1837-1839 : Vacances gouvernementales
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857) ; Guizot, François (1787-1874)
Guizot décrit son état d'esprit alors qu'il prend du recul par rapport à la vie politique. Le 2 juillet 1837, il écrit à Dorothée :
En 1814, la Restauration l’arrache à l’Université et lui confie des fonctions dans les ministères. En 1820, la chute de la Restauration libérale le renvoie à l’Université. Son deuxième cours a pour sujet : l’histoire du gouvernement représentatif en Europe. Il est très politique et sert de prétexte à des attaques contre le gouvernement. Son auteur est suspendu en 1822 et se retrouve sans traitement, obligé de gagner sa vie par des publications diverses. C’est l’époque où il ouvre les chantiers qui occuperont toute sa vie : L’histoire de la civilisation en Europe, l’histoire de France avec les Essais sur l’histoire de France et la collection des Mémoires relatifs à l’histoire de France, qui compte trente volumes, et, troisième chantier, L’histoire de la Révolution d’Angleterre, elle aussi très politique.
G. de Broglie, " Guizot ". Séance du lundi 17 janvier 2004 de l’Académie des sciences morales et politiques, http://www.academie-francaise.fr/guizot-communication-lacademie-des-sciences-morales-et-politiques, consulté le 01 mars 2021.En effet, ces premières vacances politiques dans les années 1820 ont permis l'élaboration d'une oeuvre historique, fondement d'un projet politique. De 1829 à 1832, sont alors publiés les Cours d’histoire moderne. Histoire générale de la civilisation en Europe depuis la chute de l’Empire romain jusqu’à la Révolution française à Paris en six volumes.
Sur la l'Histoire de la révolution d'Angleterre, voir la collection (1 er Juillet- 6 Août) : Les premiers mois de la relation et de la correspondance entre les deux amants)
Un incident inattendu vint remplir et animer les loisirs que me faisait la politique. Le fondateur, par les armes et par les lois, de la république des Etats-unis d'Amréique, Washington avait laissé, à sa mort deux-cents volumes in-folio comprenant sa correspondance, les lettres qu'il avait reçues comme celles qu'ils avaient écrites, pendant le cours de sa vie publique. Le congrès des Etats-Unis acheta de ses héritiers ces précieux papiers et le fit déposer dans les archives de l'Etat. Un habile éditeur, M. Jared Sparks [...] examina, dépouilla et mis en ordre cette grande collection. Il fit plus [...], il rechercha, rassembla tous les documents propres à compléter cette biographie authentique d'un grand homme [...] ; une complète et belle édition des Ecrits et des Lettres de Washington parut à Boston de 1834 à 1837. Dès qu'elle fut terminée en 1838, les éditeurs américains [...] vinrent me prier de choisir, dans ce vaste recueil, les lettres , les pièces qui me paraitraient spécialement propres à intéresser le public français, et d'en surveiller la traduction et la publication. Je me chargeai volontiers de ce soin.
Mémoires [...], Tome Quatrième, pp. 315-316
Prenez-vous quelque intérêt à la politique des Etats-Unis ? J’y pense beaucoup. Je lis Washington. J’ai promis de surveiller la publication de ses écrits en France. Je ferai son portrait comme Brougham, probablement un peu moins vite. A cette occasion on m’écrit et on me parle souvent de ce monde-là, qui deviendra grand quoiqu’il arrive. Vous avez bien raison, en Russie de vous soigner de ce côté. La bonne politique, s’y relève un peu. Du moins la mauvaise s’y décrie. On s’aperçoit que le suffrage universel n’est pas le remède universel. L’aristocratie revient sur l’eau. Elle aura bien de la peine à s’y tenir. Tout le monde a peine à s’y tenir aujourd’hui. C’est le mal du temps. Je serais assez aise de savoir ce que pensera de l’Amérique le ministre Autrichien, M. Marchal. C’est un homme d’esprit.
