Lettre de Francis Philip Nash à Émile Zola datée du 9 février 1898
Auteur(s) : Nash, François Philip
Transcription
Texte de la lettre40 Via Lombardia (Int. 4)
Rome 9 Février, 1898
Monsieur,
On dit que vous serez condamné. Le Christ l’a bien été avant vous. Tout ce que vous avez écrit, tout ce que nous avons admiré dans votre œuvre éblouis par votre génie, charmés par votre style inabordable _ tout cela ne vaut pas l’héroïsme, le courage, le dévouement dont vous avez fait preuve. L’humanité vous doit une reconnaissance inépuisable. De la France, vous êtes trop bon Français pour qu’on puisse vous en parler aujourd’hui. Nous l’avons admirée, nous l’avons aimée notre chère France, et elle, elle a bien mérité qu’on l’aimât, tant qu’elle portait le drapeau de la liberté et qu’elle montrait à l’humanité le chemin du progrès et de la justice. Aujourd’hui nous l’aimons encore, et nous espérons comme peut espérer la mère d’une fille fourvoyée, en priant que le châtiment inévitable ne soit pas aussi terrible que nos craintes.
Quant aux lois qu’on vous applique, nous disons ce qu’a dit un de vos poètes.
Dracon donne la main à Busiris ; la Mort
Se fait code, et se met aux ordres du plus fort,
Et le dernier soupir livre et divin s’exhale
Sous la difformité de la loi colossale :
Et à vos juges, dans le langage du même poète,
Le fourbe Gaïnas et le louche Bourbon
N’ont trahi que des rois dans leur noirceur profonde,
Mais vous, vous trahissez la liberté du monde ;
Car enfin n’est-ce pas l’opinion, la foi, les aspirations du monde civilisé qu’ils méconnaissent, qu’ils trahissent ? Si l’on se permettait la note gaie en parlant d’une chose si grave, ne dirait-on pas que la justice française, en pesant contre l’opinion éclairée du monde entier les intérêts mesquins d’une immonde coterie renouvelle le phénomène du jugement de Mourat :
Du côté du pourceau la balance a penché ?
Hélas ! là, du moins, c’était du côté de la miséricorde. Ici c’est du côté de la cruauté. Mais le monde, la France même vous vengera.
Agréez, Monsieur, toute l’admiration et toutes les sympathies d’un Américain pour qui vous êtes aujourd’hui tout ce qu’il aime et toute ce qu’il honore dans la pays qu’il a tant aimé et admiré toute sa vie.
Signature : Francis Philip Nash.
Rome 9 Février, 1898
Monsieur,
On dit que vous serez condamné. Le Christ l’a bien été avant vous. Tout ce que vous avez écrit, tout ce que nous avons admiré dans votre œuvre éblouis par votre génie, charmés par votre style inabordable _ tout cela ne vaut pas l’héroïsme, le courage, le dévouement dont vous avez fait preuve. L’humanité vous doit une reconnaissance inépuisable. De la France, vous êtes trop bon Français pour qu’on puisse vous en parler aujourd’hui. Nous l’avons admirée, nous l’avons aimée notre chère France, et elle, elle a bien mérité qu’on l’aimât, tant qu’elle portait le drapeau de la liberté et qu’elle montrait à l’humanité le chemin du progrès et de la justice. Aujourd’hui nous l’aimons encore, et nous espérons comme peut espérer la mère d’une fille fourvoyée, en priant que le châtiment inévitable ne soit pas aussi terrible que nos craintes.
Quant aux lois qu’on vous applique, nous disons ce qu’a dit un de vos poètes.
Dracon donne la main à Busiris ; la Mort
Se fait code, et se met aux ordres du plus fort,
Et le dernier soupir livre et divin s’exhale
Sous la difformité de la loi colossale :
Et à vos juges, dans le langage du même poète,
Le fourbe Gaïnas et le louche Bourbon
N’ont trahi que des rois dans leur noirceur profonde,
Mais vous, vous trahissez la liberté du monde ;
Car enfin n’est-ce pas l’opinion, la foi, les aspirations du monde civilisé qu’ils méconnaissent, qu’ils trahissent ? Si l’on se permettait la note gaie en parlant d’une chose si grave, ne dirait-on pas que la justice française, en pesant contre l’opinion éclairée du monde entier les intérêts mesquins d’une immonde coterie renouvelle le phénomène du jugement de Mourat :
Du côté du pourceau la balance a penché ?
Hélas ! là, du moins, c’était du côté de la miséricorde. Ici c’est du côté de la cruauté. Mais le monde, la France même vous vengera.
Agréez, Monsieur, toute l’admiration et toutes les sympathies d’un Américain pour qui vous êtes aujourd’hui tout ce qu’il aime et toute ce qu’il honore dans la pays qu’il a tant aimé et admiré toute sa vie.
Signature : Francis Philip Nash.
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