiet, on ne parle pas même de l'incident. Les l’étourderie ave laquelle on a engagé l’affaire de Rome c’est Toqueville qui rit. Les Palmerston restent à [?] chez L. Baauvale. On m'écit en confidence qu’ils ne peuvent pas rentrer chez eux. Ils seraient pour suivis, saisis pour dettes. Quelle situation ! Le 8 Longue conversation avec Lord John. Toute l’histoire telle que vous la connaissez. La porte ne refuse ni n'accorde. Elle attend les suites de l’envoi de Fuat Effendi. (mais lui permettra-t-on de passer la frontière ). Strattford Canning se vante de n’avoir pas voulu voir nos ministres, il regarde cela comme son devoir. Plaisant médiateur, et il appelle cela faire son devoir. Lord John est convenu que c’était singulier. Peut être ancienne rancune Et vous acceptez les conséquence de cette rancune ? Il a ri. La dépêche pour [Pétersbourg] n'est pas encore partie. Elle a été revue par tout le cabinet. Aucun ordre n’a encore été donné a L'amiral Parker. Mais à propos. On ordonne à Parker d’aller s’emparer de 2 petites îles voisines de 7 îles, en possession du Gouvernement grec. Mais on croit que le gouvernement n’a pas le droit de les posséder. On va donc les lui prendre. C’est impayable. fonds à Paris et à Londres ne se sont guère émus. Et cependant le langage ici dans tous les partis, dans tous les journaux est aussi menaçant que possible. Je suis curieuse de la conversation de Lord John. Voici un bout de lettre de Beauvale qui vous regarde. Il a bien de l’esprit. J'ai eu hier à dîner Lady Allice qui est venue passer quelques jours avec moi. Mad. de Caraman, lord Chelsea & Bulwer. Je n’avais pas vu celui-ci depuis 4 mois, il est près de son départ pour l'Amérique, pas très pressé pour son compte. Il revient de Paris, il a beaucoup causé avec M. de Toqueville. Il me le donne pour un homme de beaucoup d’esprit. Il rit de l’étourderie ave laquelle on a engagé l’affaire de Rome. C’est Toqueville qui rit. Les Palmerston restent à [?] chez L. Baauvale. On m'écit en confidence qu’ils ne peuvent pas rentrer chez eux. Ils seraient pour suivis, saisis pour dettes. Quelle situation ! Le 8 Longue conversation avec Lord John. Toute l’histoire telle que vous la connaissez. La porte ne refuse ni n'accorde. Elle attend les suites de l’envoi de Fuat Effendi. (mais lui pemettra-t-on de passer la frontière ). Strattford Canning se vante de n’avoir pas voulu voir nos ministres, il regarde cela comme son devoir. Plaisant médiateur, et il appelle cela faire son devoir. Lord John est convenu que c’était singulier. Peut être ancienne rancune Et vous acceptez les conséquence de cette rancune ? Il a ri. La dépêche pour [Pétersbourg] n'est pas encore partie. Elle a été revue par tout le cabinet. Aucun ordre n’a encore été donné à l'amiral Parker. Mais à propos. On ordonne à Parker d’aller s’emparer de 2 petites îles voisines de 7 îles, en possession du Gouvernement grec. Mais on croit que le gouvernement n’a pas le droit de les posséder. On va donc les lui prendre. C’est impayable. Mes pauvres yeux m'empêchent de vous donner le [?] de cette curieuse conversation. Au total j’ai trouvé l'humeur plus douce qu’elle n'était dans le billet, des plaisanteries sur Palmerston, mêlé de défiance. De l'espoir que l’affaire s'arrangera. Un peu de peur cependant. Enfin mélange. Pas le langage d'un premier ministre. Voici votre lettre de Vendredi. Celle de samedi viendra plus tard. Vous voyez que vous faites bien d'écrire tous les jours. Adieu. Adieu.
Nous n'avons par dit livrez-les ou la guerre. Au contraire les termes sont très convenables. [?]

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Richmond Jeudi le 11 octobre 1849

