Dans ses Mémoires [...], Guizot ne manque pas de revenir sur les conditions de 1839 qui l'ont amené à Londres et comment il s'est intéressé à la politique extérieure de la France.
Mémoires [...], Tome quatrième, p. 323
Le ton de Guizot n'est plus celui du retrait d'avril 1837, (Voir la collection 1837-1839 : Vacances gouvernementales)
Je fus appelé le 2 juillet 1839, dans la Chambre des députés, à caractériser avec précision la politique que devait adopter, à ce sujet, la France. Je reproduirai ici mes ropres paroles de cette époque, car elles sont encore aujourd'hui l'expression vraie de la ma pensée :
Mémoires [...], Tome quatrième, p. 326.
Tout s'articule autour de l'affaire d'Orient : les relations entre la France, l'Angleterre et la Russie et l'engagement publique de Guizot. Les débats autour de l'affaire d'Orient commencent le 1er juillet. Guizot n'est pas si sûr de lui avant les débats. Il écrit à Dorothée le matin du 1er juillet :
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Après avoir entendu les premières prises de parole à la Chambre, Guizot a pris sa décision et est prêt à prendre la parole.
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Guizot souligne comment l'affaire d'Orient devient un objet et un enjeu au sein du parlement. Il s'en saisit. Guizot écrit à Dorothée le lendemain le 3 juillet :
J’ai parlé hier. Vous lirez cela. Je regrette bien que nous ne puissions en causer à l'aise. Je suis sûr que j’ai bien parlé. J’ai réussi beaucoup auprès des connaisseurs, convenablement auprès des autres. La portée de ce que j'ai dit n'a pas été vue de tous. [...] Quelques uns ont trouvé que je parlais trop bien de votre Empereur, & se sont étonnés qu’en parlant si bien, je n'en parlais pas encore beaucoup mieux. Je crois avoir quant aux choses mêmes, touché au fond, et quant à moi pris la position qui me convient. Vous savez que je suis optimiste, pour moi comme pour les choses. [...] En tout, c’est un grand débat. Et n'oubliez pas ce que je vous disais hier. Pour la première fois, la question est entrée très avant dans la pensée publique. Elle y restera. Elle s’y enfoncera. A mesure que les événements se développeront. S’ils se développent, le Gouvernement peut venir demander aux Chambres ce qu’il voudra, elles le lui donneront. Et si les événements se développent sans lui, il aura grand peine à rester en arrière.
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Le 3 juillet, quelques jours après son intervention à la Chambre, Guizot exprime des interrogations et des doutes qu'il aimerait partager avec Dorothée :
Je voudrais vous renvoyer tous les doutes, toutes les inquiétudes que suscite mon discours. Suis-je Anglais ? Suis-je Russe ? Pourquoi ai-je dit que l'Angleterre se trompait quelquefois ? Pourquoi ai-je fait tant de compliments à l'Empereur ? J'admire les badauds et les malices qu’ils voient partout.
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Mon discours devient très populaire. Tout le monde s’y range. Mais tout le monde est persuadé que je veux être Ministre des Affaires étrangères, et que je n’ai parlé que pour cela. J’admire tout ce qu’on suppose et tout ce qu’on ignore en fait d’intentions.
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J’ai lu et relu votre discours. Relu surtout le passage sur l’Empereur dans l’intention de bien me rendre compte de l’effet qu'il peut produire chez nous. Le personnage principal ne peut pas en méconnaître la vérité, mais elle ne lui plaira pas. Ceux qui après lui comprennent seront contents. Moi je suis très contente de tout votre discours et soyez sûr que je suis difficile. J’ai voulu commencer ma lettre par vous dire cela.