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Il faut souligner la reflexivité sincère de Guizot pour établir une posture tant d'historien que de politique dans cette étude historique. Ainsi, avant que Guizot n'entame son récit qui fait apparaître une évaluation positive de l'œuvre de Washington et de la fondation d'une république, Guizot trouve la genèse de cette réussite dans les fondements de la liberté établis par l'Angleterre et sa monarchie constitutionnelle. Dès l'introduction de son ouvrage Guizot indique le lien entre l'histoire d'Angleterre et l'histoire des Etats-Unis :
Histoire de Washington et de la fondation de la république des Etats-unis. précédée d'une étude historique sur Washington (7e éd.) / par Cornelis de Witt ; par M. Guizot, pp. 1-2
Dans ses Mémoires, Guizot renseigne ce mouvement réciproque et réflexif entre posture politique et réflexion historique. Il décrit comment l'élaboration d'une étude historique est nourrie par un questionnement politique, d'un point de vue conceptuel, afin de déterminer les principes et les motifs de son action publique. Guizot, qui n'est pas républicain, interroge la forme du gouvernement et ses résultats.
L'examen sérieux des origines et des premiers pas de la grande république américaine a donc, pour nous, aujourd'hui tant d'importance que d'attrait ; nulle part, nous ne pouvons mieux apprendre à pénétrer, en fait de gouvernement, au delà des apparences, à estimer le fond plus que la forme, et à reconnaître quels sont, en tous cas, les crais caractères et les impérieuses conditions de la liberté.
Mémoires [...], Tome Quatrième, pp. 316-317
La forme de gouvernement semble dépendre d'un état de culture, en parlant de Guizot on aimerait même parler de degré de civilisation politique. Cette démarche réflexive s'étend à son intimité :
Mémoires [...], Tome Quatrième, pp. 317-318.
Le questionnement de Guizot sur les issues des révolutions politiques est un axe continu de sa réflexion historique comme politique. Lorsqu'il amorce un troisième mouvement vers l'histoire après la chute de 1848, il ne détermine pas un nouvel objet d'étude. Il complète son ouvrage sur histoire de la révolution d'Angleterre et rédige un essai : « pourquoi la révolution d’Angleterre a réussi. » Sous entendu : « et pas la révolution en France » selon Gabriel de Broglie. (Voir " Guizot ". Séance du lundi 17 janvier 2004 de l’Académie des sciences morales et politiques)
De 1838 à 1839, Guizot montre tout son attrait pour le travail de l'histoire, la lecture des ouvrages, la confrontation des sources et l'élaboration de son discours historien. Il exprime du plaisir au cours de ce processus qu'il qualifie plus de rencontre que d'acquisition de connaissances. En 1840, alors qu'il est ambassadeur à Londres, il se réjouit de la réception de son ouvrage et des commentaires qu'il suscite. En avril 1840 de Londres, François écrit à Dorothée qu'il reçoit "des livres des Etats-Unis d’Amérique où l’on [lui] reproche d’avoir dit trop de bien de Jefferson." (Voir la lettre) En mai 1840, il écrit encore:
Voici ce qu’on écrit des Etats-Unis sur mon Washington : "C’est un évènement ici que l’arrivée de l’ouvrage de M. Guizot, et l’agitation qu’il produit. La traduction anglaise n’est pas encore publiée et répandue. En attendant, on s’en fait traduire et on en colporte des morceaux de ville en ville. C’est un mouvement d’esprit tout-à-fait inaccoutumé, et qui étonne les gens éclairés parce qu’il s’étend aux masses. Ses jugements sur notre gouvernement et nos partis frappent extrêmement. On y trouve bien des révélations et de bonnes leçons pour l’avenir." J’ai bien le droit, n’est-ce pas de vous dire mes plaisirs d’amour propre, comme toutes choses ?
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Sur la réception de son ouvrage sur Washington voir les Mémoires [...], Tome Quatrième, pp. 320-323
M. Dupond (2021)
Les sous-collections
Les documents de la collection
631 notices dans cette collection
En passant la souris sur une vignette, le titre de la notice apparaît.Les 10 premiers documents de la collection :
Citation de la page
Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857) ; Guizot, François (1787-1874), 1837-1839 : Vacances gouvernementales.
Marie Dupond & Association François Guizot, projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle).
Consulté le 04/12/2025 sur la plate-forme EMAN : https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/collections/show/33
Fiche descriptive de la collection
- Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
- Guizot, François (1787-1874)
- France (1830-1848, Monarchie de Juillet)
- Histoire
- Histoire (Etats-Unis)
- Politique
- Politique (France)
- Relation François-Dorothée