Les paquets, les comptes, les adieux, voilà à quoi je suis occupée ici, & ce qui m'attend encore à Londres. Je suis fatiguée de ce présent et de ce futur, et je voudrais vous écrire longuement tout ce que je sais et je n’ai eu le temps ni les yeux. Lord Palmerston se vante que toutes ses dépêches à Pétersbourg, Constantinople, Vienne, & amiral Parker, sont des plus douces, & conciliantes pas un mot qui puisse nous blesser. Lord John m'a l’air tranquille. Il s’inquiète maintenant de Rome, du consulat français. La reine a été très fâchée de la résolution du Cabinet de soutenir la Turquie. Elle nous est très favorable, mais il a fallu céder. Collaredo m'a fait une longue visite hier. Très ouvert. Trés en blâme de la conduite ici mais parlant toujours de la querelle. avec la Russie sans y mêler l’Autriche, quoique Sturner ait agi comme Titoff. Nos diplomates ici blâment ces deux messieurs. Ils se seraient trop pressés. Au fond c’est seulement cela qui fait le bruit ici et l'embarras. Car le droit de l’Empereur est pleinement reconnu, il demande ce que les traités lui donnent le droit de demander. Et la porte ne veut pas répondre, elle envoie un extraordinaire pour expliquer l’opinion est générale que cela s’arrangera. Mon fils qui est venu hier a été très frappé de vos conjectures. On me presse bien d’aller à Brockett Hall. Les Palmerston y sont. Elle m'écrit que son mari fera tout pour me plaire. Beauvale est bien pressant aussi. Ce n’est pas possible. Le temps devient rude, il faut que je parte. Depuis lundi vous adresserez votre lettre à Boulogne. Je voudrais déjà avoir passé cette mer ! Adieu. Adieu. Adieu.
Un petit mot lundi à Londres aussi pour tous les cas. Il n’y a pas un mot de vrai au changement de Ministère à Vienne. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond le 12 octobre 1849

Hier déjeuné tout royal chez les Cambridge. On me pressait beaucoup d’y dîner avec Don Juan, & Cabrera, mes yeux ne me permettent pas d’accepter ces plaisirs. Cabrera m’aurait cependant intéressé. Il tourne la tête à tout le monde ici. Les princesses me comblent d’amitié. Sérieusement la duchesse de Cambridge veut venir à Paris et voit dans mon salon, les characters. Lady Palmerston m'écrit la lettre la plus tendre & la plus pressante, ils sont tous à Brockett & m'attendent là. Je crois vous l’avoir dit. Je n’ai rien appris de nouveau hier à Londres je saurai quelque chose. Mais là aussi je serai tracassée, occupée. Comme j'ai besoin d’être settled & tranquille ! Le Times fait retraite aujourd'hui. L’apostasie de Bem & [?] a fort refroidi le zèle. Les Anglais vont prendre possession de deux îles grecques. (Schiza & Sapientza) (dequel droit ?) Pas de poste ce matin, voici ma dernière lettre de Richmond. Je vous écrirai demain & Lundi & Mardi de Londres, & puis de France j’espère. Adieu. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond le 13 octobre 1849
11 heures

Mon dernier mot d'ici. Je pars pour Londres où je passerai trois jours. Mardi je pars, mais le temps est affreux. Mad. de Caraman dit qu’elle m'ac compagne. J’aurai peut-être Kolb. Pour Mussy, je n'y compte guères. Lord John est vraiment triste de me voir partir. Toujours de bonnes conversations avec lui. Je crois qu'à la longue je serais utile un peu. Mais bonjour ! Rien de nouveau. Je suis convaincue que Strattford Canning est l’auteur de tout ceci. Il pouvait empêcher l’éclat. Il me semble que John est de mon avis. Je suis très fatiguée d’arrangements, quel ennui de se déplacer quand on n’est pas une impératrice. Adieu. Adieu. d'ici. Peut-être j'ajouterai un mot de Londres.
Clarendon Hotel 4 heures Je reviens déjà de chez mon oculiste, & de chez mon banquier. Demain est inutile à Londres, il faut tout faire aujourd’hui, & j'ai beaucoup à faire. J’ai eu une bonne lettre d'Aberdeen bien sensée, je l'envoie à Lord John, c’est du bon commérage. Les deux hommes ont du gout l’un pour l’autre. Votre lettre ne me reviendra de Richmond que ce soir.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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215 Baden Samedi 13 juillet 1839, 1 heure

Je me sens un peu mieux aujourd’hui et je crains de vous le dire,car cela me porte malheur. J'aimerais bien mieux que vous me permissiez de ne vous parler jamais de ma santé. M. de la Redorte est arrivé, il est venu me voir. Il cause c.a.d. il raconte, et au fond pas grand chose. Voici la réponse de M. de Bacourt. Ces notions lui ont été fournies par M. de Blittersdorff, le Metternich de ce pays-ci. Des lettres de Constantinople du 25 juin disent que le sultan est dans un état désespéré. Il traînera un mois tout au plus.

5 heures
Voici votre N°214 bien tendre, bien bon, je le relirai souvent. Je vous en remercie. Vous voyez que je puis à peine vous écrire, cela me fatigue, le sang me porte à la tête, je ne suis pas bien. Mais ne vous inquiétez pas. Ecrivez-moi toujours et tout. Adieu. J’ai eu une lettre d'Alexandre, très insignifiante. Il me dit seulement qu’il est très occupé. Mais quand est-ce que quelqu'un prendra la peine de me dire ce qu'on fait ? Adieu. Adieu.