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Cette situation immobile, cette diplomatie monotone, complétement inefficaces à Londres, inquiétaient et lassaient à Paris les hommes politiques du cabinet, M. Duchâtel, M. Villemain, M. Passy, M. Dufaure. Ils se demandaient s'il n'y avait pas moyen de tenter des voies plus nouvelles et d'exercer, sur les idées et la marche du gouvernement anglais, plus d'influence. Le général Sébastiani ne leur était pas très sympathique [...]. il ne semblait pas le représentant vrai du cabinet français, ni l'interprète efficace de la politique que les récents débats de nos Chambres avaient fait prévaloir. J'avais soutenu, dans la Chambre des députés, cette politique ; je l'avais comparée à celle des autres grandes puissances, notamment de l'Angleterre, en m'appliquant à en faire ressortir la convenance européenne. [...] " Le premier des intérêts pour la Grande Bretagne, c'est que la Russie ne domine pas en Orient. S'il m'est permis d'exprimer ici une opinion sur la politique d'un grand pays étranger, il y a, je pense quelque faiblesse, de la part de l'Angleterre, à écouter des susceptibilités jalouses, ou bien tel ou tel intérêt commercial momentané, au lien d'employer tous ses efforts, toute son influence pour consolider ces états nouveaux et indépendants qui peuvent, qui doivent devenir de véritables barrières contre l'agrandissement indéfini de la seule puissance dont, en Orient, l'Angleterre doive craindre la rivalité. "
On trouvait à la fois dans ce langage, une vraie sympathie et une ferme indépendance envers la politique anglaise, des gages d'entente comme de résistance, et peut-être aussi des chances d'efficacité.
Mémoires [...], Tome quatrième, pp. 370-372
Les considérations parlementaires se joignaient aux motifs diplomatiques. Présent à la Chambre et pourtant en dehors du cabinet, j'étais pour lui, sinon une inquiétude, du moins en embarras ; je le soutenais loyalement, mais je ne partageais pas sa responsabilité. Eloigné de Paris, je ne le gênerais plus dans les débats et je lui serais plus intimement associé. Après s'en être entendus avec le maréchal Soult et tous leurs collègues, ceux des ministres qui étaient mes amis particuliers me demandèrent si j'accepterais l'ambassade de londres, et s'il me convenait que le cabinet en fit formellement au Roi la proposition.
Elle me convenait en effet. Je pressentais que la session prochaine serait aussi embarrassante pour moi, à cause du cabinet, et que pour le cabinet à cause de moi. Sa politique avait été peu efficace et sa situation serait évidemment précaire. En m'éloignant, je me plaçais dehors des menées comme des luttes parlementaires, et dans une position isolée, à la fois amicale et indépendante. Je partageais, d'ailleurs, dans une certaine mesure, les illusions des partisans de Méhémet-Ali ; je croyais à sa force, aux dangers que sa résistance obstinée pouvait faire courir à la paix européenne, à cet égard, sur les idées et les résolutions du gouvernement anglais, quelque influence. [...] J'acceptai l'offre du cabinet.
Le roi Louis-Philippe s'y montra d'abord contraire [...] Le roi ne manquait point de confiance en moi, dans mes vues générales et dans ma fermeté à les soutenir ; mais j'étais homme de Chambre autant que de gouvernement ; je voulais l'intime union et l'action concertée de la Tribune et de la couronne ; je venais de prendre une grande part à la coalition ; le Roi savait mettre de côté ses déplaisirs, mais sans les oublier. Il résista quelque temps à la demande du cabinet. Cependant, à l'extérieur et à l'intérieur, la situation devenait de plus en plus pressante ; la Russie gagnait du terrain à Londres. [...]. Le cabinet insista fortement ; ceux même des ministres qui n'étaient pas mes amis particuliers, M. Dufaure entre autres, se montrèrent résolus à faire de ma nomination une question de cabinet. Le Roi céda. Le 5 février [1840], ma nomination fut signée et publiée. Qunze jours après, le rejet, sans discussion, du projet de loi de dotation plaça le cabinet dans une situation très incertaine, et je partis pour Londres le 25 février pressé d'échapper aux troubles, aux hésitations, aux menées, aux tentatives, de Chambre et de cour, qui étaient sur le point d'éclater.
Mémoires [...], pp. 372-374.
M.D.
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Les documents de la collection
263 notices dans cette collection
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Fiche descriptive de la collection
- Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
- Guizot, François (1787-1874)
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