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Paris le 7 juin Vendredi

J’ai trouvé M. Molé, fort malade. très mauvais visage au moins. Jaune, faible. Il a toujours la fièvre. Bonne conversation, rien à relever que vous ne sachiez ou que vous ne deviniez. Il n'était pas bien au courant de la négociation avec Londres. Il croyait toujours que Lahitte ne faiblirait pas. Mais moi je suis convaincue que Lord Palmerston se sera fâché hier de tout accorder, et avec la complicité du télégraphe français vous savez bien qu'en deux heures de temps on peut parler à Londres de sorte qu’en en terminant même qu’aujourd’hui. Cela arriverait encore à temps pour gâter la discussion de ce soir. Quoiqu’il en soit, nos amis de Londres sont des nigauds d'avoir tant attendu. Thiers était du dîner de Hubner. Il m’a dit qu'il a prévenu le Président de son voyage à Claremont et qu'il comptait y aller dans peu de jours croyant le roi assez mal pour craindre qu’il ne meure très incessamment. Je suis sûre qu’il ne sera de vos voyages respectifs comme de vos luttes parlementaires chacun veut garder son discours, pour répondre à celui de l’autre. (tout ce qu’il m’a dit hier m’a prouvé qu’il est entièrement orléaniste.) Pourvu que l’occasion de le faire en vienne à manquer à tous les deux. (Transportez les deux dernières sentences, ce sera plus concret.) On ne sait rien de Varsovie que ce que disent les journaux. Hubner & Hatzfeld sont également perplexes. Schwarzenberg avait quitté Varsovie, & voilà que son empereur s'y rend, c’est au moins ce que dit le télégraphe de Cologne. c’est drôle. Ce qu’il y a de sûr c'est que le Prince de Prusse est allé à Pétersbourg voir l’Impératrice. Lahitte a dit hier à Chreptovitz si Lord P[almerston] me cède tout je ne puis pas ne pas me reconnaitre satisfait. C’est juste.
Je suis de santé comme j’étais à votre départ. Le mien approche le 20 ou 25, mais je crois que Je verrai Chancel avant, parce que que tout le monde traite d’extravagante l'ordonnance d’aller à Aix-la Chapelle pour la poitrine.
1 heure. Ellice me mande que le Cabinet, très alarmé, et craignant une grande majorité contre lui ce soir, & envoyé une pétition à lord Stanley pour la conjurer au nom du bien public, de remettre la discussion à huitaine. Quand on donne des motifs pareils on n'ose pas refuser. Il donc été obligé de fléchir. La discussion est remisé à Lundi 17. Ellice dit qu'il y aura une grande majorité contre le gouvernement. D’un autre côté voici K[isselef] qui apprend, mais par voie détournée, que Brunnow a l'ordre de partir. Je saurai tantôt ce qu'il y a de vrai. Le vrai est que Brunnow avait demandé un congé, Il lui a été accordé pour l’été de 1851. Ceci serait donc un vrai rappel. Il y a une lettre du Prince Albert à l’université de Cambridge qui indique de la défaveur pour le gouvernement. Je n’ai pas lu encore. Vos réflexions sur les 3 millions sont excellentes. J'en ferai usage. Adieu. Adieu. J’attendrai pour ma lettre, mais je n’attends pas de nouvelle nouvelle à vous mandez.

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Paris Mardi le 11 juin 1850

D’abord lady Palmerston. Voici la copie exacte de sa lettre reçue hier. Vous savez que je lui avais recommandé une chanteuse. Faut-il répondre ou me taire dans tous les cas je suis décidée à rire. C’est impayable. Ce qui m’en plait le plus, c’est l’évidence de la mauvaise humeur, ergo la très mauvaise situation. Quoique vous en disiez, je crois cette situation très mauvaise. C. Greville la regarde comme empirée par l’ajournement. du vote & moi j’ai quelque raison de croire que l’affaire ne sera pas arrangée jusqu’à Lundi. J'ai été hier dîner à Enghien avec mon fils, Chreptovitz & Antonini. Charmante journée mais mauvaise nuit de crampes, pas de sommeil du tout. Je fais venir Chancel. Duchatel est venu un moment le soir, je n’ai reçu que lui. J’étais trop lasse. Il croit que la loi passera. Lady Hollande m'écrit aujourd'hui qu’on craint bien là que l’affaire ne soit pas conclue jusqu’à Lundi ; dans ce cas on est battu sans ressource & Lansdown se retire, ce qui entraîne toute la bande. la Princesse [Léonide Galépine] est en effet la sœur de Paul Tolstoy. Mais avec beaucoup d’esprit, & des relations intimes & directes à la cour. Le [?] de Salvandy est historique. Thiers & Cousin me l'ont conté tous deux. C’est plus étonnant que la Révolution de février.
Je n’ai pas des yeux pour vous redire au long, je vais vous voir certainement dans quelques jours n’est-ce pas ? J'ai fait à Passy la connaissance de cousin. Duchâtel m’a confirmé hier soir ce que N[esselrode] m’avait dit le matin sur votre ami. Quelle faiblesse ! Il faut que vous l’ameniez. Je suis si fatiguée de n’avoir pas dormi et si effrayée d'une consultation demain avec Chancel que me tête n'y est pas tout-à-fait aujourd’hui. Adieu. Adieu.

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Paris le 13 Juin 1850

Les nouvelles du roi hier étaient si mauvaises que vos amis espèrent que vous hâterez votre voyage. Molé, hier soir, était consterné de l’idée que vous arriverez trop tard. Assez de monde hier soir. Changarnier, Broglie, Molé, Piscatory, le Chancelier Dumon, Duchâtel, tous les gros diplomates. Piscatory pour la dotation tout-à-fait. Chang[arnier] m’a conté que la veille Normanby avait eu une énormément longue conférence avec Lahitte de nouvelles propositions que celui-ci repousse. Cependant Il a fallu tenir un conseil hier. A l'unanimité rejet des propositions de l'Angleterre. comme il y avait eu des méprise sur les conversations. Le militaire a tout rétabli dans une dépêche qui sera portée à la tribune en son temps. En attendant Normanby a dit à [Rnoff] hier, qu'il était honteux de ce marchandage, & il a laissé deviner que Samedi Pal[merston] rendrait les armes. Je mande tout cela à notre ami. Voici une lettre de lui à l’instant même. L'affaire finie on non, si Lord P[almerston] en sort humilié, c’est égal pour la discussion de Lundi. Il ne se dit pas tout-à-fait confiant pour le vote. Peel travaille contre. D’un autre côté Beauvale retire son propos au gouvernement. Ce sera très balancé. Girardin est député. Cela fâche ici. Je n’ai pas trouvé que Molé eut l’air content hier.
Ce n’est qu’aujourd’hui que j'ai la consultation. Je n’en ai pas dormi la nuit, de peur. Vous avez raison pour lady Palmerston. 2 heures Adieu. Adieu. Je tremble de la consultation dans une heure. Adieu. Voici un billet de tout à l'heure

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Ems Lundi 8 Juillet 1850

Enfin deux lettres de vous du 3 & du 4. Une d’Aberdeen du 5. Le plus vif chagrin. Perte nationale. Ressentie par la nation toute entière, depuis la Reine jusqu'au laboureurs. Jamais ou n’a vu un deuil un chagrin aussi général. Le plus grand homme qu’ait eu l'Angleterre, & pour Aberdeen un ami de 50 ans. Il n'a pas cœur à me parler d’autre chose, ni à spéculer "on the probable consequences of this calamity in our political combination. The session of Parliament will be brought to an early termination." Vous voyez par les journaux toutes les démonstrations. Certainement tout cela prouve que vous et moi nous le mettions un peu au dessous de son mérite. Il n’y a rien à dire devant une opinion aussi universelle. Toutes mes autres lettres d'Angleterre me manquent. J’ai vu hier la duchesse d’Istrie & les deux petites princesses de Beauvale, celle qui est fille du Duc de Mortemart est fort gentille. Mon fils me quitte demain. C’est un grand chagrin pour moi. Aujourd’hui j’ai commencé à boire, par un temps pluvieux, & froid. C’est du guignon. Ah qui je vais m'ennuyer !
Je trouve bien bonne la dernière partie de votre lettre au sujet de l’institut. Je crois que les mois prochains vont être bien fades. Si les vacances de l’Assemblée sont longues il y aura de quoi s’endormir. Ici c'est l’occupation obligée de tout ce qui marche sur deux pieds. Vous ne vous figurez pas l'ennui de ce lieu. C’est pire que ce que j’avais craint. Adieu de peur de trop. vous faire goûter les plaisirs d’Ems. Adieu.

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Paris le 14 Juin 1850

D'abord, je ne suis pas poitrinaire. Je respire. Chancel veut que j'aille à Ems le 1er juillet. Le détail je vous le dirai. Je vois par votre lettre ce matin que vous ne hâtez pas votre arrivée ici. Duchâtel part Dimanche à 8 h. du matin avec Broglie. Vous ne les verrez donc pas ici. J'ai eu hier une seconde lettre. de Lord A[berdeen]. très bonne. Je l’ai envoyée au G[énéral] Lahitte. J’ai vu hier comme de coutume beaucoup de monde. Ste Aulaire entre autre, qui voudrait bien savoir si vous voulez être porté à l’Institut. Je lui ai dit que je croyais que non. Ai-je mal fait ? Je compte que vous dînerez avec moi dimanche, car sans cela nous aurons bien peu de temps pour nous voir. 1 heures Je viens de voir un de vos fidèles. Il trouve et les autres aussi, qu'il faudrait absolument que vous allassiez tous ensemble. Et puisque Beauvale veut absolument partir Dimanche matin on essayerait de le faire retarder jusqu’à Dimanche soir. Ou bien on vous engagerait bien à ne faire que traverser Paris pour partir avec lui dimanche matin aussi. Ils ont tous l'air de tenir tant à ce que vous & Beauvale allassiez ensemble, que je suis obligé de le désirer aussi et de me résigner à ne pas vous voir à votre passage. Vous me retrouveriez à votre retour. Voyons ce que vous déciderez.
Je me suis trouvée hier soir dans un cercle de [pointus] chez la vicomtesse. Ah, c’était drôle. La dotation. J’ai dit qu'il fallait la voter. M. de la Rochejaquelein était d'une courtoisie pour moi qui était presque de la platitude. On a parlé de prorogation des pouvoirs, et on m’a demandé si je voulais que cela fût voté aussi. Pourquoi pas ? Mais consultez-moi dans deux ans, en attendant votez les 3 millions. Votre nom était prononcé là avec beaucoup de respect. Si je ne vous vois pas, vous saurez de mes nouvelles dans un grand détail par quelqu’un qui vous attendrait chez vous dès 5 heures du matin dimanche. Quel dommage que vous n’arriviez pas demain. ! That would have been the thing. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Le 28 juin 1850

N'attendez pas un mot de nouvelle de moi. Je suis vraiment malade de fatigue, de chaleur. Ecrivez-moi toujours à Paris jusqu'à nouvel avis. Je n'ai rien de Londres du tout aujourd’hui. J’ai lu le discours de Palmerston. Il fera du mal. Voyons ce que dira Peel ! Personne en devine le chiffre du vote. On va de 70, à 15. Demain au plus tard il faut que la télégraphe parle. Certainement c'est bien dommage de partir. Tout juste dans ce moment. Mais il faut bien prendre mon parti : plus je reste, plus je dépéris. On dit que si l'Assemblée ne votait pas la dotation, c’est l’armée entre autres qui l’eut fait. Adieu. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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213 Baden Jeudi 11 juillet 1839 à 9 heures

J’ai passé une bien mauvaise nuit ce qui m’affaiblit encore. Je reprends tout à fait ma nouvelle sur le mariage Darmstadt. Il se fera. Le grand duc est décidément épris. Il reviendra à Darmstatd peut être même avant la fin de l’année. Mon fils aîné sera nommé conseiller d’état, quand on est cela chez nous on ira à tout. Je suis charmée ; cela le figera dans la carrière. Il parait qu’il a du succès à Pétersbourg, & que l’Empereur et tout le reste veulent conserver un Lieven pour de hauts emplois. S'il le veut il ira loin et je crois qu'il voudra.

5 heures
Je me sens bien malade, j’ai de la peine à vous écrire, et puis je m'en vais vous en causer de la peine, vraiment je ne sais que dirait le médecin me prie de quitter Bade au moins pour quelques jours. Je n'y puis pas m’y décider parce que dans cet état de souffrance il est absurde de m’en aller courir seule, toute seule ! Je ne sais où. Ah c'est d’être seule qui est affreux ! Jamais je ne l’ai autant senti qu’à présent. Pardonnez-moi mes lettres, vous voyez que je n’ai pas ma tête à moi. Et si je ne vous écris pas. Vous me croirez morte. Je vous écris donc & je vous dis tout. Je ne mange plus depuis huit jours mes forces diminuent beaucoup. Je dors encore mal, mais je dois. Mon pouls est bien faible, ma mine affreuse, ma maigreur plus grande qu’a Paris ; vous savez tout. Mais vous ne saurez pas me dire ce que je dois faire. Retourner à Paris serait absurde, enfin tout est absurde. Adieu. Adieu. Je n'ai que vos lettres pour me soutenir.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Samedi 29 Juin 1850

Ce n’est pas Aix-la-Chapelle. C'est à Ems que je vais en droiture. Je voulais partir ce soir. Je remets, car il ne fait plus si chaud, et une nuit gâtée peut me fatiguer beaucoup. Ce sera demain matin ou lundi. Adressez toujours ici jusqu’à nouvel avis. Je n'ai qu’un mot de Greville qui convient que le discours de Palmerston a été superbe et qu'il a produit un prodigieux effet. Cependant il ajoute, que le fond manque, & que ce n’est pas du tout une réponse à Graham. En somme Il regarde tout ceci comme d’un effet important & dangereux pour la politique de son pays. Voyons Peel ! Aurait-il parlé ? & qu’aura-t-il dit ?
Hier la journée prise par les adieux, que suis restée toute fatiguée. J'ai reçu Duchatel qui avait passé cinq jours à la campagne. Il ne savait rien. Montebello hier a voté aussi contre la loi des Maires. Il ne dit pourquoi, je l'ai oublié... Je crois que c’était pour ne pas diviser la majorité. Le président est de bonne humeur. Il a donné à dîner aux Normanby avant hier. Mardi Lahitte les fait dîner chez lui. Hubner est parti hier soir pour Vienne. Il est venu me dire adieu très abruptement. 2 heures Ellice d’hier soir. Situation de plus en plus tendue & périlleuse. Beau discours de Gladstone & autres. Les grands n'ont pas encore pris la parole. Peel. John, Disraeli, Cobden. Bright. Le débat ira jusqu'à lundi probable ment. Les chances de bonne majorité diminuent à moins de 37 les ministres se retirent. On dit que les Peelistes font des arrangements avec les protectionnistes, pour le cas où les princes seraient appelés au pouvoir. 1ère condition. Pas de dissolution. Mon opinion est qu’on ferait un ministère mixte. Peelistes & Whigs modérés. Ou bien Protectionnistes modérés, s'il y en a et toujours les amis de Peel ! Que Wellington s'en mêlera. Nous verrons. Toujours c’est bien gros, et peut devenir bien grand. Greville m'écrivait du 27. Ellice du 28.
En sortant de chez le duc de Cambridge jeudi la reine a été frappée au visage, par un officiel en retraite avec la canne de cet officier. Elle a paru à l'opéra le soir, grand enthousiasme pour elle.
Les radicaux veulent donner un grand dîner à Palmerston à un des grands théâtres. Tout cela c'est la révolution. Il faut l’arrêter à temps, & c'est ce qui me fait croire au changement de ministère. Viel-Castel et Kisseleff chez moi ce matin de bonne heure. Mareschalchi parle aussi de déconvenue possible pour le g[ouvernement] mais il n’est pas aussi explicite & détaillé qu’Ellice. Il finit en me disant souligné I think there must be change. Adieu. Adieu. N’est-ce pas triste de partir à la veille de mon triomphe ? Mais vous voyez bien que cela entraîne trop loin ce n’est que le télégraphe de Mardi qui annoncerait le vote. Je ne partirais donc que Mercredi. Trop long. Je suis emballée. Adieu. Ecrivez toujours ici.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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212 Baden le 10 juillet 1839 9 heures

La mort de cette pauvre Lady Flora Hastings me parait un bien mauvais événement. Si vous causez avec Pozzo demandez lui ce qu'il pense de l’impression que cela fera sur l'opinion. En général Pozzo doit être curieux à questionner et à entendre. Je regrette de ne pas le voir. Vous me faites plaisir en m’annonçant Zéa. Mais il est bien sourd et je suis bien faible.
J'entends beaucoup dire que Bade est bien mauvais pour les personnes qui souffrent des nerfs, et maintenant je me souviens que je l'ai éprouvé moi-même les deux fois que j’y suis venue. Vous m’avez dit et même écrit je crois, que j'oubliais trop facilement tout ; vous avez raison, non pas pour tout, mais pour la plupart des choses qui me touchent. Je ne profite pas de l’expérience, il faut convenir que l’affaire de Bade est une pauvre bêtise de ma part, maintenant dites-moi où il faut que j’aille ! Et voyez un peu tous les inconvénients matériels et moraux qu'il y a pour moi à un déplacement. Je vous assure que j'en suis toute consternée et surement il faut prendre un parti car tous les jours je suis plus mal, & c’est visible. M. de Bacourt va prendre des renseignements sur M. Buss et vous les aurez dans peu de jours. Tout ce qu’il en sait c’est qu’il est professeur de l’université de Fribourg.
D’après les dernières nouvelles de Vienne, l’état du Sultan est désespéré ; cela va faire une grosse complication. Je vous remercie de vous promener aux Champs Elysées en pensant à moi. Je me trouve un si pitoyable objet que j’ai peine à comprendre qu'on y pense. Mon Dieu que je suis découragée ! Voilà le médecin qui sort de chez moi, et qui me conseille d’aller chercher les bains de mer. Mon pouls l'inquiète et il veut je crois se débarrasser d'un malade compromettant. Mais avec qui aller, où aller ?

5 heures
J’ai vu une lettre de Vienne dans laquelle il est dit que le Cabinet est consterné de la nouvelle de Constantinople. Le Prince de Metternich se flatte d’établir une conférence à Vienne sur les affaires de l’Orient. J"en serais fort étonnée. Voici votre lettre. Que vous êtes bon de m’écrire si assidûment que vous me faites plaisir. Je n'ai plus que ce plaisir. Je n’attends que cela, je n’aime que cela. Adieu dans ce moment je me sens un peu mieux. Vous voyez que j'ai hâte de vous le dire. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Bruxelles Mardi le 2 juillet 1850
8 h. du soir.

Ah quelle fatigue ! Levée à 4 h. du matin, un accident de route & arrivée ici éreintée. Avant de me coucher je veux vous dire un mot. Neumann est accouru chez moi. Il paraît que le roi ne comprendrait pas que je ne l’allasse pas voir. Cependant je suis si lasse, et si pressée d’arriver à Ems. Hier soir Molé est venu causer avec moi il avait passé quelques jours à la campagne. Il a retrouvé dit-il de l'anarchie dans l’assemblée. ne s’y préoccupait hier beaucoup de l’article du Constitutionnel qui annonce un avènement. Tout le monde croit que l’époque de la prorogation de l’Assemblée sera mise à profit pour tenter quelques chose. Je ne crois pas. mais il faut que Changarnier se tienne bien car on pourrait alors essayer de se débarasser de lui. J’ai bien du regret, il a paru chez moi hier deux fois, & je n'y étais pas. Molé me dit de lui que ses propos sont les mêmes.

Mercredi le 3 juillet onze heures.
La fatigue m’a rendue malade. Mon estomac bouleversé. Il me faut du repos, cependant je veux partir demain. Je déteste de traîner en route. L’accident arrivé à Peel est très grave. On m'écrit de Lundi qu’on doutait qu'il ne revienne. La chute était dit-on une apoplexie. S’il venait à mourir ce serait bien gros ? D'un côté rien ne ferait plus obstacle à l’union des partis, de l’autre si l'Angleterre est menacée d'une crise elle perdrait en Peel le seul homme capable de régler ce mouvement. Quelle destinée ! Nous verrons. Mes correspondants, Greville & Ellice ne me parlent que de cela. Ellice comme d'un great loss for the government. Je sais que la reine déteste plus que jamais lord Palmerston. L'exposition des industries anglaises et étrangères est près de faire naufrage. Le Prince Albert est furieux contre Brougham qui a soulevé à la Chambre des Lords la question du bâtiment à Hyde Park. Adieu. Je ferme ma lettre, voilà l'heure de la poste. J’ai eu la vôtre de Lundi ce matin à mon réveil. Adieu. Adieu. Adieu.

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Bruxelles jeudi 4 juillet 7 h. du matin

Je vais partir, bien fatiguée. Je vous ai dit n’est-ce pas que mon fils Alexandre me mène à Ems, il n’y restera avec moi que deux jours. J’ai pris un Médecin allemand Kolb que vous connaissez. Aujourd’hui la princesse Chreptovitz chemine avec moi jusqu’à Cologne. Hier j’ai vu le roi pendant une heure bonne conversation, intéressante, plus que jamais plein de sens, de bonne vue, de jugements excellents sur toutes choses quelques notions de plus sur l'Angleterre. Ainsi Lord Palmerston disant au Ministre du Brésil qu’il lui était bien égal que le Brésil fut république ou Monarchie. La reine des Belges assez bonne mine.
J'ai beaucoup causé avec M. van Pradt, beaucoup d’esprit. Et avec lui la causerie a été à fond sur tout ce qui vous préoccupe en France. J’ai raconté et insisté, sur la minorité de bons conseils là où ils sont si peu écoutés. Il est entré dans tout ce que je lui ai dit avec réserve et intelligence. Neumann m’avait beaucoup dit que je pouvais en sûreté causer avec lui, et que ce serait utile. J’ai vu les Metternich un moment. Enfin ma journée a été pleine. Ma nuit meilleure que l’autre, & je pars en meilleur état que je n'étais arrivée. Voilà mon histoire jusqu’aujourd’hui. What next ? Adieu. Adieu. Adieu

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Ems Samedi le 6 Juillet 1850
Midi

Si je reviens jamais à Paris, je suis bien décidée à n'en plus sortir. Quelle histoire que celle de mon voyage, & quel début à Ems. Arrivée hier soir bien fatiguée J’ai passé deux heures allant de porte en porte demander un gite. Pas un. Nulle part, une chambre. Enfin dans une tabagie à côté de buveurs, une pièce avec deux lits moi & ma femme de chambre. Pas un domesti que dans la maison. Mon fils mon docteur, mes trois domestiques chacun éparpillé dans des granges. Je ne sais où. La perspective de m’en retourner aujourd’hui à Paris. Enfin depuis une heure on m’a trouvé quelque chose de bien mauvais, mais enfin je suis logée avec mon monde. Un immense rocher derrière moi et une jolie vue en face.
Je suis très abîmée du voyage et des agitations de tout genre. Ainsi hier l’université de Bonn avec moi sur le bateau. Chantant d'atroces chansons. Ah le vilain pays. J’avalerai Ems pendant 3 semaines ou 4. Et puis bon jour, on ne m’y rattrapera plus. Je verrai aujourd’hui le médecin du lieu pour régler mon régime. Je serai bien docile. J'essaierai de croire qu’Ems m’aura fait du bien.
J'ai bien à rattraper. Pas une âme de connaissance dans une énorme liste d'étrangers ainsi la solitude dans la foule. Je vois Londres & Paris comme dans un nuage, bien loin, bien loin. Pour tout ce qui n’est pas affection la distance est mortelle, l’intérêt s'en va. Si je reprends des forces je recommencerai à y penser. Mon fils me quittera dans très peu de jours. Je n'ose pas le retenir. Ceci est trop ennuyeux. Je vais bien vous ennuyer aussi. Qu'aurai-je à vous dire ? Les lettres partent d'ici à 8 h. du matin. Il faudra donc toujours qu’elles soient écrites de la veille. Je vais voir comment m’arriveront les vôtres. Je n'ai rien trouvé, la poste entre à 6 h. du soir. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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211 Baden lundi le 8 juillet à 1 heure

Je ferais bien mieux de ne pas vous écrire aujourd'hui. Vous ne sauriez concevoir combien je me sens malade. Voici quatre jours que je ne mange plus. Les bains il n'en sera plus question, ils m'ont abîmé. Je me traîne encore mais je ne sais vraiment si je me traînerai longtemps. J’ai l’air aujourd’hui d’une personne qui sort d’un tombeau. Voyez vous je ne devrais pas vous dire toutes ces choses là, je vous les dis parce que vous voulez la vérité. Il vaudrait donc bien mieux ne pas vous écrire. Que j'avais raison dans un triste pressentiment lorsque je vous ai quitté ! Pourquoi suis-je partie ? Je sentais que je ne pouvais plus rester, et il me semblait en même temps que je ne pouvais plus revenir. Est-ce que je ne reviendrai pas ? Mon dieu que je suis triste et faible.

Mardi 8 heures
Vous voyez bien pourquoi vous n'avez pas eu ma lettre d’hier. Il n’y avait pas moyen de vous envoyer cette triste page. Et aujourd’hui je n'ai rien de mieux à vous dire. J’ai essayé de marcher comme de coutume, mais mes jambes se refusent . Si je pouvais manger je me soutiendrais, mais je ne puis rien prendre. J'ai du dégoût pour tout. votre lettre à fait l’événement et le plaisir de mes journées. J’ai mené Madame de la Redorte en calèche le soir ; je ne suis pas difficile, il me faut quelqu'un. La pluie nous a surpris. J’ai passé un moment chez Mad. de Nesselrode ; nous avons causé jusqu'à neuf heures. C’est l'heure où je vais me coucher. Je mène une bien triste vie. Je maigris de cela autant que du bains.
Vous ne me dites pas si vous avez vu Pozzo. Comment le trouvez-vous ? Malgré ce que je vous ai mandé l’aube jour et qui est vrai, je vois que le mariage à Darstadt se fera. Le grand duc est épris et a pleuré en se séparant de la petite princesse. Cela suffit, l’Empereur fera sur cela la volonté de son fils. Il sera absolu dans tout le reste mais dès qu'il s’agit d'inclination, de bonheur de ménage, il fléchit.
Adieu, quelle lettre ! Comment vous envoyer cela ? Ah que je voudrais vous en écrire de meilleures, me sentir un peu de force, un peu de courage, mais tout me manque. Ne m’abandonnez pas. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems Dimanche le 7 juillet 1850

Pas de lettre, ni de vous, ni de personne c'est inconcevable. Si je n'en reçois pas aujourd’hui, il faudra. que vos lettres reprennent le chemin de Paris. Car ce que Stybon m'envoie m’arrive exactement. Je suis désolée de cette longue privation de vos nouvelles. Désolée ainsi de n’avoir rien d'Angleterre. Il est impossible qu'on ne m’ait pas écrit. Plus je pense à la mort de Peel, plus je trouve cela un gros événement, & un grand malheur. Quelle sensation cela a produit ! Quel hommage universel. Et comme tout est frappant là dedans. Vendredi son dernier discours. Samedi l'horrible accident et quelle belle mort ! Avez-vous lu le Galignani du 4 afternoon edition ? Tout s’y trouve. Les derniers moments, et les réflexions de journaux. Le Times admirable. J’ai fort aimé les Débats aussi.
Je n’ai pas à vous entretenir d’autre chose. Je n’ai vu ici que le médecin du lieu. Demain je commence. Nous verrons si Ems me va. Le pays est superbe. J’y ferai bien des belles promenades, et je m’y emmenerai bien convena blement. Toujours, pas une avec de nom connu. Personne. C’est trop peu. La Princesse de Prusse réside à Coblence, mais elle ne vient jamais ici. 4 heures. Il y a ici un Rothschild very usefull man. Il me dit qu'il faut mettre sur les lettres par Coblence. Ainsi ne l'oubliez pas. Adieu. Adieu.
Comme nous sommes loin.
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